Hunting the reaper [Feat. Fili]

Les dernières traces de l’aube avaient laissé place à une nuit plutôt agitée. Il s’était passé quelque chose dans les montagnes bleues ce jour là et l’ambiance extérieure le faisait clairement ressentir. Jusqu’au soir cependant, elle n’avait eu vent de rien en n’ayant pas non plus eu le temps de se renseigner. Il y avait eu beaucoup de malades ce jour là et aussi beaucoup de recherches à mener pour améliorer un de ses remèdes. Voilà ce que faisait Raeryan lorsqu’elle ne s’occupait pas de quelqu’un ; le nez plongé dans les livres anciens, à déchiffrer les moindres lignes de calcul et de mesure pour arriver à une seule formule, elle faisait avancer le progrès à pas discrets. Encore trop discrets ce soir là alors qu’elle s’était attendue à ne pas pouvoir terminer tout ceci sans avoir une dernière consultation improvisée. La clochette avait retentit à l’entrée de sa demeure aménagée pour sa profession, l’obligeant à laisser en plan sa dernière ligne de calculs. C’était là les inconvénients du métier de guérisseur : à n’importe quel moment de la journée ou même de la nuit, elle devait se tenir prête à toute éventualité. Elle ne s’en plaignait pas, mais n’appréciait pas cette boule au ventre qui pesait à chaque fois où elle priait pour ne pas découvrir quelqu’un de trop abîmé pour rester vivant et qu’il s’agisse de quelqu’un sur qui elle veille tout particulièrement. Ce genre de cauchemar la hantait toutes les nuits, malade de penser que peut être un jour quelqu’un de sa famille viendrait sans qu’elle puisse y faire quoi que ce soit. Alors la main sur la poignée de l’entrée, Raeryan inspira un grand coup. Une voix masculine s’éleva à la seconde où elle eu le palier dans son champ de vision. C’était Fili accompagné d’un nain dont elle ignorait l’identité.



Le regard de la naine passa de l’un à l’autre, essayant de remettre de l’ordre à ses pensées pour tenter de comprendre ce qu’il se passait. Mais la réaction de la guérisseuse ne fut pas longue, voire même automatique alors qu’elle ouvrit grand la porte de chez elle pour laisser de l’espace de passage aux deux nains


Elle avait gardé toute son attention sur Fili puisque manifestement il était la raison de leur venue ici. Les grimaces tirant les traits de son visage témoignaient clairement que quelque chose n’allait pas et que ce n’était pas un simple rhume des foins pour venir chez elle à une heure aussi tardive. Il y avait urgence, ça ne pouvait être autrement et une fois la porte d’entrée refermée, Raeryan se précipita vers Fili, son regard remarquant directement son épaule pansée, elle n’attendit pas plus longtemps pour y jeter un œil. Tirant délicatement sur les pans du bandage fait visiblement en attendant de vrais soins, Raeryan découvrit alors la plaie qui avait certainement bien fait parler d’elle avant d’arriver jusqu’à elle. Le visage de la naine s’était décomposé, les sourcils froncés sur un air inquiet par le manque de visibilité et d’informations sur la cause de la blessure, elle décida cependant de le prendre directement en charge. Elle n’avait pas eu vent des derniers évènements et du coup, elle se demandait ce qu’il avait bien pu se passer... Mais l’heure n’était définitivement pas aux explications, Fili avait désormais besoin de soins plus poussés avant que ça devienne trop sérieux pour être encore curable. Alors, avec l’aide de l’accompagnateur, elle aida Fili à s’allonger sur un lit spécial et aménagé pour ce qu’elle appelait  « les grands blessés » avec un acte chirurgical qui pourrait prendre possiblement longtemps. Puis elle demanda poliment au nain de s’en aller ou d’attendre dans la pièce d’à côté, puisque ce qu’elle allait probablement lui faire demandait calme et concentration en plus de certaines normes d’hygiène.  Une fois son patient correctement installé, Raeryan l’aida à se défaire de ses vêtements afin qu’elle puisse avoir le champ libre sur sa peau. Les gestes qui suivirent étaient mécaniques ; entre la préparation du terrain, la stérilisation du matériel et la désinfection de ses propres mains, tout s’enchaina rapidement jusqu’à ce qu’elle puisse enfin commencer à travailler.
La guérisseuse adressa un sourire crispé au jeune nain avant de se saisir d’un linge propre et d’une bassine d’eau afin de nettoyer sa plaie et d’y voir surtout plus clair sur les dégâts. L’eau de la bassine devint rapidement rougie de sang, car il en perdait encore beaucoup malgré la compresse improvisée. Puis elle passa une solution aseptisante avec minutie sur la plaie afin d’éradiquer toute trace de bactérie autour de celle-ci et stopper un éventuel début d’infection. Elle sentait la peau de son patient tressaillir à chacun de ses passages trop près de l’impact et au vu de la puissance de la solution c’était tout à fait normal voir encourageant : c’était signe qu’il restait bel et bien vivant. La naine veillait cependant à jeter des coups d’œil en direction du visage de Fili dans le cas où la perte trop conséquente de sang mêlé à la douleur de l’aseptisant lui causerait un malaise. Il pâlissait véritablement à vue d’œil et elle devait faire régulièrement des pressions du bout de ses doigts sur l’artère carotide pour surveiller sa tension.  Une fois la lésion à découvert, Raeryan l’inspecta avec un peu plus d’attention en tirant sur ses tissus pour vérifier qu’aucun débris n’avait été oublié à l’intérieur. C’était probablement l’œuvre d’une flèche à en juger la forme et la profondeur de celle-ci. Quoi qu’il en soit la couche dermique était trop déchirée pour cicatriser correctement toute seule ; Tant que ce n’était pas refermé, le sang allait continuer de ruisseler de manière importante.

