Des engins comme vous, devrait y'avoir une notice ! (DALOR)

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Dalor avait tendance à penser qu'un peu d'animation ne faisait jamais de mal lorsque les circonstances n'exigeaient pas le contraire. C'était sur qu'il avait tout de même assez de tenue pour se contenir d'emmerder le monde durant un enterrement par exemple, mais sinon, quand il n'y avait vraiment rien pour gâcher la vie, il ne voyait aucune raison de se retenir d'aller chercher la petite bête. Parler de la pluie et du beau temps, ça allait bien cinq minutes, après c'était vite emmerdant il fallait l'admettre et justement, l'avantage avec Ilhy, c'était qu'elle lui répondait du tac au tac quand il la taquinait, n'hésitant pas elle-même à lui renvoyer la pareille ou même à lancer le "jeu".

Une chose était certaine, il n'était pas prêt de regarder l'heure passer avec désespoir en compagnie de la naine. Il ne savait pas tellement s'ils resteraient amis ou si elle se lasserait de lui ou même inversement, mais une chose était certaine, ça ne serait pas à cause du manque de conversation intéressantes et animées. Maintenant qu'elle semblait rassurée sur la façon dont Dalor la voyait malgré le fait qu'il ne veuille pas lui taper dessus, la conversation était repartie sur leur hypothétique voyage jusqu'en Comtée et Dalor expliqua à Ilhy que si elle comptait manger, il lui faudrait l'aider à la chasse, ce qui ne manqua pas de faire réagir la naine.

« C'est pas plutôt le contraire, d'habitude ? La naine qui cuisine et le nain qui rapport la pitance ? »

Le barbu haussa les sourcils avant de répondre sur un ton tout aussi bon enfant.

- Qui t'a dit que je ne chasserai pas ?! Et puis il faudra bien que je fasse la cuisine si on ne veut pas mourir empoisonnés selon tes dires... Je ne sais pas toi, mais moi, je vais éviter de prendre ce risque... J'ai encore de belles années devant moi. Fini-t-il dans un sourire.

Grace à la faculté d'Ilhy de passer du coq à l'âne (encore une raison de ne pas trouver leurs conversations ennuyeuses à souhait) le sujet vira à propos des elfes. Peuple que les nains en général ne pouvaient souffrir, mais dont ils ne connaissaient pas grand chose au final.

Imaginer un elfe avec des plumes, un bec et picorant le sol tout vert de leurs forêt sembla beaucoup amuser Ilhy s'il en jugeait par le rire qui lui échappa, et à la réflexion, c'était vrai que l'image était plutôt comique... Si jamais un jour il croisait un elfe qui se permettrait de lui faire la moindre allusion vaseuse, il lui demanderait ce que ça fait de se prendre pour une grosse poule... Juste pour voir... Et par mesure de précaution, il s'assurerait que sa hache ne soit pas trop loin...

« De grosses poules alors ? Tu m'étonnes qu'ils soient tout maigrelets, à ce qu'on dit. Si ils ne mangent que des graines ou broutent de l'herbe ... Rien ne vaut une bière et une bonne tranche de viande. Ca vous pose un nain »

'Broutent de l'herbe'... Si Dalor avait la délicatesse de les comparer à de la volaille, Ilhy ne se gênait pas pour les insulter de bovins de plusieurs tonnes... Ou alors, de chèvres à la limite... Remarquez qu'un elfe frisé à quatre pattes dans un carré d'Herbe à finir avant la nuit, ça avait de quoi faire rire.

« Comme disait mon père, la meilleure des tailles, c'est quand on touche le sol des deux pieds. Au fond, grand ou petit, nain ou elfe, je suppose qu'on a le même souci, vital, survivre. Certains le font avec panache et bière, d'autre sans, »

Agréablement surpris d'entendre le dicton de son père, Dalor eut un léger sourire rendant son visage plus sympathique. C'était comme s'il s'était détendu d'un seul coup, la ride du lion qui ne quittait presque jamais son visage avait disparue et ses yeux pétillaient de malice. Il souriait franchement, faisant même apparaître une petite fossette sur sa jour droite, juste au dessus de sa barbe.

- J'aime bien le dicton de ton père. Avoua-t-il avec simplicité.

Cela faisait penser à un nain bon vivant et aimant à philosopher avec bonhomie. Peut-être était-ce le cas, peut-être que c'était tout le contraire, Dalor n'en savait rien, mais il pensait que ça n'était peut-être pas le moment d'aborder le sujet. Ilhy était de nouveau parfaitement détendue et il ne voulait pas retomber si vite dans ses situations compliquées.

« En parlant de bière, tu en veux ? Je dois avoir une brune, très forte, très prononcée, qui a un goût exquis. Enfin, je ne sais pas quelle est ta préférence : brune, blonde ? Rousse peut-être ? »

Dalor confirma d'un signe de tête à propos de la merveilleuse idée de boire une bière. Le thé c'était sympa, surtout quand il faisait froid dehors, mais rien ne remplaçait la bière même si Dalor prenait désormais garde à boire plus lentement. Peut-être pour être plus modéré dans sa consommation d'alcool sans que personne n'y prenne garde.

Il faillit pouffer d'amusement en entendant la suite, mais il se contint et rentra dans son jeu, après tout ça n'était qu'une nouvelle taquinerie. N'est-ce pas ?!

- Une rousse serait pas mal... Marmonna-t-il lentement. Mais puisque tu me ventes les mérites de la brune, laisse moi juger de la pertinence de tes propos...

Etait-ce simplement de la taquinerie ou tentait-elle de déterminer ses goûts en temps que naine ? Pourvue qu'elle n'essaie pas de le caser avec une amie... Il avait déjà assez de Raeryan - pire de certains marchands qui se permettaient de leur venter les mérites de leurs filles - elle n'allait quand même pas jouer les entremetteuse ? Dalor pensait, à tors ou a raison, que ça n'était pas l'envie qui manquait à Raeryan de le faire, mais que sa bonne éducation l'en empêchait... Cependant, Ilhy avait beau être de sang bleu... Elle ne se gênerait surement pas pour mettre la théorie en pratique vu son caractère...

- La prochaine fois, ça sera à toi de trouver où je vis... Tu pourras voir que ma maison n'est pas si trouée que ça... Dit-il un peu plus fort pour qu'elle l'entende malgré le fait qu'elle soit partie chercher ses bières. Arranges toi pour venir à l'heure du repas et tu pourras tester ma cuisine. Ajouta-t-il sur un ton plus pausé lorsqu'elle fut revenue avec lui.

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Des engins comme vous, devrait y'avoir une notice !

Quand elle était plus jeune, la mère d'Ilhy avait essayé de lui apprendre les bonnes manières. Attifée de robes à froufrous et de bijoux somptueux, la petite rousse était revenue crottée, les cheveux en bataille, incapable de tenir en place et bavarde comme une pie. Les deux naines étaient les bêtes noires l'une de l'autre. Ilhy avait réalisé avec le temps que, si elle avait cru que sa mère voulait cela pour son bien, c'était tout à fait faux : la Sombrelande plus âgée ne désirait qu'une chose, un bon mariage pour sa fille afin de profiter de plus de luxe et de pouvoir. Elle avait rêvé Ilhy mariée à Thorin IIIème du nom, puis à d'autres nobles dont la petite avait été proche. Ilhy, elle, n'y avait jamais pensé, mais quand elle avait compris les réels buts égoïstes de sa génitrice, quelque chose s'était fêlé. Il était dans la nature des nains de désirer que leurs enfants fassent de bons mariages. Ceux arrangés n'étaient pas forcément malheureux. Mais quand un nain ou une naine choisissait sa moitié, l'amour présent était fait pour durer. Le patriarche de la famille Sombrelande le savait, il chérissait sa fille et ne désirait pas la voir malheureuse. Il désespérait même qu'elle trouve jamais quelqu'un, avec sa nature aussi flamboyante que sa crinière. Ilhy s'était rapidement désintéressé des arts féminins pour faire ce qu'elle voulait, petit électron libre. Elle avait développé ce sens très simple et naturel de la conversation. Franche, obstinée, elle avait fini par s'élever elle-même, apprenant ce qu'elle voulait, que ce soit le maniement de la lance ou l'escalade. Pourtant, elle avait toujours pu compter sur son père, un nain bon et honnête. Dans le fond, elle l'aimait réellement d'un amour enfantin, et elle savait que sans lui, sa vie aurait été un malheur. Elle ne s'était pas douté un instant qu'il avait pu jouer un rôle aussi fort dans son engagement dans la garde, et pourtant ...

Mourir empoisonnés ? Ilhy lui jeta un coup d'oeil amusé. Il exagérait ... un peu. Mais comme si le jeu ne devait jamais s'arrêter, elle ne pouvait pas le laisser gagner ce point-là. Elle sauta donc sur l'occasion de le charrier, et il lui avait tendu une très jolie perche avec ses paroles.

« De belles années, de belles années ... On va dire ça, papy » fit-elle d'un air innocent, en se rappelant qu'il l'avait traité de gamine lors de leur rencontre. Ce n'était qu'un juste retour de bâton.

En tout cas, pour un vieux il avait du répondant et des sujets de conversations passionnants. Les elfes ! Des êtres grands et beaux, pourtant distants. Ilhy se souvenait d'avoir lu qu'autrefois, il y avait des siècles, leurs deux peuples avaient connu une entente si ce n'était amicale, au moins marchande. Pourtant, cela n'était plus. Qui, parmi les nains, ne ressentaient pas cette espèce de froideur viscérale quand ils entendaient parler des êtres des bois ? Eux qui vivaient sous la terre et dans la roche, et eux qui vivaient dans les bois, à la lumière du jour. Différents, jusque dans leurs os, jusque dans leur sang. Elle sourit, étonnée de voir le visage de Dalor se dérider. Il sembla soudain bien plus jeune. Bien plus séduisant aussi - cette fossette dans sa joue donnait à ses traits quelque chose de malicieux, que ses yeux renvoyaient dans leur lueur amusée. Ilhy lui répondit d'un sourire, en se levant pour aller chercher de la bière.

Une rousse serait pas mal ... Ilhy retint difficilement un éclat de rire. La suite lui fit glisser un regard vers Dalor. Une brune, alors ? Elle aurait pu l'inviter à en dire plus, ou encore rebondir là-dessus, mais la bière n'attendait pas. Elle disparut de nouveau et revint rapidement avec deux chopes de bois de couleurs différentes, l'une à l'essence de bois plus claire que l'autre. Le liquide sombre et engageant offrait un arôme riche et puissant au nez, même de ceux qui ne s'y connaissaient pas. Or, tout nain qui se respecte s'y connaissait un minimum quand on parlait de bière.

« Cette brune-là est très goûtue. Les rousses sont plus rares, leurs robes sont souvent plus claires mais quand on sait lesquelles choisir, on ne regrette pas. Mais très bon choix, les brunes » fit-elle avec un malicieux.

Les brunes alors ? Ilhy devinait qu'il plaisantait pour les rousses : il voulait juste la taquiner là-dessus. La plupart des naines étaient brunes. D'ailleurs, mêmes chez les humains, les femmes étaient plutôt blondes ou brunes : les cheveux de feu se faisaient rares. Ilhy était pourtant très fière de ses mèches flamboyantes. Ils auraient gagnés à être un peu plus soignés, mais avec ses mèches échevelées et ses petits yeux de glace plissés d'un air malicieux, on aurait parfois dit une tigresse. Ilhy songea à Raeryan, la douce et brune naine. Est-ce que Dalor parlait d'elle ? Pensait-il à elle d'ailleurs ? Non, c'était ridicule. Quoi que. Si elle vantait les mérites d'une brune, ce devait être de Raeryan. Ilhy prit une gorgée de sa bière avec un demi-sourire, certaine que Dalor et Raeryan pouvaient parfaitement finir leurs jours ensemble en étant heureux. Après tout, Dalor et Raeryan semblaient avoir assez de caractère pour se supporter l'un l'autre. Et puis, quand il parlait d'elle, le nain avait un regard admiratif. Du genre, des étoiles dans les yeux.

« Comptes-sur moi. Par contre je ne serai pas aussi subtile que toi : je risque de hurler ton prénom partout jusqu'à ce que tes voisins ne crient grâce » pouffa la rousse, parfaitement capable de faire cela. Néanmoins, le nain vantait ses mérites cuisiniers, et la curiosité mêlée à un certain amour du danger poussait Ilhy à vouloir tenter. Ca ne pouvait pas être pire que ses propres essais culinaires ... « J'espère que tu feras quelque chose de bon alors ! J'aime ma viande rouge et mes légumes inexistants. »

Elle n'était pas une naine pour rien : oh, certes, elle acceptait parfois un peu de vert dans son assiette, mais pas de quoi fouetter un elfe. Sa pitance régulière était souvent composée de viande et de bière. Un régime alimentaire de nain, en somme. Elle but une nouvelle gorgée, pensivement. Le goût âcre et piquant titilla sa langue et elle apprécia la saveur fraîche du liquide brun.

« Alors comme ça, toi et Raeryan, vous vous connaissez depuis plus de vingt ans. C'est bien. Beaucoup d'amitié comme ça ne tiennent pas aussi longtemps. Vous devez beaucoup tenir l'un à l'autre » fit-elle, l'air de ne pas y toucher, en surveillant pourtant les traits du nain avec attention. Elle le dévorait littéralement des yeux, pour surprendre la moindre mimique qui pourrait trahir des sentiments enfouis. « Et puis, en plus d'être adorable, elle est jolie. Je comprend pas pourquoi elle est toujours célibataire. » Toujours l'air innocent. Comme celui d'un chat, une souris entre les crocs. « Elle m'a un peu apprit l'art des herbes, tout ça, mais je suis beaucoup moins doué qu'elle, après tout elle en a fait son métier. Tu dois t'y connaître un peu toi aussi, non ? En tant qu'escorte, tu dois connaître beaucoup de choses ! Que ce soit du petit bricolage pour survivre, ou la traque, ou l'herboristerie de base ! » s'exclama t-elle avec une curiosité avivée, délaissant un instant le sujet Raeryan.

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La saloperie venait de le traiter de vieux débrit... Enfin c'était ni plus ni moins ça... Mais Dalor ne se vexa pas et son intention fut bien vite détournée comme la naine lui parla de boire de la bière. Friand de cette boisson comme la grande majorité des nains, Dalor n'allait certainement pas refuser une telle offre et la rouquine s'éloigna le temps d'aller chercher de quoi les désaltérer.

« Cette brune-là est très goûtue. Les rousses sont plus rares, leurs robes sont souvent plus claires mais quand on sait lesquelles choisir, on ne regrette pas. Mais très bon choix, les brunes »

Quand elle avait dit que les bières rousses étaient plus rares, Dalor avait faillit répondre "comme les naines" mais il ne l'avait pas fait car il lui aurait alors coupé la parole et même lui savait que c'était fort mal poli. Quand il était en colère ou qu'il n'appréciait pas quelqu'un, il ne se gênait pas pour le faire, mais il savait avoir un minimum d'éducation dans le cas contraire.

« Comptes-sur moi. Par contre je ne serai pas aussi subtile que toi : je risque de hurler ton prénom partout jusqu'à ce que tes voisins ne crient grâce »

Dalor eut un rire rauque clairement amusé, imaginant déjà la scène : Ilhy, au milieu de la place publique, les mains en porte voix et hurlant son prénom tout en marchant au hasard en espérant avoir pris la bonne direction du premier coup.

- Ca risque d'être drôle... Dommage que je ne puisse pas voir ça...

Bah oui, techniquement, lui, il serait chez lui...

« J'espère que tu feras quelque chose de bon alors ! J'aime ma viande rouge et mes légumes inexistants. »

Le nain eut un sourire en coin à la mention des légumes inexistants. Il n'était pas friand de verdure lui non plus, mais il aimait parfois avoir quelques carottes ou quelques pommes de terre pour accompagner sa viande.

