LA PLUS GRANDE PEUR DE TOUT ÊTRE HUMAIN, MÊME DE CELUI QUI A CHOISI DE VIVRE EN ERMITE, N'EST PAS DE MOURIR. C'EST DE MOURIR SEUL.
Jennifaël se souvenait très clairement de ce jour. Allongée sur le pas de la porte, elle regardait en direction du ciel, se remémorant cet épisode douloureux. C’était il y a quelques années, sa mère était encore en vie. Elle devait avoir six ans à ce moment. Le coursier avait déjà amené le soleil haut dans le ciel depuis un moment. Il tangentait presque à son Zénith, mais il était encore temps pour la petite fille de partir jouer avec ses camarades. Elle engloutit rapidement un petit casson un peu sec qui avait été préparé hypocritement la veille par sa mère. Elle ne faisait jamais aucun effort, du moins elle faisait le minimum pour se donner bonne conscience. Tout ce qu’elle faisait à cette heure de la journée pendant que son mari était à la forge était de boire son eau-de-vie. C’est pour cela qu’il fut aisé pour la petite fillette de quitter sa maison et le regard inquisiteur de sa mère. Elle rejoignit ses amis qui l’attendaient devant chez elle. C’était un petit groupe d’enfants du quartier composé principalement de garçons pour deux filles seulement. Jenni’ était la deuxième. Elle appréciait les aventures que lui proposait cette troupe de joyeux de rire. Aujourd’hui, ils iraient au bord de la rivière. En cette saison, le courant était moins fort et le niveau de l’eau était relativement bas. Les paysans craignaient toutefois un manque d’eau pour leur plantation. Ils devaient pour ce faire traverser les champs et la forêt qui abritait la dite rivière. On disait qu’elle était enchantée ; celui qui devait en boire ne pouvait dire que la vérité sous peine de sentir sa gorge lui bruler jusqu’à l’agonie. Cette histoire faisait trembler la gamine qui craignait cette histoire. « Tu n’es qu’une trouillarde Jenni’ » avait crié un des garçons, le chef de la bande. Mais Jennifaël avait relevé la tête, le regard fier et était passée devant tout le monde. Elle avait soulevé sa robe jaune, découvrant ses mollets coupés par ses petites bottines noires et avait couru à travers les champs, évitant et poussant les hautes herbes. Les autres emboîtaient sa course à sa suite. Ils arrivèrent rapidement à l’orée de la forêt. Cette dernière, au printemps, était tellement épaisse qu’on semblait pouvoir fouler du pied sans toucher le sol la bruyère qui proliférait, habillant le bocage d’un magnifique vert. Jennifaël observait chaque recoin de cette nature sauvage, espérant apercevoir des fées les regardant passer à vive allure. Le terrain était accidenté, recouvert de branches, de racines et de feuilles mortes des automnes précédents. Mais la petite fille parvenait à garder son rythme de cours et une certaine stabilité.
Enfin ils arrivèrent devant la rivière qui semblait les attendre depuis un temps. Comme prévu, le niveau de l’eau n’était pas très haut et le plancher alluvial offrait à la vue des enfants un agglomérat de petits cailloux brillants sous les rayons du soleil. Ils n’hésitèrent pas une seconde à sauter dans le courant, sauf Jenni’. Cette légende qui tenait la rivière la bloquait. C’était les fées de cette forêt qui avaient enchanté l’eau, car l’une d’entre elle était devenue mauvaise et il fallait lui tendre un piège. Elle but de cette eau et mentit tout de suite après ; sa gorge lui brûla tellement qu’elle mourut de ses douleurs. C’était une vieille légende, aussi vieille que la Terre du Milieu. Mais elle n’empêchait pas les hommes d’en avoir peur et d’interdire à quiconque de s’en approcher et même d’en boire. Encouragée par ses camarades, Jennifaël sauta les deux pieds en avant dans l’eau, sans même ôter ses souliers. Il ne fallait pas qu’elle se coupe la peau au risque de voir apparaître une infection fatale. Les enfants s’amusèrent joyeusement dans l’eau, se poursuivant, glissant et tombant, s’imaginant être des créatures de la mer. La petite fille, quant à elle, ramassait les cailloux gisant sur le sol sablonneux. Ils étaient lisses et bien ronds, d’une magnifique couleur blanche. Jenni’ observa leur griffabilité du bout de ses doigts qu’elle tenait dans sa main fripée. Elle les tria et garda les plus jolis qu’elle fourra dans les poches de sa robe trempée et tâchée de boue.
Il était temps de rentrer. L’après-midi était déjà bien avancé et les parents allaient certainement s’inquiéter. Les enfants firent le chemin inverse qui était plus pénible car la lourdeur de leurs vêtements trempés entravait leurs mouvements. Ils atteignirent enfin le village et Jennifaël devait absolument rentrer sans se faire prendre par sa mère. En effet, sa robe était tâchée de boue et couverte d’herbe et de brindilles. Ses cheveux étaient collés sur ses joues et ses chaussures étaient trempées. Elle souhaitait à tout prix éviter un moratoire avec sa mère qui s’autobraquerait et se montrerait souvent violente à son égard. C’est pourquoi elle entra sur la pointe des pieds en faisant bien attention à ne faire aucun bruit qui attirerait l’attention sur elle. La petite fille retira ses vêtements et se prépara pour aller prendre un bain. Ni vue, ni connue. Elle entra dans le baquet rempli d’eau et finit par réussir à se détendre. Mais cela fut de courte durée, car la faucheuse frappa à la porte de la salle d’eau. Sa mère y pénétra et attrapa la fillette par le bras, la sortant de son bain, nue comme un ver. Elle hurlait sur la petite fille qui voyait déjà ses larmes couler abondamment. Tant de reproches pour avoir sali ses vêtements. Mais ce n’était qu’une petite fille qui voulait seulement s’amuser. « Je ne croyais pas que ça finirait de cette manière » pensa cette dernière.
La mère l’entraîna hors de la maison et la balança du haut du palier dans la boue, montrant sa nudité à la vue de tous les habitants du village. Chacun affichait un visage choqué par cette situation. Pauvre petite fille qui avait une maman si terrible. La face de cette dernière était défigurée par la haine et la colère. « Ça t’apprendra à être si salle, vilaine fille. Que tu es laide ! ». Jennifaël essayait tant bien que mal de cacher son corps à l’aide de ses petites mains, ses amis la regardaient avec peine. Oui, elle devait être vilaine à cet instant, nue comme un bébé, couverte de boue et pleurant. Son cœur était serré et un feu animait ses joues tellement elle se sentait mal à l’aise devant toute ses personnes, sa mère lui hurlant dessus.
C’est à cet instant que son père arriva de la forge, se demandant pourquoi il y avait une telle foule autour de son humble demeure. C’est quand il vit sa petite chérie pleurant dans la boue que son sang ne fit qu’un tour. Il poussa les personnes entravant sa marche et se précipita sur Jennifaël. L’homme l’attrapa et la porta dans ses bras allant la mettre à l’abri des regards. Il entraîna également sa femme dans la maison. Son père la déposa dans le baquet lui adressant un sourire rassurant qui voulait dire que tout irait mieux plus tard. Il ferma la porte de la salle d’eau et la petite fille pouvait entendre des cris de l’autre côté. Son père avait dû asséner une gifle à cette femme qui avait osé humilier une enfant.
C’est à cet instant que son père arriva sur le pallier, sortant la jeune fille de ses pensées. « À quoi penses-tu ma chérie ? » lui demanda-t-il. Elle se contenta de se lever et de prendre son papa dans ses bras.
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Ridiculum non timeo
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