La constatation à présent terminée, Raeryan badigeonna avec délicatesse les contours de sa blessure avec une pommade forte en actifs anesthésiants et qui l’aiderait à supporter les points de suture sans pour autant le mettre complètement dans les vapes car elle avait besoin qu’il reste éveillé. Le temps que ça agisse, elle se redressa légèrement et observa le visage du jeune nain. Il semblait tenir le coup, il se battait honorablement et ce fait lui étira un petit sourire sur les lèvres.

Raeryan avait le chic pour plaisanter dans des moments non propices, mais au moins, elle savait s’y prendre pour dérider les gens et les laver de toute inquiétude. Il la connaissait bien assez pour ne pas être effrayé à ce genre d’attitude, ou peut être juste à l’annonce de la suite.... Fili allait s’en sortir sans gros dommages, du moins pas sur le long terme et dans quelques années ça ne sera plus qu’un mauvais souvenir. Néanmoins il avait été véritablement chanceux sur le coup, car la flèche aurait pu se loger droit dans un point vital et ses jours auraient alors été comptés. Dans le léger silence qui s’était installé, la naine en profita pour prendre un autre linge propre qu’elle trempa dans une bassine d’eau froide après y avoir ajouté quelques gouttes essentielles apaisantes dues aux senteurs qu’elles émanaient. La guérisseuse l’essora à plusieurs reprises avant de le passer doucement sur le front de son patient. S’il restait assez solide pour ne pas perdre complètement conscience, il transpirait cependant beaucoup puisque son corps se défendait. En revanche, cela ne devait pas se transformer en fièvre, où elle devrait le garder en observation plus longtemps que prévu. Raeryan rassemblait maintenant ses pensées pour décider de quelle manière elle allait procéder, ce qui était le mieux pour lui et surtout pour les jours à venir.

Raeryan étouffa un petit rire amusé en guise de réponse au commentaire de Fili. Même si deux bières ne resteraient définitivement pas une belle compensation pour la douleur qu’il allait endurer, elle trouvait cela comique qu’il puisse à son tour en plaisanter. Il avait également raison sur le fait que comparé à Kili, il était sage, moins dispersé et surtout moins craintif face à la douleur.


Après ces quelques minutes de détente, Raeryan retira le linge imbibé d’eau froide puis s’essuya les mains. Elle se concentrait, la suite allait être bien moins agréable que le nettoyage et la désinfection mais malheureusement c’était une étape obligatoire à sa bonne guérison.

Puis, au bout de quelques minutes, La guérisseuse passa ses doigts sur la pommade en surface pour s’assurer qu’elle pénétrait convenablement avant de faire signe d’un regard à Fili qu’il était à présent temps de passer aux choses sérieuses. Elle le laissa souffler encore quelques secondes, le temps de sortir d’un placard une boite où se trouvait du matériel coûteux et sensible à l’hygiène. Elle en sorti une pince ainsi qu’une aiguille adaptée et opta pour un fil résorbable qui se détruirait par hydrolyse au vu de la profondeur de sa blessure. Et, en revenant s’asseoir, elle prit le soin de re-désinfecter le matériel, se lava les mains et s’installa près de Fili en faisant en sorte de ne pas être dérangée par quoi que ce soit pendant ce moment qui lui demanderait concentration et précision.

