Les bons comptes font les bons amis

Les bons comptes font les bons amis | feat Leoden


Le temps avait fait son oeuvre sur Bree, transformant la petite bourgade en véritable comptoir commercial, étape obligée pour les voyageurs et les convois. Erydrin ne pouvait s'empêcher de repenser à la Bree qu'elle avait connu. Une auberge et quelques maisons, il n'y avait rien d'autre alors. Ni palissades en bois, ni gardien à qui décliner son identité la nuit venue pour espérer entrer. Les temps avaient bien changé mais quelque part, elle était heureuse de revenir et de se souvenir.

Les habitants ne semblaient pas plus enchantés que ça, eux, quand ils la virent traverser la route sur son cheval de guerre. Les mercenaires, ce n'était pas ce qu'on appréciait de voir débarquer parce que ça sait se battre et que même complètement raide, il y a de forte chance pour que ça vous tranche la main avant que vous ayez le temps de trouver leur bourse. Mais un mercenaire elfe, c'était aussi rare que franchement mal venu.

Qu'importait la cavalière, les quelques regards réprobateurs posés sur elle ne l'atteignaient pas. Elle avait d'autres chats à fouetter, comme disent les humains.

Son cheval l'amena sans heurt jusqu'à l'auberge du village où elle paya un jeune garçon pour veiller sur ses affaires et sa monture. A l'air mi fasciné, mi effrayé du gosse, elle sut qu'elle aurait pu se contenter de lui promettre une mèche de ses longs cheveux d'ombre pour qu'il devienne le plus redoutable palefrenier à des lieues à la ronde.

Ce fut donc en toute sérénité qu'elle poussa le lourd battant de la porte et s'engouffra dans l'antre de l'alcool et de la fête. N'étant plus habituée à un tel confinement, ses oreilles accueillirent les rires et les chants avec peine, créant un vrombissement désagréable qui obligea la solitaire à un léger arrêt sur le pallier. Son hésitation lui valut quelques moqueries de la part de ceux qui ne voyait que la partie intacte de son visage. Sans s'en soucier, elle se dirigea au comptoir où elle se tailla une place en silence, laissant faire son austérité naturelle.

~ Une chambre pour la nuit, c'est possible ? interpella-t-elle l'aubergiste.
- On est complet ma dame. Mais si vous z'avez pas peur de vous faire détroussée par les messieurs, vous pouvez roupiller à une table. Jvous f'rais un prix pour la nuit.

L'elfe arqua un sourcil alors que les piliers de comptoirs ricanaient au trait d'humour du patron.

~ Qu'ils essaient seulement, souffla-t-elle en caressant le pommeau d'une de ses épées.

Son sérieux décontenança les proches et amusa le tenancier qui lui apporta une pinte. Elle paya en espèce sonnante et trébuchante, prit son dû et alla s'installer au fond de la salle. Quand son regard d'acier croisa les rieurs qui découvrait l'entièreté de son visage et la balafre qui le déformait, les rires moqueurs cessèrent sans qu'elle n'ait à ouvrir la bouche.

Un fin sourire dansa au coin de ses lèvres quand elle fut suffisamment loin pour que personne ne puisse le voir.

Les conversations reprirent leur cours et peu à peu, on finit par oublier sa présence. L'attention se reporta sur une partie de cartes dans un coin, un ménestrel dans l'autre. Elle-même s'intéressait aux divers conversations d'une oreille distraite jusqu'à ce qu'un homme pénètre à son tour dans la pièce, l'air grave, et s'entretienne longuement avec l'aubergiste. Les deux gaillards semblaient se connaître plutôt bien car le tenancier eut l'air vraiment inquiet au terme de leur échange. Il gratifia l'homme d'une accolade en lui offrant une bière.

L'elfe connaissait ces regards pour les avoir croisé maintes fois durant sa longue existence dans les royaumes du sud. Il s'était passé quelque chose, l'homme avait été victime de quelque chose. Ou de quelqu'un. La solitaire hésita un peu mais finit par gagner à nouveau le comptoir pour avoir des explications. Elle dut insister un peu avant qu'on lui révèle que le pauvre homme avait été attaqué par un bandit qui sévissait dans la région. On lui avait volé son or, le peu qu'il avait et on avait tué ou emporté les quelques bêtes nouvellement acquises qu'il ramenait chez lui. Une sale histoire pour un fermier.

~ S'il a pris les bêtes, c'est qu'il doit avoir un camp dans les parages. Où avez-vous dis qu'il vous avait attaqué ?

Et c'est ainsi que quelques heures plus tard, le cavalier chevauchait vers les bois qu'on lui avait indiqué, prête pour la traque d'un camp de bandits. Elle ne savait pas encore exactement ce qu'elle pourrait faire seule, mais elle essayerait au moins de ramener le bétail à son propriétaire. La forêt saurait agir en sa faveur. Mais d'abord, il lui fallait trouver et suivre la trace du fameux bandit.

Ainsi quand elle arriva sur les lieux de l'altercation, elle prit son temps pour repérer les divers empreintes laissées sur le sol meuble et dans les branches mortes. Quand elle décela une piste qui s'éloigna vers le coeur des bois, elle se chargea de toutes ses armes et la suivit, une flèche encochée sur son arc de chasse.

