What do we do now ? [Dìs]

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What do we do now ?

Meruva & Dìs

Je contemplais mon reflet dans ma glace, caressant les vestiges de cette barbe dont j'avais été si fière jusque là. Je savais qu'elle repousserait mais je mesurais aujourd'hui à quel point il ne fallait pas prendre une chose pour acquise. Le visage qui se reflétait était pourtant le mien mais je ne me reconnaissais pas, je passais un moment à me contempler ainsi sans pouvoir mettre le doigt sur ce qui avait changé hormis le plus flagrant, caressant pensivement le vestige de ma vanité.
Raeryan m'avait aidée à la tailler ce qu'il me restait, retirant les poils cramés par les flammes et égalisant l'ensemble. J'étais méconnaissable et quand bien même je vivais un immense déshonneur, je me trouvais plus belle que jamais. J'étais libre. Thorin portait la barbe courte pour des raisons bien différentes mais en cet instant, je me sentais plus proche de lui, comme si son regard me rendait le mien dans ce miroir.
Voilà, j'avais trouvé ce qui avait changé chez moi, mes yeux, mon regard. Il s'agissait bien des miens et pourtant, mon regard avait changé. Je n'y lisais plus la peur, je n'y lisais plus la frustration, j'y lisais la détermination, le caractère, la force qui brûlait soudainement en moi. J'étais Meruva.

Raeryan m'avait soignée, réconfortée et refais une beauté. Jamais je n'avais pu compter plus chère amie dans mon cercle intime et jamais je ne pourrais imaginer ma vie sans elle à mes côtés aujourd'hui, nous étions là l'une pour l'autre et aujourd'hui, c'est moi qui avait besoin d'elle. Elle m'avait donné tout ce dont j'avais besoin et bien plus encore, comme on pouvait l'attendre d'une amie.
Dans ses bras, j'avais beaucoup pleuré, toutes les larmes que j'avais contenu devant Loin. J'avais pleuré de peur après ce qui nous était arrivé, de la peur de perdre mon Loin et de toute l'émotion qui m'avait submergé alors. Je m'étais délestée sur son épaule de tout ce qui pesait sur les miennes, me sentant finalement plus légère.
Mon reflet me renvoyait des yeux rougis par les larmes. J'avais la bouche sèche et finissait mon thé d'une traite pour me désaltérer avant d'inspirer profondément. Je devais sortir de ma chambre et me rendre au salon, où Dìs m'attendait depuis quelques minutes déjà. Mon père avait commis un crime impardonnable dans cette même pièce et pour cela, il serait puni. Je pouvais compter sur la naine pour cela, mais j'estimais que j'avais mon regard sur cette affaire, ayant été sa victime. Je me sentais enfin suffisamment forte pour affronter tout cela et quand bien même la raison était sérieuse, je savais qu'elle se comporterait également en amie.

La sœur de Thorin s'occupait de la régence en son absence. Elle m'intimidait quelque peu mais je gardais à l'esprit qu'elle était une naine comme moi malgré le fait qu'elle dégageait un charisme bien supérieur au mien. Gérer les affaires de la montagne, on aurait dit qu'elle était née comme ça. Elle tenait tout d'une main de cher dans un gant de velours et je l'admirais.
Je laissais mes pas me guider jusqu'au salon, me sentant comme une étrangère dans ma propre maison. N'hésitant qu'une demi seconde avant de frapper de quelques coups sec à la porte de bois avant de me stopper net, interpelée par mon geste. J'entrais sans attendre qu'on m'y invite, jetant un regard à l'ensemble de la pièce où je pouvais voir les faits défiler à nouveau devant mes yeux. Elle m'attendait au centre de la pièce et encore une fois, je me sentis toute petite en sa présence. Dìs me faisait l'effet d'être encore une enfant alors que j'étais supposée épouser un jour son frère. Je me secouais intérieurement avant de m'avancer, aussi souriante que possible, lui montrant mes paumes bandées pour attraper ses mains dans les miennes que je pressais pour la saluer comme il se doit malgré la douleur que je ressentais au moindre contact. Je frémissais, fort heureuse des soins apportés par la guérisseuse qui m'avaient grandement soulagés.

