Sigrid était avec sa mère au marché (5 ans)

Il y avait de ces jours où Elea n’aimait pas sortir, ou elle préférait rester chez elle près de son grand père. Ce dernier aimait lui raconter de fabuleuses histoires sur la montagne et n’importe quel jouet ne faisait pas le poids face à ces histoires. Il avait une telle élocution qu’il parvenait à l’effrayer, à l’émerveiller selon les épisodes. MIRENDA avait réussi à trainer sa fille de force tandis que celle-ci était accroupie sur le plancher poussiéreux.  Elea protesta, n’y mettant pas du sien en se faisant la plus lourde possible pour ne pas se faire relever par sa mère. Cette dernière excédée sous les rires du vieil homme se stoppa pour attraper sa fille sous les bras afin de la mettre sur pieds et dépoussiérer sa robe d’un revers de main. D’un sermon elle arracha une moue désolée à sa fille qui se contenta de hocher la tête et obéir à sa mère qui avait besoin d’elle pour porter des paniers en allant au marché. Elea n’aimait pas le marché, car l’odeur des entrailles de poisson dépérissant au sol lui dérangeait le nez et puisque c’était toujours le premier stand qu’elles croisaient, Elea avait l’impression de s’y attarder pendant des heures et des heures. Boudeuse mais surtout de mauvaise volonté, la petite Elea se faisait trainer tandis que sa mère l’avait prise par la main et emmenée dehors. Il ne faisait pas très beau ce jour là, un petit vent frais venait rougir le bout de son nez. Mirenda marchait bien vite, pressée d’en finir avec ses courses pour aller s’occuper de ses tâches dans leur foyer familial.

Elea resta près d’elle durant les premières minutes, jouant avec un chat errant qui guettait le moment opportun pour voler du poisson.  Allongée à plat ventre sans que sa mère ne l’ai remarquée, Elea tendait le bras sous le stand, à moitié couverte par la longue nappe et tentait d’appâter le chat avec une fleur fanée qui était tombée au passage du fleuriste. Miaulant, craintif, le chat noir eu quelques mouvements de recul tandis que la petite fille tentait de se rapprocher de lui.

« Oh mais regardez qui voilà ! »

Dans un petit cri, Elea se senti tirer par les pieds et soulever avec bien plus de facilité que sa mère. C’était un homme grand et fort et ami de ses parents. Elea lui adressa un sourire timide et gêné du fait qu’elle n’aimait pas qu’on l’attrape comme un sac à patates. Ce genre de choses arriverait sans doute moins dans les années à venir étant donné qu’elle s’éloignait de plus en plus de l’enfance sans en avoir perdu son innocence visiblement.

« Reposez-moi par terre, s’il vous plait ! » Supplia t-elle

La voix de la petite interpella Mirenda qui fit volte face et soupira en voyant sa fille dans les bras du boulanger la robe couverte de crasse. Il la reposa sur la demande de la petite et salua l’homme. Ils discutèrent pendant quelques minutes avant de passer leur chemin et s’être salués poliment. C’est alors qu’elles croisèrent leurs voisines, Oda et sa fille, Sigrid qu’Elea connaissait déjà pour avoir souvent été gardée par Oda et joué avec Sigrid. Elea salua poliment la dame et déposa un bisou sur la joue de la petite Sigrid. Oda invita Mirenda à faire le chemin du retour ensemble pour ensuite se retrouver chez elle et discuter un moment. Elle accepta, toujours heureuse de rencontrer Oda qu’elle considérait jusqu’à présent comme une véritable amie.  

En entrant Oda invita sa fille à emmener Elea dans sa chambre pour qu’elles jouent tranquillement et laisse les deux femmes papoter. Elea s’était toujours comportée comme une grande sœur avec Sigrid, de part leur âge mais aussi parce qu’elles avaient tissé un lien bien assez important pour qu’il n’y ait jamais de timidité entre elles. Elea s’amusa à lui confectionner une robe de princesse en utilisant les rubans dans le placard de Sigrid qu’elle ajouta à la jolie robe qu’elle portait ce jour là. Elle lui tressa les cheveux et ajouta quelques bijoux à sa coiffure. Elea avait appris à faire des tresses grâce à sa mère mais avait toujours du mal à les commencer, fort heureusement elle avait réussi à arranger le coup et Sigrid s’en sortait avec un look pour le moins enfantin et très…original !