Remonter la piste ne fut pas trop compliqué. L'humus frais avait gardé à la surface les traces de passage. Cela ne faisait pas très longtemps qu'ils avaient sévi et qu'ils s'étaient repliés dans ce coin de verdure. Ils l'ignoraient encore, mais ils auraient mieux fait de se perdre au beau milieu d'une plaine dégagée que sous le couvert des arbres.

Erydrin progressait vite dans ce qui lui semblait n'être qu'un bosquet en comparaison aux frondaisons épaisses de sa forêt natale. Dans ce petit coin de verdure, elle se sentait bien, tout à son aise. Elle avançait sans bruit sur les feuilles mortes, se fondant dans la forêt tout naturellement malgré ses vêtements aux couleurs lunaires. Elle était une ombre dans les bois, aussi discrète et insaisissable que la brume du petit matin, mais elle était là, et elle laissait sa trace. En revanche sa rosée à elle portait souvent sur le carmin.

L'elfe ne savait toujours pas ce qu'elle allait faire des brigands, les massacrer ne faisait pas partie de ses intentions, après tout chacun son histoire, chacun ses peines, chacun ses fautes. On finissait toujours par payer son du, elle en était intimement convaincue, mais son bras n'était pas celui de la justice, elle ne se permettrait pas de leur donner la mort à moins qu'on l'y force. Et pourtant, elle agissait en chasseur, traquant une proie qui ne s'y attendait pas.

Les humains, comme bon nombre de peuples, faisaient parti des personnes les plus faciles à suivre dans les milieux qu'ils ne connaissaient pas. Les malfrats lui avaient facilité la tâche en laissant derrière eux comme un fil coloré à travers la forêt. Et en parvenant au bout de ce chemin, elle remarqua une silhouette au loin, guettant contre un arbre. Elle devinait au moins une arme prête à servir sur le personnage qui ne regardait pas dans sa direction. Elle l'observa à distance pendant quelques minutes, le temps de se rendre compte qu'il n'était pas seul. Elle le tenait en joue avec son arc, mais ne décocha aucune flèche. De la position où elle se trouvait, il semblait monter la garde pendant que d'autres se reposaient. Elle avait un bon angle de tir mais le bruit mât d'une pointe de flèche dans la chair attirerait bien vite l'attention des autres. Ils ne semblaient pas être nombreux, mais rien ne lui garantissait que des renforts n'attendaient pas plus loin. Il lui fallait rester discrète.

L'archère baissa son arme, rangeant sa flèche dans son carquois avant de glisser l'imposant arc dans son dos. Elle tira à la place l'une de ses épées, profitant du chant du vent pour que le tintement de la lame hors du fourreau devienne presque imperceptible.

A pas feutré, voûtée pour profiter du couvert de la végétation, elle se rapprocha de sa cible. Les mètres s'amenuisaient dangereusement quand elle le vit porter une main à son arme. La lame elfique se profila bientôt, froide comme un filet d'eau, contre la gorge de l'homme armé. Au bout de l'épée menaçante se dressait Erydrin et son visage austère, lui faisant signe de retirer la main de son arme.

Discrètement, elle en profita pour jeter un oeil par-dessus son épaule et aperçut les deux autres hommes en pleine discussion à voix basse. Si le premier se présentait de dos, l'autre n'avait qu'à se tourner un peu pour l'aligner dans son champ de vision. Assommer celui qu'elle tenait sans être vue serait difficile.

Et peut-être une moins bonne idée que ce qu'elle pensait...

« Tu seras gentille tu fiches ça ailleurs . Je tiens à garder la tête sur les épaules, si tu vois ce que je veux dire. »
~ Alors pas un mot de plus, menaça-t-elle dans un sec murmure.

Les deux autres brigands ne semblaient pas les avoir encore remarqué. Celui qu'elle tenait au bout de sa lame avait du être trop surpris pour songer à appeler de l'aide, ou trop effrayé par la menace de la lame contre sa gorge. Pourtant, et Erydrin le vit trop tard, il n'avait pas du tout ôté la main de son arme, saisissant les quelques secondes d'inattention de l'elfe et profitant de son angle mort pour dégainer et se mettre hors de portée de l'épée.

L'elfe cessa aussitôt de surveiller ce qui se passait de l'autre côté des buissons pour reporter toute son attention sur son présent adversaire, un tic d'agacement secouant son sourcil. Se mettant elle aussi en garde, elle le fixa avec son regard d'acier, détaillant en un instant sa posture, cherchant la faille où s'engouffrer pour le désarmer rapidement et le plus silencieusement possible. En soi, affronter des adversaires en surnombre ne l'échaudait pas, à trois contre un, elle pouvait s'en sortir, mais si jamais ils étaient plus nombreux, ou que l'un des trois prenait la fuite pour prévenir le reste de la bande, elle serait forcée de se replier. Dans ces conditions, il ne serait pas question de revenir, car on aurait tué les bêtes et fui avant son retour avec des renforts.

