Aplatissement en règle

Cela faisait quelques temps que j'étais revenu au Gondor. Mine de rien ma terre natale m'avait manqué. Plus que je ne l'aurais imaginé en partant. Mais voilà, j'étais rentré et après avoir visité ma famille et mes amis, je circulais un peu partout en ces terres, explorant, rencontrant des gens avant de décider de ma prochaine étape de ce long voyage qu'étais devenu ma vie.

En ce jour, la nuit commençait à tomber. La région n'étant pas aussi sûre que lorsque j'étais partit, j'avais décidé de m'arrêter pour la nuit. J'avais fait un feu, m'étais quelque peu restauré avant de trouver un arbre sur lequel grimper pour me reposer quelques heures. j'avais appris que la plus part des indésirables ne pensaient pas à lever le nez au ciel pour trouver des voyageurs. Les hauteurs des cimes étaient donc un bon refuge pour les voyageurs à pieds, comme moi.

Je somnolait, proche du sommeil, lorsqu'un craquement se fit entendre à quelques pas de moi, en bas de mon arbre. Je me redressai vivement et silencieusement, observant la nuit. Un homme se trouvait là en bas. Je ne le distinguais pas assez bien de là où j'étais. J'hésitai un court instant avant de me décider à descendre. Comme je n'étais pas trop haut, je pouvais facilement sauter sans risquer de me faire mal.

Ce que je fis. Sauf qu'entre temps, l'homme avait bougé et je me retrouvai non pas au sol comme prévu mais sur li, l'aplatissant misérablement entre le sol et moi. Je me relevai vivement, la main sur la garde de mon épée.

Oups... Je suis navré, je ne vous ai pas fait trop mal ?

Okay, ce n'était pas la meilleure manière d'aborder quelqu'un, qu'il soit belliqueux ou non. Ma maladresse venait de faire son apparition. À nouveau. J'étais vraiment un imbécile quand je m'y mettais.

Cette décision avait été prise sur un coup de tête. Ne sachant précisément où se rendre pour une nouvelle étape de sa vie, Gwaine s'était dit qu'enfin se rendre au Gondor, quitter ses terres natales, ne pouvait en aucun cas lui faire de mal. En plus, il avait eut des échos affirmant que son père le cherchait, aller dans un autre royaume pouvait bien lui sauver la mise quelque temps, histoire par exemple que l'on vienne à le penser mort. Enfin donc, le jeune homme se trouvait sur les terres gondorienne depuis une journée ou deux quand l'idée de prendre un peu de repos se fit tout de même sentir. Les routes n'étaient pas sûre dans cette partie du monde, s'en éloigner était donc le plus judicieux pour le faux-idiot qui s'installait sous un grand arbre. Auparavant, il en avait fait le tour, l'oreille tendue, avant de se dire qu'il ne semblait pas y avoir de risque, d'empreinte trop récentes qui pourraient indiquer la présence d'êtres peu recommandables.

Ainsi donc, installé depuis quelques secondes à peine – avec la ferme intention de se caler un peu l'estomac avec de la viande séchée et quelques pommes de terre traînant dans son sac – ravi de se reposer un peu avant de reprendre son chemin vers la prochaine cité, peut-être y trouver un travail dans les champs, dans les étables, les écuries, le dressage des chevaux... après tout, son peuple n'était pas réputé pour rien pour la qualité de son dressage avec les montures. Bref, pour un gars du Rohan, qui commençait à bien s'habituer au vagabondage, il y avait forcément de quoi faire. Ainsi donc, nous disions qu'alors qu'il venait de s'installer, quelque chose de très lourd lui tombait dessus, lui faisant avaler de travers le morceau de patate qu'il voulait gober jusqu'alors.

