Courant dans les corridors de la dernière Maison Simple, riant aux éclats, un jeune enfant était poursuivi par un elfe au visage sévère. Dérapant au détour d’un couloir, le gamin se remit habilement sur ses pieds et reprit sa course folle au grand dam de l’elfe chargé de la surveiller. Jamais il n’avait connu d’enfant aussi agité. Incapable de tenir en place, celui-ci passait ses journées à courir dans la maison du seigneur Elrond. Fendant l’air aussi vite que ses petites jambes pouvaient le lui permettre. Les seuls instants de paix que le pauvre eldar pouvait avoir étaient ceux où l’enfant était en étude. Norima. Un nom tout à fait saillant pour ce jeune chien fou.
Prenant encore un autre couloir le gamin pensait avoir semé son gardien. Fier de son acte, il commença à s’exclamer au et fort.
-Faites place au Seigneur Norìma ! Le seul homme à avoir battu un elfe à la course ! Le plus grand ! Le plus beau ! Le plus…Le dernier mot resta bloqué dans la gorge de l’enfant que celui-ci vit arriver tranquillement devant lui, l’elfe chargé de le surveiller. Celui-ci immense et sublimement pour ses yeux d’enfant, avait sur son visage la mine des mauvais jours. Et intimement Arador sut qu’il allait passer un sale quart d’heure. Qu’est ce que ce serait cette fois-ci ? Nettoyer l’armurerie ? Faire la vaisselle ? Eplucher des légumes ? Des pages d’écriture ? Mince !
-Et pourquoi pas le plus arrogant, indiscipliné, et insolent des petits garçons ? Termina l’elfe, affichant un faux air songeur, amusé par la déclamation de l’enfant.
A ces mots, le garçon eut un moment d’incompréhension, puis sourit à pleines dents et éclata d’un rire joyeux. Il ne s’attendait pas à être mouché de la sorte. Apparemment son chaperon connaissait encore quelques passages secrets lui ayant permis de le retrouver si vite. Il avait encore beaucoup de chose à découvrir, se dit le jeune seigneur. Il faudrait qu’il demande à Elladan et Elrohir de lui montrer quelques autres passages dérobés. Et là il serait imbattable. Lindir l’intendant de son père, pourrait toujours rêver de le rattraper un jour.
-Tu as tout compris mellon! Allez maintenant la revanche ! s’écria Arador adoptant un ton fier, et résolument insolent.
Le zouave reprit donc sa course de plus belle, laissant derrière lui un intendant exaspéré.
OoOoOoO
Heureusement il grandit, et appris plus tard, le calme, la pondération et le respect. Vivant auprès des elfes depuis ses 15 ans, après que ses parents ne soient repartis pour les terres du nord, Arador était un jeune garçon prometteur. Vif et intelligent, adroit dans ses paroles autant que de ses mains, son père Argonui ne pouvait en être plus fier. C’était son joyau. La chose la plus merveilleuse qui ait put lui arriver. Et bien qu’il l’ai laissé à la charge d’Elrond, en qui il avait une entière confiance, le père constamment inquiet pour sa progéniture revenait souvent le visiter, lui rapportant des histoires de leurs exploits dans les terres sauvages. Car au fond de son cœur Argonui était toujours inquiet de voir son fils aussi familier avec les elfes. Ne vous méprenez pas, il aimait famille d’Elrond comme la sienne, et les elfes comme son propre peuple. Mais il ne souhaitait pas que son fils oublie qui était son véritable père ou le confonde avec le Semi-elfe. Et pour cela, il eut de nombreux conflits à demi-mots avec le seigneur de Fondcombe qu’il jalousait secrètement de pouvoir être si proche de son enfant. De voir ses progrès jours après jours. De lui enseigner tout ce qui lui aurait dût lui apprendre. Mais jamais il ne confia cette peine à quiconque, pas même à sa femme la belle Ariedhel, gardant pour lui cette jalousie injustifiée. Après tout lui-même avait été élevé par Elrond dans sa jeunesse…alors pourquoi cette possessivité. Peut-être parce que depuis la grande guerre des nains et des orcs, où ceux-ci avait été sévèrement décimés, très peu de danger guettaient leur territoires…et il se disait que peut-être il aurait put reprendre son fils, afin de l’avoir auprès de lui. Une idée qui germa doucement dans son esprit.