La guérisseuse procéda alors rapidement, sans attendre le moindre consentement de la part du nain et sans même le prévenir. Parce qu’il y a rien de pire que le suspens pour ce genre de chose et que serrer les dents avant le contact ne servait strictement à rien. Elle planta l’aiguille au niveau du derme en remontant sur l’épiderme pour éviter trop de tension au niveau du fil et rassembla les extrémités en tirant sur le fil. Elle pouvait clairement percevoir les coups d’électrochocs que l’introduction de l’aiguille dans sa chair lui infligeait, faisant pression sur son épaule à plusieurs reprises pour qu’il évite de trop gigoter et que le sang ne coule trop. Elle suivit avec dextérité les contours de la lésion, répétant ses gestes jusqu’à ce que la peau soit complètement refermée et nettoya une seconde fois la plaie pour effacer définitivement toute trace de sang. Heureusement que ce n’était pas une déchirure d’épée tracée en long et en large qui demanderait bien plus de temps de travail et par conséquent plus douloureuse. Là, après quelques nœuds solidement effectués, la naine coupa le fil, se redressa et laissa place à une expression moins sévère alors qu’elle reporta son attention sur son patient. Il semblait avoir tenu le choc, l’anesthésiant y étant surement pour pas mal mais aussi du fait qu’il soit très coriace. Elle essuya une nouvelle fois son front, le débarrassant des sueurs froides qui l’avaient envahi tout comme pour lui apporter un peu plus d’apaisement.


Six jours, c’était peu dire, il tomberait certainement malade d’ici le lendemain et ça l’empêcherait surement de faire quoi que ce soit jusqu’à la fin de la semaine. La douleur que devait ressentir Fili devait avoir considérablement diminué, voire devenir presque supportable – C’était déjà ça…Pour le reste, Raeryan allait devoir le surveiller de près afin de lui éviter de passer de mauvais jours. Un sourire rassurant se dessina sur ses lèvres tandis qu’elle reposa ses instruments afin de sortir une seconde pommade au Miel et au Millepertuis. C’était un baume aux vertus cicatrisantes qui allait accélérer la guérison et faire en sorte de protéger la plaie des bactéries le temps que sa peau fasse le reste du travail. Elle l’étala en couche épaisse sur la blessure pour que sa peau boive sans modération ce mélange préparé par ses soins. Puis, elle entreprit de lui faire un bandage après avoir recouvert la cicatrice d’une compresse en tissu, l’aidant à se redresser un peu pour pouvoir passer librement la bande et faire en sorte qu’elle reste bien fixée.


Le temps d’une plaisanterie, La naine avait terminé la partie soins et allait à présent devoir lui faire avaler pas mal de trucs en plus des prescriptions. Pour l’avoir vue tellement de fois forcer Kili à avaler ses remèdes qui n’ont pas tous forcément un gout de fraise, il devait surement s’y attendre soit dit en passant. Mais avant cela, la guérisseuse avait besoin de savoir ce qu’il s’était réellement passé. Déjà d’un point de vue professionnel, pour être certaine d’adapter correctement ses prescriptions. Mais c’était aussi et surtout d’un point personnel car elle veillait sur ces deux frères depuis bien longtemps, elle s’y était attachée et ne vivait pas bien le fait de savoir qu’il leur était arrivé quelque chose et qu’elle n’en sache rien.

Alors qu’elle lui posait le bandage, en vérifiant que son pansement tenait correctement, Fili mentionna son frère, évoquant le fait qu’il serait sans doute tenté de lui donner une correction à sa manière en le frappant. L’image qui lui vint en tête lui arracha un second rire, car il avait sans nul doute raison et même si la blessure avait besoin de soins et de temps pour que sa peau se régénère, Fili n’était pas non plus en sucre, a moins de l’obliger à faire un mouvement plus que brusque ou de couper les fils, il ne risquait plus grand-chose désormais.


Elle appuya volontairement sur la blessure au travers de son pansement pour lui infliger une légère douleur.  Une manière de le narguer un peu, mais aussi pour qu’il ne sombre pas dans la paranoïa au moindre geste qui lui serait porté. Il semblait reprendre peu à peu ses couleurs, ce qui était plutôt encourageant. Quand à la perte de sang tout de même conséquente, elle ne pouvait que lui conseiller du repos pour compenser l’immense fatigue qu’il devait ressentir à cause de ça, et ça se régénérerait en temps et en heure. Si ça avait réellement été dangereux il ne serait même pas en état de penser, voire inconscient. Puisque ce n’était pas le cas, il était inutile de s’en inquiéter.
Puis vint le moment des explications.