- Oh bah j'suis pas un cordon bleu non plus... Te fais pas trop d'illusions... Mais j'arrive a faire des trucs mangeables et puis t'en fais pas pour les légumes, je risque pas de t'en faire, j'sais même pas comment ça se cuisine ou même si ça se mange cuit ou cru...

Après tout, il pouvait bien avouer qu'il ne savait pas grand chose sur les légumes malgré son âge... C'était pas comme s'il avait l'habitude d'en manger ou même de se fatiguer à essayer d'en faire pousser.

« Alors comme ça, toi et Raeryan, vous vous connaissez depuis plus de vingt ans. C'est bien. Beaucoup d'amitié comme ça ne tiennent pas aussi longtemps. Vous devez beaucoup tenir l'un à l'autre »

La voila qui revenait à la charge avec Raeryan... Mais Dalor comprenait qu'elle soit curieuse puisqu'il ne lui cachait pas qu'il ne parlait pas à grand monde à part la naine avec qui il avait gardé contact depuis une vingtaine d'années malgré sa guérison.

- Elle sait comment me supporter.. Et je sais que si je veux survivre j'ai plutôt intérêt à pas trop la mettre en colère... Répondit-il avec malice.

Raeryan avait appris à l'apprécier et le contraire était également vrai d'ailleurs. Dalor avait surement appris à se re-sociabiliser à force de faire des efforts face à la naine infirmière... Malheureusement pour sa vie sociale, il n'avait pas envie de faire ces efforts avec les autres... Sauf Ilhy qui avait finalement si bien sut passer sous la carapace de vieil ours grincheux.

« Et puis, en plus d'être adorable, elle est jolie. Je comprend pas pourquoi elle est toujours célibataire. »

Dalor haussa un sourcil avant de se permettre de prendre le temps d'avaler la gorgée de bière qu'il venait de faire couler dans sa bouche. Elle avait de la chance qu'il n'ait pas simplement tout recraché sans pouvoir s'en empêcher... Mais la bière était trop bonne pour ça.

- J'crois qu'elle se fait courtiser par un nain... Mais j'ose pas lui poser la question... Répondit-il en posant sa bière. Elle me dirait surement que c'est pas mes affaires et par Mahal elle aurait surement raison... J'espère juste que c'est le bon et qu'elle me le présentera...

Ca pourrait être un bon test... Vient voir mon copain Dalor, tu sais, le nain qu'apprécie pas grand monde ! Il en riait presque d'avance... En ce qui concernait la beauté de la brune, ça n'était pas qu'il n'était pas d'accord, mais surtout qu'il n'avait jamais songé à la regarder sous cet angle là... Bien sur, il trouvait Raeryan très belle comme naine, mais il ne se sentait pas attiré physiquement ou amoureusement par elle et il savait fort bien que c'était également le cas de la guérisseuse. Aussi, jamais aucun mal entendu ni aucune gène de ce genre n'avait existé entre eux.. Mais il était peut-être temps de dissiper le mal-entendu qu'Ilhy semblait entretenir depuis un moment déjà.

- Raeryan... C'est comme une sœur pour moi... Je dirais pas comme une mère, je voudrais pas lui faire croire que je la trouve vieille. Rit-il doucement.

Mais c'était vrai qu'elle s'était longtemps comporté comme une mère avec son enfant capricieux... Maintenant, il s'en souvenait avec nostalgie et avec un petit sourire amusé et rêveur, même si à l'époque il lui avait répété plus souvent qu'à son tours qu'elle n'était pas sa mère et qu'à son âge il n'avait plus besoin d'être materné.

« Elle m'a un peu apprit l'art des herbes, tout ça, mais je suis beaucoup moins doué qu'elle, après tout elle en a fait son métier. Tu dois t'y connaître un peu toi aussi, non ? En tant qu'escorte, tu dois connaître beaucoup de choses ! Que ce soit du petit bricolage pour survivre, ou la traque, ou l'herboristerie de base ! »

- J'me débrouille... Marmonna-t-il un peu géné.

Il n'était pas non plus le roi de la survie. Quand il accompagnait les caravanes, les marchands avaient, en général, leur petit confort à portée de main et dormaient sous des toiles de tente même si lui préférait la belle étoile car c'était tout de même plus pratique pour monter la garde.

- Je sais faire un garrot et quand j'ai de l'athélas sous la main je sais m'en servir... J'pourrais surement les recoudre ou suturer au fer chaud... Je reconnais d'autres plantes aussi, à force de les voir, mais j'sais pas trop à quoi elles servent... C'est Raeryan qui me demande parfois de lui en ramener...

Et parfois, c'était lui qui en prenait l'initiative, lui réservant la surprise lorsqu'il revenait de caravane. Mais bon, tout ça dépendait surtout des saisons et de sa route car il ne trouvait pas toujours ce qu'elle lui demandait. Bien qu'il lui soit arrivé de payer la plante en question quand il savait qu'elle en avait réellement besoin et de la rapporter à Raeryan sans lui dire qu'il l'avait acheté car il ne lui avait jamais demandé la moindre piécette en échange .

- Et toi tu saurais survivre dans la nature ? Te faire un abri, du feu ? Qu'est-ce qu'ils t'ont appris à la garde au juste ? Et puis de toutes façon t'as déjà voyagé puisque tu es venue ici des monts de fer... Ça fait un sacré bout de chemin... Dit-il presque admiratif.

Oui presque, parce qu'il avait fait cette route plus d'une fois lui-même, mais il n'oubliait pas qu'Ilhy était surement une toute jeune naine lorsqu'elle avait fait ce voyage et ça n'était pas rien de traverser presque toute la terre du milieu à un si jeune âge, particulièrement lorsqu'on était une naine que l'on avait conditionné pour ne pas avoir envie de découvrir le dangereux monde extérieur.

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Des engins comme vous, devrait y'avoir une notice !

Bon, elle avait peut-être dépassé les bornes avec ses sous-entendus. Mais Dalor n'avait pas riposté, ou n'avait pas cru bon de le faire, ou avait juste eu la bouche trop pleine de bière pour pouvoir le faire. Par contre, quand il se fut s'agit d'imaginer la rousse en train de hurler à qui-mieux-mieux son nom, ça, ça le fit rire. Elle se promit donc de le faire, juste pour le faire rire de nouveau quand elle le reverrait. Et puis, globalement, parce que c'était ce qu'elle avait prévu. La discrétion et Ilhy, c'était le feu et la glace : les deux étaient incompatibles.

« Je peux m'arranger pour continuer de crier ton prénom même une fois arrivé. Je risque d'ameuter pas mal tes voisins, mais si ça t'amuse de te faire remarquer » déclara t-elle avec un air joueur.

Les légumes, c'était mauvais pour la santé. Tout le monde savait ça. Du vert ? Et puis quoi encore : ils n'étaient ni des vaches ni des elfes. Ils avaient besoin de protéines pour tenir, et pas de fibres ou de trucs de ce genre. Bon, il fallait avouer que les épices et les herbes étaient agréables et offraient un arôme plus prononcé, mais c'était là les seules entorses à l'alimentation que pouvait s'offrir Ilhy. De toute façon elle ne cuisinait pas - par contre, elle aimait regarder les autres faire. Ses yeux suivaient chacun des gestes avec fascination, et elle savait que, même en recopiant chaque mouvement, le tas d'aliments tout à fait potables et sains se transformeraient en une bouillie horrible et inconsommable. Quand elle cuisinait, un calcul étrange se formait, et de produits frais et mangeables ressortait quelque chose de noirci, brûlé dehors et pas cuit dedans, capable d'anéantir une armée par sa force de mauvais goût.

« Un cordon bleu ? Quelle humilité. Je suis sûre que ça sera super. Comparé à ma cuisine, tu pourrais me servir n'importe quoi, ça aura l'air délicieux. Sauf si c'est des heu ... Comment ça s'appelle, on m'en a parlé, du heu ... du céleri, voilà. Et pour répondre à ta question, on fait les deux. » Et comme Ilhy aimait à étaler une science qu'elle n'avait pas, parfois, juste pour rire et se donner des airs savants, elle enchaîna avec des informations potentiellement ridicules. « Paraît même qu'on peut les manger directement avec la terre, c'est plus nutritif, et c'est meilleur. Comme quoi les elfes sont vraiment bizarres pour manger ça. Mais il faut avouer que leurs vins est plutôt bon. » Comme si ça les excusait d'être des brouteurs ambulants.

Ilhy observait Dalor d'un air très curieux. Trop curieux pour paraître honnête ou innocent. A la vérité, elle essayait de glaner le moindre sursaut de sourcil ou le plus petit sourire qui pourrait être une évidence pour la naine.

« C'est vrai qu'elle peut être un vrai dragon quand elle est en colère. Son côté maternel je pense » sourit à son tour Ilhy.

Raeryan avait rapidement pris le rôle de mère dans son coeur. Une mère, une meilleure amie, à qui elle confiait tout et n'importe quoi, notamment ses blessures en premier lieu, mais aussi ouvrait son coeur sur tout. Une telle amitié, surtout avec une naine, était nouvelle et précieuse aux yeux pâles de la rousse. Ilhy était persuadée que si Raeryan pouvait accepter Dalor, c'est qu'ils étaient fait l'un pour l'autre. C'était évident non ?!

Une nouvelle gorgée de bière, plus tard, Ilhy se redressa sur son siège, repoussant ses cheveux dont la tresse se défaisait lentement en mèches relativement sèches. Elle se fichait un peu de sa coiffure, parce qu'elle souriait d'un air vainqueur : Raeryan se faisait courtiser ?! Est-ce que c'était Dalor ?! Peut-être qu'il essayait de brouiller les pistes, ou alors c'était comme dans ces sagas romanesques, un prétendant secret ? Et alors il ne voulait pas dire qui il était ? Il faudrait qu'elle demande de plus amples explications à la brune !

« Si tu veux je lui demanderai, moi. Si ça peut te ... rassurer » fit-elle d'un air malicieux. Peut-être que si il apprenait que Raeryan prenait agréablement ses mots, il se lancerait ?

La rousse était à des lieux d'imaginer autre chose. Raeryan, Dalor, c'était deux connectiques potentielles, deux aimants parfaits. Dans son esprit, tout était déjà dit. Et elle repoussait gentiment la sensation grisante quand Dalor souriait. Ce n'était pas convenable, et c'était ridicule. Pourtant, quelque part sous la part d'elle qui voulait réellement que ses deux amis soient heureux, une étincelle de jalousie s'infiltrait comme une brûlure. Mais elle le savait, elle finirait vieille fille. Elle le savait, l'acceptait sans regrets - ou presque.

« Son côté protecteur peut lui donner une image familiale. Mais elle reste une naine qui n'a aucun lin de sang avec toi. En tout cas, je te félicite, parce que je trouve ça bien. Votre amitié, je veux dire » prononça t-elle en noyant son sourire de chat dans sa bière.

Une soeur, hein ? Ce n'était pas exactement le genre d'excuses qu'on donnait dans les livres ? Si. Si, bien sûr. De là à imaginer d'autres choses, Ilhy n'en était pas loin. Elle aurait voulu se glisser à côté de Dalor, le saisir par l'épaule et lui demander des détails. Ce que ça faisait quand il la voyait, si l'histoire des papillons dans le ventre c'était vrai, et si il prenait plaisir à voir Raeryan sourire. Ilhy était une novice dans l'art amoureux, et il y avait une simplicité dans ce qu'elle s'imaginait. Elle avait aspiré aux passions étant plus jeune, et si elle y croyait encore, elles étaient pour les autres, les passions flamboyantes. Quelqu'un comme elle ne pouvait pas susciter de flamme comme les autres naines pouvaient le faire. Elle avait sa propre flamme à entretenir, et elle devait compter sur elle-même.

Apparemment, le changement de sujet le gêna. Elle haussa un sourcil et les mains autour de sa chope, épiant le visage du nain. Elle était certaine qu'il était capable de bien plus que ce qu'il énumérait. Il devait être en réalité un puits de savoir, mais il ne réalisait pas, parce que cela lui semblait naturel. Elle-même avait pas mal eut l'occasion d'apprendre les bases, non seulement dans la garde, mais avec la caravane quand elle était arrivée des Monts de Fer. Elle avait fait sa part comme les autres, travestie en nain. Ils n'avaient jamais su qu'elle était une naine. Le ton admiratif de Dalor la surprit et elle eut un petit sourire embarrassé mais fier. C'était une des premières fois qu'on la félicitait, en quelque sorte, pour ce qu'elle avait su faire et apprendre.

« Oui je saurai je pense. J'ai appris à faire ça quand je suis arrivée. J'ai fait mon travail comme les autres, avec la caravane qui m'a amené ici. Ils m'ont pris pour un nain jusqu'au bout, et ça m'arrangeait. J'ai appris à dépecer une bête proprement, à relever des traces d'animaux, à choisir quel bois pour faire de la fumée ou non. Je serai capable de survivre. Ca ne t'étonne pas - tu as l'air ... tu acceptes ça avec tellement de calme, c'est drôle. »

Elle sentait que Dalor l'acceptait, et c'était aussi précieux que les regards affectueux de Raeryan. Il acceptait ce qu'elle avait fait, ce qu'elle savait, et elle repensait au fait que si il ne voulait pas se battre avec elle, c'était pour mieux se battre avec elle.

« Tiens au fait ! Tu as un tatouage au coude, j'ai cru voir ? Tu peux me le montrer ? Je voulais m'en faire un bientôt, pour mon anniversaire. Mais du coup je ne sais pas où ni quoi. Enfin, si j'ai quelques idées mais ... Je n'osais pas poser de questions à Dwalin sur les siens. Tu me paraît un bien meilleur interlocuteur pour ce genre de sujets » if-elle avec un sourire, en se penchant de nouveau, le regard descendant le long du torse de Dalor pour se poser presque timidement sur ses bras puissants.

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« Je peux m'arranger pour continuer de crier ton prénom même une fois arrivé. Je risque d'ameuter pas mal tes voisins, mais si ça t'amuse de te faire remarquer »

Pour ce que ça pouvait bien lui faire de se faire remarquer... Dalor était du genre discret et passe partout, mais ça n'était pas tellement par timidité ou bien par respect de la vie privée des autres. C'était surtout pour qu'il ait la paix... S'il ne parlait pas aux gens, s'il n'avait pas l'air de quelqu'un avec qui on peut venir parler de la pluie et du beau tant sans prévenir, et bien il était sur d'avoir une paix royale aussi souvent que cela lui plairait. Et puis pour ce qui était de se faire remarquer, il y avait eut le droit plus souvent qu'à son tours dans sa "jeunesse" car il n'était pas un nain discret, particulièrement lorsqu'il avait trop bu et parce qu'il aimait à se battre pour prouver qu'il était le plus fort ou simplement pour régler un soucis quelconque... Un peu comme Ilhy en fait... Sauf que lui, il le faisait d'avantage pour régler ses problèmes que pour prouver sa valeur...

- Tu m'as bien regardé ? Tu crois franchement que ça va m'emmerder que tu déranges mes voisins à cause de moi ? Demanda-t-il avec les sourcils haussés.

A quoi cela servait-il d'être civique ? A pas grand chose... Chacun faisait sa vie de son côté sans trop se préoccuper des autres de toutes manières alors emmerder le monde de temps en temps, ça ne faisait pas tant de mal que ça.

La conversation dériva sur la nourriture et les talents culinaires de Dalor alors qu'il invitait ni plus ni moins la naine à venir dîner chez lui quand cela lui chanterait. Elle semblait croire qu'il aurait pût se reconvertir en grand chef cuisinier mais c'était loin d'être le cas. Il savait faire à manger pour se nourrir convenablement voila tout... Et puis il n'y avait pas besoin d'être un dieu de la cuisine pour savoir faire chauffer un peu de viande sans que ça devienne un tas de cendres.