Cette mission s'engageait plus mal qu'elle ne l'avait escompté. Si leurs épées venaient à s'entrechoquer, l'elfe savait que ce serait fini et en un seul coup d'oeil, il était difficile même pour elle de trouver le défaut où se faufiler, d'autant plus que celui-là savait manier son arme plus que correctement. Un mercenaire chez les bandits ? Ce n'était pas impossible, mais cela restait surprenant. Et très ennuyeux dans la conjoncture actuelle.

« Tu vas faire rater tout mon plan, ça ne m'arrange vraiment pas.. »
~ C'est précisément pour quoi je suis là, rétorqua-t-elle dans la foulée, en dirigeant sa main libre dans son dos, où elle comptait récupérer sa dague.

Du pas léger caractéristique aux elfes, elle s'avança lentement vers lui, son épée menaçante bien qu'elle ne cherche pas à lancer l'assaut immédiatement. Ses pieds ne faisaient aucun bruit sur l'humus, c'était comme si la forêt lui offrait son couvert, les feuilles bruissant dans les arbres quand elle parlait, les branches mortes se taisant sous sa marche.

Pendant qu'elle s'approchait à la façon d'un prédateur avançant sur sa proie, elle réalisa ce que lui avait dit le jeune homme. Ses paroles, alliées à sa dégaine de mercenaire ne collaient pas avec l'image qu'elle s'était faite de lui. Pourquoi un brigand agirait-il de la sorte ? Cela n'avait aucun sens. A moins qu'il ne soit pas un brigand, mais un mercenaire engagé pour la même chose qu'elle...

Le doute subsistant, et ne pouvant plus reculer maintenant qu'elle était engagée si loin, elle franchit les derniers pas qui les séparaient et l'attrapa par le col pour le tirer au sol où elle s'accroupie elle-même, leurs deux lames trop longues pour être utilisées efficacement dans ses conditions bien que toujours dégainées. Au cas où.

- Hé, dis, t'as pas entendu d'bruit par là ?

La voix du brigand s'éleva juste après qu'Erydrin les avait tiré à l'abris d'un buisson épineux. Ce qui ne l'empêcha pas de se crisper légèrement, fixant toujours avec méfiance l'homme qu'elle avait en face d'elle, tout en essayant de repérer à l'oreille si les deux autres venaient vers eux. Les instants de silence lui parurent une éternité, jusqu'à ce que la voix du second voleur mette fin au supplice.

- T'as rêvé mon gars. S't'avais pas la trouille des lièvres, t'aurais pas b'soin des moutons des fermiers du coin pour grailler, ricana-t-il, ce qui n'eut que pour effet de faire grommeler le premier.

Et de soulager la Noldor qui pouvait retourner sa pleine attention sur... et bien justement, elle aurait aimé savoir qui.

~ Qui êtes-vous, souffla-t-elle, et que faites-vous là ?

Peut-être aurait-elle du commencer par cela, mais il était trop tard pour les présentations en bonne et due forme. Tout ce qui comptait était de savoir si elle allait devoir l'étriper ou... s'ils avaient un but commun.

Celui qu'elle avait attrapé se montrait vraiment coriace. Même une fois déséquilibré par la poigne de l'elfe, il avait continué à se débattre. Maintenir un tel bougre en place était une tâche harassante et la force d'Erydrin était mise à rude épreuve. Elle avait beau être une redoutable guerrière, en combat, elle avait rarement l'occasion de saisir ses ennemis par le col pour les maîtriser. Et même si l'occasion se présentait, le code d'honneur qu'on lui avait inculqué au fil des ans l'empêchait d'effleurer ne serait-ce que cette éventualité.

Non, cette fois, si elle s'était abaissée à employer un coup pareil, c'était avant tout pour conserver un tant soit peu de discrétion et se mettre à couvert pour décider du sort du pauvre bougre. Ou éviter de finir au bout de sa lame, le cas échéant. La proximité avec cet humain gigotant ne lui plaisait pas plus qu'à lui, mais ils devraient bien s'en accommoder l'un et l'autre s'ils ne voulaient pas se faire voir bêtement.
D'ailleurs, malgré toute son agitation, le grand dadais ne semblait pas décidé à crier après ses compères pour demander des renforts. Une attitude de plus qui s'accumulait aux doutes de l'elfe. Elle continuait à le fixer de son unique oeil, l'air impénétrable alors qu'il fulminait après elle d'un verbe acerbe. L'attitude hostile qu'il avait envers elle ne lui disait rien qui vaille, de même que son refus évident de collaborer.

Que la menace ne fonctionne pas sur lui la surprenait beaucoup. Ils étaient rare ceux qui ne faisaient pas le lien entre sa mine balafrée et cet espèce de cavalier solitaire à la réputation néanmoins solide, surtout dans ces régions qu'elle avait déjà longuement écumée ces dernières années. Et plus encore ceux qui ne paniquaient pas à la simple vue d'un soldat elfe aussi peu amène qu'elle pouvait l'être. Depuis que les orcs sévissaient un peu partout et que les troupes de Fondcombes écumaient la lande pour s'en défaire, elle avait l'habitude qu'on la regarde avec méfiance rien qu'en voyant l'attirail martial qu'elle trimbalait sur elle, la confondant sûrement avec un chasseur d'Imladris. Ironie du sort, il y avait plus de dix siècles qu'elle n'avait remis les pieds là-bas, ni dans aucun autre havre elfique.