C’est avec la plus grande attention que Raeryan écouta Fili lui raconter de quelle manière s’étaient déroulés les évènements. Il avait donc bel et bien été blessé volontairement par une flèche et à entendre ses dires, il aurait même pu y perdre la vie si les choses s’étaient déroulées autrement. Sauf que la mort n’était pas venue pour lui à ce moment là, mais pour un autre nain qui avait péri au cours de cette embuscade. Une stupidité ? Non, il n’aurait pas pu prédire qu’un tel drame arriverait, même en agissant avec prudence le pire peut toujours arriver, parfois même pire. Il n’avait pas pu épargner la vie du frère nain mais il avait certainement permis d’en épargner d’autres. Quoi qu’il en soit, la nouvelle ne la réjouissait pas, sentant un nœud se faire dans son estomac. Elle déglutit, rangeant machinalement le matériel qu’elle pouvait réutiliser et jeter celui qui ne lui serait plus utile.


Le sourire habituel de la naine avait soudainement disparu, laissant place à de l’amertume face à ce triste événement. Raeryan resta silencieuse le temps d’aider Fili à se revêtir en prenant soin de ne pas trop frotter sa blessure et parce qu’il n’y avait aucune raison qu’il reste dans le froid. Elle prierait pour l’âme du camarade nain mort au combat en temps voulu – là, elle n’en avait pas fini avec son patient et se devait de veiller à ce qu’il n’attrape pas une infection dans les jours à venir. Elle vérifia au passage si ses articulations n’avaient pas souffert, à travers ses vêtements et en vérifiant que la douleur ne soit pas démesurée lorsqu’il était en mouvement. Ca ne semblait visiblement pas être le cas, et en réalité, il s’en était vraiment bien sorti et c’était tant mieux car elle n’aurait pas supporté de le recevoir entre la vie et la mort. Raeryan laissait rarement ses sentiments prendre le dessus quelque soit la personne qu’elle soigne, néanmoins ça ne l’empêchait pas d’en faire des insomnies les jours qui suivent selon la gravité. Ceci fait, la naine croisa le regard de son patient, il avait l’air d’assez s’en vouloir pour en rajouter encore une couche, du coup elle décida  donc de ne plus le questionner sur ce qu’il s’était passé, et d’aller sur d’autres faits plus importants le concernant – c'est-à-dire ce qu’elle lui donnerait pour l’aider à se remettre sur pieds.


La malice effaça  subitement toute trace de pensées négatives à l’égard du nain mort ce jour là, alors qu’elle étira un large sourire tout en le laissant assis sur le lit de soin. Il n’allait pas y échapper à ses potions !! Elle se dirigea alors vers un placard et en sorti quelques extraits de plantes avant de faire chauffer de l’eau. Elle avait sélectionné les plus fortes, les plus efficaces et du coup pas forcément les plus délicieuses à consommer. C’était nécessaire à sa bonne guérison mais elle savait que le gout loin d’être appétissant pouvait en faire fuir plus d’un ; y compris les plus rustres. Elle se demandait si Fili ferait abstraction de cela où s’il ferait comme son frère et persisterait à ne pas vouloir en prendre jusqu’à être convaincu par une compensation. Une fois l’eau frémissante sur le feu, elle y jeta quelques plantes pour en faire une décoction, après les avoir préalablement dosées. De quoi apaiser la douleur pour lui permettre de passer une nuit correcte et réparatrice le temps qu’elle lui fasse d’autres dosages aux différentes propriétés. Le mélange était assez puissant en matières aussi pour lui éviter une trop grosse fièvre si toutefois son corps déciderait de se défendre de cette façon. Puis, une fois le remède prêt, elle le transvasa dans un bol qu’elle lui porta en le prévenant sur la température qui pourrait lui être trop importante.

Les remèdes étaient ils obligatoires ? En voilà une question !! Elle lui avait répondu avec un regard faussement autoritaire et lui avait alors tendu le bol avec la ferme intention qu’il en boive le contenu. Et même si elle restait convaincue qu’il le ferait – non pas parce que la naine sait se montrer convaincante mais parce que Fili est quelqu’un de très courageux, bien évidemment ; cela ne l’empêchait pas de rester à ses côtés pour y veiller. Et, dès la première gorgée, le verdict tomba : c’était absolument immonde ; il n’avait pas eu besoin de le dire que ça s’était lu sur son visage.


