La danse des lames [Elladan]

Je n’aime pas avoir peur. Je n’aime plus être sur les routes, et je n’aime plus me retrouver poursuivie par des orcs, obligée d’abandonner mes provisions et mes plantes pour m’enfuir au triple galop et sauver mes montures des crocs acérés des wargs. Je n’ai pas envie de rester sur place, malgré tout l’amour que je porte à Imladris, mais les séquelles morales de mon dernier long voyage, quelques dix ans auparavant sont encore bien présentes dans mon esprit. J’avoue que je n’ai pas envie de me retrouver à fuir, la peur au ventre à nouveau, en me demandant si je reverrais un jour cette cité magique où j’ai aimé passer la plupart de mon temps, et où j’ai aujourd’hui ma propre maison. D’ailleurs j’ai réellement l’impression que je tourne en rond dans cette maison, et je finis par me lever. Je n’ai pas envie de m’empâter à manger des petits gâteaux à la vanille et au miel toute la journée, alors que je suis installée sur mon canapé avec un bon livre sur les plantes de la Terre du Milieu, emprunté dans la grande bibliothèque d’imladris.

Mais voilà, aujourd’hui il est temps de sortir de là, il est temps de se secouer les puces : je vais finir obèse sinon ! Alors, je me glisse jusqu’à ma chambre, où je retire la longue robe grise que je porte aujourd’hui, et j’enfile une tenue en cuir léger et une paire de bottes. Ensuite, je me dirige vers l’entrée et j’ouvre le grand placard qui se trouve là, hésitant sur les nombreux katars disponibles, avant d’en enfiler un rétractable en forme de pique sur mon poignet droit, et d’en attraper un autre que je glisse à ma ceinture. Une épée courte vient compléter mon accoutrement, accrochée dans mon dos, et je me dirige vers l’endroit où les gardent aiment à passer la journée à s’entrainer.

Certes, mon style de combat, apprit il y a des siècles en Umbar est méconnu ici, mais je sais que ça mettra du piment aux passes d’armes que je compte échanger avec les gardes dans quelques minutes. Je ne suis pas une grande guerrière, loin de là. Je suis plus une guérisseuse, tournée vers le bien être des autres. Mais, les routes de plus en plus dangereuses m’ont forcé à apprendre à me battre. Les épées des elfes sont trop courtes pour mes frêles bras, et je dois être l’une des rares elfes a ne pas être capable de viser une cible avec un arc pour mettre une flèche dedans. Enfin, passons. Arrivée là, je commence par saluer les gardes, puis je me trouve trois adversaires qui acceptent, bien qu’un peu étonné par mes armes, de m’attaquer en même temps.

Là commence le ballet des lames autour de moi, et je tournoie et virevolte avec cette rapidité qui me caractérise, esquivant chaque coup, et profitant pour en porter quelques-uns biens sentis. Allons bons ! si j’avais pris de vraies armes au lieu de celles qui sont émoussées … Combien de plaies est ce que j’aurais eues à soigner par la suite ? Bien trop, si vous voulez mon avis.

Je marche dans cette cité qui est la mienne en pensant une fois encore que je préfèrerais être bien ailleurs qu'ici. Seulement, je ne peux pas éternellement jouer à mon père la même scène de "aussitôt arrivé, déjà reparti", et il est parvenu à me convaincre de rester en ces lieux quelques jours. Pas plus, mon cœur ne le supporterais pas. Autant j'aime cet endroit qui m'a vu naitre et grandir, où j'ai connu mes premiers déboires et certaines de mes plus grandes fiertés, autant je ne supporte pas ce vide qui y règne depuis si longtemps. Comme un fantôme qui demeurerait dans ces murs à seule fin de me torturer l'esprit, un mirage, un rire, le vol d'une robe, tant de détails qui me reviennent en mémoire et que je m'attends presque à trouver au coin d'un couloir. Bon, ça y est, j'ai obtenu ce que je voulais, j'ai besoin de me défouler afin de penser à tout autre chose, et quoi de mieux que d'aller échanger quelques passes d'armes avec les gardes? D'autant plus qu'il y a bien longtemps que je suis parvenu à leur faire comprendre qu'ils n'avaient pas à retenir leurs coups parce que je suis le fils de leur seigneur, donc certaines joutes se finissent par quelques points de suture. Ce qu'on appelle les risques du métier. Celui qui ne se blesse pas à l'entrainement ne peux y être préparé sur le champ de bataille. Sérieusement, imaginez deux minutes un soldat n'ayant jamais souffert de la moindre entaille se faire trancher le bras jusqu'au muscle face à un orc ou un gobelin? Je pense qu'il perdrais bien plus de temps, d'énergie et de concentration à s'affoler de sa blessure qu'à s’apercevoir que l'orc face à lui peut lui trancher la gorge à tout instant.
Enfin bref. Ne comptant pas, pour une fois, faire le trajet jusqu'à mes appartements pour m'équiper de mon épée - et oui, pour une fois, je ne la porte pas, même si cela est totalement indépendant de ma volonté - , je me dirige vers la salle d'arme pour trouver une épée courte à laquelle j'associe une dague que je place à ma ceinture avant de me diriger vers la place d'où j'entends résonner le bruit des lames. Bon, apparemment, on ne m'a pas attendu pour ce faire.