Quelques questions germèrent donc dans son esprit à propos de ce bandit, ou mercenaire, qui ne craignait ni les elfes, ni d'avoir une lame posée contre la gorge et qui se payait le luxe de faire du sarcasme dans une telle situation.

Mais si la violence ne lu permettait pas d'avoir des réponses, elle devait envisager un autre moyen. La diplomatie. Et malheureusement, on ne pouvait pas dire qu'elle excellait dans ce domaine... Les jolies tournures, la poésie et ce genre de souplesses du langage lui échappant bien souvent. Et puisqu'elle ne savait pas tourner joliment autour du pot, elle décida d'aller droit au but, comme à son habitude.

~ Ce que je vous veux, dépend de qui vous êtes. N'y voyez rien de personnel, mais si vous êtes avec eux, elle glissa un regard vers l'endroit où les brigands avaient monté leur camp de fortune, je ne vous voudrais pas du bien. A moins que vous m'aidiez à remonter jusqu'à vos chefs.

Tout comme il arrivait facilement à faire passer son agacement en parlant bas, l'austère elfe laissa son ton porter ses menaces. Mais elle radoucit un peu ses paroles en continuant, desserrant à peine sa prise sur le col du mercenaire.

~ Et si vous n'êtes pas avec eux et que vous me dites ce que vous faisiez derrière cet arbre avec une attitude aussi suspecte, je pourrais envisager de vous lâcher.

Son regard se porta vers la main du mercenaire qui essayait de se faufiler vers sa botte, avant de remonter jusqu'à son visage.

~ Enfin, dès que je serais sûre que vous n'essayerez pas de m'égorger à l'instant où vous serez libre...

Et avec beaucoup, beaucoup d'imagination, on pouvait presque penser à une pointe d'ironie dans cette dernière déclaration.

Collaborer ne faisait définitivement pas parti du vocabulaire de ce bougre-là. Quelque soit la méthode que l'elfe essayait de mettre en oeuvre, les réactions étaient les mêmes. Si elle n'avait pas connu des Hommes moins réfractaires, elle aurait donné raison aux idées reçues de son peuple sur ces bambins aux oreilles rondes. L'exaspération devait se lire sur son visage, ou au moins dans sa façon de tenir les vêtements de son "prisonnier" temporaire.

Jusqu'à ce qu'il extirpe finalement sa petite lame pour lui agiter sous le nez, l'obligeant à lâcher prise et reculer pour ne pas écoper d'une nouvelle balafre. Que la peste soit de ce mercenaire ! Erydrin n'eut pas le temps de le retenir davantage qu'il se relevait et s'époussetait sous son nez. Mais surtout sous le nez du brigand qu'un tel mouvement ne pouvait qu'intriguer. Ils étaient donc remarqués et rouler des yeux d'un air excédé n'y aurait rien changé.
Mais au dire du bedonnant, seul le mercenaire était repéré. Et par un merveilleux hasard, il daigna se présenter, confirmant définitivement les doutes de la solitaire : comme elle, il avait été envoyé sur les traces du groupuscule. Les villageois auraient du la prévenir ! Cela aurait évité quelques ennuis.

Mais il fallait faire avec et profiter du court laps de temps qu'il lui restait pour frapper la première. Et dans la bonne direction, cette fois. Aussi, pendant que le chasseur de prime débitait ses consignes, l'elfe abandonna son épée sur le sol pour récupérer son arc et encocher une flèche. Ils n'étaient pas très loin des bandits et elle avait eu le loisir de voir leur position, le tir ne devrait pas poser beaucoup de problème.

Sans s'occuper des actes de ce Leoden Doreath, elle se releva à son tour, bandant son arc alors que le second bandit laissait finalement tomber son dîner suite aux paroles de son compagnon. Il fut le premier à passer dans l'axe de tir, mais Erydrin retint la corde quelques instants de plus pour aligner le plus rondelet. Le trait partit avant qu'il ne puisse comprendre qu'il n'y avait pas un mais deux ennemis et lui coupa la chique en se fichant droit dans sa gorge.

Comme... "demandé", elle ne toucha pas à l'autre bandit, s'abaissant pour récupérer et rengainer Idhegil pendant que le mercenaire s'occupait de gagner sa croûte. Cependant, une inquiétude lui piqua la nuque soudainement, la poussant à stopper son geste pour s'inquiéter des faits et gestes de Leoden.

~ Ne le tuez pas tout de suite ! fit-elle de toute urgence en captant l'éclat de la lame du jeune homme.

Poussant finalement son épée au fourreau, elle contourna le buisson d'épine pour se rapprocher, continuant à l'intention de son partenaire improvisé :

~ Il peut peut-être nous mener à ses chefs et aux bêtes volées.

Masqués par sa voix, les borborygmes de sa victime se tarirent finalement, le corps cessa de bouger. L'elfe rejoignit le cadavre pour y récupérer sa flèche et s'assurer que l'homme était bien mort, sans quoi elle abrégerait ses souffrances en finissant le travail. Mais nul besoin de se salir les mains, elle avait visé juste et l'âme du pauvre homme avait déjà quitté son corps lorsqu'elle retira la flèche de sa chair encore chaude.