Raeryan étira un sourire bienveillant alors qu’il la notifiait de son courage. Ho, oui, ça elle l’avait remarqué car soit dit en passant elle-même refusait de boire ce truc lorsqu’elle tombait malade. Un détail qu’elle ne se priverait pas de lui cacher mais qui était vraiment ironique pour le coup...Elle se remémorait toutes ces fois ou elle avait dû user de patience alors qu’il était plus jeune et qu’il refusait de boire les remèdes qu’elle lui faisait. Ce temps là était révolu, Fili allait un jour être amené à monter sur le trône et à ce moment là, un bol de remède aussi dégoutant soit-il ne devait pas l’impressionner. Il était indéniable qu’il avait beaucoup progressé, bien grandi et malgré les quelques erreurs de parcours il demeurait fort et bienveillant envers son peuple. Au vu de l’avenir qui l’attendait c’était réellement positif, elle songeait fortement à en faire la remarque auprès du Roi.


Dans un semblant plaisantin, la guérisseuse vérifia qu’il avait tout bu et le débarrassa du bol vide avec un sourire satisfait. Il n’avait vraiment pas eu l’air emballé par le gout, mais le but des remèdes n’était pas gastronomique et beaucoup de personnes avaient tendance à l’oublier. Quoi qu’il en soit il n’en avait pas laissé une goutte et du coup sur ses bons conseils, il allait très vite ressentir les premiers effets du remède même si son naturel agréable était bel et bien là. C’était admirable et en même temps ça ne l’étonnait pas de lui de voir son assurance et son sourire dans n’importe quelle situation. Les nains sont réputés pour être coriaces et assez résistants à la douleur, mais Fili avait un certain talent à ne pas trop se laisser submerger ni par la douleur ni par les émotions.


C’est ce qu’elle leur avait souvent répété pour les encourager à ne pas trop rester sur le gout abominable de ce remède là qui se voulait tellement puissant qu’on ne pouvait pas en prendre plus d’une fois par semaine. Elle lui en préparait un second, différent qu’il garderait avec lui dans le doute que la douleur lui devienne insupportable les heures à venir car pour le moment l’idée n’était pas de le noyer dans ses beuveries mais lui laisser le temps d’assimiler les points de suture ainsi que ce premier soin donné. Ca ne s’aggraverait en tout cas pas tant qu’elle resterait pour y garder un œil attentif, toutefois elle préférait l’avertir sur l’éventualité qu’il puisse se sentir malade assez tôt et qu’il ne se pose pas des questions quant à la qualité des soins reçus dans ce cas là.


Raeryan marqua un temps d’arrêt, se demandant à ce qu’elle allait bien pouvoir lui sortir en sachant que les nains forgent et creusent principalement lorsqu’ils ne sont pas en expédition ou en entrainement – du moins pour la plupart…Elle étouffa un rire gêné, ne trouvant pas la moindre idée d’une activité où il pourrait bouger sans pour autant se fatiguer et abîmer les points de suture. Puis elle se retourna à nouveau vers Fili, un large sourire aux lèvres après avoir eu une soudaine illumination.


Elle plaisantait à moitié, imaginant assez mal Fili posé sur un canapé avec un napperon entre les mains mais ça aurait au moins le mérite de l’occuper le temps qu’il récupère. Ceci dit elle termina son second remède, composé d’autres plantes pour un soin plus ciblé antidouleur que général cette fois-ci et en y ajoutant quelques huiles pour le transformer en sirop, elle le laissa dans un contenant refermable afin de le laisser refroidir. Puis elle retourna au chevet du prince, vérifiant d’abord sa température en posant sa main sur son front. Il était bien moins pâle qu’à son arrivée, le remède qu’il avait u devait déjà faire son effet et c’était très encourageant.

Fili avait gardé un semblant d’humour malgré ce qu’il venait d’endurer. Son sourire était décidément ce qui aurait manqué à la soirée de la guérisseuse. Il avait toutefois bien plus à offrir même si visiblement il ne souhaitait pas se projeter dans cet avenir qu’on lui réservait. Comment l’avait elle remarqué ? Fili ne lui en parlait jamais, mais un hériter heureux s’empresserait de le crier sur les toits. Hors ce n’était pas le cas de Fili qui restait très discret là-dessus et qui ne développait jamais sur la conversation. Raeryan n’était pas assez idiote pour insister, elle constatait juste que l’accident n’avait pas arrangé sa motivation à prendre la place de Thorin. S’il souhait un jour lui confier ses a priori, elle serait la première à l’écouter sans le moindre jugement mais en aucun cas elle se permettrait d’insister. Quoi qu’il en soit, quelque soit son choix, elle le respecterait. En revanche elle ne comptait pas rester sans rien dire alors qu’il avait juste avant trouvé le moyen de la taquiner. Elle ? Avoir déjà gouté de l’urine d’orc ? Naaaan jamais !! Elle avait beau avoir eu entre ses mains de nombreuses mixtures douteuses, jamais elle ne se laisserait à ce genre de tendance !! La guérisseuse étira  un rire amusé, riant brièvement à cette remarque.


