Vous avez dit "nains" ?

Il faisait un temps exécrable pour un printemps, il pleuvait à torrent depuis le matin et les voyageurs qui s’arrêtaient à Bree, à l’auberge du Poney Fringuant était tous plus trempés les uns que les autres. Par chance, ce n’était en ce jour que de la pluie, mais il tombait parfois quelques grêlons, certains vous aurait dit qu’ils en avaient vu de la taille d’un œuf et ils auraient eu raison. Le temps n’était pas bon pour les récoltes, les moindres bourgeons qui pointaient leur nez sur les arbres déjà malingres tombaient. Oui, les récoltes ne seraient pas bonnes cette année et pour mettre des provisions de côtés afin de survivre aux rudes hivers ne serait pas chose aisée. La Peste soit des pirates, ils avaient jeté le malheur sur la terre du milieu avec leurs pillages et leurs méfaits, voilà une chose dont était certains les habitants de l’Eriador. Et cela n’avait fait qu’empirer, on racontait partout que des monstres descendaient des montagnes pour s’en prendre aux bétails et aux voyageurs, que des choses rendaient malades les forêts. Des événements étranges se produisaient en Arda et cela ne semblait gêner nuls seigneurs.
Une bête avait déjà fait des ravages sur Bree il y avait quelques temps et seul le courage de quelques villageois avait pu y mettre un terme, ils devaient se débrouiller seuls pour se débarrasser des gêneurs et gagner leur maigre pitance. Et parfois, des occasions se présentaient où ils pouvaient réaliser les deux.  Des affiches étaient placardées de çà et là, lorsqu’elles résistaient encore aux intempéries et certains jureraient de leur véracité.
Il se murmurait ainsi chez les villageois et les égarés de passage que des nains étaient eux-aussi descendu de leur montagne. Un, puis deux, mais que dans quelques temps d'autres viendraient. Evidemment, cela semblait plutôt tenir de la rumeur de comptoir pour la majorité des gens de l'Eriador, mais à Bree, certains en avaient vu un discuter avec un vieux barbu, qu’il était armé et qu’il avait même manqué de coupé une main à Bill le Teigneux lorsque ce dernier avait réclamé son gain à un tricheur. Et ce dernier en racontant sa mésaventure de taverne en taverne avait eu tôt fait d’apprendre que la tête de ce nain à la barbe courte avait été mise à prix.
Ainsi, à la taverne de la Belette Borgne, les discussions allaient bon train à ce propos. L’établissement tenait plus de repaires aux mercenaires et aux villageois peu recommandables mais aux moins, on pouvait y trouver un travail pour quelques pièces d’or à condition de bien vouloir se salir les mains et pas seulement avec de la boue. Eclairés par les lumières blafardes de quelques lampes à huile et bougies, vidant par grande lampées leur godets de vin de l’année passée, Bill le Teigneux était en grande discussion avec quelques de ses amis aux airs patibulaires.  Bill n’était pas le plus grand de contrée mais il était pugnace et il n’avait jamais perdu un combat à mains nus, on racontait même qu’il avait arraché les oreilles d’un gars lors d’une rixe, avec ses dents et ceux qui le suivaient écopaient d’un palmarès similaire.  Cependant, aucun n’aurait pris la place de Bill pour diriger leur petit groupe suivre était plus facile, surtout lorsque les choses se gâtaient, on était toujours en meilleur place pour s’enfuir ou retourner sa veste, mais la troupe se gardait bien de se confier ce genre de pensées et ils restaient avec Bill de peur de perdre plus qu’une oreille. Bill prit la parole, vidant d’un trait sa chopine :
Les autres acquiescèrent et celui qu’on surnommait Renard continua, c’était l’un des amis les plus proche de Bill, mais sans doute pas le plus doux, sa petite face allongée et sa ruse, sa mesquinerie lui avait valu ce surnom et il s’en enorgueillissait fort bien.
Ils firent remplir de nouveau leurs verres quand l’un des gars hasarda quelques mots :
« Mais elles sont vastes leurs montagnes, on ne saurait même pas où aller et si ça se trouve, l’nain qu’on cherche il va peut-être rester chez lui et rien faire d’autre. » avant d’être coupé par un second qui le rabroua.
Et chacun se mit alors à surenchérir sur les dires du dernier.

La route avait été longue depuis le début de cette maudite averse qui n'en finissait plus. Depuis le Sud du Pays de Bree, là où sévissent encore quelques gobelins à mettre en terre, ma monture galopa d'une traite pour rejoindre la cité où l'on trouverait refuge face aux éléments. Oui, je suis elfe, et habitué à dormir sur les chemins, malgré les fureurs de la nature, mais parfois, prendre une douche de plusieurs heures, détrempant la moindre couche de mes vêtements, n'est guère pour me satisfaire. Et pas davantage pour satisfaire ma monture, qui, de noir ébène, est à présent couleur boue jusqu'à mi-ventre.
D'ordinaire, quand je viens en cette cité, c'est à l'auberge du Poney Fringant que je sais m'arrêter. mais pas aujourd'hui. Aujourd'hui, j'ai choisi l'atmosphère plus malsaine de la Belette Borgne. Ici je suis certain de trouver de quoi passer ma mauvaise humeur, et, d'accord, avec cette pluie, les écuries du Poney Fringant étaient archi pleines, et je n'avais pas le cœur à laisser Hicraën dehors par ce temps. Donc c'est ainsi que je me retrouve assis à une table dans un coin sombre de cette taverne tout aussi sombre, à siroter un verre de vin bien loin d'égaler ce que l'on peut trouver dans les caves du roi Thranduil.
Si mon capuchon déployé dissimule à merveille mes oreilles d'elfe, elles n'en restent pas moins parfaitement ouvertes, et tout à fait à l'affut de ce qui se dit sur le comptoir du bar. Des hommes désireux de faire la chasse à un Nain? Honnêtement? Je mettrai sur le compte de leur nombre de bières consommées leur stupidité. Je paierai cher pour effectivement voir une troupe d'hommes de cette trempe tenter de piéger un nain. Des Dunedain, je ne dis pas, mais les poivrots de la taverne du coin... il ne faut pas être devin comme l'est mon père pour savoir comment cela va se finir.

Demeuré jusqu'à présent silencieux, profitant de la chaleur du feu tout proche pour me réchauffer et sécher ma cape et mes atours détrempés, tout en profitant de son ombre pour rester discret, je perd ma discipline habituelle et ne peux échapper à un léger rire moqueur quand l'un des hommes affirme pouvoir attraper ce nain dont la tête serait mise à prix à lui tout seul.
"Pardon messire. Je n'ignore pas l'effet d'un verre trop plein sur un homme, mais vous parlez de nains, il me semble. Aucun d'entre eux ne vous livrera l'un des siens, et aucun d'entre vous n'est capable de venir à bout de l'un d'entre eux. Fusse-t-il manchot qu'il saurait encore vous faire mal."

Le tout prononcé dans le ton calme et détaché dont je sais user lorsque je met mon grain de sel dans une affaire où on ne m'attendait aucunement. Quand à me lever du coin sombre où je suis réfugié? Il me faudrait y voir plus d'utilité que celle de m'imposer dans une conversation dans laquelle je ne compte pas prendre davantage part que nécessaire. Le jour où les poivrots seront capables de tenir une conversation censée, nous en reparlerons.