~ La prime sur leur tête ne m'intéresse pas, mais j'aimerais ramener les bêtes à leur propriétaire, si elles sont toujours en vie, expliqua-t-elle sommairement en jetant une oeillade au mercenaire. Sans quoi j'ai peur qu'il ne passe pas l'hiver.

Elle revint finalement vers lui et sa prise, qui malgré la pression crut judicieux de lui cracher quelques provocations.

- 'Sont crevées les têtes du bouseux ! Et tu vas crever avec elles demi-face ! J'livrerais pas les autres ! V'm'entendez ! Jamais !

Demi-face...
L'elfe se raidit à l'insulte. Ce n'était pas la première fois qu'elle faisait l'objet de telles réflexions mais cela ne faisait vraiment plaisir. Et puis cette-fois, elle ne s'y était pas attendu. Dans sa situation, le brigand aurait mieux fait de tenir sa langue au lieu de faire du zèle. Mais peut-être s'agissait-il de sa dernière tentative désespérée pour que ses agresseurs commettent une erreur. Dommage pour lui, si sa pique avait bien touché sa cible, Erydrin se contenta de secouer légèrement la tête et de lâcher un petit soupir agacé, tandis que le mercenaire à ses côtés entamait de menaçantes négociations.

La cavalière ne s'interposa à aucun moment, une main négligemment posée sur le pommeau d'une de ses épées, et suivit la manoeuvre de Leoden d'un oeil acéré. Seule, de telles menaces ne lui seraient même pas venues à l'esprit, mais elle ne bouda pas son plaisir de voir leur proie se recroqueviller un peu sur elle-même en proférant injures sur injures dans des élans désespérés. Comme il était plaisant de le voir regretter chaque mot prononcé avant de surenchérir en bafouillant un peu pour essayer de garder une certaine contenance.

Le tout créait une scène d'un épatant pitoyable qui semblait fasciner Erydrin, outre le plaisir coupable que lui avait procuré son commencement après l'insulte qu'elle avait encaissée. Ou la laisser profondément perplexe. Alors que le brigand avait cherché à reculer en rampant à moitié par terre, suivi par le mercenaire qui ne le gardait sous le joug de son fer, l'elfe n'avait pas bougé, comme perdue dans sa contemplation de la déchéance humaine. Son regard était lourd de jugement envers le voleur, faisant déglutir ce dernier la seule fois où il osa le croiser. D'ailleurs, à force d'éviter de les regarder tous deux dans les yeux, il finit par se concentrer sur les pieds de Leoden,

Quand finalement Leoden s'adressa à elle pour lui demander son avis, Erydrin haussa vaguement les épaules, feignant l'indifférence.

~ Faites comme vous voulez. Le plus important est d'obtenir nos informations. Une légère pause dans son discours, le temps de jeter un oeil au cadavre frais et de faire un pas vers le survivant. Malheureusement, je ne suis pas très bonne en négociation, ajouta-t-elle à l'intention du malheureux qui commençait vraiment à regretter de s'être levé ce matin-là.

Il n'aurait jamais du accepter de monter la garde avec l'idiot de la bande. Mais Grimbald l'avait charrié au camp, alors il avait voulu faire bonne figure, et puis dans la région, ils n'avaient jamais eu de problème. Les éclaireurs étaient toujours revenus sains et saufs. Son courage fondait à vue d'oeil face aux menaces, peut-être même que sa vie commençait à défiler devant ses yeux vitreux, mais il tenait bon pour le moment, laissant le temps à ses bourreaux d'échanger encore quelques paroles entre eux. Un sursis qui rendait l'attente encore plus insupportable mais ça les mercenaires semblaient ne pas s'en soucier.

~ Combien..? Beaucoup, j'imagine. Les gens d'ici sont durs en affaire mais ces bandits n'en sont pas à leur premier essai dans la région. Ils sauront se montrer généreux envers celui qui leur ôtera cette épine du pied.

En entendant les paroles de l'elfe, le bandit comprit qu'il ne s'agissait pas que du troupeau volé. On avait fait le lien entre leurs autres forfaits et sa bande, ce qui lui vaudrait sûrement la pendaison si on le ramenait au village. Les paysans devaient être furieux et ils se défouleraient volontiers sur lui s'il ne livrait les autres. D'un autre côté, les mercenaires face à lui ne le laisseraient sûrement pas vivre aussi longtemps, compte tenu du sort qu'avait subi son compagnon.

Il commençait à hésiter. Après tout pourquoi serait-il le seul à souffrir ? Ce n'était même pas son idée à l'origine.
Ce n'était qu'une question de minutes avant qu'il ne cède à la pression.

Les noms étaient tombés. Enfin. La bande de malfaiteurs répondait donc aux ordres de trois personnes. Trois décideurs, dont deux visiblement menés par le troisième. L'elfe ne prit pas la peine de retenir les noms qu'il avait prononcé, après tout ces hommes seraient morts dans bien trop peu de temps pour qu'elle ait jamais à se soucier d'eux à nouveau. Cependant cette information sembla retenir toute l'attention de son complice involontaire dans cette affaire. Quelle importance donnait-il à ces noms ? Elle ne le saurait sans doute jamais et n'avait pas non plus l'intention de poser la question.