Pendant ce temps, alors que son père et son peuple protégeait les terres du Nord, Arador, lui grandissait paisiblement à l’abri de tout souci dans la demeure d’Elrond. Apprenant les chants, les légendes, les langues de la terre du milieu. S’éreintant au maniement des armes, à la pratique du tir à l’arc. Apprenant à se débrouiller seuls dans la nature. Il devient très vite un jeune homme responsable, sous l’œil attentif et –sans trop le montrer- affectueux, de l’elfe millénaire. Car Elrond n’avait pas eu d’humain aussi intéressant sous sa tutelle depuis bien longtemps. Souvent les fils d’Isildur n’arrivaient que bien plus tard. Déjà pétrit par les manières des hommes. Arador s’il n’était pas né homme, aurait fait être un elleth merveilleux, songeait quelques fois le Peredhel. Et ce n’était surement pas Lindir qui l’aurait contesté. Lui qui a suivit de près la progression du jeune homme s’accordait avec son seigneur à dire que le jeun homme aurait fait un elfe admirable.
Toutefois vient le temps pour le jeune dunedain de découvrir les territoires de la terre du milieu. Accompagné par un des gardes d’Imladris, il parcourut tantôt à pied, tantôt à cheval, l’Eriador, le Rhudaur, et le Cardolan, l’Arthedain, le Lindon, la Lorien, et l’orée du Royaume de Thranduil. Il se risqua quelques fois au Rohan, où il fit ses premières armes avec des orcs. C’est également dans ces plaines qu’il apprivoisa l’étalon qui lui sert aujourd’hui de monture. Un fier destrier à la robe noir comme un ciel sans étoile, échappé des écuries du Roi Brytta. Un brin sauvage et orgueilleux ce pur-sang, pensera Arador la première fois qu’il montera l’étalon. Plus tard, revenant de ses voyages, il sauvera de la noyade une jeune chienne qui depuis ce jour ne le quittera plus.
Son retour à Imladris, se fit dans une joie et une bonne humeur qui ne dura que peu de temps. Il devait désormais quitter sa maison d’enfance pour rejoindre ses pairs et accomplir son devoir. Protéger les frontières de la Comté. Il laissa donc derrière lui, avec beaucoup de regret certes, Elrond celui qu’il a longtemps appelé père. Elladan et Elrohir, ses frères d’armes. Et Arwen, la plus belle créature qu’il ait put voir, et sa sœur tant aimée. Il allait maintenant expérimenter la faim, la peur, la nuit, le froid, et en sortirait changer. Plus mature, plus ferme dans ses décisions, plus distant aussi. Les douceurs de son ancien foyer lui manquait, mais découvrir les ruines des grandes citées de l’ancien royaume d’Arnor lui remirent en tête les rêves qu’il avait enfant. Une part de son cœur restant alors attaché à ces décombres.
Croisant les hommes de son père au cours d’une nuit de garde, il revit pour la première fois depuis dix ans, son plus grand héros. Celui-ci avait vieillit certes, mais gardait tout de sa force et de sa majesté. Les retrouvailles furent cependant malheureuses. Dans l’esprit d’Argonui, son fils ne l’aimait plus, ne parlant que d’elfe, de leurs histoire, de la belle Arwen, d’à quel point le seigneur Elrond ceci, ou cela, et d’autres choses encore, des étoiles plein les yeux. Loin de ce qu’il aurait voulu entendre ou voir dans le regard de son fils. Aussi le seigneur des Dunedain se renferma sur lui-même, laissant son cœur s’imprégner de sombres sentiments. Il aurait été perdu dans sa jalousie maladive, si le regard plein de fierté, d’amour et d’admiration de son fils ne s’était pas posé sur lui a nouveau.
C’était lors d’une escarmouche mené contre des orcs réfugiés dans la forêt d’Eryn Vorn. Lui et Arador se battaient côté à côté contre les créatures de Sauron, mais un moment distrait, le seigneur des hommes fut blessé. Fou de rage de voir le sang de son père couler, l’hériter d’Isildur fendit l’air de son épée, terrassant l’auteur de ce crime. Captant alors ces yeux bruns si inquiets pour lui mais brillants de vénération, Argonui sentit toutes ses ténèbres se dissiper. Son fils l’aimait. Comment avait-il put même en douter…
Pendant encore quelques mois, les deux hommes vécurent ensemble, marchèrent ensemble, combattirent ensemble, rigolèrent ensemble. Argonui sembla rajeunir de plusieurs années, retrouvant une joie qu’il croyait avoir perdu. Il fit découvrir son fils au peuple errant des Dunedain, l’introduisant officiellement comme son héritier. Arador lui ne pouvait être plus heureux qu’au moment où son père fit de lui son successeur, ce moment surpassant tous ceux qu’il avait put vivre à Imladris. Imladris où il fut néanmoins rappelé par le seigneur Elrond. Au grand mécontentement d’Argonui qui sentit poindre en lui de relents de jalousie. Mais rassure par son fil qui lui fit la promesse de revenir à lui au plus vite, le vieux souverain regardait son fils partir le cœur léger.