« Un cordon bleu ? Quelle humilité. Je suis sûre que ça sera super. Comparé à ma cuisine, tu pourrais me servir n'importe quoi, ça aura l'air délicieux. Sauf si c'est des heu ... Comment ça s'appelle, on m'en a parlé, du heu ... du céleri, voilà. Et pour répondre à ta question, on fait les deux. Paraît même qu'on peut les manger directement avec la terre, c'est plus nutritif, et c'est meilleur. Comme quoi les elfes sont vraiment bizarres pour manger ça. Mais il faut avouer que leurs vins est plutôt bon. »

Avec la terre ?! Beurk... Quelle idée répugnante... Était-ce vrai ? Ilhy avait l'air de le croire en tout cas... Une chose était sure, il n'aurait pas idée d'essayer pour voir... Parce que déjà que les légumes sans terre il ne courrait pas après... Mais alors avec... Non merci... Il avait assez souvent embrassé le sol contre sa volonté pour ne pas vouloir bouffer de la poussière volontairement. En ce qui concernait le vin des elfes, Dalor ne pouvait pas emmètre d'avis car il ne l'avait jamais goûté... L'occasion ne s'était pas présenté et puis il évitait de trop boire quand il était au travail, il fallait qu'il garde ses facultés... Alors il se contentait d'eau et de bière pas trop forte parce qu'il savait qu'il supportait bien ce genre d'alcool.

Dalor ne pouvant sur-enchérir sur le vin elfique ou la meilleure façon de manger un légume, la conversation revint sur Raeryan et sa vie privée dont Dalor ne savait au final pas grand chose malgré leur presque vingt-cinq ans de connaissance. Il ne comptait pas réellement les années où il ne rêvait que de se débarrasser d'elle. Ilhy se désolait de savoir Raeryan célibataire et Dalor lui avoua penser qu'un nain la courtisait... Elle semblait rêveuse parfois et puis c'était normal qu'un nain s'intéresse enfin à elle et surtout qu'elle le laisse s'intéresser parce que d'après ce qu'il avait compris, elle ne laissait pas beaucoup d'espoir à ses prétendants, seulement le strict minimum pour ne pas être inconvenante mais elle gardait son énergie pour ses patients... Belle connerie à son avis car la moitié au moins devaient être composée de gros ingrats et qu'elle ne ferait pas sa vie, sa famille, avec eux. Mais Dalor se gardait bien de divulguer ce genre de commentaire en général, ne se sentant pas le droit de faire la moindre leçon de morale.

Bien sur, tout le monde jugeait tout le monde en permanence et tout le monde avait une opinion sur tout... Mais personne n'était obligé de se mêler de tout à tout bout de champ... Dalor avait appris, au fil du temps, à savoir se taire pour ne pas blesser involontairement les gens et il savait fort bien que s'il s'amusait à remonter les bretelles de Raeryan pour l'inciter à se montrer un peu plus égoïste de temps à autre, elle risquait de mal le prendre, de se sentir traitée de vieille fille incurable et d'être blessée et lui, il ne voulait pas ça, alors il écoutait, il observait, il se forgeait une opinion et il attendait de juger bon d'intervenir ou pas.

Ilhy se proposa de demander à la naine à sa place si elle se faisait effectivement courtiser et qui était l'heureux prétendant, mais Dalor donna une réponse négative avec un lent signe de tête. C'était la vie privée de Raeryan et même s'ils étaient amis, ils n'étaient pas non plus les meilleurs amis du monde qui ne se faisaient aucun secret... Elle avait le droit de garder ça pour elle, surtout si elle n'était sure de rien et qu'elle ne voulait pas s'enflammer trop vite. Après, les histoires de coeur et surtout les histoires de naines, il n'y connaissait pas grand chose alors si ça se trouve, elle n'en parlait pas simplement parce que rien n'était encore fait et que c'était ainsi que se passaient les choses, allez savoir.

« Son côté protecteur peut lui donner une image familiale. Mais elle reste une naine qui n'a aucun lin de sang avec toi. En tout cas, je te félicite, parce que je trouve ça bien. Votre amitié, je veux dire »

Allez savoir pourquoi, il avait comme l'impression qu'elle doutait de ses propos... Sa façon de marmonner et de l'observer avec insistance, ce petit sourire presque victorieux mal caché derrière sa choppe de bière.

- Me féliciter ? Demanda-t-il doucement. De Raeryan ou de moi, je suis surement celui des deux qui est le plus difficile à vivre alors si quelqu'un devait être féliciter, c'est bien elle pour réussir à me supporter de temps en temps...

Dalor hésita... Devait-il lui dire que s'il avait eut à courtiser Raeryan il n'aurait certainement pas attendu vingt ans pour ça ? Et qu'il n'aurait certainement pas courtisé la naine pendant vingt ans sans vouloir plus... Le jeu du chat et de la souris, ça allait bien un moment, mais malgré son calme et sa patience pour certaines choses, Dalor n'était pas un nain patient en général... Il savait que si un jour il voulait une naine, il ne poireauterait pas dix ans pour la demander en mariage et qu'il ne s'encombrerait pas de trop de protocole pour lui dire les choses telles qu'elles étaient et si jamais il n'arrivait pas à trouver les mots, il n'y avait rien de mieux que les actes pour montrer ce qu'on ressent... Naturellement il n'irait pas jusqu'à avoir des gestes déplacés, mais un baiser valait surement mille mots non ?!

Au bout de deux secondes à se demander s'il insistait bien sur le fait qu'il n'était pas amoureux de Raeryan et que le contraire était également vrai, Dalor décida plutôt de retourner cette petite investigation dans sa vie amoureuse innexistante contre la naine.

- Et toi alors ? Tu parles souvent de Fili de la lignée de Durin... Vous vous connaissez bien tout les deux ?

Là... A son tour de ne plus savoir où se mettre... Enfin peut-être... Il l'espérait en tout cas. Ilhy avait déjà évoqué le fait qu'à son avis, aucun nain ne voudrait d'elle pour épouse et Dalor pensait donc à juste titre qu'elle ne se faisait pas courtiser pour le moment. Mais peut-être était-elle trop aveuglée par son fatalisme à ce niveau là pour se rendre compte qu'un nain la courtisait en vain... Et pourquoi est-ce que ça ne serait pas Fili dont elle parlait si souvent ?!

Mais une fois de plus, la conversation changea et cette fois-ci, ce fut grâce à Dalor, pas vraiment à l'aise sur les histoires de sentiments, ou peut-être simplement parce que finalement il ne voulait pas s'entendre dire qu'elle aussi, elle était déjà presque prise alors qu'il restait un éternel célibataire qui souhaitait se complaire dans sa solitude en y parvenant de moins en moins avec les années.

Le voyage...

Voila un sujet qui, il en était sur, ravirait Ilhy. Il voulait savoir ce qu'elle savait faire ou non car après tout ils allaient surement voyager ensemble pendant un petit mois et il ne voulait pas la croire capable de certaines choses et découvrir au final qu'elle n'en savait rien. Naturellement, il ne la jugerait pas mal d'apprendre son manque de savoir, mais il était mieux qu'il sache dès le début pour savoir à quoi s'en tenir et peut-être lui montrer quelques trucs qu'il avait lui-même appris sur le tas.

« Oui je saurai je pense. J'ai appris à faire ça quand je suis arrivée. J'ai fait mon travail comme les autres, avec la caravane qui m'a amené ici. Ils m'ont pris pour un nain jusqu'au bout, et ça m'arrangeait. J'ai appris à dépecer une bête proprement, à relever des traces d'animaux, à choisir quel bois pour faire de la fumée ou non. Je serai capable de survivre. Ca ne t'étonne pas - tu as l'air ... tu acceptes ça avec tellement de calme, c'est drôle. »

De quoi parlait-elle exactement ? Quand elle disait qu'il acceptait "ça" avec tellement de calme... Qu'était-ce ce "ça" ? Mystère... Mais il était rassuré, elle savait faire pas mal de trucs et ne serait pas dégoûtée de devoir vider le gibier ou de le voir faire. Au moins, il pouvait être certain que la vie à la dure ne l'effraierait pas plus que ça, même si elle serait surement moins rassurée à l'extérieur de la montagne, elle ne le montrerait surement pas, juste par fierté.

- De quoi tu parles ? Qu'est-ce que j'accepte avec calme ?

Qu'elle sache se débrouiller dans la nature ? Bah que pouvait-il y faire de toutes façons ? Et puis même, tant mieux puisqu'ils prévoyaient de faire un bout de voyage ensembles, autant qu'il ne se retrouve pas avec un véritable boulet capricieux comme certains marchands pouvaient l'être...

« Tiens au fait ! Tu as un tatouage au coude, j'ai cru voir ? Tu peux me le montrer ? Je voulais m'en faire un bientôt, pour mon anniversaire. Mais du coup je ne sais pas où ni quoi. Enfin, si j'ai quelques idées mais ... Je n'osais pas poser de questions à Dwalin sur les siens. Tu me paraît un bien meilleur interlocuteur pour ce genre de sujets »

Dwalin avait des tatouages bien plus visible que l'unique tatouage qu'il portait au coude, c'était certain, et les tatouages de son ancien model n'étaient pas franchement du genre gais... Mais ça, c'était à celui qui les portait de décider d'en raconter l'histoire ou non. Dalors leva le bras gauche de façon à ce qu'Ilhy puisse voir son coude sans mal.

Juste sous la pliure du coude, en réalité donc en haut de son avant bras, Dalor portait son unique tatouage : la rune naine représentant le mot "Loyauté"... Elle cachait d'ailleurs en partie la cicatrice qui témoignait de son bras cassé et qu'on voyait bien moins qu'à l'époque maintenant qu'elle n'était plus rouge et enflée. C'était une cicatrice pâle et plutôt discrète que Raeryan avait fort bien exécuté... A vrai dire, si l'on voyait encore les traces de trois des points de suture qu'elle avait effectué, c'était de sa faute à lui qui se les était arraché avant l'heure, un soir qu'il était complètement ivre et en colère qu'elle soit venue le tirer de la taverne à coup de pompes dans le derrière ou presque.

- C'est le seul que j'ai pour l'instant... Un tatouage doit avoir une signification... Sinon, c'est se peinturlurer la tronche sans raison et ça, j'appelle ça être un clown... Dit-il en souriant d'un air mauvais avant de laisser tomber son bras le long de son corps. Attention, je ne dis pas que c'est le cas de Dwalin car ses tatouages ont tous été fait pour une raison précise...

Mais pour Dalor, faire une chose surtout aussi importante que de marquer son corps à vie, sans raison particulière, c'était une idée ridicule. Certains nains avaient beaucoup de tatouage mais parfois, lorsqu'on leur en demandait la raison de ces derniers, ils ne savaient que répondre... Dalor, lui, il savait très bien pourquoi il s'était fait tatouer ça sur le bras.

- Pour ne jamais oublier que tout le monde n'a pas la même notion de loyauté que moi... Dit-il avant qu'Ilhy ne lui demande pourquoi il s'était fait tatouer ça sur le bras.

C'était vrai qu'il aurait pût choisir un autre mot comme "première cicatrice de guerre" ou encore "putain ça m'a fait mal !" . Loyauté n'était certainement pas le mot que l'on s'attendait à voir graver là, particulièrement sur la cicatrice de ce qui avait causé son renvoi de la garde royale. Mais Dalor s'était sentit trahi ce jour là, par ses propres camarades qui n'avaient rien dit, rien fait pour empêcher ce soi-disant renvoi temporaire... Ils l'avaient tous laissé de côté, personne ne s'était préoccupé de savoir comment il allait et quand il comptait revenir... Ils n'étaient pas aussi loyaux qu'il l'avait imaginé... Mais peut-être l'avait-il bien cherché dans le fond car il n'avait pas été un nain facile à vivre à l'époque avec son sale caractère et son sang chaud.

- Qu'est-ce que tu voudrais te faire tatouer toi ? Demanda-t-il, curieux de savoir ce que la naine voudrait porter avec fierté aux yeux de tout le monde ou alors peut-être juste pour le plaisir des yeux du nain qui saurait trouver le diamant brute caché sous l'épaisse couche de roche dure qui formait la carapace d'Ilhy.

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Des engins comme vous, devrait y'avoir une notice !

Ilhy n'avait pas besoin de se forcer - elle était naturellement exubérante et se faisait facilement remarquable. Si cela gênait beaucoup, et qu'elle faisait jaser - combien de fois n'avait-elle pas entendu sur son passage les mots indécent, irraisonnée ou folle, et combien de fois avait-elle dû essuyer les critiques, comme tu n'es qu'une naine, tu devrais savoir où est ta place, ou ce n'est qu'un caprice, tout cela te passera quand tu auras envie d'une famille. Or, même si un jour, par miracle, Ilhy en venait à fonder une famille, elle n'abandonnerait pas cette vie. C'était celle qu'elle avait toujours voulu. Et si un nain se targuait de lui faire abandonner cela sans qu'elle n'en ai envie, si quelqu'un ne l'acceptait pas comme elle était, elle préférait encore ignorer quiconque voudrait la changer. Elle avait toujours besoin de prouver ce dont elle était capable, parce qu'elle même doutait de pouvoir faire un pas devant l'autre, et que ses bravades n'étaient que pour elle. Pour montrer qu'elle pouvait le faire. Qu'elle en était capable.

« Hum, non, je ne pense pas que tu y fasses attention en fait. Un point à ton honneur. Au moins, tu supportes que je me fasse remarquer. Mais j'avoue que ça me fait rire d'avance, l'idée d'ennuyer tes voisins » gloussa t-elle.

Ilhy ne voulait pas spécialement faire jaser, mais elle aimait remuer les choses. C'était dans sa nature. Elle aimait bousculer les conventions, ne rien faire comme tout le monde. Ce devait être son côté créatif et malicieux. Elle aimait l'originalité et ce qui sortait de l'ordinaire. Que ce soit une jolie perle, un vêtement d'une couleur particulière, ou un nain ronchon qui semblait faire fuir les gens - que demander de mieux que de tenter de l'apprivoiser pour voir ce qui se cachait sous la couche durcie d'attitude grognonne ?

En tout cas, il avait gobé son bobard sur les légumes et la terre. Elle n'en savait rien, mais elle aimait bien dire ce genre de bêtises. Non pas qu'elle essayait de faire son intéressante, mais elle refusait de baisser les bras devant sa propre ignorance. Qui savait ce qui se passait chez les elfes, dans leurs arbres feuillus ? Il fallait être bizarre pour vivre dans les branchages, quand on pouvait vivre avec bonheur dans le creux douillet de la terre. Ilhy avait vu la surface, et si elle voulait s'y promener, si elle voulait voir ce qui se passait ailleurs, elle savait que ce qui l'appelait, ce à quoi elle appartenait, c'était ses montagnes. Là, elle y avait sa vie et ses amis, sa famille et son avenir. Monts de fer, Montagnes Bleues, toutes étaient le sein du peuple nain.

La conversation par rapport à Raeryan l'amusait, et elle fixait sans vergogne Dalor. Elle cherchait des indices par rapport aux sentiments (dont elle était de plus en plus certaines sur des mimiques qu'elle prenait de travers) pour la brune. Elle eut un petit sourire : elle ne le trouvait pas difficile à vivre, elle. Au contraire : elle aimait bien sa franchise et son côté ours. C'était comme un défi permanent, mais au-delà de ça, c'était comme son exact contraire : elle était exubérante là où il était calme. Pourtant, même si ils semblaient complémentaires, ils semblaient avoir des points communs qui les rapprochaient, et Ilhy se sentait bien en sa présence.

« Je trouve pas ça difficile de te supporter » déclara t-elle d'un air pensif. « Après, je ne t'ai pas vu dans tout tes états, il y a 20 ans, mais ... je pense que j'aurai fais comme Raeryan. J'aurai tout fait pour t'aider à remonter la pente. Tu n'es pas aussi bourru que tu veux bien le faire croire, vieil ours » la taquina t-elle avec une affection nouvelle dans la voix, d'un air amusé et gentil.