« Merci d'être venue si vite. Dirgion... »

Je ne l'appelais pas père car il n'avait rien d'un père pour à mes yeux. Je n'avais rien de plus à ajouter, n'ayant pas vraiment besoin d'expliquer la raison de sa présence ici car l'état de la pièce parlait pour elle-même. Loin avait été laissé aux bons soins de Raeryan que la présence réconfortante et l'aide de Taràk aiderait à remettre sur pied pendant qu'elle traitait de la situation urgente. Quant à mon père, il avait été emmené pendant que je me faisais soigner, et mis aux fers.

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Dìs n'en revenait toujours pas. Lorsque Raeryan était entrée dans son bureau, le souffle court d'être arrivée à toute allure et le visage grave, elle avait soudain eu peur, très peur, de ce qu'elle pouvait bien vouloir lui annoncer. Mais les mots avaient dépassé tout ce qu'elle aurait pu imaginer par elle-même. Et en cette seconde, bien des minutes plus tard, elle n'en revenait toujours pas. Sous ses yeux, la scène se dévoilait comme un champ de bataille laissé à l'abandon après la fin des horreurs. Tout avait été remis à sa place, cela se voyait. Mais çà et là, près du foyer, l'on pouvait observer des cendres et les tapis étaient mités par le lèchement d'une flamme sortie de son antre. Cela suffisait à lui faire revivre en pensées les mots atroces qu'avaient prononcés sa chère amie, qui gardait à présent le petit Loìn afin de l'éloigner du lieu de ce qui n'était ni plus ni moins qu'une agression. Dìs avait pris le temps de lui parler, consciente qu'il avait vu cette terrible scène de ses propres yeux, mais elle savait que Raeryan prendrait bien soin de lui et veillerait à le rassurer autant qu'à lui changer les idées jusqu'à ce que les choses qui devaient à présent être décidées le soient.

Au centre de la pièce, elle attendait, pensive, que Meruva soit prête à la recevoir. Elle n'avait nullement l'intention de la presser en ces heures graves, car elle ne souhaitait en aucun cas ajouter à son malaise actuel. Des bruits s'élevant depuis un couloir, elle fit un signe de la main pour signifier à l'un de ses hommes d'en refermer la porte pour permettre une atmosphère plus sereine. Ou du moins, aussi sereine qu'elle puisse l'être. Lorsqu'elle était arrivée sur les lieux, après avoir laissé immédiatement de côté ses occupations en cours, elle avait trouvé un jeune nain de la garde en train de tenter d'obtenir des informations. Celui-ci, pris de zèle sans doute de la voir arriver, s'était immédiatement empressé de lui signifier qu'il était en train de prendre les déclarations du personnel, mais que pour l'instant il n'avait pas grand chose. Elle lui avait poliment demandé son nom, et ordonné de sortir. Elle en avait assez entendu de la bouche de Raeryan et de Loìn. Bien assez
A présent, les mêmes phalanges qui avaient esquissé l'ordre silencieux la dérangeaient, la gênaient. Elle se permit de demander une bassine à une servante, afin de se laver les mains. Ses doigts la démangeaient, comme souillés d'avoir touché la peau d'un être si néfaste qu'elle ne pouvait que craindre une abominable contagion. Alors elle les rinça longuement, avec application. Lorsqu'elle avait trouvé Dirgion, il était occupé à tenter de désinfecter une plaie qui ne laissait pas de doute quant à sa provenance. Sans attendre de permission, la dame d'Ered Luin et régente de ces montagnes avait récupéré le morceau de coton pour l'imbiber d'alcool. Cependant, le regard du nain avait bien vite changé quand il avait compris qu'elle ne lui faisait nul honneur. Elle avait délibérément fouillé la plaie ouverte par les crocs d'un gamin désespéré, tout en plantant son regard tranchant dans celui de l'individu qui ne méritait pas le nom de nain et les seuls mots qui étaient sortis de sa bouche à son attention étaient des promesses d'avenir plus froides que les glaces éternelles. Il perdrait tout ce à quoi il tenait. Sa liberté, son honneur, son commerce, sa fortune. Il ne lui resterait plus rien et, du fond de sa misérable cellule, il saurait qui étaient responsables pour sa déchéance : les Dames Meruva et Dìs. Et surtout, lui-même. Pendant ce temps, sa fille gagnerait en notoriété et en puissance, gagnant un statut qu'il n'aurait jamais pu rêver d'avoir.
Sur ses ordres, sa garde rapprochée avait mis l'individu aux fers sitôt qu'elle l'avait relâché. Elle avait d'abord demandé à ce qu'il soit placé dehors, avant de se raviser et de l'envoyer dans une pièce de la propriété, hors de sa vue. Puis, elle avait réuni le personnel de Maison pour leur assurer sa protection, s'engageant à leur retrouver du travail s'ils avaient peur d'être renvoyés pour leurs témoignages.