D'ailleurs, je m'amuse de constater qui sont les participants de ce duel - à quatre, mais duel quand même - et plus encore du désarroi des gardes face aux armes de Elinà. J'avoue moi-même que je ne comprendrais jamais ce style de combat si particulier qui la caractérise. J'observe un moment les gardes éviter ses lames plutôt que de chercher à venir au contact, cherchant davantage à la prendre par derrière qu'à devoir affronter ces sortes de griffes, avant de m'avancer vers eux, renvoyant l'un des gardes dont je prends la place. Venir au contact c'est mon truc, même face à des armes au premier abord si dangereuse, et mon épée a rapidement fait d'intercepter les lames adverses, mon regard se plantant dans celui si envoutant de ma vis-à- vis. Bon, ok, des mains elle en a deux, et pour le moment, j'ai qu'une lame. Je me recule sur le coté pour éviter l'attaque de cette seconde main, relâchant donc la prise de mon épée sur la première, avant de me planter face à elle, bras écartés, mes deux lames - j'en ai profité pour prendre en main la dague à ma ceinture - dirigées vers les deux gardes qui nous entourent. Merci, je n'ai pas besoin d'aide, et je sais encore à peu près ce que je fais.

Lorsque mes armes sont de sorties, elles sont simplement le prolongement de mon corps. Lorsque j’ai appris à les utiliser, il y a si longtemps, on m’avait pourtant bien dit que c’était des armes d’assassin, et que ce n’était pas bon pour une elfe. Mais, je m’étais accrochée, observant des heures durant les enfants d’Umbar travailler leur agilité, avant de faire la même chose, de répéter les mêmes mouvements jusqu’à ce que leur professeur finisse par craquer et m’accepte à son côté. J’ai passé près de cent ans là bas, à danser avec les lames, jusqu’à ce qu’elles soient enfin devenue un prolongement de mes mains. Une fois ce point atteint, eh bien… Il n’y a plus qu’à se mettre au centre d’un nombre certain d’adversaires et d’utiliser mes réflexes pour tous les combattre en même temps. Les gens, qu’ils soient hommes, orcs ou elfes, ont tendance à rester à une distance prudente, ce qui est plus compliqué pour moi, car je n’ai que peu d’allonge. Enfin, cela a au moins le côté positif que je ne me prends que rarement des coups.

Lorsque finalement je m’immobilise face à Elladan, un sourire carnassier déchire mes lèvres. J’ai la mauvaise habitude de ne pas lui faire de cadeau, tout comme je sais qu’il ne m’en fera pas. J’hoche lentement la tête pour le saluer, essayant de calmer mon cœur qui s’est un instant emballé alors que mon regard accrochait le sien, et je recule d’un pas pour me mettre en garde, attendant quelques secondes qu’il en fasse de même avant de me porter au contact la première, m’amusant à déchirer une manche de sa tunique avant de virevolter dans son dos pour m’immobiliser, lui laissant l’opportunité du second assaut. Je profite de cet instant de répit pour retirer de mon dos mon épée courte, rangeant d’un geste du poignet la lame de mon bras gauche dans son emplacement.

Et voilà. J’attends. Mon regard plongé dans celui de mon vis-à-vis, mon sourire neutre et arrogant toujours planté sur mon visage. En fait, j’ai envie de pimenter un peu le combat.

- Celui qui gagne invite l’autre à dîner.

Je ne mangerai pas la cuisine d’Elladan, mais je compte sur lui pour m’emmener à la taverne, ou au moins pour demander à la cuisinière de son père de me faire quelque chose d’excellent.

Les gardes autour de nous finissent par reculer de deux pas, acceptant de nous laisser en face à face malgré que j'ai l'impression qu'ils n'hésiteront pas à se porter en avant si une des lames de Elinà se montre dangereuse pour moi. Sérieusement, à ceux qui pensent qu'il n'y a que des avantages à être prince, je propose de tester la place quand vous voulez. En attendant, je replace mes lames face à Elinà, me plaçant en garde face à elle, près à intercepter le premier assaut. En vérité, il va falloir quelques instants pour que je me refasse à sa technique de combat, d'autant plus que je n'ai pas franchement pour habitude de me battre avec le type d'armes que j'ai en main. Autant dire que je suis clairement désavantagé, et qu'elle n'a aucune difficulté à percer mes défenses pour griffer la manche de ma tunique avant de se retrouver dans mon dos avant que je n'ai le temps de me retourner, d'autant plus que je dois stopper l'élan de l'un des gardes ayant apparemment décidé de me prêter main forte.

"C'est mon combat, retournez à vos entrainements soldat."

Je n'aime pas jouer ainsi de l'autorité due à mon rang face à ces elfes que je considère davantage comme des amis que comme les pions de la prochaine bataille, mais parfois, il faut bien avouer que j'en userais presque. Pour le coup, et bien, si je prend une entaille, j'ai la guérisseuse devant le nez, je ne devrais pas avoir le temps de mourir à bout de sang.
Je reporte mon attention sur Elinà, remarquant qu'elle a quitté l'une de ses paires de griffes pour opter pour une épée courte, et je hausse un sourcil interrogateur, me demandant si c'est une réelle volonté de sa part ou si elle compte "égaliser les chances entre nous". Si c'est le cas, je tiens à répéter que je n'aime pas les traitements de faveur, et que m'en offrir ne m'aidera pas à apprécier le combat. Bon, à mon tour d'attaquer il me semble.