Ilhy était certaine que Raeryan supportait Dalor, mais l'aimait aussi. Amicalement, peut-être même plus. La rousse était curieuse : couvaient-ils leur amour depuis des années, sans oser se le dire ? La brune avait-elle refusé chacun de ses prétendant en attendant que Dalor ne se présente ? La rousse était sceptique : est-ce qu'il jouait au bougon, pour se donner contenance, pour ne pas montrer ce qu'il ressentait ? Elle en était là dans ses réflexions, espérant d'avoir une discussion avec Raeryan sur ce sujet. Quitte à vivre une histoire d'amour, si ce n'était pas la sienne, elle serait heureuse de la vivre par procuration pour Raeryan et Dalor. Une étincelle d'envie raviva un feu de jalousie : ce n'était pas spécialement par rapport au nain, mais la rousse avait ce fond sensible et féminin en elle, qui rêvait d'un nain capable de voir sous ses fourrures la femme qu'elle était, et qui saurait l'apprivoiser. Ilhy rêvait d'amour, parfois, et n'osait pas se l'avouer.

Le prénom de Fili était inattendu. Elle était en train de boire, et s'étouffa à moitié. Elle s'étrangla, toussa aussi discrètement que possible et eut une grimace. Elle parlait tant que ça du prince ? Elle ne s'en rendait pas compte. Après, ils étaient ... ils avaient été proches. Deux compagnons d'armes, deux frères d'entraînement. Plus rien d'autre. Ce n'était plus aussi flou qu'avant. Elle savait ce qu'elle ressentait - mais elle ne voulait pas que Dalor se fourvoie.

« Je parle souvent de Fi ? Je ne m'en rend pas compte » grommela t-elle en employant le surnom affectueux donné au blond. « On est juste ... frères d'armes. » Elle hésita, puis réalisa qu'elle ne pouvait pas mentir. Cependant, elle ne pouvait pas tout avouer. Cela aurait offert de sacrés ennuis à Fili. Et puis ... Elle avait cru comprendre qu'il avait des vues sur quelqu'un ... Rompant le léger silence gêné, les joues roses, elle expliqua. « J'ai cru que j'étais amoureuse de lui. Mais ce n'est pas le cas. Il est comme un frère, un ami. Rien de plus. Pour dire la vérité, je n'ai ... hé bien, je pensais l'être, mais je n'ai jamais été amoureuse. » Elle avait fini d'un ton bas, embarrassé. C'est qu'elle n'avait pas l'habitude d'avouer ce genre de choses.

Elle passa la main dans ses cheveux, détressés, et les laissa se déployer en une cascade encore humide sur ses épaules. Elle soupira et haussa les épaules, l'air bougon et gêné. Elle avait fait une erreur, voilà tout. Elle avait cru aimer, mais ça n'avait pas été la passion qu'elle avait cru. Retourner au sujet du voyage était bien mieux pour eux deux - il fallait être aveugle pour voir qu'ils n'étaient pas doués, ni l'un ni l'autre, pour les émotions et les relations avec le sexe opposé.

Elle cligna des yeux et pencha la tête. Il ne savait pas ? Non, il ne comprenait pas. Parce que c'était naturel pour lui. C'était presque doux et tendre, comme émotion : celle d'être tellement acceptée, que Dalor ne réalisait pas ce qu'il lui offrait.

« Ce que je suis. Exubérante, et bavarde, et guerrière. Même mes amis, ma famille, ont mis ses années pour réussir à me comprendre, à accepter que je sois comme ça. Et toi, tu m'acceptes, et tu reconnais ce dont je suis capable. Tu n'es pas le premier, mais ... Tu ... Comment dire, ça me fait plaisir. »

C'était maladroit, mais, hé, il avait voulu une explication. Elle refusait de rougir encore, et elle resservit de la bière, pour se donner contenance, passant sa langue sur ses lèvres asséchées par l'embarras qui montait et qui rosissait ses joues. Décidément. Cette entrevue était pleine de surprises. Elle se pencha pour observer plus attentivement le tatouage, sur les plis de la peau et encrés sur la carte de la chair de Dalor. Elle observa avec fascination, des étoiles dans les yeux. Loyauté. Un mot qui lui faisait chaud au coeur. Chaque tatouage se devait d'avoir une signification, et elle-même avait déjà bien des idées sur ce qu'elle allait encrer dans sa peau. Elle hocha la tête, doucement, en retirant à contrecoeur les yeux du bras de Dalor.

« Je suis d'accord - un tatouage, ce n'est pas n'importe quoi. C'est encré dans la peau, c'est comme porter une marque volontaire, une jolie cicatrice. C'est se marquer pour quelque chose. » Elle se tut, repensant aux paroles du nain sur Dwalin. Elle avait bien compris que le nain ne voulait pas critiquer son mentor, mais elle cru deviner ... quelque chose. Une étincelle. Elle secoua la tête. Elle devait s'imaginer des choses.

Ilhy songeait à ses idées. Elle avait maintes fois réfléchit à ce qu'elle désirait montrer. Si elle n'avait ni l'occasion ni l'envie de montrer sa féminité, pourtant elle pouvait offrir cela, à elle et aux autres. Elle devinait que la loyauté était chez Dalor une marque fondamentale de son caractère. Elle se sentit adoucie par le nain : il avait été trahi par la garde, par ce nain qui lui avait cassé le bras. Il avait dû se sentir si bas, si mal ... Ilhy avait envie de l'étreindre pour le rassurer : tout le monde n'était pas comme ça. Mais Raeryan avait du le faire, et elle se sentit ridicule de cette envie aussi soudaine que bizarre. Comme si un câlin allait tout arranger ! Comme si Dalor aurait accepté un câlin. N'importe quoi.

« Je ne sais pas encore où. Mais j'ai plusieurs idées. J'ai ... J'ai envie que ce soit quelque chose d'important pour moi. Quelque chose comme toi : un symbole de ce qui m'est précieux. Pour toi, ça a été la loyauté .. Je pensais à ... Peut-être ... la rune de la liberté, ici » déclara t-elle à voix basse en pointant du bout de ses doigts sa clavicule gauche. « Du côté du coeur. Discret, assez pour être caché. Et ... Et puis c'est ce que je veux être : libre, des conventions comme de mes origines. Tu trouves ça ridicule ? » demanda t-elle avec une simplicité enfantine.

Sa mère aurait trouvé ça bête.Son père aurait désapprouvé. Raeryan ... Elle ne lui en avait pas encore parlé. Dalor était la première personne à qui elle avouait son idée de se faire encrer la peau, et surtout son idée. Elle retira la main de sa clavicule et la reposa sur sa jambe, avec un petit sourire troublé.

« J'aime beaucoup ton tatouage, en tout cas. Pourquoi au-dessus du coude, comme ça ? » demanda t-elle, et elle se pencha de nouveau. Elle tendit la main droite, et s'arrêta, à quelques centimètres du nain, soudain immobile comme un animal aux abois. Elle réalisa qu'elle avait failli toucher son tatouage, avec toute la curiosité enfantine dont elle était possible. « Je, heu ... Ca fait mal ? Ca fait quoi comme sensation ? » demanda t-elle, les doigts suspendus en l'air comme un geste délicat, comme une danse interrompue. Elle ne voulait pas créer un incident diplomatique. Mais surtout, quand elle y pensait ... Peut-être qu'un nouveau contact n'était pas très prudent - quand elle songeait à la sensation brûlante qui avait paniqué son coeur quand il lui avait touché le poignet ... Et cela n'avait pas eu grand chose à voir avec la blessure ...

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Dalor ne se faisait plus d'illusion sur son caractère depuis bien longtemps. Souvent, il s'était même demandé comment ses propres parents avaient pût le supporter, puis il se souvenait qu'ils n'étaient déjà plus là quand il avait été au plus mal, se sentant seul au monde, perdu dans les méandres de l'alcool et de la dépression où son seul point d'encrage n'était autre que Raeryan qui lui permettait de garder pied à la réalité. Quand elle venait voir s'il n'était pas encore mort, il savait qu'un certain nombre de jour s'étaient passé... Il réussissait à suivre le cours du temps grâce à la naine qui ne le laissait tout simplement pas abandonner à la fois l'espoir et sa vie.

Mais à dire vrai, ce qui l'ennuyait le plus, ça n'était pas d'avouer qu'il était du genre difficile à vivre puisque habitué à vivre seul. Mais plutôt qu'Ilhy semble persuadée qu'il n'attendait qu'un mot, qu'un geste de Raeryan pour tenter sa chance au près d'elle et ce malgré tout ce que pouvait prétendre le nain pour faire tomber le mal-entendu. Oh il se fichait bien, de manière générale, de ce que les gens pouvaient bien penser à son sujet. Mais qu'Ilhy s'imagine ses histoires entre lui et celle qu'il considérait comme sa sœur le dérangeait fortement... Malgré tout, il aurait bien été incapable d'en expliquer la raison car s'il se fichait royalement des qu'en dira-t-on, pourquoi cela changerait quoi que ce soit avec Ilhy ? Un mystère qui lui faudrait tenter d'éclaircir durant un de ses voyages car il avait beaucoup de temps pour penser dans ces moments là.

« Je trouve pas ça difficile de te supporter. Après, je ne t'ai pas vu dans tout tes états, il y a 20 ans, mais ... je pense que j'aurai fais comme Raeryan. J'aurai tout fait pour t'aider à remonter la pente. Tu n'es pas aussi bourru que tu veux bien le faire croire, vieil ours »

Dalor eut un reniflement amusé lorsqu'elle le traita de vieil ours... Et voila, cette fois-ci c'était officiel, elle n'avait absolument pas peur de lui... Sinon elle n'aurait peut-être pas osé dire une chose pareille avec un ton aussi affectueux... Dalor avait ni plus ni moins l'impression d'être son doudou préféré... Mais que pouvait-il y faire ? Il n'allait quand même pas se mettre à faire la grosse voix et à vouloir être impressionnant, méchant, juste pour lui rappeler qu'il se devait d'être un vilain nain grognon et solitaire. Il aurait put... Mais il n'en n'avait tout simplement pas envie... Pas maintenant... Pas avec elle.

Alors plutôt que de laisser le sujet s'enliser sur sa prétendue gentillesse bien cachée, Dalor, histoire de se venger un peu du fait qu'elle ne semble pas le croire quand il lui soutenait mordicus qu'il n'y avait rien d'autre qu'une amitié toute fraternelle entre Raeryan et lui, revint sur le sujet "Fili fis de Korli"... À sa décharge, elle citait souvent le nain et puisqu'elle s'intéressait tant que ça à sa vie sentimentale, il allait lui rendre la pareille histoire qu'elle se rende compte de l'embarras qu'elle provoquait chez lui à insister ainsi sur un sujet qu'il jugeait désormais bien clair pour tout le monde.

« Je parle souvent de Fi ? Je ne m'en rend pas compte. On est juste ... frères d'armes. »

- Tu donnes des petits noms à tous tes frères d'arme ? Demanda Dalor avec sarcasme, profitant d'un instant d'hésitation de la part de la naine.

« J'ai cru que j'étais amoureuse de lui. Mais ce n'est pas le cas. Il est comme un frère, un ami. Rien de plus. Pour dire la vérité, je n'ai ... hé bien, je pensais l'être, mais je n'ai jamais été amoureuse. »

Ah il avait donc l'explication du petit nom affectueux... Mais il se contenta de hausser les épaules à la fin de sa phrase. Lui non plus il n'avait jamais été amoureux, ça changeait quoi ? Il n'y avait pas à rougir de ne pas encore connaitre ce sentiment... Comme disait sa mère, ça ne se commandait pas ces choses là. Pour tout avouer, il ne savait pas réellement ce qu'était l'amour (entendons l'amour d'un nain pour une naine) même s'il l'avait souvent vu et observé à couvert... À une époque, il avait pensé que Fraya, la fille de Baìn en pinçait un peu pour lui, mais apparemment, il s'était fourvoyé... Lui, il n'aurait surement pas pût avoir ce genre d'histoire, c'était la fille de son patron tout de même... Et puis ils n'étaient pas franchement du même milieu... Avec Ilhy non plus d'ailleurs, mais ça n'était pas pareil, elle ne vivait pas comme une riche héritière, elle vivait comme n'importe quel nain de classe moyenne.

- Moi non plus je l'ai jamais été... Répondit-il simplement.

Mais peut-être était-ce une chose moins embarrassante pour un nain que pour une naine... Les êtres masculins pensaient souvent bien différemment des êtres féminins, peut importe leur race d'ailleurs... Enfin sauf peut-être chez les orcs et les gobelins... Mais Dalor n'avait pas franchement envie d'aller tailler le bout de gras en leur compagnie pour le savoir.

Elle replaça ses cheveux encore humides dans un geste trahissant son embarras d'avoir ainsi dévoilé son manque d'expérience dans le domaine de l'amour et Dalor se sentit comme hypnotisé un instant, regardant les longues mèches rousses retomber mollement sur les épaules de la naine avant de détourner les yeux vers sa chope de bière, pris en faute. Non mais qu'est-ce qui lui prenait ?! Il préféra donc se changer les idées et demander à Ilhy de plus amples explications sur ce qu'elle entendait par "accepter avec tant de calme" et la question sembla la surprendre un instant avant qu'elle ne lui réponde.

« Ce que je suis. Exubérante, et bavarde, et guerrière. Même mes amis, ma famille, ont mis ses années pour réussir à me comprendre, à accepter que je sois comme ça. Et toi, tu m'acceptes, et tu reconnais ce dont je suis capable. Tu n'es pas le premier, mais ... Tu ... Comment dire, ça me fait plaisir. »

Ah c'était donc ça... Dalor ne trouvait pas ça si extraordinaire... Depuis longtemps déjà, il ne se prêtait pas la tête à vouloir changer les autres ou même se compliquer la vie à essayer de comprendre le pourquoi du comment. Les choses étaient ce qu'elles étaient et c'était à lui de s'y habituer ou non. Ilhy avait des capacités qui n'étaient pas communes à toutes les naines, et alors ? Elle était ainsi et c'était ainsi qu'il l'aimait bien... Sa réflexion s'arrêtait là. Il n'avait pas besoin de se dire qu'elle serait peut-être mieux habillée en fille et agissant comme une fille... Si elle s'épanouissait ainsi, qui était-il pour vouloir l'en empêcher ou oser lui dire qu'elle se trompait, qu'elle n'avait pas le droit ? Il ne voulait pas qu'on lui dise comment régenter sa vie, il partait donc du principe qu'il n'avait pas à régenter la vie des autres, que ça soit par manque d'intérêt ou parce qu'il aimait bien certaines personnes.

Ilhy s'intéressa ensuite à son tatouage et lui avoua penser à s'en faire faire un. Il lui expliqua donc pour quelle raison il s'était fait faire le sien et qu'à son sens, se faire tatouer sans raison précise revenait à se maquiller pour un spectacle de cirque permanent. Il laissa la naine observer son tatouage un instant avant de laisser retomber son bras le long de son corps.

« Je suis d'accord - un tatouage, ce n'est pas n'importe quoi. C'est encré dans la peau, c'est comme porter une marque volontaire, une jolie cicatrice. C'est se marquer pour quelque chose. »

Dalor confirma d'un signe de tête avant de finir sa choppe de bière d'une seule gorgée. Son tatouage avait une histoire, une signification particulière et il savait qu'il ne se ferait pas tatouer une deuxième fois tant qu'il n'aurait pas une bonne raison de le faire.