Ce qui lui importait, elle, était la localisation du troupeau et des fauteurs de trouble, qu'importe leur identité. Or le bougre venait de leur livrer tous les indices nécessaires. Le troupeau paissait sous la surveillance de peu d'hommes dans les environs, quant aux décideurs, ils se rassemblaient dans un autre lieu, seuls. Du pain béni pour les deux chasseurs bien qu'ils ignorent la fréquence de leurs réunions. Au moins savaient-ils avec certitude où chercher et c'était là une avancée capitale dans leur mission respective et finalement pas si éloignée que ça l'une de l'autre.

Une fois toutes ses précieuses données en leur possession, le mercenaire tint parole en laissant le filou s'en aller. Une attitude honorable bien qu'un pari risqué. L'elfe ne pouvait qu'approuver et saluer cette marque de noblesse d'âme dont si peu d'humains savaient faire preuve.

La fripouille qui fuyait à toutes jambes en revanche ne ferait peut-être pas autant de cas de ses promesses. Dès lors, il n'y avait pas une minute à perdre : ils devaient s'occuper du troupeau et des chefs avant que l'alerte soit donnée. Erydrin commençait déjà à tourner le dos pour retourner vers l'endroit où elle avait abandonné sa monture quand la voix de Leoden la stoppa brusquement.

« Tire »

Il lui fallut un bref instant pour comprendre ce qu'il attendait d'elle. Comment pouvait-il lui demander une telle chose ? Assommée par cette énième  preuve de la cruauté humaine, elle laissa échapper un soupir avant de se retourner vers le mercenaire, posant sur lui un oeil réprobateur.

~ Si vous voulez l'achever, commencez à courir. Je ne tire pas sur un homme qui me tourne le dos.

Le ton était franchement sec, et avant de reprendre le mouvement qu'elle avait amorcé, elle ne put s'empêcher de toiser ce beau parleur sans aucune morale un bref instant. On pouvait presque sentir le désespoir dans son geste, car après tout, elle était forcée de collaborer avec lui pour la suite...

~ Mais nous avons mieux à faire. Puisque vous l'avez laissé partir, nous disposons de peu de temps.

Tout en parlant, elle bifurqua vers le petit camp improvisé des deux hommes pour fouiller la zone du regard. Outre leurs affaires dont elle se moquait éperdument et un feu crépitant qu'elle s'empressa d'éteindre en étalant les cendres du plat de sa botte, elle ne remarqua rien de particulier. Ni ordre de mission, ni symbole particulier. Comme il l'avait justement dit pour sauver sa peau, ils n'étaient que des sous-fifres dépourvus d'informations sur les agissements du groupe.

~ Je vous laisse le soin de faire le repérage auprès de leurs chefs. Je vais d'abord libérer le troupeau et je vous rejoindrais ensuite.

N'ayant plus rien à faire sur place, elle s'apprêta à quitter les lieux pour rejoindre sa monture mais se tourna une dernière fois vers Leoden, une main tenant la corde de son arc au niveau de son épaule.

~ Au cas où vous auriez de nouveau besoin d'un bon tireur, vous pouvez m'appeler Erydrin. Cavalier d'argent, pour vous servir, lança-t-elle en reprenant avec un soupçon d'ironie la présentation qu'il lui avait servi plus tôt.

Elle n'attendait plus que son approbation sur le "plan" à suivre avant de s'évaporer à travers bois de la même manière dont elle s'était révélée à lui.

Quel ton présomptueux il employait là.
Un sourcil arqué, la solitaire le regarda enfourcher sa monture pour partir sur le champ. Aurait-elle réussi à le faire... bouder ? L'aurait-elle vexé ? Cela non plus, elle n'en saurais sûrement jamais rien, mais l'idée finit par lui décrocher un sourire amusé alors qu'il n'y avait plus personne pour le constater.

Puis secouant vaguement la tête, elle rebroussa chemin à son tour pour rattraper son fidèle destrier. Une fois en selle, elle lança le puissant animal à fond de train vers les collines. Penchée sur son encolure musculeuse, elle suivait la route entre ses oreilles couchées.   Il y avait longtemps qu'ils n'avaient pas chevauché aussi vivement, ce qui semblait leur donner des ailes. Le cheval avec son cavalier progressait vite dans la lande, se rapprochant à chaque minute un peu plus de leur objectif, le coeur léger comme le vent qui soulevait crins comme cheveux.

Froid comme tous les vents du Nord, il jouait avec les deux compagnons venu le défier, remontant contre son courant féroce. Plutôt que de lutter, il consentit à les laisser passer, s'amusant davantage à siffler aux creux des oreilles de l'elfe qu'à ralentir sa monture, à se rouler dans sa chevelure d'ébène pour la faire exécuter une ronde endiablée. Le vent s'amusait bien, aussi ne vit-il pas qu'il charriait jusqu'aux oreilles de l'elfe les sons qu'elle guettait : les pas d'un troupeau de quelques têtes.