De retour dans la dernière maison simple, le jeune héritier, reçut un nouveau nom de ses amis. Haryon. Cela me va plutôt bien, pensa-t-il alors. Néanmoins ne sachant pas la raison de sa venue parmi eux, Arador restait légèrement inquiets. Pour quelles raisons sont père adoptifs l’aurait-il rappelé ? Rien de grave ? Il l’espérait. Cependant il ne s’attendait absolument pas à entendre ce que le seigneur de Fondcombe avait à lui dire. Une partie soigneusement caché de son histoire et celles de ses pairs. Il était l’héritier d’Isildur. Un titre plus grand encore que celui qu’il avait put porter jusque là. Il se souvenait de l’histoire d’Isildur. De sa faiblesse. Il l’avait tout de suite méprisé, s’être laissé ainsi corrompre alors que le sort de la terre du milieu était entre ses mains. Ce soir là, il s’endormit quelque peu perturbé, et fit un rêve des plus angoissants. Son père, mort dans ses bras, terrassé par une attaque de loups comme il n’en avait jamais vu.
Cette vision lui vint avec tant de force qu’elle créa en lui un sentiment d’urgence, et de crainte. Consultant Elrond pour plus de sûreté, il ne fut pas convaincu par les paroles de celui-ci qui lui dirent de laisser passer la nuit et qu’au petit jour il pourrait repartir trouver son père. Le jeune homme éleva pour la première fois la voix contre celui qui lui avait tout appris. Il y avait urgence. Il en était sûr, s’il ne faisait rien ce soir son père allait mourir. Il supplia l’elfe de lui accorder quelques archers, mais celui-ci refusa fermement, le renvoyant à ses quartiers comme un enfant désobéissant. Elrond Peredhel, clairvoyant, savait au plus profond de lui-même que s’il laissait partir le jeune homme il le perdrait. Il ignorait comment, ni pourquoi, mais ce sentiment restait présent dans son esprit comme un avertissement.
Plus tard dans la nuit il fut réveillé de son sommeil elfique par le claquement furieux de sabots sur le dallage en pierre de Fondcombe. Arador avait désobéi. Pour la première fois. La dernière fois ? Le cœur de l’elfe se serra à cette pensée. Se levant précipitamment il resta un moment à méditer sur les possibilités se présentant à lui. Puis d’un bond il héla son intendant lui demandant d’apporter son armure et de mettre sur le pied de guerre une vingtaine d’hommes. Il partait chercher son « fils ».
Après plusieurs heures de chevauché rapide, suivant les traces laissé par le jeune héritier, le seigneur elfe se trouva à approcher les landes d’Etten. Ce fut guidé par les hurlements des loups, les bruits de lames s’entrechoquant et les cris de douleurs, qu’il arriva à retrouver Arador. Et ce qu’il vit alors, restera gravé dans sa mémoire.
Le jeune homme couvert de sang, était agenouillé près d’un corps méconnaissable tant il était couvert de blessures. A ce corps manquait une jambe, encore dans la gueule d’un wargs, mort quelques mètres plus loin. Le jeune homme hurlait à l’agonie, à s’en briser la voix, des torrents de larmes dévalant ses yeux clos. Il serrait le cadavre de son père contre lui, le priant de rester avec lui, le berçant comme un enfant, le suppliant de ne pas s’en aller. Mais l’homme était surement déjà mort, nota Elrond avec tristesse. Adieux Argonui fils Arathorn, mon cher ami, pensa le seigneur elfe avec de donner l’assaut qui finirait d’exterminer les créatures immonde.
Effondré par le chagrin, il fallut la force de deux elfes pour détacher Arador du corps de son père. Il resta par la suite un longtemps silencieux. Personne ne sut ce qu’il pensait. Ses yeux étaient vides, comme mort. Après une semaine de mutisme, le jeune homme, ramené à Imladris pour y être soigné, sortit de son recueillement sombre, pour crier à la face d’Elrond, des mots que celui-ci n’oublierait surement jamais.
« Je vous hais, Elrond Peredhel ! Vous qui avez laissé mourir mon père ! »Le jour suivant cette annonce, le désormais Chef des Dunedain s’en était parti rejoindre les siens plus au nord, et aucune nouvelle ne vient jamais de lui ou de son peuple aux oreilles de elfes de Fondcombe. Il avait alors 38 ans.
40 ans on passés alors. Arador est aujourd'hui père d'un petit garçon. Arathorn, jeune adulte âgé d'aujourd'hui 30 ans. Son épouse défunte n'ayant pas survécu à une maladie mystérieuse, il considère ce jeune adulte comme la prunelle de ses yeux. Toujours en froid avec les elfes, il continue cependant à veiller sur les terres de ses parents.