"Ce qui signifie que si je ne te tue pas avec mes lames, c'est ma cuisine qui va finir le boulot?"

Je porte mon épée à la rencontre de celle de Elinà, tentant de bloquer ses griffes en y entremêlant ma dague, me préoccupant, une fois cela à peu près fait, de bloquer son épée de la mienne pour la faire reculer, les lames glissant l'une sur l'autre jusqu’à ce que nous les fassions se rencontrer de nouveau. A vrai dire, mon bras gauche levé pour tenir les griffes à l'écart avec ma dague, je lui offre bien malgré moi une superbe faille dans laquelle s'engouffrer si elle parvient à dégager ses lames étranges, même si je compte bien réussir à ramener mon épée de ce coté ci si jamais cela a à se produire.

Dehors, la nuit commence lentement à prendre le pas sur le jour, et c’est avec un sourire que j’observe le regard de mon vis-à-vis. La lame Crénelée de mon épée courte tourne lentement vers lui, et j’évalue le danger qu’il représente. Certes, ce petit manège d’intimidation, nous l’avons déjà travaillé des dizaines de fois, comme ce jeu entre nous dure depuis si longtemps que je ne me rappelle plus comment il a commencé. A lui, je veux prouver ma valeur au combat. A lui, je sais que je vais pouvoir montrer que je vaux mieux que tout le reste. Mon existence… Parfois elle me pèse un peu. Parfois, je ne suis pas tout à fait certaine d’en tenir les enjeux, les tenants et les aboutissements. Je sais que la patine qui me recouvre, que la patine qui le recouvre lui aussi, que le fil des années qui nous a tous détruits certains plus que d’autres, est aujourd’hui recouvert par cette argenture qui fait croire à tout le monde que, malgré les épreuves, on va bien. Mais on ne va pas bien. Ni lui, ni moi. J’ai perdu ma famille, morte sous mes yeux dans une attaque d’orc alors que j’étais encore tellement jeune que je ne devrais même pas m’en rappeler. Mais, je m’en rappelle, encore et encore et à ce souvenir, un spasme tord mon estomac. Je souris, cependant, et sur le visage d’Elladan, je lis le même sourire qui ne monte pas aux yeux, ce sourire emplit d’un poison si vénéneux qu’il finira par faire voler en éclat notre carapace. Et, une fois celle-ci volatilisée, qu’est ce qu’il nous restera ? qu’est ce qu’on fera ?

Mais, alors que le bruit métallique des lames qui s’entrechoquent, alors que je lis au fil de mes tourbillons sur le visage des gardes une inquiétude bien présente et presque tangible, je hausse un sourcil et je tente durant quelques secondes de comprendre les mots d’Elladan. Comme si j’allais le laisser cuisiner. Nos lames entremêlées, nos visages à quelques centimètres l’un de l’autre, je plante mon regard vert émeraude dans le sien, et un sourire amusé monte à mes lèvres.

- Allons. Tu m’inviteras à dîner à la taverne. Je refuse de mourir empoisonnée.

Je referme le poing de la main d’où sortent mes griffes, appuyant sur le bouton du méchanisme qui les rentre en une fraction de seconde, et je baisse le bras tout en les faisant à nouveau sortir et poser dans le trou béant de la garde d’Elladan, juste contre son torse, l’objet tranchant. Mon katar tranche la tunique de l’elfe en face de moi, et c’est avec un sourire amusé que je retiens mon geste au dernier moment.

- Vous êtes mort, mon prince.

Le vouvoiement… Avec lui, je ne l’utilise que pour me moquer de lui. Je me recule et range mes lames dans mon bras, remettant aussi mon épée courte dans mon dos par la même occasion.

- Une autre passe, ou tu abandonnes et me donne mon du ? Tu sais que les autres passes se déroulent toujours pareillement, et je n’ai pas l’intention de perdre une semaine à l’entrainement pour que tu réussisses à gagner une seule fois.

Je l'avais bien dit que cette ouverture était mal placée, d'autant plus que j'avoue sincèrement avoir totalement oublié qu'elle pouvait si aisément refermer ces griffes avant de les ressortir plus loin, et donc, les dégager aisément de la dague que j'étais parvenu à emmêler dedans pour prendre la porte que j'ai laissé grande ouverte en voulant justement la bloquer. Ses armes et son style de combat sont décidément son meilleur atout, comme je n'ai encore jamais su trouver de feinte efficace pour gagner l'une de nos passes, ce qui me met en général d'humeur maussade. Sans déconner, je tient même tête à un troll, avec une certaine marge d'erreur bien sur, et la méthode toujours efficace de tenir assez longtemps pour que le soleil vienne filer un coup de main, et me battre à dix contre un contre des orcs ou des gobelins ne me fait pas froid aux yeux. Et à coté de ça, je me trouve incapable de battre Elinà, même rien qu'une fois.

Alors, lorsque la pointe de ses lames tranche ma tunique et qu'elle m'annonce avec une certaine fierté dans la voix que je suis mort - une fois de plus -, d'humeur légèrement moqueuse, je baisse mes armes, pointes vers le sol, avant de les remettre au fourreau, fermant les yeux une seconde pour m'éviter une réponse que je regretterai par la suite, avant de poser un avant-bras sur la garde de mon épée, un sourire venant à mes lèvres.