« Je ne sais pas encore où. Mais j'ai plusieurs idées. J'ai ... J'ai envie que ce soit quelque chose d'important pour moi. Quelque chose comme toi : un symbole de ce qui m'est précieux. Pour toi, ça a été la loyauté .. Je pensais à ... Peut-être ... la rune de la liberté, ici »

Elle pointa sa clavicule gauche du doigt et Dalor laissa naturellement ses yeux se poser à l'endroit qu'elle indiquait en toute simplicité avant de réaliser ce qu'il était en train de fixer et de relever promptement les yeux vers le visage d'Ilhy qui continuait sur sa lancée.

« Du côté du coeur. Discret, assez pour être caché. Et ... Et puis c'est ce que je veux être : libre, des conventions comme de mes origines. Tu trouves ça ridicule ? »

- Pas du tout.

La réponse avait été immédiate, parce qu'il n'avait pas eut besoin d'y réfléchir. Ca n'avait rien de ridicule, c'était même un tatouage tout à fait honorable. Et puis à partir du moment que le tatouage était fait pour une raison tout à fait spéciale, il n'avait rien de ridicule.

- Le principal c'est que ce tatouage ait une signification pour toi... Et puis vouloir être libre ça n'a rien de ridicule... Même si on est une naine...

Dalor savait bien que leur politique voulait qu'ils protègent les naines du monde extérieur, mais la vie leur avait prouvé plus d'une fois que le danger pouvait venir au sein même de la montagne et alors les naines se retrouvaient démunies face au danger... Il comprenait d'autant plus leur désir de liberté puisqu'elles n'avaient pas le droit d'aller dehors et rien ne semblait jamais plus tentateur que ce qu'on ne pouvait obtenir.

« J'aime beaucoup ton tatouage, en tout cas. Pourquoi au-dessus du coude, comme ça ? »

Elle avait avancé sa main, son bras tendu dans le vide qui les séparait, ses doigts à quelques centimètres de son coude. Mais elle s'était arrêté avant de le toucher, allez savoir pour quelle raison, peut-être pensait-elle que cela était inconvenant... Dalor ne bougea pas, juste pour voir et il fixa la naine un instant dans ses yeux clairs.

- C'est là que mon bras a été cassé... Répondit-il dans un murmure.

C'était, selon lui, le meilleur endroit pour porter ce tatouage... La preuve de la première fois où il s'était sentit trahi... Le moyen de lui rappeler qu'il se devait d'être loyal envers les siens et que s'il n'avait pas eut un caractère si emporté à l'époque, il ne se serait pas battu et qu'il pourrait peut-être être un des chefs de la garde à l'heure actuelle.

« Je, heu ... Ca fait mal ? Ca fait quoi comme sensation ? »

Cette fois-ci, le nain sourit légèrement avant de répondre.

- C'est comme une brûlure... Comme quand tu t’érafles avec la pointe d'un couteau, tu sais, juste assez pour sentir la douleur sans saigner... Ça fait plus mal là où il y a moins d'espace entre la peau et l'os... Mais c'est supportable... Le nain qui m'a tatoué à eut un peu plus de mal là où l'encre passe sur la cicatrice, apparemment la peau fragilisée c'est pas l'idéal pour tatouer...

Après son bras cassé, le tatouage ça n'avait rien de douloureux... C'était plus désagréable qu'autre chose... Mais il en plaindrait presque ceux qui se faisaient tatouer le visage car cela devait augmenter la douleur vu le peu d'épaisseur de chaire et de gras qu'ils avaient à cet endroit là... Alors imaginez Dwalin qui s'était fait tatouer le crâne... Dalor ne connaissait pas les significations des runes qu'il portait à cet endroit là, mais Dwalin devait surement souffrir quand il les avait faite tatouer... À son sens, se faire tatouer en sachant parfaitement que ça ferait un mal de chien, c'était comme de se punir soi-même pour quelque chose.

- Si un jour je me mari, je ferai tatouer le nom de ma femme sur mon coeur... Avoua-t-il soudainement.

Il y avait longtemps songé... Se tresser barbe et cheveux avec une perle spéciale pour bien montrer qu'il n'était plus libre, il le ferait aussi, mais sa future épouse, il la voulait gravée en lui pour toujours, peut importe qui elle serait.

- J'veux pas garder seulement les moments douloureux gravés sur mon corps... Faut aussi compenser avec les moments heureux... Enfin s'ils arrivent un jour... Quand j'ai été engagé par Baìn, j'ai pensé à me faire tatouer la date quelque part, mais finalement j'y ai renoncé...

Peut-être que d'avoir un travail n'était pas une raison assez forte pour se faire tatouer et puis il avait recommencé à y croire avant d'avoir trouvé ce nouveau travail... Alors la date de son premier départ avec les caravanes n'était pas la meilleure des raisons de se faire tatouer.

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Des engins comme vous, devrait y'avoir une notice !

La naine trouvait ça très rigolo de le voir jouer les vieux ronchons. Certes, elle comprenait que c'était là son caractère, et que, si elle avait cru comprendre qu'il avait été emporté et impulsif, il avait dû se calmer. Pourtant, elle aimait le voir tiraillé entre son bon fond et son côté ours des bois. Ilhy s'en amusait follement, parce qu'elle n'avait aucune crainte à avoir. Elle n'était pas sûre pour les autres, ou ceux qui oseraient mettre en colère Dalor, mais il semblait imperméable à son ironie, ou plutôt, ils s'en amusaient tout les deux, formant ce petit jeu de répliques. Elle appréciait ce genre de nature franche et débrouillarde. Elle avait vu bien des nains, nobles ou non, incapables de sortir une répartie intelligente, parce qu'ils étaient départis de toute sensation de flamme. Comme si ces nains qu'elle avait côtoyé avaient perdu une partie d'eux-même. Et que les trois quarts eurent été des nobles bedonnant sans une once de bravoure n'arrangeait rien pour eux. Ilhy avait une piètre opinion des nobles (enfin, cela dépendait qui, Fili et Kili étaient ses meilleurs amis, et elle respectait énormément certains nobles, comme Dain, Melgiel ou Thorin IIIème du nom, et elle avait fait la connaissance de nobles gentils et attentionnés) mais ce n'est pas la plupart qui allaient lui faire changer d'avis.

Ce moment où elle parlait de Fili était gênant. Elle fusilla du regard Dalor : oui, elle aimait donner de petits surnoms affectueux à ceux qu'elle appréciait. Avec son mon mignon, il devait être au courant, non ? Il devait aussi être servi. Mieux valait un diminutif que cette espèce de surnom un peu bizarre. Mais elle l'avait adopté. Peut-être que ça changerait au fil du temps, histoire de ne pas trop le mettre sur les nerfs. Mais voir sa réaction quand elle l'appelait comme ça ... Ilhy se fit la note mentale de ne pas le surnommer ainsi devant Raeryan. Cela aurait été indécent, non ? Elle observa Dalor, alors qu'il avouait lui-même n'avoir jamais été amoureux. Le soulagement qu'elle ressenti la noya dans une vague de culpabilité soudaine. Non pas parce qu'elle était juste heureuse de voir quelqu'un qui, comme elle, n'avait jamais été remué par les affres de l'amour, mais aussi parce qu'elle se disait qu'il devait repousser ses sentiments pour Raeryan. Peut-être disait-il cela par peur d'un refus ? Quoi que, cela ne collait pas avec le caractère. Dalor, si il voulait, il demandait, il n'attendait pas ... Quelque chose clochait dans sa réflexion, mais jamais elle ne prit pour acquis que Dalor n'était réellement que ami avec Raeryan.

La rousse ne remarqua pas le regard que lança Dalor à ses cheveux, le temps d'une seconde, trop occupée à froncer les sourcils en réfléchissant. Dwali aussi l'avait acceptée, même si il continuait de vouloir la protéger. Il ressemblait parfois à un père, pour elle. Il était son mentor, et elle le respectait autant qu'elle l'aimait. Elle avait trouvé ici une famille de substitution, et même Thorin, elle le voyait comme un roi, mais aussi comme un vieil oncle ronchon, et Kili et Fili étaient comme des frères, des cousins qu'elle adorait revoir et avec qui faire des bêtises se révélait le meilleur moyen de passer le temps. Comment avait-elle pu croire un instant être amoureuse du blond ? Non, il n'y avait jamais rien eu entre eux, hormis ce baiser qui n'avait pas eu lieu d'être.

Ilhy ne savait pas pourquoi elle avait posé cette question. Elle n'était pas du genre à se soucier de l'avis des autres : oh, certes, elle prenait en compte les idées, les refus, mais si elle avait décidé quelque chose, c'était comme ça, un point c'était tout. Pourtant ... Pourtant, elle avait demandé l'avis de Dalor. Parce que ça comptait, bizarrement. Elle voulait savoir ce qu'il pensait de son idée, et elle se convainquit que c'était uniquement parce qu'il s'était déjà fait tatouer, et qu'elle pouvait lui poser des questions. Alors, quand les mots fusèrent sans qu'il ait besoin d'y réfléchir, elle fut soulagée de nouveau. Elle avait à peine remarqué le regard qui se tournait vers sa clavicule qu'elle avait pointé. Il avait rapidement détourné le regard, pourtant ... Ce n'était qu'une clavicule. Bah, elle ne le prenait pas pour elle - ce n'était pas comme si il désirait la dévorer des yeux. Il regardait juste l'endroit où l'encre apparaîtrait, bientôt espérait-elle.

Elle eut un petit sourire doux quand il exprima le fond de sa pensée. Oui, il avait raison - être libre était une chose normale, non ? Elle avait eu ce besoin irrépressible depuis sa tendre enfance. Elle n'avait jamais eu envie ou besoin de réprimer cette sensation, cette envie. Pourquoi cela aurait-il été mal ? Elle avait renoncé à sa noblesse uniquement pour gravir les échelons de la voie qu'elle avait choisi. C'était ça, sa liberté, et elle tenait à la graver en elle, parce que ce n'était qu'un premier pas vers son avenir. Un premier pas, qui donnait la teneur aux autres qui viendraient. Avec de simples mots, Dalor lui avait redonné un peu confiance en elle. Et tant pis si sa mère désapprouvait - de toute façon, qu'est-ce qu'elle avait jamais fait qui avait rendu fier sa mère ? Oh, si elle se mariait avec un noble, là, sa mère serait contente. Si elle lui offrait la main basse sur l'or, les richesses, le pouvoir. Mais Ilhy ne recherchait pas cela - elle voulait l'amour véritable. Elle se fichait que son futur époux soit riche ou non, ce qui importait, c'était ce qu'il avait dans la tête, dans le coeur. Sa mère ne comprenait jamais cela, parce qu'elle ne voyait que dentelle, fourrure, pierres précieuses et lutte de pouvoir.

Les doigts courbés près de la peau du nain, elle avait retenu son souffle. Comme si elle avait failli attraper un oiseau au vol, ou toucher une biche. Ses yeux bleus trouvèrent ceux de Dalor, et durant une seconde, elle cru lire la curiosité - oserait-elle, oserait-elle pas ? C'est là que mon bras a été cassé. Plus que les mots, le ton chuchoté fit disparaître son hésitation. Avec une précaution douce, le bout de ses doigts toucha le tatouage. Elle sentit, en formant la rune du bout des doigts, la cicatrice dessous, cachée sous l'encre. Le contact était chaud, et elle sentait pulser sous la peau les veines du nain. Mais, dans ce geste, il y avait aussi autre chose qu'une simple curiosité pour le tatouage - c'était la cicatrice, qu'elle touchait, qu'elle découvrait. Quand elle eut fini le tour de la rune, elle retira ses doigts avec une sensation de brûlure non pas douloureuse mais flamboyante au bout des doigts. Allons, se dit-elle pour se secouer les puces, ce n'est pas la première fois que tu touches le coude d'un homme. Tu en as mis à terre des comme lui, et tu leur a trifouillé épaule, coude, dos. Pourtant, il y avait eu dans la caresse digitale quelque chose de plus. Une douceur insoupçonnée. C'était mal. Dalor était à Raeryan !

Au moins, elle pouvait toujours parler histoire de cacher sa gêne, ou plutôt son trouble. Ilhy n'avait pas peur de la douleur, mais d'un autre côté, que l'on grave quelque chose de beau dans la douleur, c'était comme l'idée d'avoir un enfant - de la douleur naissait quelque chose que l'on aimait. Que l'on chérissait, que l'on avait avec soi toute sa vie durant.

« Je n'ai pas peur d'avoir mal. Je pense que ... C'est comme un mauvais moment à passer. En fait non, ce n'est pas ça : c'est comme si on savait que, même si on aura mal, ce qui suivra sera si précieux, on l'aura si voulu que ces quelques secondes désagréables ne comptent pas. Enfin, c'est l'idée que je m'en fais » fit-elle d'un air entendu. Après tout, elle n'avait pas l'expérience de Dalor, elle pouvait se tromper.

Ses yeux ne quittaient plus le nain. Il la fascinait, à dire vrai. Plus il parlait, et plus elle l'appréciait. Sous ses devants peu bavards, il cachait une intelligence et une perception du monde fines et vraies. Elle aimait sa façon de parler et son caractère. L'aveu qu'il fit la fit cligner des yeux et elle eut un nouveau sourire.

« Mais c'est que l'ours est romantique » fit-elle, un peu narquoise, avant de reprendre avec plus de sérieux : « C'est une très belle initiative. Qui devrait plaire à ta future femme. Graver comme ça le prénom de quelqu'un ... C'est beau. Si tu dis ça à n'importe quelle naine, soit assurée qu'elle sera sous ton charme » rit-elle en imaginant sans mal un choeur de naines glousser devant un tel aveu romantique.

Elle-même saluait ce geste d'amour. Elle y voyait une preuve plus grande encore qu'un cadeau. C'était une marque à jamais, une promesse, un aveu. C'était un geste qui avait des conséquences, qui avait des répercussions. Ce n'était pas anodin, et dans le fond, cela ne l'étonna pas du nain : il était ainsi, entier, et passionné si elle avait bien cerné Dalor. Ils avaient réellement beaucoup de choses en commun. Elle songea à ce qu'elle ferait, si elle se mariait : changerait-elle ? Serait-elle plus féminine ? Elle n'en avait aucune idée.

« Si cette date était importante pour toi, pourquoi tu y as renoncé ? Tu as l'air d'aimer ta vie en tant qu'escorte de caravane. Et tu as l'air d'apprécier Bain. Tiens ... Il n'a pas une fille ? Fraiah, je crois ?» se souvint Ilhy. Oui, Fraiah ... Elle se souvenait de leur rencontre au marché, et de son petit numéro pour offrir un peu de liberté à la naine. Noble, féminine et superbe, elle avait été très gentille et Ilhy gardait un très bon souvenir d'elle. « En tout cas, je suis sûre que de beaux jours sont à venir. Tu auras tellement de souvenirs heureux que tu n'auras pas assez d'un seul corps pour le remplir de tatouages » fit-elle avec sourire en exagérant volontairement.

Pourtant, il était facile de voir qu'elle croyait ce qu'elle disait. Elle était certaine que Dalor pouvait, devait être heureux. Si lui et Raeryan se mariaient, ils pourraient avoir des enfants. Les deux nains seraient heureux, oui. Dalor le méritait. Elle ne l'avait pas connu au fond du trou, mais elle préférait le voir ainsi, calme et souriant. Qui sait si une soudaine envie de câline n'aurait pas remonté à la surface si il avait été au plus bas ? Il y avait vingt ans ... Elle n'était à cette époque qu'une jeune naine, pas encore majeure. Il devait avoir une trentaine d'années de plus que lui, si elle comptait à peu près bien. Elle se demanda ce qu'ils auraient pensé l'un de l'autre, si ils s'étaient rencontré avant.