La guérisseuse grimaça de plus belle, fronçant le nez tout en l’ayant laissé se remettre du gout très…spécial de son remède pourtant si efficace. Elle lui avait alors donné quelques conseils mais de manière peu explicite certes. Elle n’avait cependant pas imaginé que Fili les prenne au premier degré. Aussi elle avait tiré la même tête que lui en l’entendant effrayé de devoir se réduire à de l’atelier de broderie tricot pour occuper ses journées.  La réaction ne se fit pas plus attendre suite à cette remarque qui mettait son patient visiblement dans un réel embarras, car Raeryan s’emporta ensuite dans un semblant de fou rire, surprise qu’il lui pose réellement cette question. Non bien sur que non elle ne le voyait pas faire ça, c’était plus un conseil imagé à l’extrême a vrai dire. Elle avait réellement pensé qu’il ferait le lien, mais visiblement la fatigue l’avait empêché d’y voir clair dans ses paroles. Rien de très grave, c’était même plutôt comique comme situation et la guérisseuse s’empressa de mettre fin aux doutes du jeune prince.


Raeryan est une naine qui aime plaisanter, quelque soit la situation, elle aura toujours quelque chose d’idiot à dire ; et ce même si elle doit être la seule à en rire. En se calmant, la guérisseuse secoua la tête, étonnée qu’il l’ait quand même prise au sérieux alors qu’il était, depuis le temps, habituée à ses boutades sans queue ni tête. Son rire s’estompa assez rapidement pour laisser son habituel sourire, souhaitant de nouveau reprendre son sérieux pour lui faire comprendre ce qu’elle avait voulu dire par là.


En gros, rester actif ; pour s’en assurer elle l’obligeait à venir jusqu’à elle. De cette façon en même temps et au cas où il y aurait un souci elle avait ainsi son matériel à portée de main, mais elle avait confiance en lui et savait qu’il n’allait pas se laisser aller. Ensuite il devait quand même se ménager sur les jours à venir, pour éviter l’augmentation du flux sanguin qui pouvait compromettre la guérison, le fatiguer et au pire lui causer un malaise. Ou bien un mouvement trop brusque qui pouvait faire sauter son travail et empirer la plaie, au choix. Elle avait été claire là-dessus, et il se doutait bien qu’elle ne lui donnait pas quelques restrictions pour le punir mais pour son propre bien-être. Déjà il avait fait des efforts pour boire son remède et puisqu’il en voyait les effets, ce serait d’autant plus efficace s’il suivait à la lettre ses conseils. Il était bien moins fiévreux mais la fatigue devait le gagner, toutefois il avait trouvé assez de force pour la remercier. C’était gentil d’y penser, Raeryan ne le faisait jamais dans l’attente de remerciement puisque c’était tout à fait logique pour elle de mettre son savoir faire au service de son peuple. Elle lui sourit doucement et lui répondit alors :


Cette partie des soins terminée, il fallait maintenant songer à un autre problème : il avait perdu trop de sang pour être complètement remis et ça ne se régénèrerait pas aussi vite qu’il l’avait perdu. Entre la violence de l’impact et la dureté de l’acte chirurgicale, son corps en avait pris une sacrée couche et elle-même si elle avait réussi à le maintenir parfaitement conscient tout le long, c ‘était moins sûr qu’il le reste une fois sorti d’ici. En réalité il ferait sans doute deux pas qu’il s’écroulerait.

Elle devait garder un œil sur lui pendant encore quelques instants avant de le laisser partir. Et puis ce serait moins désagréable pour lui étant donné qu’elle ne lui donnerait rien de médical à ingurgiter. Non, pas cette fois-ci…Elle le laissa quelques minutes après l’avoir recouvert d’une couverture dans cette même pièce où elle recevait ses blessés pour se diriger dans la cuisine. Il en avait de la chance, elle avait commencé à se préparer à manger juste avant qu’il ne vienne frapper à sa porte. Du coup, elle fit quelques aller-retour entre Fili et la cuisine, pour le surveiller et pour qu’il ne se sente pas trop seul entouré de ses ustensiles parfois effrayants. Et, au bout de quelques longues dizaines de minutes, c’était enfin prêt !

Elle lui tendit une assiette avec des couverts et le laissa manger alors qu’elle remettait encore un peu d’ordre dans ses affaires. C’était un bon ragout de viande rouge avec quelques légumes de saison. Le plat qu’elle faisait souvent pour ses parents, et un des rares qu’elle préparait aujourd’hui les yeux fermés.