"Si tu te battais avec des armes plus conventionnelles, j'aurai tout loisir de te faire plier genou à terre face à moi. Bon, la taverne donc?"

Je la regarde par le haut tandis que je baisse le nez pour observer les dégâts causés à ma tunique, pensant que je vais un jour ou l'autre bien devoir apprendre à les rafistoler comme il se doit, avant de lâcher un sourire rapide et lui tourner le dos pour m'en aller, sachant très bien qu'elle me suivra - elle s'arrange toujours pour que je paye mes dettes, et là, je lui dois un repas - jusqu'à la taverne où on se retrouve trop souvent après nos chamailleries.

Victoire ! Un sourire déchire mes lèvres alors que je hausse un sourcil amusé. Elladan range ses armes, un peu bougon, et je lui tourne le dos, tirant la langue à deux elfes que je vois échanger un peu d’argent. Allons bon. Maintenant, ils font des paris sur qui va gagner ? Je me demande pourquoi ils n’ont pas encore compris que mon style de combat est si étrange que la plupart des elfes ici auraient du mal à simplement me donner un seul coup. Leurs armes sont bien trop longues, et ils sont incapables de comprendre qu’en étant aussi proche d’eux, je ne peux pas recevoir de coups. Alors, oui, voilà. Cette arrogance que je ressens me fait relever le menton bien haut alors qu’un de mes sourcils se hausse machinalement pour jauger les deux elfes. Néanmoins, je ne vais pas les juger. Chacun s’amuse comme il le peut dans ce monde étrange. Je me retourne donc vers Elladan et je hoche la tête de haut en bas alors qu’il perd avec grognon.

- Je te rappelle que j’avais une épée dans la main… Et que j’ai quand même gagné. Arrête de ronchonner, ça te fait un pli sur le front.

Je dépose dans un coin mes armes et je soupire un coup avant de relâcher mes cheveux que j’avais accrochés dans mon dos et de les ébouriffer pour les remettre à leur place avant de suivre Elladan vers la taverne où je le laisse me précéder avant de m’installer dans un coin reculé avec lui. Il n’y a que peu de monde ici, à cette heure, et je pose mes coudes sur la table avant de mettre mon menton dans mes mains, observant le fils d’elrond avec un sourire amusé. Je dois avouer que je connais son visage par cœur, mais que je ne me lasse pas de l’observer encore et encore.

- La prochaine fois, je te laisserai gagner, si tu veux.

Je prend mon chemin au milieu de ce dédale de rues que je ne connais que trop bien pour les avoir tant explorer étant enfant en ignorant royalement Elinà et sa réflexion sur son épée et le fait qu'elle ai tout de même gagné, la laissant profiter de mon silence tendu durant cinq ou dix minutes avant de m'arrêter à l'angle d'une rue afin qu'elle arrive à ma hauteur, trouvant enfin réponse à sa dernière réclamation.

"Ton épée, je la maintenais parfaitement bloquée avec la mienne, c'est avec tes foutues griffes que tu m'as laminé. Essaye de te battre avec deux lames normales la prochaine fois, et là, on verra combien de temps tu tiens face à moi."

Je reprend ensuite ma route, la laissant réfléchir à la réponse qu'elle compte m'offrir en retour, avant de m'engouffrer dans la taverne où nous nous retrouvons après chacun de nos duels, comme je me retrouve à chaque fois ou presque forcé de lui offrir le repas, sauf quand elle trouve autre chose à me réclamer en échange. Une fois entré, je passe devant le comptoir où je m'adresse au tavernier pour prendre la commande habituelle, commençant à connaitre les goûts de l'elfe qui me suit de près en matière de diner, avant de lui demander un bouteille de vin que je saisis quand il me la tend, agrémentée de deux verres. Cela fait, je finis par suivre Elinà dans le coin reculé de la pièce où nous nous retrouvons souvent, posant sur la table la bouteille en provenance directe de la Forêt Noire. Connaissant Thranduil, je pense que je vais la payer plus cher que le reste du repas, mais de temps en temps, ça change de la bière habituelle ... et cela fait suffisamment longtemps que je n'ai pas rejoint la Forêt Noire pour trouver que mon dernier verre ne remonte pas à hier.

"Tu sais très bien que je préfère perdre plutôt qu'on me laisse gagner. Même si je préfèrerai encore plus gagner pour de vrai une fois de temps en temps. Deux lames conventionnelles j'te dit, faudra que t'essaye. En attendant, je te sers un verre?"

Ha, mes chères griffes. Je les adore. Elles sont vraiment… Vraiment utiles. Et puis, d’un autre côté, je ne suis pas tout à fait certaine d’arriver à me battre à la régulière. Je ne sais pas… Je ne sais pas pourquoi, mais ça ne me convient pas. Les épées des hommes… Trop lourdes. Pas maniables. Pas du tout faciles à faire tournoyer. Elrohir a été un bon professeur, pourtant. Il a tenté tout ce qu’il a pu pour me faire entrer les bases des duels à l’épée. Finalement, il a abandonné en décrétant que j’étais tout simplement la pire des élèves. Ensuite, d’autres personnes ont tenté de m’apprendre le tir à l’arc. J’ai réussi à m’écorcher le front en cassant la corde un bon millier de fois, et j’ai même fait tirer les flèches dans mon dos. Une véritable catastrophe. Alors, je suis partie. J’ai quitté les terres des elfes, et j’ai voyagé. Des voleurs m’ont appris quelques petits trucs avec des couteaux. Et, sincèrement, je me suis bien amusée avec eux. En fait, c’est là, au milieu de voleurs il y a si longtemps que je serais bien incapable de donner la moindre date que j’ai appris qu’il y avait des gens qui avaient des styles de combat différents. Et, c’est là que je suis partie pour l’Umbar. Trente ans passés auprès d’eux et j’ai pu apprendre mon propre style de combat, avant de revenir pour étudier la guérison auprès d’Elrond.