Mal ? S'il avait eu mal ? Non, il venait de se faire écraser par un homme adulte, armé – et une épée sur le coin du nez, ça fait mal – il n'avait rien sentit du tout évidemment ! Il ne valait mieux pas énerver quelqu'un ayant une arme, même si un épée était également à sa ceinture, se battre si tard avec le ventre vide, pas question. Peut-être qu'il pourrait jouer l'idiot ? Cela éviterait un échange trop long, les gens fuyaient les idiots au bout de cinq minutes... en même temps, Gwaine n'avait pas eu un véritable échange depuis longtemps, en dehors de son cheval qui n'était pas très causant.

« Il n'y a pas de mal, ne vous en faites pas. Cependant, vous devriez éviter de grimper dans les arbres si vous ne savez pas en descendre sans vous casser la figure. Ce n'est pas une activité de petit garçon de bonne famille. »

D'accord, lui aussi entrait dans cette catégorie, sauf qu'il avait à son actif quelques pitreries avec son frère, sans que cela aille jamais loin bien entendu. Sauf quand Père était absent.

« En revanche, vous me devez un repas. Vous venez de ruiner un festin avec votre postérieur, si vous refusez, je crains d'être obligé de vous tuer et vous faire cuire. » ce qui n'était pas sérieux bien entendu, mais il n'allait tout de même pas manger son cheval !

Je m’étais relevé aussitôt, me frappant mentalement de ma stupidité, espérant vraiment que le jeune homme face à moi ne m'en voudrait pas trop. Je n'avais pas spécialement envie de me battre avec lui et je n'avais rien pour le payer un quelconque dédommagement. Et pour ce qui était de se battre, je n'en avait pas envie, pas parce que j'avais peur de perdre mais parce que je n'aimait pas spécialement cela. J'avais appris à le faire car c'était nécessaire, et naturel étant un homme, mais ce n'était pas particulièrement plaisant. Sauf sous forme de jeu, mais jamais pour tuer. je détestais tuer. je le faisais pour défendre ma vie mais c'était le seul moment où je me permettais d’ôter la vie.

Sa première réponse fut plutôt sympathique, dite d'une voix calme et pas fâchée comme je m'y attendais. la fin de sa phrase pourtant pouvais passer pour insultante. Le ton qu'il avait pris pour le dire en tout cas. Un petit garçon... Mais il se prenait pour qui celui-là ? Avais-je donc l'air si jeune pour qu'il me traite de petit garçon ? Mais je ne pouvais décemment pas lui répliquer vertement quoique ce soit. Après tout je venait de l'aplatir misérablement. Je décidais de répondre avec humour.

"Encore navré. Comme il fait sombre, j'ai cru un instant que vous étiez du gibier et que je pouvais faire de vous mon dîner. Je me suis rendu compte de mon erreur trop tard. Vous m'en voyez réellement navré, la prochaine fois je saurai que même le gibier peut ne pas en être."

J'avais dit cela avec un sourire, espérant qu'il comprenne l'humour sans quoi ça risquait de le mettre en colère. Ce qui n'était clairement pas mon but. je ne m'amusais pas à mettre les gens en colère. Parfois je le faisais mais c'était indépendamment de ma volonté. Bon, ça m'avait déjà joué des tours par le passé. mais jusqu'ici je m'en étais toujours sortis sans trop de mal. Peut-être que ce serait le cas aussi aujourd'hui ? Je l'espérais du moins.

Son intervention suivante fut plus sérieuse, bien que je ne la pris pas trop au sérieux. me tuer... J'étais presque sûr qu'il ne voulait pas vraiment me tuer, il n'avait pas l'air d'être ce genre de personne. Mais je n'allais pas prendre le risque, je ne voulais pas mourir si jeune. Me laissant tomber au sol, j'ouvris mon sac à la recherche de victuailles tout en lui répondant.

"Ce n'est que justice, effectivement. Je ne sais pas si mes provisions sont aussi bonnes que votre repas, mais je vais voir ce que je peux vous trouver."

Après avoir fouillé quelque peu mon baluchon, je sorti de la viande séchée, une miche de pain, un bon morceau de fromages et un sac de baies et de noix ramassées au cour de la journée. largement de quoi nous nourrir tous les deux. De plus ma gourde était encore presque entièrement remplie. Je lui tendis le tout.