Ainsi elle fondit jusqu'en haut de la colline. De là-haut, elle vit le troupeau, ainsi que les deux gardiens. Ils se trouvaient bien en contrebas, comme l'avait indiqué le bandit, mais quand il remarquèrent à leur tour sa silhouette au loin, ils semblèrent hésiter. Leurs yeux ne portaient pas si loin. Le cavalier descendit à leur rencontre, faisant aller sa monture d'un pas calme mais réactif.

Les bandits ne bougèrent pas, jusqu'à reconnaître l'allure du cavalier. Des vêtements d'argent, une monture de neige ainsi qu'une couronne d'ombre entourant un visage certainement balafré. Le cavalier d'argent. Il n'y avait plus à hésiter dès lors : ils tirèrent leurs armes, se ruèrent vers les bêtes les plus proches pour les égorger. Ils avaient des ordres, mais si ce mercenaire là était à la hauteur de sa réputation, ils savaient qu'ils n'en réchapperaient pas. Alors, ils mirent à profit le temps qu'il leur restait avant que le cavalier ne fonde sur eux pour emporter les bêtes avec eux dans la tombe quitte à semer une graine de désespoir sur leur dépouille.

Une flèche les cueillit l'un après l'autre avant que leur lame ne touche la moindre bête.

Alors le cavalier put ramener le troupeau, ou ce qu'il en restait, à son propriétaire, avant la nuit tombée. Cependant, il ne s'éternisa pas sur place, parce qu'il y avait encore beaucoup à faire avant de profiter des remerciements.

Le soir vint vite, aussi il faisait déjà nuit quand Erydrin s'enfonça de nouveau dans les bois. Heureusement, le chemin avait été balisé et elle retrouva sans mal les traces de l'homme qui l'avait précédé. Elle n'eut alors qu'à suivre ses pas pour le retrouver puis se faufiler jusqu'à lui. Il fixait la cabane éclairée avec insistance, comme pour percevoir les mouvements qui se deviner à l'intérieur. La conversation semblait bien avancée, quant à lui, il semblait l'épier depuis un certain temps déjà.

Espérant ne pas trop le surprendre, elle se signala en posant une main sur son bras.

~ Quelle est la situation ? murmura-t-elle d'un ton fatigué.

Même pour une elfe, faire un tel trajet en une seule journée était éprouvant. Si son visage restait blanc sous la lune, ses vêtements semblaient bien ternes, eux, laissant deviner qu'une fine couche de poussière les avait recouvert tout au long de la route. Les quelques minutes nécessaire pour lui résumer la situation, la jeune femme se reposa sur les racines d'un arbre.

Agréablement surprise de ne pas même déclencher un sursaut auprès du mercenaire en signalant sa présence, l'elfe l'écouta lui faire part des informations qu'il avait réussi à recueillir jusque là. Tous les décisionnaires avaient l'air d'être bien réuni à l'intérieur de la petite bâtisse et discutaient là depuis un bon moment. A leurs voix qui perçaient à travers la nuit, on n'avait pas de mal à déterminer leur nombre, à moins que l'un d'eux ait gardé le silence du début à la fin.

Même si ce n'était pas de coutume dans les petites bandes de brigands, on ne pouvait pas écarter trop hâtivement la possibilité d'un garde du corps, ou même de plusieurs, chargés seulement de la sécurité des chefs. Heureusement, Leoden comme elle n'étaient pas des soldats de pacotilles. Il n'y avait pas besoin de croiser le fer avec le mercenaire pour en être convaincu : la façon dont il avait réagi à l'embuscade d'Erydrin suffisait à tirer quelques conclusions sur ses capacités. Quant à cette dernière, et bien elle avait affronté trop de bataillons orcs et humains pour avoir peur de quelques brigands tapis dans leur cabane. D'autant plus lorsqu'ils n'avaient pas la moindre idée de ce qui allait leur tomber dessus lorsqu'ils sortiraient de leur cachette.

Ce moment arriva peu de temps après l'arrivée d'Erydrin sur les lieux. Juste de quoi comprendre la situation et le chasseur lui signalait un mouvement parmi leurs cibles. Ils se levaient, échangeant de brefs saluts ou achevant des conversations que l'on pouvait imaginer d'un niveau intellectuel discutable avant de se tourner vers la porte.

« Bon, c'est maintenant qu'il faut se bouger »

Charmante invitation. Mais il avait raison, et ils furent deux à se rapprocher de la maisonnette. Pendant que le jeune homme approchait de la porte son arme au clair, Erydrin lui fit signe qu'elle allait contourner par l'arrière de la bâtisse. Ce n'était pas le rôle qu'elle avait l'habitude de jouer, plus volontiers en tête de ligne qu'à rabattre les fuyards et les prendre à revers, mais il fallait bien que quelqu'un s'occupe de vérifier qu'ils ne pourraient pas fuir par une porte dérobée quand ils comprendraient que se battre ne leur serviraient pas à grand chose.