La Dame espérait avoir bien agi envers Meruva, lorsque l'on frappa à la porte. Elle releva la tête dans une posture régalienne pour voir apparaître la silhouette frêle de celle qui, un jour, épouserait son frère. Son regard avait changé, et cela lui perfora bien plus le coeur que la vision de ses blessures. Ce changement, elle l'avait vécu elle aussi alors qu'elle était encore une toute jeune naine. A présent, elles portaient toutes deux le poids de celles qui avaient traversé des épreuves à même de transformer leur peau en carapace de cuir. C'était une chose qu'elle aurait espéré ne jamais voir sa future soeur subir.

« ...va être mis hors d'état de nuire. » Elle termina la phrase de Meruva à sa place, sans pouvoir néanmoins s'empêcher une expiration fébrile. « Oh, Meruva... Je n'avais aucune idée. Je m'en excuse, si j'avais su... je ne vous aurais pas laissé retourner à ce bourreau. » Elle marqua une pause, s'humectant légèrement les lèvres. « Je ne vais pas vous demander de raconter ce qu'il s'est déroulé ici, rassurez-vous. Vous n'aurez pas à revivre cela pour le moment. Mais nous avons des choses à définir ensemble. » Si elle pouvait lui épargner ne serait-ce qu'un seul récit, elle le ferait.

« Dirgion sera jugé et écroué, soyez en sûre. Mais c'est à vous de décider de la façon dont nous procéderons. Si vous ne voulez plus jamais avoir à poser vos yeux sur sa misérable carcasse, vous pourrez témoigner séparément. Si vous voulez le regarder dans les yeux quand sa sentence sera prononcée, cela sera arrangé ainsi. Si vous ne voulez pas que votre récit soit fait public, nous mènerons séance en comité restreint et l'Ered Luin ne connaîtra que ce que vous acceptez qu'elle connaisse quant aux faits qui ont poussé Dirgion aux cachots. Mais si vous vous sentez la force de donner voix devant la montagne entière afin de briser son nom et sa réputation.... je vous soutiendrai aussi. »

Elle la laisser décider de la procédure, de ce qu'elle se sentait capable d'endurer ou non, de ce qu'elle voulait lui faire endurer personnellement. Quels que soient ses choix, Dìs le ferait disparaître au fond d'un trou dont il ne ressortirait jamais.