« Si un jour je me marie ... Je voudrais que ce soit, tu sais, pas un mariage arrangé. Mais parce que j'aime la personne avec qui je veux vivre. Ca a été un sujet de discussion houleux avec mes parents. Ma mère voulait absolument que je choisisse quelqu'un de mon rang. C'est aussi pour ça que j'ai renoncé à être noble. C'était trop difficile. Mon père continue encore de m'envoyer des lettres d'anciens prétendants, de quand je n'étais pas encore déchue et invivable. Il espère peut-être que je les recontacte. Mal lui en prend » fit-elle en lançant un regard au paquet de lettres. Pourtant, il ne voulait que son bien, elle le savait. Il voulait juste qu'elle trouve botte à son pied. « Je me demandais si cela se faisait, entre gens du peuple, de s'envoyer des lettres de prétendants ou de prétendantes ? Je veux dire ... Vous vous contactez aussi, entre famille, ou c'est comme vous voulez ? »

Mahal que c'était maladroit, mais elle n'y connaissait rien aux moeurs amoureuses de la roture. Pourtant, elle en faisait partie à présent, et mieux valait s'informer, au cas où. Elle n'avait reçu aucune demande de prétendant depuis qu'elle avait été déchue, et elle n'en était pas mécontente. Est-ce que ... Est-ce que les naines pouvaient parfois prétendre à un nain, alors qu'habituellement c'était le contraire ? Ilhy était curieuse, et observait Dalor, les yeux brillants d'attention.

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Lorsque Dalor lui avait signifié que son tatouage se trouvait là précisément parce que c'était à cet endroit qu'il avait vu son bras se casser, Ilhy termina son geste et posa ses doigts sur le dessin qui marquait sa peau. Il la laissa faire, curieux, se demandant pour quelle raison elle avait ce genre de geste qui pouvait presque paraître intime dans le fond. Car ça n'était pas une tape de pure camaraderie ou même un simple frôlement fait sans y penser. Elle dessinait les contours de la rune, suivait le long de sa cicatrice et semblait perdue dans ses pensées. C'était une caresse douce et aérienne que Dalor sentait à peine sur son épiderme et qui dura finalement si peu de temps...

C'était un instant étrange où il avait soudainement eut l'impression qu'ils étaient quelqu'un d'autre, qu'ils n'étaient pas forcément de simples amis et que même si elle n'avait fait que frôler son coude du bout des doigts, le geste avait été intime, presque déplacé pour deux nains qui se voyaient pour la deuxième fois seulement. Bien sur, il ne s'était pas sentit outré d'un tel geste, ça aurait été ridicule, ça n'était que son coude après tout... Mais tout de même, cette sensation, cette impression de temps qui s'arrête, c'était bizarre... Oui voila, bizarre.. Il valait mieux donc passer à autre chose et ne pas faire de commentaire à ce sujet. La conversation continua donc sur l'art du tatouage et ce que l'on ressentait lorsqu'on était tatoué. Dalor expliqua que cela était douloureux, il ne fallait pas se cacher, et que suivant les endroits, cela faisait plus ou moins mal, mais que c'était nettement supportable.

« Je n'ai pas peur d'avoir mal. Je pense que ... C'est comme un mauvais moment à passer. En fait non, ce n'est pas ça : c'est comme si on savait que, même si on aura mal, ce qui suivra sera si précieux, on l'aura si voulu que ces quelques secondes désagréables ne comptent pas. Enfin, c'est l'idée que je m'en fais »

Et elle n'avait pas tors... Un mauvais moment à passer contre toute une vie à apprécier et chérir le tatouage qui signifiait tant de choses... A son sens, c'était également pour ça qu'il ne fallait pas se tatouer sans avoir une bonne raison de le faire et juste pour le fun. En parlant de bonnes raisons de se faire tatouer, Dalor avoua à Ilhy que le jour où il se trouverait une naine à aimer, il se ferait tatouer son prénom sur le coeur pour la garder près de lui à tout jamais. Il ne voulait pas oublier ce qui avait fait changer sa vie et le mariage serait surement une chose qui le ferait aussi. A sa grande surprise, la confidence fit sourire la naine avec un air qu'il aurait aisément pût qualifier d'attendrie.

« Mais c'est que l'ours est romantique. C'est une très belle initiative. Qui devrait plaire à ta future femme. Graver comme ça le prénom de quelqu'un ... C'est beau. Si tu dis ça à n'importe quelle naine, soit assurée qu'elle sera sous ton charme »

Romantique ?! Vraiment ?! A vrai dire, il n'y avait pas pensé... Et il ronchonna pour la forme lorsqu'elle se moqua un peu de son coeur en guimauve. Mais il n'était pas vexé... Il avait bien le droit d'être romantique, particulièrement si cette romance était réservée à la naine qui partagerait sa vie... Oui voila, elle se sentirait encore plus spéciale à ses yeux et lui il pourrait justifier le fait de rester un vrai ours mal léché avec les autres...

- Toutes ? Même toi ? Demanda-t-il avec un sourire en coin.

Il avait lancé la question pour reprendre le dessus, pour se venger un peu aussi, il fallait l'admettre, mais à bien y réfléchir, il devait bien avouer que la réponse lui semblait importante finalement, primordiale même. Pour faire en sorte qu'elle ne s'en rende pas trop compte, Dalor enchaîna à propos de la date de son premier jour de travail pour Baìn qu'il avait songé à se faire graver dans la chaire avant d'y renoncer.

« Si cette date était importante pour toi, pourquoi tu y as renoncé ? Tu as l'air d'aimer ta vie en tant qu'escorte de caravane. Et tu as l'air d'apprécier Bain. Tiens ... Il n'a pas une fille ? Fraiah, je crois ?»

Ah elle la connaissait, pas étonnant dans le fond, entre nobles ils devaient certainement tous se connaitre de près ou de loin... Il paraissait même qu'ils devaient apprendre tout leur arbre généalogique d'aussi loin qu'ils pouvaient s'en souvenir... Dalor, pour sa part, était bien heureux de ne pas avoir eut a apprendre une telle chose et de ne se contenter que des noms de ses parents.

- Parce que ça n'est pas le travail qui m'a fait changer... Ca avait commencé avant, sinon j'aurai jamais accepté de travailler pour Baìn... J'en voulais au monde entier... Je voulais juste qu'on me laisse crever en paix... Ce que Raeryan n'a jamais fait et Mahal sait à quel point je l'en remercie aujourd'hui...

Oui... Aujourd'hui, il était bien contant que Raeryan n'ait pas abandonné et qu'elle ait eut plus de force de caractère que lui, même s'il était bien conscient d'y être lui aussi pour quelque chose car si une part de lui n'avait pas eut envie qu'elle revienne le voir pour lui crier dessus, il serait tout simplement sortit de la montagne pour aller mourir ailleurs sans rien dire à personne.

- Frayà est gentille... Têtue elle aussi... Mais c'est une naine charmante... Elle a toujours été agréable et polie avec moi, simple roturier que je suis. Rit-il, se moquant lui-même de sa propre situation. Comment tu l'as connue ?

Après tout, ça n'avait peut-être rien à voir avec le côté noble de sa famille...

« En tout cas, je suis sûre que de beaux jours sont à venir. Tu auras tellement de souvenirs heureux que tu n'auras pas assez d'un seul corps pour le remplir de tatouages »

Dalor se contenta de sourire à la remarque. Des beaux souvenirs, il en avait plein depuis le temps, certains même remontaient à l'enfance, mais même s'ils étaient beaux, ils ne méritaient pas forcément qu'il se le tatoue sur le corps... Pour beaucoup de choses, bonnes ou mauvaises, être gravées dans sa mémoire était bien suffisant... Et puis il n'allait quand même pas étaler toute sa vie à la vue de tout le monde... Non, il fallait réellement quelque chose de fort, d'important, d'essentiel pour qu'il ait envie de le porter sur lui en plus de sa mémoire.

« Si un jour je me marie ... Je voudrais que ce soit, tu sais, pas un mariage arrangé. Mais parce que j'aime la personne avec qui je veux vivre. Ca a été un sujet de discussion houleux avec mes parents. Ma mère voulait absolument que je choisisse quelqu'un de mon rang. C'est aussi pour ça que j'ai renoncé à être noble. C'était trop difficile. Mon père continue encore de m'envoyer des lettres d'anciens prétendants, de quand je n'étais pas encore déchue et invivable. Il espère peut-être que je les recontacte. Mal lui en prend »

Dalor haussa un sourcil et son regard suivit celui de la naine vers la pile de lettres dont il avait fait référence un peu plus tôt, puis il reposa ses yeux sur la belle rousse lorsqu'elle repris la parole.

« Je me demandais si cela se faisait, entre gens du peuple, de s'envoyer des lettres de prétendants ou de prétendantes ? Je veux dire ... Vous vous contactez aussi, entre famille, ou c'est comme vous voulez ? »

Ah... Question intéressante... Lui, il n'avait pas de soeur et il ne se connaissait pas de cousine non plus. Etant un être masculin, il n'avait pas franchement à chercher les prétendantes et ses parents non plus d'ailleurs. Il n'avait donc jamais eut le droit à ce genre de pratique et il n'était pas certain que cela ait cours ou non chez les autres.

- Je pense que non... En tout cas j'ai jamais vu mon père me 'vendre' à une jeune naine... Peut-être que certains le font quand même, pour faire comme les riches, par profit aussi surement, mais généralement, on épouse celui ou celle dont on est amoureux... Et puis moi je trouve ça idiot et compliqué. Termina-t-il.

Réalisant que ses propos pouvaient porter à confusion, il ajouta.

- Le mariage arrangé je veux dire... C'est idiot de sacrifier le bonheur de quelqu'un qu'on est sensé aimé juste parce que ça ferait de bonnes alliances familiales... J'suis bien content de pas être noble...

Quoi que s'il avait été de la noblesse, étant un homme, il n'aurait pas eut autant de soucis qu'une femme. Mais ça, il préférait ne pas en parler. Il repris donc avec un air un peu hésitant, incertain de la réaction qu'elle aurait, mais la curiosité était la plus forte.

- T'as pas l'air bien heureuse que ton père fasse ça... Et je comprend dans le fond, mais... Enfin, c'est pas parce que ces gars là sont nobles qu'ils sont forcément mauvais... P't'être bien qu'il y en aurait un qui te plairait dans le lot.

Le sang, ça ne faisait pas tout, la preuve, Ilhy avait préféré fuir le domicile familiale pour vivre sa vie...

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Des engins comme vous, devrait y'avoir une notice !

Ilhy n'avait pas voulu que son geste paraisse déplacé, mais elle avait soudain eut envie de toucher de la pointe de ses doigts la cicatrice camouflée par l'encre. Par simple curiosité, bien entendu, mais il fallait avouer que ce contact lui avait semblé très étrange. Très indécent, mais pourtant, il n'y avait rien d'indiscret. C'était juste un coude, et un tatouage, et pourtant, elle avait senti la peau de Dalor, et elle avait ressenti un léger frisson en sentant la cicatrice sous ses doigts. Dérangeante sensation qui n'avait rien à faire là, née le temps d'une seconde, et qui se dissout quand elle retira ses doigts. C'était mal et cruel de songer à tout cela, et de toute façon, il ne lui appartenait pas de toucher Dalor. Elle aurait dû s'abstenir.

Changer de sujet, devoir parler l'amena à reprendre ses esprits, et c'était tant mieux. Si elle avait dû se focaliser sur ce qu'elle venait de faire, cela l'aurait rongé de culpabilité. Taquiner Dalor était un moyen comme un autre de s'amuser. Dans le fond, il n'était qu'un nain aussi aimable qu'un autre, il suffisait juste de savoir soulever les kilos de maussaderie et de nain ronchon, et on arrivait à un coeur aussi tendre que n'importe qui d'autre. Qu'il soit romantique, ce n'était pas une tare, au contraire. Ilhy appréciait ça, qu'un nain puisse avoir un coeur bon mais des devants malicieux. C'était plus agréable que le contraire. La pique envoyée par le nain la laissa une seconde surprise : toutes, même elle ? Bonne question. Elle esquiva donc une vraie réponse en donnant une réponse globale, l'air de rien.

« J'aime bien l'idée qu'un nain puisse être romantique. C'est mignon » se vengea t-elle en retour. « Pourquoi, tu voudrais que je sois sous ton charme ? » fit-elle d'un air de défi, mais elle eut un petit rire, signifiant qu'il n'était vraiment pas obligé de répondre. Surtout si c'était pour répondre par la négative. Bizarrement, cela lui aurait presque fait plaisir d'apprendre qu'un nain se souciait d'elle. « En tout cas, je connais des naines qui ne refuseraient pas tes avances » finit-elle pour esquiver le sujet qui voletait vers elle. Est-ce qu'elle en était ? Elle n'en savait rien. Elle n'arrivait pas à imaginer qu'on lui fasse la cour pour autre chose qu'un titre ou l'argent. Un nain au grand coeur avait plus de chance de remuer le sien qu'un parfait abruti.

Pourtant, la seconde catégorie était bien plus représentée, au goût de Ilhy. Ou alors aucun ne savait faire chavirer son coeur trop durci par les combats et la volonté de ne pas se laisser avoir. Ilhy n'avait jamais désiré se marier, même si elle en rêvait parfois : c'était un paradoxe étrange mais réaliste. Si elle avait envie de fonder une famille et de tomber amoureuse, il y avait peu de chance pour que la personne qu'elle aime ne partage ses sentiments. Elle préférait donc d'avance ne pas perdre de temps ou d'efforts qui n'aboutiraient qu'à une grande tristesse.

En tout cas, la tristesse en ce moment était liée au passé de Dalor. Il avait touché le fond, elle l'entendait dans les échos du passé qui se reflétaient dans sa voix. Sans Raeryan, il ne serait plus là, et Ilhy la remerciait mentalement. Un être comme lui méritait de survivre et de vivre, qu'importe ce qu'il avait fait ou pensait avoir fait avec honte. Ilhy aurait aimé rassurer Dalor, lui dire que tout cela était derrière lui, mais il le savait déjà non ? Elle resta donc immobile à l'observer sans rien dire, touchée par ses paroles et la détresse d'autrefois. Elle aurait aimé le connaître quand il n'allait pas bien, pour l'aider à remonter la pente. Elle aurait pu épauler Raeryan. Elle aurait eu une bonne raison de l'étreindre, pour lui faire sentir qu'elle était là.

Alors comme ça, Fraiah était la fille de Bain ? Elle devait donc bien connaître Dalor. Décidément, pour un nain peu sociable, il en connaissait des naines ! Elle eut un petit sourire, cependant, en repensant à la rencontre avec la brune.

« Simple roturier que tu es, arrêtes ton char, je te préfère comme ça que noble. La soie et les bonnes manières ne te conviendraient pas, rustre » gloussa t-elle en tapotant le coussin, comme pour lui dire que si il tenait tant que ça à faire le noble, il pouvait le faire avec un coussin sur la tête. « J'étais sur le marché, je l'ai vu qui tentait de fuir son chaperon. Je l'y ai un peu aidé, on va dire, et on a fait connaissance. Elle est polie, bien élevée et très gentille » affirma la rousse avec un sourire.

Ilhy ne savait pas comment les idylles amoureuses se passaient en dehors des sphères nobles. Elle ne s'était d'ailleurs que très peu intéressé à ces dernières, mais à présent, allez savoir pourquoi, une vive curiosité l'animait, notamment pour les amours des roturiers. Est-ce qu'ils avaient eu aussi à faire le fastidieux travail de cour et de cadeaux, de dot et de promesses ? C'est avec les oreilles grandes ouvertes que Ilhy écouta la réponse de Dalor. Elle resta un instant perplexe, incertaine d'avoir compris : il trouvait ça idiot et compliqué ... d'épouser la personne dont il était amoureux ? Il rectifia aussitôt et elle comprit qu'elle s'était trompé. L'idée des mariages arrangés pouvait paraître normale, mais pour Ilhy, c'était avant tout une corvée. Elle y avait échappée, heureusement.