- Mais oui, bien sûr. Mes foutues griffes font tellement partie de moi que … La prochaine fois, je ferais semblant d’avoir des armes normales, pendant au moins dix secondes. Et puis ensuite, je te laminerai quand même. Parce que, tu seras un gentil et adorable prince, et tu me laisseras gagner. Par galanterie.

J’exagère ? A peine. Un sourire monte sur mes lèvres alors qu’on s’installe dans notre coin, à la fois proche du feu pour nous réchauffer en hiver, mais pas trop non plus pour ne pas crever en été. Elladan me sert un verre de vin et j’attrape mon verre pour laisser le mélange épicé glisser sur ma langue. Mmmh délicieux. Ça valait le coup de gagner. Non mais vraiment, la prochaine fois, je le laisserai gagner quand même… Juste après avoir parié sur lui et empoché l’argent !

- Alors, tu ne traines pas avec ton frère ? Il t’a encore lâché pour tenter de devenir … Quoi cette fois ? Tavernier ?

Taquinerie. Elrohir est censé être le capitaine de la garde d’Imladris, mais je crois que je l’ai plus souvent vu se balader autour du monde qu’être à son poste. Et, je sais qu’il faut bien lancer un sujet de conversation, sans quoi ce cher Elladan se contentera de manger en grognant dans son coin. Ha… Cet elfe là… Qu’il peut être buté, parfois.

Je prend la bouteille de vin dans la main avant de la déboucher et en porter le goulot à nos deux verres pour les remplir, avant de la poser pour attraper mon verre, que je porte à mes lèvres. S'il y a bien une valeur sure, c'est le vin issu de la Forêt Noire... et la bière naine, mais je tâcherai deux minutes de me rappeler de ma nature elfique et donc préférer le vin elfique à la bière naine. En fait, si le vin est un plaisir personnel que je ne m'octroie que peu souvent, il est bien rare que je refuse une chope de bière. De toute façon, pour rendre un elfe saoul, il faut déjà y mettre du cœur, donc ce n'est pas vraiment de boire une chope de plus qui m'empêchera de tirer droit les flèches de mon carquois, ou d'atteindre mes ennemis en plein cœur du premier jet. Je pose finalement mon verre après quelques gorgées, posant mon coude sur la table pour pointer les doigts vers elle, comptant bien obtenir le dernier mot de cette conversation.

"Des lames tout ce qu'il y a de plus normales, et tu laisse tes griffes dans ton placard. Là je saurais t'expliquer lequel de nous deux est le meilleur bretteur. Et je ne suis ni gentil, ni adorable, ni galant. Tiens le toi pour dit."

Je prend de nouveau mon verre en main pour finir d'en vider le contenu avant de voir arriver notre commande, et je glisse les pièces nécessaires à payer notre repas au tavernier, remarquant que, effectivement, la bouteille me coute près du double du reste du repas. Sérieusement, je vais finir par me faire mettre quelques bouteilles de coté pour moi tout seul avec un tarot aux olives comme Thranduil pourrait quand même en offrir à un elfe jamais dernier pour lui exterminer un nid d'araignées ou deux, et passant à peu près la moitié de l'année dans sa forêt.

"Tavernier, vendeur de champignons ou nourrice, j't'avouerai que je suis loin de connaitre ses futurs projets rien qu'à lui qu'il partage avec personne avant de disparaitre six mois et revenir en "j'ai merdé". Non pas qu'on se fasse la tronche hein, juste que quand il fait ça, j'ai du mal à le suivre. Je préfère de loin aller me défouler sur une troupe d'orcs, avec ou sans lui. "

Des lames normales pour me faire perdre ? Non mais attendez, c’est de la triche là ! Genre, il va falloir que je joue son jeu, et qu’en plus je perde avec grâce comme monsieur semble ne pas vouloir disposé à jouer au jeu de la galanterie. Non mais décidément, celui-là, il va falloir que je lui explique. Je suis une dame. Certes, pas une de ces grandes dames que l’on peut voir à la cours de Thranduil, vêtues de leurs magnifiques robes brodées et de leurs beaux bijoux. Parce que je préfère la simplicité d’une robe de paysanne, l’anonymat que ça me procure, au faste requis d’une dame de la noblesse. Mon ancêtre doit certainement se retourner dans sa tombe. Parce que je suis loin de rester en place assez longtemps pour que le nom de Celebrimdor vienne hanter les conversations. Je n’ai aucune honte à être sa descendante, loin de là. Mais, je préfère être une elfe simple. Humble. Le genre à se lever le matin et à faire elle-même son petit déjeuner. Certes, j’ai deux servantes, qui m’aident à tenir ma maison en Imladris. L’une d’entre elle fait même mes comptes à ma place, parce que je ne sais pas comment m’en sortir avec mes voyages. Mais, je suis décidée, pour une fois à rester par ici. Parce que c’est mieux pour moi. Sur mon avant-bras se trouve encore la cicatrice rose et fraiche de mon dernier voyage, où même un mouvement rapide comme j’en ai l’habitude n’a pas suffi à éviter la lame d’un orc. Parce que je ne veux pas continuer comme ça, à risquer ma vie uniquement pour soigner les autres. Alors, oui, peut-être qu’Imladris me verra là quelques temps.