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Meruva & Dìs

D'habitude, les changements se font progressivement, comme une évolution douce et constante qui vient avec l'âge et l'expérience. Tout le monde change, ou presque. C'est une chose normale qui apporte une continuité à notre développement et à laquelle on apporte généralement peu d'attention. Dirgion, lui, ne m'avait jamais semblé changer. A mes yeux, il avait toujours été le même nain froid et dominateur qui contrôlait chaque aspect de ma vie et de celle de Loin à travers moi. Je l'avais subi enfant et je l'avais encore subi, jour après jour, jusqu'à aujourd'hui. Moi, en revanche, je m'étais vu changer. Je m'étais observée, je m'étais écoutée, je m'étais vu évoluer comme personne jusque là. Et pourtant, ce changement au fond de moi, je ne m'y attendais pas. Si je l'avais remarqué, jamais je n'en avais, ne serait-ce que, mesuré la profondeur et me voir ainsi éclater, découvrir au grand jour celle que j'étais devenue, c'était sans doute le plus grand choc que je devais supporter en ce jour.

On rêve toujours de devenir telle ou telle personne. On observe les gens autour de nous, on prend des modèles, on s'inspire sur notre entourage et ceux qui nous marquent le plus. J'avais grandi seule, isolée de tous et je savais aujourd'hui quelle raison se cachait derrière tout cela, le contrôle que cela lui permettait d'exercer sur moi. J'avais changé aux contacts des gens autour de moi. J'avais changé depuis le moment où j'avais revu Thorin, depuis le moment où j'avais fait mes sorties seule dehors. J'avais rencontré Raeryan, puis Loin, puis Dis, puis Fraia. Autant de modèles dans ma vie qui me manquaient jusqu'ici alors que je ne connaissais que ce qui se trouvait dans les livres. Je me souhaitais douce et avenante comme Raeryan, courageuse comme Loin, forte et charismatique comme Dis et intelligente comme Fraia. Je voulais être toutes ces nains à la fois et je voulais être moi. Je suis sans doute la plus grande déception de mon existence mais dois-je sans doute apprendre à me connaître à nouveau.

C'est devant mon miroir que j'avais passé du temps à me redécouvrir tandis que l'on attendait ma présence dans le salon, ce lieu si paisible où je faisais de la broderie et où tout a basculé. J'étais attendue et je me contemplais tranquillement, sans me presser, cherchant ce qui avait changé. Combien de temps passais-je ainsi ? Je ne saurais trop le dire mais une fois détournée du miroir, j'avais la conviction que je ne pouvais faire marche arrière. Après l'incident, je m'étais changée, mettant ma plus belle robe comme si me sentir belle m'aiderait à me sentir plus confiante. Je ne cherchais pas à provoquer mais je portais la belle robe rouge que je portais le jour où j'avais dansé avec Thorin, j'avais l'impression ainsi de porter une partie de lui avec moi.
Dis attendait au milieu du salon et en entrant, je ne laissais vagabonder que très rapidement mon regard sur la pièce que je regardais soudainement avec des yeux d'étrangère. Seul le visage de Dis me paraissait familier et il me fallu faire preuve d'une énorme maîtrise pour ne pas fondre en larme entre ses mains alors qu'elle s'approchait de moi, culpabilisant. Je puisais ma force en elle. « Je n'aurais jamais pu deviner ce qui allait se passer, ne vous souciez pas de cela. L'important est que nous soyons toujours là. » Je m'approchais et la serrais dans mes bras comme je l'aurais fait d'une amie, ce qu'elle était. Dans cette attitude qui se voulait réconfortante, j'oubliais qui avait besoin de l'être, je m'oubliais. Je réfléchis un instant aux propositions qu'elle me faisait, ne sachant plus où donner de la tête, la seule chose qui me venait à l'esprit chaque fois était le nom de l'homme qui possédait mon cœur. Je ne voulais pas nuire à sa réputation en nuisant ainsi à la mienne. Ma famille s'était suffisamment jeté opprobre pour que cela déteigne sur lui et cette simple pensée m'était insupportable. « Mon roi.. je ne veux pas que.. » Fébrile, je cherchais mes mots, mes yeux papillonnants à vive allure tandis que je m'humectais les lèvres. « Je ne voudrais pas que le déchéance de ma famille jette le déshonneur sur la votre. Que feriez-vous ? » Suppliante, je me tournais vers celle qui avait toutes les réponses. Je n'avais pas peur d'affronter Dirgion mais je craignais le peuple et son opinion. « En cette période troublée, vous n'avez pas besoin d'une mauvaise image. Veuillz m'excuser, tout est de ma faute ! » Je sentais comme une boule se former au fond de ma gorge et écraser mon cœur dans ma poitrine, m'empêchant de respirer. Je savais reconnaître une crise d'angoisse lorsque j'en faisais une.