Raeryan n’avait pas réellement fait attention à l’heure qui tournait, mais au fur et à mesure de ses visites, elle avait progressivement vu Fili piquer du nez et s’endormir. Ce n’était pas étonnant, déjà au vu de l’heure mais en plus avec tout ce qu’il venait d’endurer, il méritait bien un bon sommeil réparateur. Toutefois elle ne voulait pas le laisser s’en aller au pays des songes avant d’avoir bouclé les soins qu’elle lui apporterait ce soir, et tout ceci en se terminant sur une meilleure note autour d’un repas fumant. Elle avait clairement entendu qu’il avait appelé sa mère au moment où elle avait perturbé son repos. Raeryan entendait souvent ce genre de chose, c’était tout à fait normal mais à chaque fois, ça avait le don de lui arracher un sourire sans donner de suite ni lui faire de remarque. Car il revenait de moments difficiles et la fatigue ne devait pas l’aider à avoir toute sa tête. Néanmoins elle trouvait cela touchant car peut être que c’était signe qu’il se sentait bien, voire aussi à l’aise que chez lui et pour sa guérison c’était positif. Ou bien elle se méprenait complètement et dans ce cas là elle mettrait juste tout ça sur la cause de sa fatigue. Quoi qu’il en soit, ce qu’elle avait cuisiné était bien mieux accueilli que son remède, elle eut même droit à quelques félicitations de la part du jeune Prince sur sa cuisine. Des compliments qui lui firent bien plus plaisir que les remerciements pour l’avoir soigné, allez savoir pourquoi. Raeryan s’était toujours appliqué en cuisine, car son père était un fin gourmet amateur de plats biens préparés. Puis en ayant eu Loìn sous sa responsabilité, elle avait mis les bouchées doubles afin d’être sure qu’il ne manque de rien malgré son statut financier. Alors que sa cuisine plaise à un Prince, là c’était juste le summum !!

La guérisseuse hocha la tête pour le remercier très modestement. Quand au fait que guérir serait d’autant plus un plaisir si ses remèdes avaient le gout de sa cuisine, il y avait encore pas mal de travail à fournir avant que cela ne puisse de faire ; tout simplement parce que certaines plantes n’étaient pas compatibles avec d’autres et que cela pouvait nuire à leur efficacité. Mais ça ne restait pas impossible, juste qu’elle n’avait pas encore assez de temps libre pour se consacrer entièrement à la question. Ça ne l’empêchait pas d’être capable d’en améliorer certains à partir du moment où cela restait possible pour les remèdes préventifs ou peu dosés. Loìn avait d’ailleurs eu droit parfois à ses bonbons parfumés à la cerise contre la toux ou à des gâteaux qui avaient des vertus contre les maux de gorge. Ça avait eu un certain succès auprès du jeune nain, il était d’ailleurs à l’origine de ce projet et elle le mettrait plus en œuvre surtout pour lui faire plaisir et lui montrer qu’on y gagne à persévérer.


Ça restait clairement dans ses ambitions futures et elle penserait certainement à Fili pour avoir un  autre avis extérieur sur ses trouvailles à l’occasion. En attendant, un bon ragoût suffisait à lui rendre le sourire et à rendre de la couleur à sa peau tout en le réchauffant un peu. Raeryan reprit alors place à son chevet, afin de lui tenir compagnie alors qu’elle venait tout juste de finir de remettre sa salle en ordre. La nuit avançait, et comme à chaque fois Raeryan ne pouvait prédire si elle resterait silencieuse on si elle aurait des urgences. Pour le moment ça semblait assez calme et elle pouvait se consacrer à Fili. Elle était désormais confiante, le voir ainsi manger avec appétit était signe pour elle qu’il allait s’en sortir peut être bien mieux que ce qu’elle avait prédit au départ. Elle se demandait ce qu’en avait pensé son oncle de cette petite mésaventure bien qu’elle avait quelques soupçons sur la manière dont il aurait pu accueillir la chose.