- Oh le vilain prince que voilà.

Je fais la moue, mon regard vert plongé dans celui d’Elladan, et je hausse un sourcil, avalant une gorgée de vin épicé, avant de secouer la tête, pas vraiment contente de ce que j’entends. Allons allons, Elladan. Un peu de tenue. Quel est donc cet égo mal placé, hein ?

- Je prendrais des lames normales. Et toi, tu prendras ton arc. Parce que tout le monde sait que tu es bien meilleurs avec un arc qu’une épée, là où je suis aussi agile avec une lame normale qu’avec mes griffes. Si tu veux avoir le dessus sur moi, cependant.

Une nouvelle gorgée et puis… Oh allons, taquinons le un peu.

- Et, moi je te trouve gentil et adorable, même s’il est vrai que tu as besoin de travailler ta galanterie. Tu ne trouveras jamais d’elfe qui voudra de toi, et je crains que ton père ne soit obligé de compter sur Arwen pour avoir des petits enfants. Déjà que son front se dégarnis d’année en année lorsque tu fais des bêtises… Tu ne voudrais pas en plus lui imposer ce soucis ?

Quel égo, cependant. Il me faut le lui rappeler. Toujours. J’aime l’embêter celui-là.

- En plus, je te trouve bien arrogant et sûr de toi. Nous verrons lors de notre prochain affrontement. Rien n’est jamais joué avant le dernier moment.

Je souris un instant avant de reprendre une gorgée et de m’enquérir du frère d’Elladan, pour obtenir une réponse étrange.

- Vous vous êtes encore fâchés ?

"Je doute que mon arc soit la meilleure arme pour se battre en duel, surtout si tu compte en revenir. J'ai la mauvaise habitude de viser juste, vois-tu, et je pense que je m'en voudrais d'abimer ton si joli visage."

Quoi? Ce que je dis est vrai non? D'accord, je veux gagner contre elle, au moins une fois, mais je ne compte pas lui planter une flèche entre les deux yeux pour ça.

"Tu es sans doute la seule à me considérer comme un prince, même si je sais parfaitement que tu es particulièrement ironique à ce sujet! Tu sais, tu peux m'appeler Elladan sans que je ne m'en vexe, une fois de temps en temps. Tu devrais essayer.

J'avoue me trouver passablement amusé quand, non seulement, elle me dit que je peux me montrer gentil et adorable, mais aussi que je ne suis pas prêt de trouver chaussure à mon pied, et que, de toute façon, c'est aussi bien que j'évite ce calvaire à mon père. Bah, si j'écoute Erestor, Elrohir et moi avons parfaitement de qui tenir. Enfin, du moment qu'on ne trouve pas à s'assagir autant en vieillissant ... j'tiens à mes cheveux moi.

"Alors, tu dois être particulièrement naïve, jeune fille, pour penser que la gentillesse fasse partie de mes qualités. Et si ça peut rassurer Imladris toute entière, offrir des petits-enfants à mon père n'est pas franchement dans mes préoccupations actuelles ou à venir. J'ai déjà bien assez de Elrohir et lui pour lesquels m'inquiéter, manquerait plus que je ne puisse pas aller combattre tranquille parce qu'une elfe inquiète me séquestre à domicile, ou que je me mette à éprouver des remords à partir au front alors que mes gosses auraient besoin de moi. Pitié. Mon arc, mon frère et mon cheval, besoin de rien d'autre."

D'ailleurs, parlant de Elrohir, sa question me fait froncer les sourcils un instant avant que je ne me reprenne, répétant mentalement mes paroles dans ma tête en tentant de comprendre à quel moment j'ai laissé entendre que mon frère et moi étions brouillés.

"Non, on s'est pas fâchés. Loin de là. J'ai juste parfois du mal à le comprendre. Moi je prend les armes pour m'évader. Lui ... trouve des idées parfois farfelues. Enfin, je suis sur que s'il s'improvisait tavernier ici à Imladris, il ferait payer le repas moins cher qu'ici."

Un rire monte à ma poitrine et je lève les yeux au ciel. Non mais il s’entend lui, parfois ? Je dois avouer que j’aime le taquiner, l’appeler ‘mon prince’ et tirer encore et encore sur la corde. Parce que, même si je pense un peu trop pour mon propre bien à cet elfe-là, j’aime l’embêter. J’aime quand nos discussions tournent au vinaigre et qu’on se quitte fâchés. Parce que, ça me donne une excuse pour me faire un peu plus jolie pour la fois d’après, lorsque je le croise, pour qu’il remarque… Ma coiffure. Ou bien cette façon dont j’ai mis en valeur mes yeux. Ou, la jolie robe que j’ai choisie juste pour lui. Bon, après, je dois avouer que je ne m’en fais pas trop. C’est un homme. Qu’ils soient elfes, humains nains ou hobbits, il ne faut jamais rien attendre d’un homme. Parce qu’ils sont encore et toujours des gamins immatures qui ne remarquent rien. Mon sourire s’élargis à cette pensée, et je me replonge dans mon verre de vin pour lui cacher que tout ce qu’il déclenche chez moi, c’est un rire amusé et moqueur. Ça par contre, il va le voir.