« Un jour on sera les princesses de la montagne là bas ! » Lui annonça t-elle en pointant du doigt le pic solitaire au travers de la fenêtre.
« Est-ce que tu veux que je t’apprenne à faire des tresses Sigrid ? »


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Telle une grande sœur, Elea tressait les cheveux de Sigrid qui avait bien du mal à tenir en place. Ah ! Les enfants ! Elea lui demanda de cesser de gesticuler, et celle-ci s’excusa. Elle mettait du temps aussi à faire les tresses, en grande débutant et pouvait quand même comprendre que ce soit compliqué pour la petite de rester tranquillement en place. Ceci fait elle prit quelques minutes pour lui expliquer comment on fait des tresses, en la laissant essayer sur ses mèches blondes alors qu’elle penchait la tête vers elle. Toute fille se devait de savoir faire les tresses, elle était heureuse d’être celle qui lui apprenait. Comme toute débutante ce n’était pas parfait mais Elea félicita tout de même Sirgid lorsqu’elle eu vraisemblablement compris le principe.

Alors qu’elle eut terminé de lui montrer comment tresser des mèches, elle vit le visage de son amie se décomposer. Elea suivit le regard de Sigrid qui se baissa sur ses chaussures où il s’y trouvait une tâche plus que visible. Elle réalisa que cette tâche dérangeait la jeune fille qui semblait essayer de la faire partir. Intriguée, Elea lui demanda si tout allait bien mais manifestement elle craignait de se faire réprimander par sa mère. Elea retira la chaussure de la petite avant de la rassurer.

« Ne t’inquiète pas !! On va trouver une solution !!! »

Elle ne savait ni quand ni comment mais elle savait déjà qu’elle avait besoin d’eau savonneuse afin de frotter la tache et la faire disparaitre. Le problème était qu’il fallait se rendre à la cuisine et que pour cela elles devraient passer par le salon où se trouvaient leurs deux mères. Elles ne les laisseraient pas y aller sans leur demander pourquoi et la mère de Sigrid verrait bien vite sa chaussure tâchée. Heureusement qu’Elea avait plus d’un tour dans son sac et qu’elle était douée en matière de camouflage. Elle avait alors développé plusieurs techniques pour chiper des gâteaux chez elle sans que sa mère la voie, quitte à faire accuser son père. Il était désormais temps de mettre ces techniques sur un nouveau territoire !

Elle attrapa une couverture et recouvrit Sigrid avec avant de s’en prendre une a son tour.

« On va aller dans la cuisine, mais elles ne doivent pas nous voir, d’accord ? »

Elea ouvrit discrètement la porte de la chambre de Sigrid, tendant l’oreille afin d’essayer de déceler les voix riantes de leurs mères trop occupées à discuter pour se douter de ce qu’il se tramait. Elea se mit à quatre pattes et somma Sigrid à faire de même afin que son plan se déroule bien. Rampant au sol, elles arrivèrent à auteur du salon, la jeune Elea pointa discrètement le bout de son nez afin de regarder où elles se trouvaient et comment elles allaient faire pour passer. Le problème était que la mère de Sigrid pouvait tout à fait les avoir dans son champ de vision. Elles étaient assises sur le canapé, la mère d’Elea se voyait d’ici de dos. Elea se retira et regarda Sigrid.

« Attends mon signal d’accord ? »

La blondinette repassa la tête entre l’ouverture et observa leurs faits et gestes. C’est au moment ou la mère de Sigrid se leva pour aller servir du thé qu’Elea fit signe à Sigrid de la suivre rapidement. Elles progressèrent ainsi jusque derrière le canapé où elles s’arrêtèrent pour ne pas éveiller les soupçons. La cuisine n’était plus très loin, il fallait juste redoubler d’attention et attendre que la mère de Sigrid reprenne place et qu’elles recommencent à discuter pour couvrir le bruit. Au bout de quelques instants, elle jugea que la voie était libre et rampa sur quelques mètres, suivie de près par Sigrid jusqu’à la cuisine.

« Referme doucement la porte » chuchota t-elle a Sigrid alors qu’elles étaient entrées.