Baissée pour ne pas être vue depuis les fenêtres, l'elfe se faufila donc de l'autre côté du bâtiment. Au moment où elle remarquait bien la présence d'une porte, elle entendit les premiers bruits de lutte. Quelques instants seulement après, tandis qu'elle s'apprêtait à enfoncer la porte, cette dernière s'ouvrit à la volée, l'obligeant à faire un pas de côté rapidement sous peine de la recevoir en plein visage.

Résultat, elle se retrouva nez à nez avec l'un des brigands, apparemment tout aussi surpris qu'elle par la situation. S'en suivi quelques passes maladroites qu'elle esquiva sans grande peine avant de trouver une ouverture et de planter sa lame dans la cuisse. Un second coup porté avec le pommeau à la tempe acheva de le mettre à terre. Ainsi l'elfe enjamba l'inconscient et entra dans la cabane, où l'odeur de moisissure se disputait à celle de la nourriture et de la boisson.

Si Leoden avait réussi son coup, les brigands étaient désormais cernés et il n'avait plus qu'à les cueillir un par un. Cela dit, avant que cela n'arrive, ils pouvaient toujours choisir de se rendre.

~ Déposez vos armes, intima-t-elle d'un ton impérieux, causant la surprise de ceux qui ne l'avaient pas encore remarquée. Vous n'avez plus nul part où fuir...

En vérité l'espace réduit de la cabane ne jouait pas en sa faveur, quand bien même elle leur barrait la route. Les espaces dégagés étaient plus adaptés à son style de combat, de même qu'à n'importe quel combat à l'épée, mais ça, ils n'avaient pas à le savoir. S'ils se rendaient, le bain de sang pourrait être évité et ce serait alors à la justice humaine de décider de leur sort.

Le chasseur ne semblait pas apprécier la mansuétude dont faisait preuve Erydrin en laissant une chance de survie à tous ces malfrats. Quand il leur fit signe de pleurnicher plutôt auprès d'elle que de lui, l'elfe fut prise d'un vague dégoût devant ces figures simiesques qui avançaient peu à peu vers elle. Se faisant violence pour ne pas reculer de quelques pas à leur approche, elle avisa une corde tombée non loin d'elle et la tira du bout de sa botte pour s'en saisir. Un à un, elle noua solidement les poignets de chaque bandit prêt à se rendre sans négocier, laissant les autres aux bons soins de Leoden. La plupart finirent donc à genoux devant elle, à lui tendre leurs poignets, le visage mort. L'elfe pouvait sentir leur peur suinter de chaque pore de leur peau outre le musc animal qui lui vrillait les narines dès qu'elle s'approchait d'eux.

Elle n'avait pas si fréquemment que cela l'occasion de se tenir si près d'une telle vermine et l'état dans lequel se trouvaient ses hommes la dépassait complètement. N'avaient-ils seulement jamais songé à se plonger dans l'eau claire d'une rivière ? A nettoyer leur vêtements avec du charbon ?

Elle en était là de ses réflexions lorsque soudainement, la voix du chasseur éclata dans le silence relatif des lieux. Erydrin fronça les sourcils en constatant qu'il avait raison : un des hommes avait profité qu'elle lui tourne le dos pour lier les mains d'un de ses compagnon pour prendre la poudre d'escampette. Un souffle audible franchit ses narines alors qu'elle abandonnait sa présente tâche pour encocher une flèche à son arc. La pointe de métal refléta la lumière de la lune comme un miroir tandis qu'elle fusait à toute vitesse à travers la nuit. L'instant d'après, la silhouette chuta lourdement sur le sol, une flèche en travers de la gorge.

L'elfe s'assura que le bougre ne se relèverait pas avant de revenir à l'action qui suivait son cours à l'intérieur de la petite masure. Son regard accrocha le chasseur qui depuis qu'il avait raccourcit les derniers récalcitrants semblait simplement attendre la suite des événements. Et après ça, on pensait encore que l'oisiveté était une valeur elfique... Se passant de tout commentaire, elle termina d'encorder les prisonniers.

~ Il serait préférable que vous soyez celui qui les ramène, pour votre prime, déclara-t-elle simplement.

La concordance des témoignages et des faits les avaient menés tous les deux droit sur cette affaire mais comme Erydrin l'avait déjà suggéré auparavant, la prime ne l'intéressait pas. Eut-elle été seule qu'elle aurait laissé leur argent à ces pauvres gens, et demandé seulement quelques services telle que des soins pour son cheval et un tour chez le cordonnier du coin pour renforcer ses semelles vieillissantes. Peut-être lui offrirait-on ses services, même si elle se contentait de ramener le bétail volé et laissait la gloire à son partenaire. Elle verrait bien le moment venu.

Un changement s'opéra chez elle, maintenant que le danger était écarté, intangible, subtil, mais qui lui donnait l'air malgré tout beaucoup moins sec. Loin d'être avenante pour autant, car après tout elle ne l'était jamais vraiment, son regard sembait se faire moins corosif désormais.

Après avoir récupéré tout le matériel qu'elle avait déposé contre une poutre de la bâtisse le temps d'attacher tout le monde, elle fit signe à Leoden qu'elle était prête à fermer la marche, au moins le temps qu'ils retrouvent leurs chevaux. Ces derniers devaient être en train de tondre toute l'herbe de la vallée à l'heure qu'il était.