- Oh, ‘mon prince’, ça me va parfaitement. Il faut bien quelqu’un pour te rappeler ta lignée encore et encore, histoire que ça finisse par te rentrer dans le crâne. Un jour, peut être éventuellement. Avec beaucoup de chance. Et, si les miracles existent, un jour tu en auras même le comportement.

Voilà. Je cherche. Encore et encore. Parce que j’aime le voir agacé. J’aime qu’il n’ait pas le dernier mot. C’est idiot, hein ? Mais, ça me donne un pouvoir sur lui. Parce qu’il va revenir quelques heures ou quelques jours plus tard pour tenter encore et encore de me rabattre mon caquet. Mais, non. J’ai éduqué mon esprit depuis ma plus tendre enfance. Et, il est hors de question que je lui laisse ce petit plaisir.

- Pourtant, voilà des mois… que dis-je, des années que tu me menace de me mettre une rouste avec des armes normales. Et, encore une fois, tu m’as attaquée alors que j’avais mes griffes. Je vais finir par croire que tu aimes te retrouver ici, avec moi, obligé à me payer le repas. Je me trompe ?

Encore une fois, un rire monte à ma poitrine et je hausse un sourcil, détournant le regard quand il donne quelques pièces au tavernier pour lui payer notre dîner. Parce que je n’ai pas à savoir. C’est malpoli. Et puis, ça me permet de parler d’Elrohir.

- Est-ce qu’il ne t’es jamais venu à l’esprit que ton frère puisse utiliser cette excuse justement pour éviter d’avoir à finir entre mes doigts, obligé d’être recousu dans tous les sens à cause d’une de tes chasses à l’orc sans fin ?

Me rappeler mon lignage. Mauvaise idée, sincèrement. Il ne manquerait plus que je me mette vraiment à me prendre pour un prince, prendre les gens de haut et me servir de mon rang pour obtenir ce que je veux de qui je veux. Ce n'est strictement pas dans mes intentions. Mener une troupe au combat fait déjà partie de ces choses que je n'aime pas, parce que cela signifie d'avoir la vie d'autres que moi entre les mains, et qu'une erreur de ma part mènerait directement à la mort de ces hommes. Non, je préfère de loin combattre seul avec mon frère, avec lequel je n'ai pas d'ordre à donner pour que nous sachions être unis au combat et surtout utiles l'un à l'autre, ou chevaucher avec les Dunedain, n'ayant pas non plus besoin de nos commandements pour se servir de leurs épées.

"Fais attention que je ne m'amuse pas à jouer les princes pourris gâtés. Tu pourrais regretter d'avoir tant tenu à me rappeler mon rang."

Je souris alors qu'elle m'offre une nouvelle fois une vérité que je ne peux contredire quand elle me dit que j'ai beau vouloir lui expliquer que je suis le meilleur lorsqu'elle se bat avec des armes conventionnelles, c'est toujours quand elle est dotée de ses griffes que je la trouve. Que voulez-vous, je ne sais pas résister à un combat, même perdu d'avance. Je préfère perdre vaillamment que gagner par tricherie. Seuls les orcs et autres créatures de l'ombre n'ont pas droit à tant de principes de ma part.

"Hum, peut-être que cela me donne une raison valable de t'inviter à diner. Ou alors j'aime vraiment me prendre des roustes, prend l'avis qui t'intéresse le plus."

Et je suis sérieux, si Elrohir se décide un jour à mettre en œuvre son idée de taverne, j'espère bien qu'il me fera payer le repas moins cher que ça. J'veux bien que les vins de la Forêt Noire ne sont pas donnés, mais là, c'est du racket...

"Ce ne sont pas "mes" chasses à l'orc. Je ne l'ai jamais forcé à me suivre, et c'est même moi qui l'ai suivi, parfois."

Un rire monte à ma poitrine alors qu’Elladan me dit de faire attention à ce qu’il ne prenne pas la grosse tête. Je me contente de hausser les yeux au ciel avant de remettre ma tête dans mes mains, le contemplant quelques secondes avant de secouer la tête de droite à gauche.

- Compte sur moi pour te taper sur la tête si jamais tu essaie de jouer les princes pourri gâtés. Parce que … Si tu passes ta vie à renier ton rang, ce n’est pas pour te mettre d’un coup à avoir la grosse tête, juste pour m’embêter.

Et, qu’il continue en me disant d’un coup qu’il aime bien m’inviter à dîner. Ou qu’il aime se prendre des roustes. J’avoue ne pas savoir réellement comment le prendre. Mon regard se perd un instant sur le côté, dans la flamme d’une bougie. Pensive, je me laisse aller à quelques pensées étranges, avant de secouer lentement la tête de droite à gauche.

- Tu sais, ‘Dan, tu n’as pas besoin d’une excuse pour m’inviter à déjeuner. J’aurais dis oui dans tous les cas.