« Et moi je suis bien contente de ne plus être considérée comme noble. Ma mère étant une véritable arriviste, je peux te dire qu'elle a cherché à me marier avec tout ce qui pouvait être noble, depuis que je suis toute petite. C'était une horreur : bals avec robes et froufrous, dîners mondains où je devais danser, je me souviens d'un repas où j'avais les cheveux tellement tiré en arrière que cligner des paupières me faisait mal. Mon père a finalement arrêté ce cirque, notamment parce que je finissais toujours par aller pleurer dehors et par jouer dans la boue mon remonter le moral » fit-elle avec un petit sourire.

Elle se souvenait de tout cela avec une indescriptible nostalgie. Pas à cause de sa mère, mais parce que ça lui semblait si loin ! Mais elle ne regrettait pas d'en être parti, pour rien au monde elle n'aurait voulu reprendre sa place de noble. Pourtant, n'ayant ni frère ni soeur, son père risquait de vouloir la réintégrer à la famille. Et puis, il n'avait voulu que son bien ... Ilhy sursauta et glissa un regard vers Dalor, de ses grands yeux bleus troublés.

« Je déteste l'idée d'être vendue, comme tu l'as si bien exprimé. Je sais que tous les nobles ne se valent pas, et je connais des nains très bien qui feront de parfaits maris. Mais pas avec moi. Parce que, aussi gentils et agréables soient-ils, je ne les aime pas. Je sais que ceux qui ne m'ont pas tourné le dos quand j'ai été déchue sont ceux qui valent le coup d'être mes amis. Kili ou Fili, de la lignée de Durin, par exemple. Ils sont adorables, et je sais qu'ils feront le bonheur de leurs épouses. Mais ... je pense que si quelqu'un doit me plaire, ça se fera» conclut-elle maladroitement.

On ne pouvait pas contrôler ce genre de choses. On ne choisit pas qui on aime. Elle aimait ses amis, elle aimait les deux frères, mais justement, comme des frères. Elle haussa les épaules et regarda par la fenêtre, pensive.

« Tu n'as jamais pensé à faire la cour à une naine que tu apprécierais ? Sans pour autant l'aimer, je veux dire, tu ne t'es pas dit que ça finirait par arriver ? » A tout hasard, Raeryan ? « Peut-être qu'une jolie noble pourrait tomber amoureuse de toi. Le bel aventurier, séduisant et périlleux, allant faire sa cour à la superbe princesse, douce et fragile, qui n'attend que l'étreinte de ses bras » s'amusa t-elle, en racontant ça comme une histoire de contes. Oui, elle avait fait de Dalor le héros preux et courageux. C'était un peu ce qu'il était - une espèce de héros, qui avait su remonter la pente de son destin tragique. Ilhy l'admirait plus que ce qu'elle ne voulait se l'avouer - ou l'avouer au nain en question, d'ailleurs.

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Naturellement, elle s'était vengée à son tours de la petite boutade qu'il lui avait envoyé en l'appelant une nouvelle fois 'mignon' et Dalor avait grogné pour la forme, mais il n'avait pas répondu à la suite de sa phrase. Elle prétendait connaitre des naines qui soupiraient après lui ? Et bien pour sa part il n'en connaissait aucune. Il avait bien pensé, à un moment, que Frayà avait ce genre de pensées à son sujet, mais s'il ne se trompait pas, les soupires de la naine s'étaient portés sur un autre nain. Lui pour sa part, il la trouvait gentille et agréable... Bon sauf peut-être la fois où elle avait réussi à le convaincre de lui faire quitter la montagne incognito... Mais ça, ils n'étaient que deux à être au courant et ça ne changerait pas car si cela venait à se savoir, il n'y aurait que deux coupables possible : les principaux concernés.

En parlant de la fille de son patron, Dalor osa une petite pointe d'autodérision, principalement pour changer de sujet qui revenait trop souvent sur son absence de vie privée à son gout. Il ne se faisait aucune illusion sur son manque d'éducation, bien que ses parents lui aient appris à se montrer poli et courtois, il n'avait et n'aurait jamais les manières d'un nain de la haute société. Mais il ne faisait pas partit des gens qui regrettaient ce genre de chose, bien au contraire, lui, il était bien content de ne pas prétendre devoir s'embarrasser de ronds de jambes interminables afin de froisser ses interlocuteurs le moins possible. Quand il avait un truc à dire, il le disait, que ça plaise ou non... Et Mahal que c'était agréable d'avoir de genre de caractère.

« Simple roturier que tu es, arrêtes ton char, je te préfère comme ça que noble. La soie et les bonnes manières ne te conviendraient pas, rustre. J'étais sur le marché, je l'ai vu qui tentait de fuir son chaperon. Je l'y ai un peu aidé, on va dire, et on a fait connaissance. Elle est polie, bien élevée et très gentille »

Ainsi donc, c'était de cette manière qu'elles s'étaient rencontrées toutes les deux. Dalor imaginait sans peine la rousse apporter l'attention sur elle pour permettre à la fille de son patron de fuir pour profiter de quelques heures de liberté... Il avait souvent plaint Frayà dans son fort intérieur car elle ne pouvait pas faire ce qu'elle voulait quand elle le voulait... Bien sur, il pensait que cela partait d'un bon sentiment de la part de Baìn mais sa fille était muselée, sans cesse surveillée comme un enfant de deux ans incapable de rester deux secondes sans tenter de faire une bêtise... Ça ne devait pas être drôle tous les jours une vie pareille et souvent, il se demandait comment un mode de vie tel que celui là pouvait donner une naine au caractère si fort.

En parlant de mode de vie, Ilhy ne tarda pas à s'interroger sur les façons de faire des roturiers quand il s'agissait d'amour et de mariage. Tout le monde savait bien qu'il était de coûtume chez la noblesse d'arranger les mariages de leurs enfants afin de servir leurs propres intérêts et de ne surtout pas risquer de déshonorer la famille en épousant quelqu'un qui n'était pas du même rang qu'eux. Rares étaient les mariages d'amour dans ce genre de milieu, même s'il se racontait, aux monts de fer, que Daïn avait épousé sa femme par amour. Bien que le sujet puisse encore les mener sur une pente glissante et leur apporter une certaine gêne, Dalor expliqua qu'il n'avait guère d'expérience dans le domaine, mais qu'en règles générales, il était nettement plus courant de laisser les nains se marier par amour plutôt que de les forcer à épouser quelqu'un au plus vite, contrairement à l'univers dans lequel Ilhy avait grandit.

Peut-être bien que certains nains riches mais pas assez pour être considérés comme nobles, avaient dans l'idée d'arranger un mariage avantageux pour leurs affaires, mais Dalor n'avait jamais vu que des mariages d'amour entre les nains du peuple. Eux, ils n'avaient aucune obligation à respecter, aucun rang social à ne surtout pas dégringoler... Aucune façon de s'élever autre que d'épouser un noble justement et ça, c'était une chose rare tout simplement parce qu'ils n'évoluaient pas dans la même sphère et que chez les nobles, les mariages étaient généralement arrangés.

« Et moi je suis bien contente de ne plus être considérée comme noble. Ma mère étant une véritable arriviste, je peux te dire qu'elle a cherché à me marier avec tout ce qui pouvait être noble, depuis que je suis toute petite. C'était une horreur : bals avec robes et froufrous, dîners mondains où je devais danser, je me souviens d'un repas où j'avais les cheveux tellement tiré en arrière que cligner des paupières me faisait mal. Mon père a finalement arrêté ce cirque, notamment parce que je finissais toujours par aller pleurer dehors et par jouer dans la boue mon remonter le moral »

Allez savoir pourquoi, mais Dalor avait du mal à imaginer Ilhy toute petite en belles robes et avec des rubans dans ses cheveux trop savamment noués, devant être bien propre et se tenir bien durant d'interminables réceptions. Par contre, l'imaginer dans la boue pour jouer plutôt que de rester en de nobles compagnie était une chose nettement plus facile à faire pour lui. Elle avait dût gâcher de nombreuses robes coûteuses à faire ce genre de chose, mais chacun se vengeait à sa manière...

« Je déteste l'idée d'être vendue, comme tu l'as si bien exprimé. Je sais que tous les nobles ne se valent pas, et je connais des nains très bien qui feront de parfaits maris. Mais pas avec moi. Parce que, aussi gentils et agréables soient-ils, je ne les aime pas. Je sais que ceux qui ne m'ont pas tourné le dos quand j'ai été déchue sont ceux qui valent le coup d'être mes amis. Kili ou Fili, de la lignée de Durin, par exemple. Ils sont adorables, et je sais qu'ils feront le bonheur de leurs épouses. Mais ... je pense que si quelqu'un doit me plaire, ça se fera»

Entre l'amitié et l'amour, il n'y avait qu'un pas... Dalor se contenta de confirmer les dires de la rouquine, bien d'accord avec elle sur le besoin d'avoir des sentiments envers la personne avec qui on désirait passer le reste de sa vie. Lui-même ne pourrait certainement pas épouser une naine qui ne l'aimait pas et qu'il n'aimait pas, comment réussir à s'imaginer vivre tout le reste de leur longue existence en sa compagnie dans le cas contraire ? C'était impensable.

« Tu n'as jamais pensé à faire la cour à une naine que tu apprécierais ? Sans pour autant l'aimer, je veux dire, tu ne t'es pas dit que ça finirait par arriver ? Peut-être qu'une jolie noble pourrait tomber amoureuse de toi. Le bel aventurier, séduisant et périlleux, allant faire sa cour à la superbe princesse, douce et fragile, qui n'attend que l'étreinte de ses bras »

Dalor, l'air clairement surpris par le genre de détours que prenait la conversation, mis quelques minutes de trop à répondre aux interrogations de la naine. De quelle princesse parlait-elle ? Et puis il n'avait rien d'un héro en plus... Il était juste lui : Dalor, un nain un peu bourru, un peu trop brute de décoffrage et bien trop associale pour espérer ne serait-ce que plaire à une naine un jour.

- Je croyais qu'on s'était mis d'accord sur le fait que la haute société ne m'irait pas du tout ?! Répondit-il enfin avec une pointe d'ironie. Alors oublie la princesse... Et puis de toutes façons j'en connais pas...

Et puis non, vraiment, il ne voulait pas faire l'effort de changer pour s'intégrer dans ce genre de milieu aux manières bien trop compliquées pour lui. Il était bien comme il était et même s'il rêvait de reconnaissance, il n'avait jamais été du genre à rêver de fortune... Dalor n'était pas attiré par le profit financier des choses, il se satisfaisait de peu et ce qu'il aimait dans les pierres, rubis et autres diamants, c'était leur beauté naturelle, pas la valeur monétaire qu'ils possédaient.

- Pour répondre à ta première question, je n'ai jamais fait la cours à personne... Et j'en ai jamais réellement eut envie avant... Pour tout t'avouer je ne me suis même jamais demandé quel genre de naine me conviendrait et serait capable de me supporter.

Beaucoup de nains finissaient leur vie célibataire, n'ayant jamais rencontré l'âme soeur ou n'ayant tout simplement jamais cherché à la trouver. Il n'était donc pas une sorte de bizarrerie parmi les autres et cela lui convenait très bien d'ailleurs, même si parfois la solitude se faisait trop ressentir.

- Mais y a une chose dont j'suis sur.. Je ne suis fait ni pour Frayà ni pour Raeryan... Alors arrête un peu de penser que c'est le cas...

Il n'était pas très fut-fut comme nain et généralement il avait tendance à être obtus... Mais la référence à la princesse ou même à la fameuse naine à qui il n'oserait avouer ses sentiments avaient été bien trop évidente pour qu'il passe à côté.

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Des engins comme vous, devrait y'avoir une notice !

La plupart des naines que connaissait Ilhy formaient une sphère hors norme. Une populace féminine et hautaine, un peu trop guindée à l'avis de la rousse. Pourtant, si elle n'en connaissait aucune qui soit sous le charme prouvé de Dalor, elle ne s'inquiétait pas à ce sujet : plus d'une noble de sa connaissance aurait eu le coeur battant en voyant ce visage rude, ce regard clair et les reflets dans ses cheveux et sa barbe ; plus d'une aurait bien désiré laisser de côté la trivialité de l'argent pour passer un instant avec quelqu'un comme Dalor, droit et juste, bourru mais bon. Il ne s'en rendait peut-être pas compte, mais il avait tout pour faire chavirer le coeur de n'importe quelle naine. Et elle ? Ilhy y songeait, et elle ne trouvait rien à redire. Dalor n'avait rien de repoussant, bien au contraire, et elle n'aurait rien eu contre le fait d'être attirée par lui. Elle se défendit mentalement : elle n'était bien entendu pas charmée par le nain, il était déjà à Raeryan, et ce fait était ancré en Ilhy malgré les tentatives de Dalor de repousser cette idée.

Ilhy réalisa un peu tard qu'elle parlait beaucoup. C'était dans sa nature. Elle babillait, volubile et bavarde, passant d'un sujet à l'autre. Elle était très forte pour ça : passer du coq à l'âne, ça la connaissait. C'était parce qu'elle avait du mal à tenir ses pensées, à les ordonner et à leur donner forme sans mettre du fouillis. La plupart des gens avait du mal à la suivre, dans ses bifurcations, quand elle ne noyait pas les personnes sous un flot de questions aussi curieuses que rapides. Elle éclata de rire devant l'air surpris de Dalor quand elle parla de princesse. Il prit un peu trop au pied de la lettre ce qu'elle avait dit, et l'air toujours amusé, elle reprit.

« C'est vrai que la noblesse ne t'irait pas du tout. Mais cela ne veut pas dire qu'une jolie noble ne pourrait pas tomber sous ton charme. Princesse, duchesse, comtesse, noble, marchande ... Peu importe le titre, tu ne crois pas ? A moins que tu refuses toute relation avec une noble, à cause de son sang trop bleu pour toi ? L'élitisme inversé, c'est amusant comme idée » railla t-elle en le couvant d'un regard aussi bleu que le ciel.

Il fallait peut-être qu'il soit mis devant les choses. Mais elle était curieuse de savoir si il choisissait effectivement. Est-ce qu'à ses yeux une noble était trop haute pour lui ? Ilhy eut un sourire : elle avait un peu les fesses entre deux chaises, noble de naissance mais déchue. Il était plus simple de naître noble pour pouvoir avoir la liberté de choisir totalement, mais avait-on jamais réellement le choix en naissant, mains et pieds liés à la noblesse ?

Ilhy haussa les sourcils : il n'avait jamais essayé de faire la cour à quiconque donc ? Ce n'était pas trop étonnant, en sachant qu'un nain choisissait pour la vie, après tout. Mais qu'il n'ait jamais eu, pour personne, le moindre penchant ...

« Te supporter ? Cela ne devrait pas être difficile. C'est surtout te dompter qui sera compliqué pour ta future épouse. Tu te révèles un vrai ours quand tu veux, mais tu n'es pas moins bon qu'un autre. Alors ne te rabaisses pas comme ça. La naine dont tu auras besoin, ce sera celle dont tu ressentiras l'envie d'être avec elle, je suppose. »

De nouveau, elle avait lancé le sujet un peu délicat. Mais avant tout cela, il fallait qu'il trouve une naine qui lui plaise, non ? Ilhy avait les pensées focalisées sur Raeryan : la brune supportait le nain, comme il le disait, et il ne s'était peut-être jamais posé la question, mais elle était assez forte et assez indépendante pour faire une très bonne épouse, Ilhy en était certaine. Mais, de toute évidence, la rousse était bien trop claire dans ce qu'elle disait, et elle éclata d'un rire malicieux quand Dalor perça ses sous-entendus maladroits.

« Tu parles. Raeryan te supportes, comme tu dis. Elle est forte, et belle. Que cherches-tu de plus chez une épouse ? » Mais c'était pure rhétorique, elle ne voulait pas de réponse. « Après, ça ne regarde que vous. Après tout, je connais certains nains depuis longtemps, et je ne suis pas amoureuse d'eux. Et puis, mine de rien, on est encore jeunes, toi comme moi ! On a encore le temps de trouver chaussure à notre pied ! » s'exclama t-elle positivement, en resservant de la bière.