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Elle était sincèrement désolée. Sa colère envers Dirgion n'était pas apaisée, mais le doux visage de Meruva, blessé, mutilé, et la vision de ce regard changé par les épreuves lui serraient le coeur. Elle savait, pour avoir parlé avec Raeryan puis Loìn, combien elle avait été courageuse. Et elle savait aussi que la présence du petit était l'origine de ce feu au creux de ses pupille. En tant que mère, elle le comprenait.
Si Meruva avait d'abord poliment saisi ses mains, elle la serrait à présent entre ses bras en une étreinte ridiculement inversée. Dìs ne chercha pas à s'en libérer néanmoins. Peut-être qu'en esquissant ce geste voué à la réconforter, sa cadette s'appaisait elle-même, comme la régente avait maintes fois oubliée sa propre douleur en séchant les larmes de ses fils par le passé. Comme elle enterrait ses craintes sous des montagnes de travail depuis leur départ. Et comme ellele faisait, à vrai dire, en ce moment même en prêtant main forte à Meruva.

Déjà, elle s'activait, trop vite probablement pour la pauvre enfant. Elle présenta ainsi les options qui s'offraient à la jeune femme afin qu'elle en soit pleinement consciente, et puisse effectuer son choix en connaissance de cause. Mais elle semblait perdue, et ce sentiment perça dans ses premiers mots, fébriles, hésitants, avant qu'elle ne se confonde en excuses et n'annonce en panique être responsable. Responsable ??!
Dìs se rendit compte qu'elle avait commis l'erreur de chercher à aller trop vite, ce qui n'avait fait que la faire paniquer là où elle voulait l'aider. Alors, elle tenta de se faire rassurante. Doucement, elle se rapprocha de celle qui lui semblait toujours incroyablement jeune, et se permit de prendre doucement ses mains dans les siennes. Délicatement, afin de ne pas blesser davantage encore ses paumes meurtries sous le bandage. Elle marqua une pause, le temps de plonger ses yeux océan dans le brun des siens, afin d'être certaine d'avoir toute son attention cette fois.

« Meruva... Ce qui ferait honte à ma famille et à mon frère, ce serait de ne pas agir face à ce genre de choses. Vous n'êtes pas responsable des actes de votre père. Notre peuple saura vous reconnaître pour ce que vous êtes : une survivante. Comme nous. Et il saura approuver le choix de son roi. Quand à ce dernier.... il vous aime. Rien ne changera cela. Quant à cela... elle indiqua d'un geste de la main la barbe à présent courte de la naine, ça repoussera. En attendant, vous serez simplement assortie à votre aimé. Peut-être même... pouvons-nous voir là un signe de Mahal. »

Elle sourit, doucement, comme elle l'aurait fait à l'un de ses enfants. Quand elle souriait ainsi, la plus terrible des naines pouvait irradier la plus formidable des chaleurs. Elle parla lentement, pour lui transmettre une atmosphère apaisante, appuyant sur chaque mot positif, lui créant une bulle intime et sécurisante, dans laquelle le futur ne pouvait s'annoncer que radieux et leur créateur lui-même veillait sur elle et son avenir.
Quand elle fut certaine que son message était passé et que la jeune femme semblait au moins un peu plus calme, alors seulement elle entreprit de répondre à sa question : Que ferait-elle ?