"Et voilà ce que j'ai. Nous n'allons pas mourir de faim ce soir. Au fait, que faites-vous dans ces régions ?"

Oui, je prenais mes aises et m'installais pour manger avec lui. ce n'était pas sûr qu'il soit d'accord mais actuellement je ne lui laissais pas trop le choix, les victuailles étant à moi. Oh bien sûr, il pourrait les prendre et partir. Ou les prendre et me demander de partir, quitte à me menacer de son épée. mais je ne pensais pas qu'il le ferait. ça avait l'air d'être un gars sympa, le genre avec qui j'aurais pu devenir ami dans mon enfance, ou mon adolescence. En tous les cas, j'espérais qu'il n'allait pas refuser que l'on partage ce repas. Cela faisait pas mal de temps que je voyageais de-ci, de-là et un peu de compagnie n'avait jamais fait de mal à personne, si ?

Enfin, peut-être qu'il n'avait pas la même vision des choses que moi. J'étais quelqu'un d'un peu trop joyeux et optimiste parfois. Un peu trop irréfléchi aussi, et ce depuis que j'étais gamin. Il y avait des choses qui ne changeaient pas, même avec le temps. Je soupirai, secouant la tête avant de relever les yeux vers lui, attendant sa réponse avec - il faut bien l'avouer - une petite appréhension.

Un gibier ? L'étranger venait de le comparer à un gibier ? Il voulait bien que par la pénombre, il soit possible de mal dicerner les formes mais quand même.... de là à confondre un humain et une bonne viande à se mettre sous la dent... encore que le cannibalisme se trouvait reconnu dans quelques peuples primitifs, à ce qu'il paraît en tout cas. A moins que ce ne soit que des histoires vouées à faire peur aux enfants qui refusaient de s'endormir sagement le soir. C'était... vexant... insultant... réellement... et tout ce qui se terminait avec le son -ans d'ailleurs !

Oh wait... c'était une plaisanterie ? C'est ça ? La lumière venait de se faire dans son esprit et le blond se reprochait presque d'avoir eu envie d'étriper son vis-à-vis. Presque hein... il était tout de même toujours fourbus, et malheureusement, cela n'allait pas s'en aller aussi facilement. L'autre assis par terre, Gwaine observait quelques victuailles quitter la besace de l'autre homme, afin de lui être proposées... attendez... ah mais oui, l'autre prévoyait apparemment de bivouaquer avec lui. Il ne se mouchait pas du coude celui-là ! Heureusement que Gwaine n'était pas homme à prendre ombrage de tout et n'importe quoi. S'il tenait de son père en revanche – celui qu'il pensait être son père, ce serait plus juste – la situation aurait connue une fin plus... comment dire... moins agréable.

« Votre petit butin semble assez alléchant pour que je vous pardonne. Du moins, mon estomac proteste trop pour oser seulement refuser ce que vous possédez. »

En réalité, son ventre faisait le même bruit qu'un groupement d'orcs au pas de charge. Bon, il n'allait pas faire le débile en fait... l'autre semblait ne pas être trop énervant dans le fond, et cherchait à bien se rattraper. Alors pour une fois, la première fois depuis son départ, le jeune homme acceptait de raconter ce qu'il faisait seul sur ces terres.

« Je n'avais pas envie de devenir un bon petit chef, ni le reflet de mon père. Alors j'ai fais le choix de m'en aller, de découvrir le monde et décider ensuite de ce que je voulais faire. »

Il n'allait pas dire non plus que s'il rentrait, son dénommé Père risquait bien de lui faire payer l'affront de s'enfuir, au moins autant qu'il lui faisait comprendre qu'il le maudissait pour la mort de son frère. Bref, rien de bien joyeux, et lui voulait justement vivre dans autre chose que le regret. Il voulait de la vie, et surtout, de l'aventure. Puis rapidement, il lui vint à l'idée que la politesse exigeait un petit truc en plus :

« Puis-je vous demander aussi la raison de votre présence sur les routes ? À moins que vous ne soyez dans une mission secrète ? »