Les deux chopes pleines, elle se pencha, les coudes sur les cuisses, l'air pensif. Son père ne cessait de vouloir prendre soin d'elle, mais sa mère, elle, aurait préféré qu'elle agisse comme n'importe quelle naine. Qu'elle obéisse et qu'elle fasse ce qu'on lui dise de faire, comme une bonne fille.

« En tout cas, même si je n'y connais rien, sache que peu importe ton rang, si jamais tu tombes amoureux d'une naine, tu ne devrais pas t'arrêter à ce qui coule dans ses veines. Je t'imagine marié à une noble, maintenant, et être obligé de mettre de jolies collerettes et des jolis vêtements, et te tenir droit et être poli » fit-elle en retenant difficilement un ricanement. « Mais pour le côté aventurier qui plaît aux filles, je ne plaisantais pas. Si tu souriais un peu plus, et que tu étais aussi naturel dehors que tu l'es avec moi ici, je peux t'assurer que cela ne mettrait pas longtemps avant que tu ne reçoives quelques jolies lettres d'amouuur » minauda la rousse.

Le sujet de l'amour et des conquêtes ne l'avait jamais autant amusé ou passionné qu'en cet instant où elle discutait avec Dalor. Oh, certes, elle en faisait parfois référence avec Raeryan, ou autrefois avec ses parents, mais c'était toujours pour s'enquérir des autres ou pour connaître les dernières nouvelles. Mais là, parler d'elle, parler de lui, c'était curieusement agréable. Cela comblait sa curiosité, et la soulageait de partager des points de vue, qu'ils soient complémentaires ou égaux.

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Les histoires de coeur, de sentiments, de ressentit, ça n'était pas franchement la tasse de thé de Dalor qui n'y connaissait pas grand chose et qui n'avait jamais réellement cherché à en savoir plus jusqu'à présent. Il n'avait même jamais embrassé une naine pour sa part. Certains auraient pût croire qu'une fois saoul ça aurait été le cas, mais Dalor était plutôt du genre à vouloir se battre quand il en avait un bon coup dans le nez plutôt qu'à avoir l'alcool amoureux.

Tout ça, c'était comme ces histoires de noblesse, de bien faire et de bien paraître en société. Il n'y connaissait pas grand chose et il n'avait absolument pas envie d'en apprendre le moindre truc. Le peu qu'il savait et qui lui servait a avoir un tant soit peu de politesse et de tenue devant la haute société lui suffisait amplement. Pourquoi devrait-il s'encombrer l'esprit avec le reste ? Ca n'était que pour compliquer la vie a son avis et Dalor, lui, il n'aimait pas quand ça devenait trop compliqué.

C'était pour cette raison qu'il essayait sans cesse de sortir de ce terrain glissant qu'était la discussion sur les sentiments et les belles romances entre un rustre et une belle princesse assoiffée de beaux contes et de belles aventures où le rustre deviendrait le héro. Malheureusement pour lui, que ce soit de sa faute ou du fait d'Ilhy, la conversation revenait sans cesse dessus, le mettant de plus en plus mal à l'aise et le laissant avec de moins en moins de réponses.

Il s'emmêlait donc dans ses réponses, essayant de paraître ronchon en se rendant bien compte que ça n'avait plus le moindre effet sur la naine aux belles boucles rousses. Il tenait cependant à une chose, il n'avait de romance avec aucune naine, malgré ce qu'Ilhy s'obstinait à penser de moins en moins discrètement.

« Tu parles. Raeryan te supportes, comme tu dis. Elle est forte, et belle. Que cherches-tu de plus chez une épouse ? Après, ça ne regarde que vous. Après tout, je connais certains nains depuis longtemps, et je ne suis pas amoureuse d'eux. Et puis, mine de rien, on est encore jeunes, toi comme moi ! On a encore le temps de trouver chaussure à notre pied ! »

Ce qu'il recherchait chez une épouse ? Mais il n'en n'avait pas la moindre idée. Il ne savait pas avec quel genre de caractère il pourrait vivre tout le reste de sa vie sans mourir prématurément, que ce soit de la main de sa femme ou bien par pur ennuis.

- Mais rien du tout... Je ne cherche pas, c'est aussi simple que ça.

De toutes façons, il n'avait pas le temps. Il était en voyage tout le temps ou presque et puis quand ça n'était pas le cas, il ne parlait pas à grand monde mis-à part quelques amis qui se comptaient sur les doigts d'une seule main. Et parmi eux, il était sur et certain qu'il n'avait de romance avec personne.

« En tout cas, même si je n'y connais rien, sache que peu importe ton rang, si jamais tu tombes amoureux d'une naine, tu ne devrais pas t'arrêter à ce qui coule dans ses veines. Je t'imagine marié à une noble, maintenant, et être obligé de mettre de jolies collerettes et des jolis vêtements, et te tenir droit et être poli. Mais pour le côté aventurier qui plaît aux filles, je ne plaisantais pas. Si tu souriais un peu plus, et que tu étais aussi naturel dehors que tu l'es avec moi ici, je peux t'assurer que cela ne mettrait pas longtemps avant que tu ne reçoives quelques jolies lettres d'amouuur »

Lui ? Avec une collerette ? Rien que d'y penser il avait déjà l'impression d'être étranglé avec. En ce qui concernait le fait de se tenir droit, Dalor n'était pas du genre à courber l'échine sans une bonne raison. Mais ce qui le choquait le plus pour le moment, c'était cette histoire de beaux vêtements et de collerette.

- Des lettres ? S'esclaffa-t-il en se frappant le genoux du plat de la main. La belle affaire, je sais à peine lire.

Et ça n'était pas un mensonge. Il avait commencé à apprendre la lecture pendant qu'il était dans la garde et son départ précipité avait stoppé tout apprentissage avant qu'il ne soit terminé.

- Arrêtes un peu tes bêtises. Conclu-t-il avec une voix attendrie dans le fond. Parlons plutôt de tes envies de voyage...

Il tentait une nouvelle fois de détourner la conversation. Bien décidé, cette fois-ci, à ne pas retomber dans les affres de l'amour et des relations intimes le concernant, qu'elles existent ou non.

- D'abord la Comtée... Ça n'est pas bien loin, mais c'est une bonne destination pour débuter... Et ensuite, si tu parviens à voyager... Quel endroit voudrais-tu voir ?

Quel genre de contrée attirait la curiosité de la jeune naine au coeur de nain ? Peut-être les verts paysages sans problèmes, les plaines du Rohan ou encore les lieux enchantés des elfes... Peut-être les contrées sauvages laissées à l'abandon après les batailles ou occupées par les orcs, les wargs et les gobelins ?

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Des engins comme vous, devrait y'avoir une notice !

Ilhy avait rarement autant parlé d'elle, de ce qu'elle pensait vis-à-vis d'un sujet aussi personnel que l'amour ou ce genre de trucs. Il fallait croire que Dalor savait écouter et relancer la discussion. Mais c'était peut-être un peu gênant. Comme quand on parlait de rang ou d'argent : ça ne se faisait pas. La rousse était contente de ne plus avoir à faire partie de cette sphère hautaine et snob. Elle appréciait d'être saluée d'une tape dans le dos et non d'une révérence obséquieuse. Ilhy aimait qu'on l'invite à boire une bière, parce qu'on appréciait son franc parler et son humour, plutôt qu'on ne vise son rang, sa fortune, un titre. Dalor ne semblait pas être de ces arrivistes, et ça lui plaisait. Il continuait de se montrer aussi bourru qu'il l'aurait été si elle avait été un nain, et ça, ça lui faisait chaud au coeur. Peu de nains avaient ce comportement honnête avec elle.

Elle se contenta de hausser les épaules quand il affirma ne rien chercher. Plutôt que de chercher la petite bête, peut-être qu'elle devait se faire à cette idée : et si Dalor n'était pas amoureux de Raeryan ? Non. Il devait l'être. Ils devaient trouver quelqu'un, l'un comme l'autre. Ils méritaient ce qui échappaient à beaucoup. Et si Raeryan n'était pas amoureuse, si Dalor n'était pas amoureux ... Elle refusa de voir plus loin, en sentant une étincelle embraser le palpitant entre ses côtes. Elle plissa les yeux, surprise et en même temps pas tant que ça quand il affirma ne pas savoir si bien lire que ça. Plutôt que de rebondir sur le sujet amour et autre sentiments, elle sauta sur ça.

« Tu voudrais apprendre mieux ? » demanda t-elle, et tout jugement était absent de sa voix. C'était une proposition simple, amicale et aussi honnête que spontanée. Non pas le conseil de quelqu'un qui le prendrait de haut, mais simplement la proposition de quelqu'un qui voulait le voir réussir. L'aider.

Le voyage. Un mot qui faisait frissonner la rousse. Le vent dans ses cheveux, le froid au petit matin, les doigts gourds et le feu qui crépitait le soir, l'adrénaline quand, au sommet d'une colline, le paysage s'étalait comme une vision au bas de ses yeux. Elle avait vécu cela, mais cela semblait remonter à trop longtemps. Cela lui manquait. Elle était utile, ici, mais elle avait prit tellement de plaisir à voyager que la simple idée de faire un nouveau voyage l'exaltait au plus haut point. On lui aurait offert tout l'or du monde qu'elle n'aurait pas été aussi heureuse. C'est donc volontairement que Ilhy se laissa guider vers des terrains moins dangereux dans la discussion.

« Quel endroit ? » répéta t-elle, pour bien peser la proposition de Dalor. Son regard bleu étincela de convoitise, comme si il lui avait promit un trésor fabuleux.

Il y avait tellement de choses qu'elle avait toujours voulu voir ! Des endroits dont elle avait lu des descriptions, dont les noms lui échappaient, anciens et mystérieux. Des contrées explorées de tous et sublimes, peintes ou racontées dans les livres. Elle réfléchit, sérieusement, les cils baissés vers son tapis, et son visage était grave. Elle releva finalement le regard et sourit d'un air peu sûr d'elle.

« Je ne sais pas si ça serait possible mais ... J'ai assez peu eu l'occasion dans ma vie de voir des forêts. J'ai lu une rapide description dans un livre de celles, enchantées et magnifiques, des elfes. J'aimerais les voir au moins une fois dans ma vie, même de loin. Je ne pense pas qu'ils seraient d'accord pour nous laisser approcher de toute façon » grimaça t-elle.

L'antipathie était si lointaine, si vieille. Elle ne savait plus pourquoi, elle s'en fichait dans le fond. Elle était curieuse de rencontrer des elfes. Pour pouvoir dire, j'en ai vu, je leur ai parlé.

« Tu as dû beaucoup voyager. Tu as dû voir du pays. Est-ce qu'il y a encore des endroits dont les noms te font rêver ? »

Après tout, elle avait le droit de lui renvoyer sa question. Est-ce que Dalor avait envie de voir un endroit, un lieu spécial ? Elle était curieuse de connaître sa réponse. Ilhy ne savait pas quelle heure il pouvait être, mais le temps semblait comme figé, cristallisé, en présence de Dalor. Elle aurait pu passer des éons entiers à ses côtés, à discuter autour d'une bière ou d'un thé.

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« Tu voudrais apprendre mieux ? »

Une fois encore, Dalor se contenta de hausser les épaules et d'éluder la question. Ca n'était pas parce qu'il était vexé de la proposition, au contraire, il en était même plutôt touché dans le fond, mais il se jugeait tout simplement trop vieux à présent. C'était sans doute une belle idiotie car on n'était jamais trop vieux pour apprendre, peut importe quoi, mais Dalor n'était pas toujours très intelligent, la preuve. Il passa donc à un autre sujet, demandant à la belle rousse où elle voudrait se rendre après avoir vu la Comtée.

« Quel endroit ? »

La question était plutôt légitime, après tout c'était elle qui voulait voyager. Lui, il avait déjà pas mal parcouru les terres du milieu, presque en leur grande largeur car il avait plusieurs fois fait la route jusqu'aux monts de fer qui se trouvaient à l'extrème opposé des montagnes bleues. Mais il n'avait pas tout vu, loin de là. Il ne se rendait qu'aux endroits où les nains étaient en affaires et cela excluait pas mal de villages d'hommes et tous les lieux elfiques naturellement. Bien sur, il n'allait pas dans les terres noires ou bien les lieux hantés par les gobelins et autres orcs.

« Je ne sais pas si ça serait possible mais ... J'ai assez peu eu l'occasion dans ma vie de voir des forêts. J'ai lu une rapide description dans un livre de celles, enchantées et magnifiques, des elfes. J'aimerais les voir au moins une fois dans ma vie, même de loin. Je ne pense pas qu'ils seraient d'accord pour nous laisser approcher de toute façon »

Là, ça n'était pas faux... Les elfes, ne les laisseraient surement pas approcher de trop près, peu importe qu'ils prétendent juste voyager par plaisir de la découverte et venir dans le coin par simple curiosité. Peut-être bien qu'ils pourraient aller à Foncombe car il avait entendu dire qu'il s'agissait d'un lieu ouvert à tous les peuples libres de la terre du milieu, mais il ne pouvait pas le certifier.

- On dit que le seigneur de Foncombe est plutôt amical... Mais ce ne sont peut-être que des racontars...

Il faudrait qu'il se renseigne sur le sujet à l'occasion. Peut-être bien qu'un nain ou éventuellement un homme pourrait lui donner la réponse à sa question. Mais en attendant, c'était au tour d'Ilhy de lui pauser une question à propos de ses voyages.

« Tu as dû beaucoup voyager. Tu as dû voir du pays. Est-ce qu'il y a encore des endroits dont les noms te font rêver ? »

En vingt ans, il avait effectivement fait pas mal de voyages dans la terre du milieu, même si ces choses là prenaient du temps, particulièrement lorsqu'il fallait se rendre jusqu'au royaume du seigneur Dàin, mais effectivement, il connaissait ces routes comme sa poche à présent, même s'il se perdrait surement en territoires inconnus.

- Erebor... Et mon enfance a été bercée par les récits des batailles pour tenter de reprendre la Moria... Mais ce sont des lieux qu'on ne peut malheureusement pas approcher sans risquer une mort certaine... J'ai déjà vu la montagne solitaire, deux fois... De loin, en allant vers les monts de fer... Et même à cette distance, elle est magnifique.

Dalor eut un léger sourire bien caché sous sa moustache et il se perdit un instant dans ses pensées avant de se rendre compte que le jour déclinait lentement mais surement. Il n'avait que trop traîné, le temps était passé à une vitesse incroyable et Dalor se rendait tout juste compte qu'il était là depuis bien trop longtemps pour rester poli.

- Bon je.... Je crois que je vais te laisser... Il commence à faire noir et il faut encore que je retrouve le chemin pour rentrer chez moi en partant d'ici sans repasser par devant chez Raeryan.

Cela le rallongerait surement inutilement. Il se râcla la gorge avec un air un peu gêné, son départ semblait bien précipité et mal poli fait ainsi, mais il n'avait jamais été très au courant des bonnes manières.Il se leva de son siège et sembla un instant indécis sur ce qu'il devait dire ou faire.

- Alors... Euh... Bonsoir... Et n'oublie pas que c'est à ton tours de trouver où je vis... Lui lança-t-il dans un clin d'oeil avant de se diriger vers la porte. Ah et euh, j'oubliais... C'était très bon... Merci.

Un peu de politesse ne faisait pas de mal, même pour lui, et Ilhy avait été une hôte très agréable, particulièrement parce qu'il arrivait à l'improviste.

» Vous me direz, il y a plus confortable comme position
» Bilbo - Je ne connais pas la moitié d'entre vous autant que je le voudrais et je n'aime moins la moitié d'entre vous à moitié moins que vous ne le méritez!
» Retoucher des photos ne devrait pas être à la portée de tout le monde...
» Dalor et son entourage
» Dalor et ses amis