« Maintenant. Si vous voulez être digne de mon frère, de notre famille, cela commence par vous montrer digne de votre rang, en ne vous laissant pas dicter vos actions par ceux qui ne savent pas. Ainsi, je ne peux choisir pour vous : vous êtes la seule à savoir ce que vous devez faire. Ce que votre coeur vous dit, ce qui sera le mieux pour vous. Pour une fois, autorisez-vous à ne penser qu'à vous, uniquement et égoïstement. Et vous n'êtes pas obligée de décider tout de suite. J'ai fait en sorte que les choses ne s'ébruitent pas, pour le moment. Dirgion sera mené aux geôles en attendant son procès. »

Ce choix qu'elle lui laissait, entre vengeance et mépris, attaque ou défense, était d'ailleurs la seule raison pour laquelle Dirgion n'était pas présentement gardé devant la porte de sa demeure, fers aux poignets, exposé comme une bête de foire aux passants qui se seraient empressés de colporter la nouvelle et les rumeurs, salissant dès à présent son nom et l'humiliant sous son nez.

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Meruva & Dìs

Parfois, aider les gens permet de s'aider soit-même. On se soigne à travers eux, on cherche la rédemption, on s'oublie ou on passe à autre chose. Les raisons comme les manières de faire sont diverses et variées. Peut-être était-ce, d'une certaine manière, le but de Raeryan qui aidait ainsi ses pairs. Pour ma part, cela concernait exclusivement ma famille, mes amies. Je n'étais pas de ces dames qui faisaient de bonnes actions pour les moins bien lotis, je n'en avais jamais eu l'occasion mais je compris aux paroles de Dis que j'appartenais à mon peuple. Je n'étais plus Meruva, fille de Dirgion. J'étais Meruva, des Ered Luin. Un nouveau but s'ouvrait à moi, un nouvel horizon. Cette journée serait celle du renouveau, celle où je renaitrais des cendres de ce feu qui avait emporté une partie de ma barbe pour devenir une nouvelle naine.
Je n'étais pas de ces chenilles qui devenaient de magnifiques papillons comme j'avais pu le lire dans les livres mais ma transformation était bien assez conséquente comme ça. Avoir Dis à mes côtés me donnait de la force et j'eus soudainement l'impression de ne plus avoir une reine, de ne plus avoir une belle-sœur mais d'avoir une mère, cette mère qui m'avait toujours fait défaut. Elle était morte à ma naissance et j'avais toujours soupçonné le comportement de mon père d'être en lien avec cette tragédie. J'avais suffisamment souffert cette perte pour en souffrir encore de ces mains mais il n'avait jamais été de cet avis, visiblement. La raison véritable restait un mystère et peut-être avais-je enfin l'occasion de l'affronter, les yeux dans les yeux, pour apprendre tout ce que je brûlais de savoir depuis ma plus tendre enfance. Je ne savais trop si je souhaitais réellement connaître la vérité. Elle est parfois plus difficile à entendre que tout ce que l'on a pu imaginer et il est vrai que mon âme souffrait de bien assez de maux pour rajouter ce fardeau.
Je voyais soudainement cette mère que je n'avais jamais eu et mes yeux manquèrent encore une fois de se remplir d'eau. Dis était la mère de notre nation comme Thorin était notre père et en leur sein, je me sentais en sécurité. Fili et Kili avait bien de la chance d'avoir grandit dans une famille comme celle-ci.

