Entre les deux coulait une rivière... ( Ysée )

Entre les deux coulait une rivière...

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Endriad n'avait connu que tardivement cette chaleur qui vous obligeait à vous délester des lourdes et épaisses parures auxquelles elle s'était accoutumés durant une bonne partie de sa vie. Durant les saisons chaudes, le neige recouvrait toujours le désert glacé du Forodwaith. Bien que les tempêtes soient plus rares et le temps plus clair, le froid, lui, demeurait éternellement mordant. Le vide à perte de vu, si loin qu'il repoussait les limites d'un horizon tout aussi inquiétant que fascinant.

Ici, le silence n'existait pas, au printemps plus encore qu'en hivers. L'air était toujours emplis de si légers parasites auxquels personne ne prêtait jamais attention. Comment auraient-ils pu comprendre que ce n'était qu'un mensonge, eux qui n'avaient jamais connu que cette surprenante perception du monde. Lorsque le sommeil refusait de venir, Endriad écoutait le grondement de la vie tout autour, les grognements des chiens loups, la respiration vive de l'enfant et d'une façon bien plus diffuse les craquements des bois, les sifflements du vent, des sons infimes qui remplissaient l'obscurité grouillant de vie.

Depuis quelque temps déjà, les jours semblaient s'allonger, la lumière éclairait les chemins jusque tard dans la soirée. Le voyage vers le nord serait long mais elle profitait des derniers bastions d'humanité pour acheter ce qui manquait à sa cargaison. Endriad détestait user d'argent pour les transactions, elle n'aimait pas en avoir sur elle non plus mais c'était ainsi que marchait le commerce parmi les hommes de l'Eriador. Pour ce qui était du quotidien elle préférait se débrouiller, prendre le temps de faire les choses par elle même.

La veille, la jeune femme et son neveu avait fait halte dans un coin qui paraissait tranquille. Ils s'étaient un peu éloignés de la route pour s'aventurer un peu plus dans les sous bois de la foret elfique. Et bien eu peu côtoyé ce peuple elle aimait cet environnement presque enchanteur. Elle faisait régulièrement en sorte que son voyage l'amène en cette contrée qu'elle trouvait reposante. En cette fin de mâtiné particulièrement ensoleillé elle avait entreprit de pêcher dans la rivière paisible qui s'écoulait au pieds du campement de fortune. Elle avait ôté ses bottines et laissé choir le brocard pour profiter des rayons qui réchauffaient sa peau. Assise sur la berge elle tirait parfois sur la ligne délicatement tout en chantonnant des airs de son pays.

Les chiens loups s'étaient éparpillés dans les bois, certainement en chasse. On pouvait toujours les dresser mais jamais ils ne fallait oublier leurs besoins de liberté. Les Lossoth vivaient avec la nature, aller à son encontre et l'entraver n'était jamais bénéfique longtemps. Ainsi donc se contentaient-ils de prendre ce que les dieux voulaient bien leur prêter. Toute créature avait son destin et son âme, il fallait les honorer, s'en faire ami et non seulement maitre.

- Firmen, s'exclama-t-elle, ne jètes pas tes cailloux ici, tu fais fuir les poissons.

Le gamin avait seulement rit, ses yeux brillants d'une espièglerie familière. Cet enfant ressemblait beaucoup à son père. Furtivement, elle avait vu les petits galets rouler entre ses doigts puis disparaitre dans ses manches. Ces tours de passe passe Endriad les connaissaient avant même qu'il ne vienne au monde. Elle le fixa longuement, fronça presque les sourcils avant de finalement détourner le regard.

Et dans 30 ans elle serait encore là à repriser et veiller sur la marmaille du fils de son pseudo fils. Sans même n'avoir jamais enfanté, elle avait déjà trop bien connu cette tâche. Son esprit vagabonda, elle revit les visages de ses frères et de sa soeur, si jeunes et insouciants. Elle était encore triste, elle avait parfois l'impression que cette peine ne disparaitrait jamais. C'était certainement la cas, Aaxion demeurerait l'épine planté profondément dans sa chair aussi longtemps qu'elle arpenterait ces terres. Aussi loin qu'elle puisse courir il serait là, le fantôme bien aimé qui l'avait quitté sans même un adieu, sans même une parole… Seulement son regard éteint, mort et friable avant même d'avoir chuté, bien trop jeune.

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