Lorsque ce fut fait, Elea se leva, retira d’un geste la couverture et se précipita vers la marmite d’eau encore bouillante que Oda avait fait pour le thé. En utilisant un bol, elle prit assez d’eau pour nettoyer la tache et s’empara d’un pain de savon. Elle ne perdit pas de temps, invitant Sigrid à venir se cacher sous la table avec elle au cas où l’une des deux femmes entre dans la cuisine. Elea frotta énergiquement la chaussure de savon après l’avoir imprégnée d’eau. Elle dû s’y prendre à plusieurs fois, constatant une évolution entre les rinçages sans que cela ne soit définitif…



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Tout s’était déroulé sans problèmes, les deux jeunes filles avaient réussi à rester discrètes au possible et étaient finalement retournées dans la chambre comme si de rien était. Elea la félicita pour sa discrétion, heureuse qu’elles ne se soient pas faites prendre et qu’en plus les chaussures de sa voisine n’étaient plus tâchées. Elle lui rendit sa chaussure après l’avoir une dernière fois examiné et fut heureuse de l’entendre la remercier. C’était tout à fait normal, entre amies, on s’aide ! Sigrid aurait certainement fait la même chose pour Elea étant donné leur solide amitié. Elea avait hâte de découvrir que que Sigrid lui apprendrait la prochaine fois, c’était avec un large sourire qu’elle lui répondit et lui offrit un câlin empli d’affection.

Ces mésaventures lui rappelèrent une fois où sa mère avait invité une amie à la maison. Alors qu’elles étaient à nouveau seules, Elea pouvait lui raconter sans plus de retenue même si cette dernière semblait écouter que d’une oreille.

« Un jour maman a invité une amie manger de la tarte à la maison et elle s’est essuyée la bouche avec une de mes robes !! »

Elea imita la dame, mimant comme si elle mangeait une tarte goulument et qu’elle s’essuyait ensuite la bouche de manière bien insistante afin que Sigrid puisse s’imaginer la scène. Elea l’avait regardée salir sa robe bouche bée le temps que sa mère ait le dos tourné. Une fois celle-ci revenue, elle avait regardé Elea avec ses gros yeux de colère.

« Maman n’était pas contente elle croyait que c’était moi qui l’avait tâchée ! Et la Dame elle a rien dit ! » Dit elle encore sous le choc.

Elea fit mine de bouder un instant avant de reporter son attention sur les chaussures de Sigrid qui brillaient, comme neuves ! Au moins elle ne se ferait pas disputer même si la tâche n’était certainement pas de son bon vouloir. C’est que les mamans des fois, elles n’écoutent pas ce qu’on leur dit et préfèrent les tenir pour responsable plutôt que demander directement la faute a qui c’est. Elea soupira doucement et haussa les épaules. A son âge elle savait déjà qu’il lui fallait se montrer maline si elle ne voulait pas s’attirer plus de problèmes, qu’il était inutile parfois de clamer son innocence parce qu’il y aurait toujours quelqu’un pour ne pas croire aux promesses. Elle s’assit sur e lit de Sigris, ses pieds balançant dans le vide et fut aussitôt rejoint par Sigrid. Elle lui offrit un sourire et posa la main sur son épaule.

« Les adultes ils sont méchants des fois, il faut savoir se débrouiller sans eux comme ça et partir en quête de la solution ! »

Une belle conclusion sortant d’entre les lèvres d’une enfant qui passait son temps à provoquer sa mère et à se faufiler à gauche et à droite. Car si cette fois là n’était pas de sa faute, elle semblait avoir oublié toutes ces autres bêtises qui avaient été de son fait de part cette façon de penser. Loin de là l’envie d’endoctriner Sigrid mais elle comprendrait certainement là où elle voulait en venir. Glissant ses petits doigts dans ses boucles blondes, elle remit en place ses cheveux qui lui tombait sur le visage et lui chatouillaient le nez. Croisant le regard de Sigrid, Elea étira un nouveau sourire bien plus radieux. Elle était heureuse d’être ici avec elle et espérait que ces moments soient gardés comme de bons souvenirs pendant très longtemps

« Quand on sera grandes on sera toujours amies d’accord ? Tu promets ? Et si on a des enfants on les disputera pas si c’est pas de leur faute ! »

Des promesses enfantines pour un avenir encore incertain. Puisqu’Elea savait qu’ils allaient bientôt s’en aller de Laketown, le moment était peut être venu de le lui annoncer.

« On va bientôt déménager, papa et maman veulent aller à….a….dans le Rahon, dans une ville qui est près du Gouffre de Melme. »

Son grand père disait que c’était loin d’ici mais qu’il n’était pas impossible pour elle de revenir une fois plus grande. La jeune fille avait eu beaucoup de peine en apprenant cela, parce qu’elle ne voulait pas quitter son amie et qu’elle n’allait pas pouvoir jouer avec elle. Des petites larmes vinrent perler au bord de ses yeux. Elea se cacha le visage dans ses mains, ne souhaitant pas faire du souci à Sigrid.



