Homeland (Eleash)

 

Des hivers rudes, cet homme là en avaient connus plus d’un. Sans doute n’avait-il connu que cela, des repères jalonnant une existence de solitude et de labeur, inlassablement. Les chemins les plus reculés des forêts du nord n’avaient jamais été surs et peu d’humains osaient s’aventurer dans ces sous bois sombres et froids. Pourtant le mal qui refluait et déversait depuis déjà de long mois des hordes de monstres sur des terres jadis isolés avait rompu le calme de ces contrés silencieuses. La tache déjà ardu qui incombait aux maigres ermites dans son genre s’était vue mise à mal en un sens. Ash n’avait jamais connu un tel hiver, jamais connu telle chasse, ni tel ennemi. Il n’était pas guerrier, seulement un guide et un pisteur de valeur, mais ses mains avaient pourtant trouvé la voie des armes pour sauver sa peau. Une aura sombre s’infiltrait profondément dans la terre,  l’épidémie d’un âge dont il s’était montré principalement spectateur jusque là.

Ash était arrivé aux portes du printemps sans vraiment y croire, en mettant un pied devant l’autre comme il l’avait toujours fait… et n’était-ce pas suffisant ? Il respirait et il se sentait mieux loti que bien des gens, à commencé parce qu’il avait deux bras, deux jambes et toute sa tête. Dans la nuit il voyait comme un éclat vacillant. Les traits de Brume s’étaient évaporés, la silhouette gracile et dansante de l’enfant des Elfes était ainsi le seul souvenir auquel sont esprit semblait s’accrocher furtivement quand le vent impitoyable transperçait jusqu’à ses os. Les bêtes rêvaient-elle seulement pour réchauffer un peu leur âme forgé pour survivre ? Elea était son songe à lui, l’ermite, l’être mutique et rugueux. Parfois il s’était souvenu de ce toit aussi, lui qui n’avait nulle maison où se réfugier ou se reposer. La fatigue qui baignait ses membres aurait mérité un véritable repos.

Fatalement, peut-être était-ce pour cette raison qu’il émergea ce matin là du sous bois. La neige s’étalait encore en petits lacs dans l’herbe ruisselante. Il soupira, où-u, peut-être était-ce là le souffle du soulagement… Lui-même n’aurait su le dire. Une épaisse barbe sale et broussailleuse dévorait un visage émacié, a peine devinait-on la rousseur de ses cheveux tant ils étaient poisseux, un arasement manifeste écrasait ses épaules et tout son être exhalait l’odeur de la mort. Son poult bâtait fermement dans sa poitrine cependant. Le chien fut le premier à atteindre la maison, comme s’il revenait d’une simple balade bien que lui non plus ne fût pas dans un état flamboyant.

Comme elle apparaissait à l’angle de la bâtisse il observa longuement la jeune femme en approchant de la maisonnette. Pour Ash si peu de vies avaient d’importance : personne d’autre que lui-même, son cheval, son chien et … un seul autre être capable de respirer en ce monde. Ses iris si froid semblaient presque se réchauffer en devinant le sourire qui ornait ce visage lumineux. Il pensa que rien ici ne semblait avoir souffert des affres du monde, et cela lui convenait parfaitement. Une seconde il oublia l’hiver car il était déjà passé et que ses bottes s’enfonçaient dans la boue, enfin.

Le trappeur reconnu bien sa protégée dans ses élans d’affections, mais il la repoussa rapidement sans un mot. Hélas, sa robe était déjà souillée de crasse et sang. Son regard scrutait déjà le visage face à lui pour vérifier… allez savoir quoi. Elea semblait en bonne santé, vigoureuse, solide. Il acquiesça imperceptiblement, comme pour approuver intérieurement cet état de fait. Un bain et un thé… n’était-il pas venu pour cela en quelque sorte ? Cela lui sembla pourtant étrange. Comme si une dette pesait, et en même temps non… sur sa conscience. Se devaient-ils vraiment quelque chose à présent ? Il serra sa main en retour, comme il l’avait fait de l’homme rustre qui l’avait sorti d’un piège à loup il y avait de cela… une éternité semblait-il. Il y avait bien longtemps qu’il n’avait pas eu confiance en un autre humain de cette manière. Pas même Brume… certainement pas Brume. Elea était l’autre être humain de ce monde.

 

L’homme se laissa guider par le bras amical qui le soutenait sans émettre d’objection. Tous ses membres étaient empreint d’une telle lourdeur que sa carcasse se mouvait avec langueur et le chemin jusqu’à la maisonnette lui parut plus difficile que par le passé. Quelques heures d’un véritable sommeil et un repas correct au chaud, sans doute n’avait-il pas besoin de beaucoup plus pour éradiquer les douleurs sourdes qui le tiraillaient de orteils jusqu’à la racine des cheveux.

L’homme croisa furtivement son reflet dans le miroir en se délestant de ses vêtements en piteux états. C’était à peine s’il se reconnaissait dans cette créature courbée et émacié, couverte de ce mélange poisseux de poussière, de sueur et de sang. Il se rendit seulement compte qu’un frisson le parcourait lorsqu’il atteint sa nuque et que ses épaules se contractèrent douloureusement. Ce fut le son de l’eau qui coule dans la baignoire qui le sorti de cette absence momentané. La vapeur qui s’en s’échappait suffisait déjà la réchauffer un peu, un tout depuis peu, et cela suffisait amplement.

Peut être aurait-dû être gêné par cette intimité pourtant celui lui était parfaitement égal. Il flottait dans les limbes, trop exténué pour s’inquiéter de détails auxquelles ils ne faisaient déjà pas attention en temps normal. L’eau se gorgeait déjà de la noirceur du monde. Pouvait-on véritablement laver cette souillure là ? Immergé dans la vapeur, la tête cotonneuse, le roux ne prenait qu’en partie conscience des mains qui s’activer à l’en débarrasser. Sur ses bras et dans son dos des sillons de mousse brunis se formait avant de disparaitre dans les eaux boueuses. Il s’exécutait machinalement en grognant quand un muscle ou un os endoloris se rappelait à lui.

Puis, ses paupières avait fini par se fermer. La dernière question d’Elea demeura sans réponse. Un lourd sommeil s’était fatalement emparé d’Ash dans les dernières manœuvre pour lui redonner apparence humaine. Elle pouvait bien faire ce qu’elle voulait de toute façon, son allure n’avait jamais été au coeur de ses préoccupations du moment qu’on pouvait encore distinguer la couleur naturelle de sa chevelure. Combien de lieux laissait-il derrière ? Combien de nuits obscures et glaciales exaltant les peurs primitives des hommes… son esprit endormis semblait peiner à se souvenir de ces moments tandis que son enveloppe physique en portait les stigmates.