Etant donné son maque de motivation à lui succéder elle pouvait grandement imaginer que le dialogue aurait pu bloquer à un moment donné. La guérisseuse ne voulait cependant pas relancer ce sujet de conversation, il devait en avoir assez pris dans la figure pour en plus lui demander des comptes là-dessus sans oublier le fait qu’elle ne devait pas trop s’en mêler. Quoi qu’il en soit, même s’il lui envoyait sourires sur vannes et autres, il était tout aussi possible qu’il se sente brassé de mauvaises pensées, de conflits et de remontrances. Un long silence s’était alors installé, Raeryan restait pensive, les bras croisés en laissant le temps à son patient de manger à sa faim. Elle songeait alors à tout ça, a ces mauvaises vibrations qui semblaient l’entourer et à ce qu’elle pourrait faire pour lui apporter un peu plus d’aide, sans en avoir l’air.
C’est alors que lui vint l’idée de lui proposer de rester passer la nuit dans cette chambre d’auscultation s’il souhaitait prendre un peu de recul et se laisser le temps de remettre ses pensées dans l’ordre loin de tout ça. Le tout était de le lui glisser subtilement tout en évoquant le côté pratique que cela pouvait apporter. Et, lorsqu’il eut terminé, elle le débarrassa de son assiette et de ses couverts afin de les poser sur une table à portée de main.



Raeryan devait être la seule naine à avoir plus de place pour les autres que pour elle. L’étage était consacré à son confort à elle et son laboratoire, quand au rez-de chaussée, il contenait bien sûr une cuisine et un salon mais surtout deux chambres d’auscultation équipées mais il lui arrivait souvent de s’improviser hôte plus longtemps pour garder ses patients en observation lorsqu’ils n’étaient pas en mesure de quitter sa maison aussi bien physiquement que mentalement. Dans le cas où il s’agissait de Fili soit dit en passant elle s’en voudrait s’il lui arrivait quelque chose juste après qu’il soit sorti de chez elle, question de pression sociale.

Le choix lui avait toujours appartenu et du coup, Fili avait pris la décision de rester, entendant surement ses conseils comme des avertissements  importants à prendre en compte ou bien pour une toute autre raison…Quoi qu’il en soit, ça ne changeait rien, il était fatigué, il devait absolument reposer son corps et son esprit. Elle le recouvrit d’une seconde couverture après lui avoir glissé un oreiller bien plus confortable que celui qui se trouvait sur le lit de soin. Il avait bien assez de place pour un sommeil tranquille et réparateur en plus de pouvoir réfléchir à froid de toute cette histoire et ce que ça avait engendré. Raeryan était contente de pouvoir lui être utile et faire en sorte qu’il soit complètement remis au moment où il s’en irait de chez elle. Après avoir veillé à ce qu’il ne manque plus de rien et qu’il se soit confortablement installé, Raeryan n’avait plus qu’à éteindre les bougies pour le laisser dans la pénombre.


Un sourire invisible étira ses lèvres tandis qu’elle tournait les talons pour sortir de la pièce et refermer la porte derrière elle. Voilà qui était fait, elle n’avait plus qu’à rendre des comptes au nain qui était venu l’accompagner puisque ce dernier semblait être revenu. On pourrait appeler ça une synchronisation parfaite alors qu’en fait c’était plutôt logique qu’il revienne ; Fili n’était pas n’importe qui après tout. Elle ne lui laissa pas plus de temps toquer à la porte qu’elle entrouvrit celle-ci afin de se glisser dehors et lui faire face.


Le nain fronça les sourcils, tant par l’inquiétude que par l’importance pour lui de ramener de bonnes nouvelles auprès de la famille de Fili. Raeryan en avait conscience et avant qu’il n’omette la moindre opposition ou qu’il insiste, la guérisseuse le rassura


Le tout n’était pas de causer plus de soucis mais d’un point de vue médical, ils devaient absolument comprendre qu’il avait pas mal reçu et que forcément ça allait mettre plus de temps à se régénérer malgré les apparences. Le nain hocha la tête, approuvant certainement la décision que la guérisseuse avait prise. Elle souhaitait que cette décision soit prise sur sa propre responsabilité pour ne pas provoquer plus d’histoires. Et après l’avoir salué reprit le chemin du retour. Raeryan quand à elle referma la lourde porte de chez elle, espérant qu’il n’y ait pas d’urgences pendant la nuit pour ne pas déranger Fili et lui faire regretter d’être resté là. D’ailleurs, elle senti à son tour son état se dégrader… Un mal de tête d’abord et puis ses muscles se raidirent alors que la fatigue tombait d’un seul coup, retenue tout au long de la journée. Le silence qui était revenu dans sa maison, la guérisseuse ne se fit pas prier pour se traîner jusque dans sa chambre, montant les escaliers comme si à chaque pas la force la quittait. Elle avait eu une dure journée, s’était occupée  de beaucoup de nains, et du coup, le sommeil était largement mérité. Elle se glissa dans ses couvertures, soupirant d’aise et s’endormi bien rapidement. La nuit fut paisible et personne n’était venu troubler cette tranquillité. Ou bien peut être qu’elle n’avait rien entendu ?