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Elea avait tenté de reporter l’échéance, d’annoncer à Sigrid son départ le plus tard possible afin qu’elle ne soit pas blessée et pour ne pas voir ses larmes couler jusqu’au moment où elle quitterait la ville pour de bon. Quoi qu’il en soit même en lui ayant avoué, elle gardait l’estomac noué face à cette annonce et au regard du sourire de Sigrid qui se fana. Elea s’en voulait énormément, comme si le départ était entièrement sa faute alors qu’il ne l’était pas. Elle était bien trop jeune pour décider de ce que elle et sa famille devait faire et devait en subir les décisions que cela lui plaise ou non. Elea avait tout de même demandé à annoncer d’elle-même à Sigrid cet événement afin de pouvoir la consoler et lui transmettre tout le courage et tout l’espoir possible. A mesure que le visage de son amie se décomposait, Elea avait de la peine, des larmes vinrent se loger au coin de ses yeux. La petite renifla et frotta ses yeux pour ne pas les laisser filer sur ses joues rougies de peine et gonflées de chagrin. La question qu’elle attendait le plus fut enfin posée, quand ? s’en suivrait comment, pourquoi ? Elle était prête à lui répondre.

« Nous partons dans quatre jours. »

Elea se mordit les lèvres, ployant le visage encore rongé de culpabilité. Puis elle releva les yeux et s’approcha de la jeune fille avec un sourire décousu sur le visage. Elle lia un bracelet qu’elle lui avait confectionné fait de perles multicolores au poignet de son amie, comme une promesse offerte, que le jour où elle reviendrait à Laketown, elle irait forcément lui rendre visite. Elea était triste de laisser son amie ici, elle allait devoir s’en faire d’autres dans la ville dont elle n’arrivait toujours pas à prononcer le nom. Mais ce qui allait lui manquer le plus c’était cette vue imprenable et féérique sur la montagne solitaire. Elea garda les mains de Sigrid entre les siennes dans un geste affectueux et fraternel, tentant tant bien que mal de la consoler.

« Nous on se souviendra je te promets !!T’es mon amie pour toujours ! »

Lorsque Sigrid perdit espoir, se demandant ce qu’elle allait faire sans la présence de son amie, Elea haussa les épaules, ne savant pas quoi y répondre. C’était difficile de positiver en sachant qu’elles n’avaient pas eu d’autres partenaires de jeux. Elea s’était toujours comportée comme une grande sœur pour Sigrid et pouvait comprendre que cela la perturbe les jours voire les semaines après son départ. Néanmoins la jeune demoiselle ne souhaitait pas qu’elle reste sur cette amertume et garde espoir pour que le jour où elles se retrouvent elles aient plein de choses à se raconter. Sigrid enserra Elea de ses bras de petite fille, câlinant son amie affectueusement et lui infligea un pincement au cœur. La blondinette prit la petite dans ses bras, tapotant doucement sa tête afin de consoler les larmes qui devaient sans doute menacer de couler ainsi que c’était le cas pour elle. Non, Elea n’avait aucune envie de quitter ces lieux qui l’avaient vue naitre, n’imaginant pas meilleure vie ailleurs qu’ici bien que les temps soient durs. Elle n’avait aucune envie de se retrouver dans un lieu inconnu, qu’on la regarde comme une étrangère et qu’elle doive se refaire des amis. Plusieurs fois Elea avait tenté de dissuader ses parents qui avaient fini par lui expliquer que la vie à Laketown n’allait rien leur offrir de bon étant donné que la ville était en pleine déchéance depuis plusieurs années déjà, depuis que les nains n’étaient plus dans la montagne. Ce à quoi la jeune fille avait répondu « on a qu’a les attendre ! » Ainsi les parents d’Elea lui avaient juré que le jour où les nains reviendraient, eux aussi retourneraient à Laketown. Mais la jeune fille ne se voilait pas la face, elle avait vu dans leur regard le peu d’espoir qu’ils avaient quand à cette éventualité.

« Je reviendrais et je t’emmènerais là où j’habite quelques jours ! Je te montrerais tout ce que j’ai découvert là-bas ! On pourra s’écrire aussi, il faut que tu apprennes à lire et à écrire, comme ça on pourra se faire des lettres ! »




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