Je frissonnais doucement au contact des mains de ma reine contre ma peau bandée. Je n'avais pas mal, pas autant que je le devrais mais le simple toucher me procurait des frissons tout le long de l'échine et j'attendais de voir les effets de cette potion anti-douleur que l'on m'avait concocté se terminer.
Sa réflexion au sujet de ma barbe me fit rougir, non plus de honte mais de plaisir, un plaisir sans doute mal placé cependant. Thorin gardait sa barbe courte par respect alors que je l'arborais ainsi par accident. Je ne le méritais pas mais cela ne signifiait pas que je ne le mériterais jamais. Je souhaitais de tout cœur soutenir mon roi dans ses épreuves et ce malgré la distance. Nous nous étions choisi et je ne pouvais remettre son choix en doute quand il se confortait au mien.
Je fus légèrement déçue. Peut-être attendais-je que l'on décide pour moi, pour m'enlever un fardeau mais j'eus conscience qu'il était important de choisir par moi-même. J'avais honte, honte de mon comportement à essayer de déléguer mes devoirs sur les épaules déjà chargés de ma belle-sœur bienaimée, aussi hochais-je la tête, le visage fermé. « Vous avez raison. Je n'aurais pas dû demander cela de vous, je le conçois. »
J'avais cependant besoin de temps pour me décider mais pourtant, je décidais vite. « Je désire le voir avant de prendre une quelconque décision à son encontre. J'ai besoin de l'affronter, de lui parler une dernière fois. J'ai une question importante à lui poser. »
Je n'en disais pas plus car elle le saurait bien assez tôt, du moins si elle jugeait bon de rester pour assister à mon affrontement. Je ne comptais pas l'en empêcher, je préférais même la savoir à mes côtés pour être sûre de ne pas perdre pied.

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La régente avait rassemblé toute son expérience de mère pour tenter d'apaiser son interlocutrice, la rassurer et la mettre en confiance. Mais également pour raffermir son propos insidieusement, et lui faire comprendre qu'il y avait des choses que l'on ne pouvait (devait) faire que seul. En l'occurence, il s'agissait d'un choix. Cependant, Dìs ne la forçait nullement à le prendre dès à présent, dans la second, l'heure, ni même la journée à vrai dire. Mais celle qui, elle l'espérait de tout coeur, deviendrait sa belle soeur dès le retour de son frère et ses enfants devrait prendre cette décision par elle-même. C'était à son sens la seule façon dont elle pourrait véritablement guérir, et grandir par-delà cette épreuve terrible.

Le visage de Meruva laissait filtrer miriades d'émotions, que Dìs ne se privait pas d'observer et interpréter pour mieux guider son propos, et tenter de l'adapter au besoin. Elle ne voulait pas commettre un autre impair, aller trop vite encore une fois. Elle aussi, devait garder la tête froide et penser clairement, pour deux. Finalement, elle vit l'ombre d'une décision passer sur les traits de la jeune naine, avant même qu'elle ne hoche finalement la tête. Elle semblait avoir compris pourquoi Dìs tenait à la laisser décider seule (cette dernière l'espérait, du moins). La régente lui adressa un léger sourire, afin de lui montrer son soutien, mais Meruva semblait déjà replonger dans ses pensées. Pensées qui aboutirent apparemment bien vite, comme elle annonçait bientôt vouloir affronter son géniteur, au moins une fois de plus. Il semblait que certaines choses soient encore laissées en suspent, à en juger par la sa phrase de conclusion.

Ce fut au tour de l'aînée de hocher la tête. Elle n'avait pas besoin d'en savoir plus ; elle mettrait tout en oeuvre pour qu'il en soit selon sa volonté, et cela allait sans dire. D'ailleurs, elle resta muette, se contentant de tourner les talons, ces derniers claquants légèrement sur le sol carrelé tandis qu'elle parcourait la pièce jusqu'à l'entrée d'un couloir où elle pianota rapidement quelques mots en igleshmek à l'attention d'un garde. Puis, elle fit signe à Meruva d'avancer.

« Il est immobilisé et les gardes restent derrière la porte, vous n'avez rien à craindre de lui. »

Elle estimait ne pas avoir à demander d'explications, pas si Meruva ne se sentait pas de lui en donner dans l'instant. Cependant, peut-être son sixième sens (de femme et de mère) lui fit présentir quelque chose, puisqu'elle préféra proposer, à tout hasard :

« Je peux cependant vous accompagner, si vous le désirez. »

Elle n'avait rien de plus à dire à Dirgion que ce qu'elle lui avait déjà promis : la déchéance et l'infamie. Mais si Mruva avait besoin d'un soutien, fut-il moral ou purement symbolique par sa présence, elle serait là. Pour elle.