Quand à son frère et leur histoire de partir à la chasse aux orcs… Je dois dire que ce n’est pas moi qui fais dire quoi que ce soit. Bien au contraire. Moins il y a d’orcs sur cette terre, mieux je me porte. Trop nombreuses sont les fois où j’ai faillis ne pas m’en sortir, malgré la rapidité de ma mearas.

- Vous devriez organiser des expéditions dans leurs nids. Histoire de les anéantir une bonne fois pour toute.

Je pique dans mon assiette tout en pensant que me mettre à avoir la grosse tête juste pour l'embêter, ça pourrait être amusant ... un jour où mon père n'est pas là pour penser que son fils a pris un peu de plomb dans le cerveau, sinon, je risque fort de regretter amèrement la blague. Je ne compte pas - comment dis Elrohir déjà? ah oui - "prendre des cours avec Père pour être prêt à prendre sa suite un jour", franchement, sans moi, et pourtant je sens que si je calcule mal mon coup, je pourrais y parvenir sans l'avoir vue venir. Alors oui, m'amuser à l'encontre de Elinà, pourquoi pas, mais jusqu'à un certain point.

"Moi j'ai besoin d'une excuse. Sinon j'vais encore passer trois jours à me demander ce qui m'a pris de t'inviter alors que si j'avais voulu on aurai pu se contenter d'un bout de pain au bord de la rivière."

C'est moi ou je m'enfonce? Oui, là, clairement, je m'enfonce, je touche même le fond. Mais mon talent c'est le tir à l'arc, pas les discours. Les discours j'les laisse à Elrohir, il est plus doué que moi pour ça... ok, c'est peut-être ce que je dis pour qu'on aille le voir lui et pas moi, et il doit souvent pester contre moi à ce sujet, m'enfin ... lui il se retrouverai pas dans pareille situation.

"Enfin bref, ouais, les orcs. Le souci, c'est que pulvérise un nid, un autre repousse avant que les flammes du bucher n'ai finies de se consumer. Ça nous arrive d'en trouver, et d'en réduire à néant, même si à deux dans un nid on ne fait pas toujours les fanfarons, mais je crois que c'est une quête sans fin. [...] J'songe à rendre les armes, parfois, et voyager aux quatre coins de la Terre du Milieu pour le simple plaisir de la sensation de liberté que m'offre la chevauchée de mon cheval. Et puis les orcs se rappellent à moi, à chaque fois, et je me rappelle pourquoi je me bats, nous nous battons."

Je pioche une nouvelle fois dans mon assiette tout en pesant le pour et le contre de la proposition qui nait dans mon esprit, avant de finir par poser ma fourchette et croiser mes doigts entre eux avant de poser ma tête dessus, croisant le regard de Elinà.

"Causant de nids d'orcs, tu ferais des ravages avec tes lames. Ca te dirait pas de venir te défouler avec nous la prochaine fois? J'suis sur qu'on peut trouver à faire pas loin, si tu veux pas t'éloigner. On fera les comptes."

Je le regarde, arrogante, mon sourire fixé sur mes lèvres, et je secoue lentement la tête de droite à gauche alors qu’il pique dans son assiette pour réfléchir à sa réponse. Ah, donc il a besoin d’une excuse pour m’inviter à la taverne ? Dois-je aussi comprendre qu’il préfèrerait finir quelque part où il n’y a pas de témoins pour s’afficher avec moi ? Vraiment ? Mon sourire monte à mes lèvres et je secoue la tête une nouvelle fois. Allons, ma chère Elinà, temps n’est pas venu de t’imaginer des choses. Peut être qu’il aime simplement s’afficher après une défaite. Ou qu’il n’a pas envie que les gens pensent de lui qu’il a encore perdu contre moi, alors qu’en fait, il ne m’a pas battue du tout. Alors qu’en fait, il ne s’est même pas retrouvé face à moi pour échanger des passes d’armes. C’est peut être la raison la plus logique à cette histoire.

- Oh, donc je dois comprendre que tu n’aimes passer du temps avec moi que lorsque tu as perdu au combat ? Vraiment ? Je vais finir par… Je vais finir par me vexer. Je pensais ma compagnie un tout petit peu plus agréable que ça, quand même. Et, un pique nique sous un arbre m’irait aussi parfaitement. Du moment que tu me laisse préparer les sandwich, j’ai goûté une fois à ta cuisine par le passé, et plus jamais.

Mais, la conversation tourne sur autre chose. Sur cette chasse à l’orc épuisante qui caractérise Elladan et Elrohir. Les jumeaux sont… Adorables. Je suis avec eux telle une amie d’enfance, et j’ai de nombreuses fois couvert leurs idioties, soigné leurs bobos, et fait en sorte que tout finisse pour le mieux. Mais, de nombreuses fois, je n’ai pu être qu’une spectatrice passive – ou une victime – de leurs blagues qui partaient totalement en live. On vous a dit qu’Elrohir avait réussi à apprivoiser un warg, et qu’il en avait fait sa monture préférée ? Non ? Voilà. C’est une de ces blagues qui prend des proportions absolument ahurissantes dont ces deux là sont les spécialistes.

- Il faut trouver la source. Il n’y a pas d’orc femelle, quelqu’un doit les … fabriquer. Il faut trouver celui qui les fabrique et le tuer lui. Ensuite détruire les orcs qui se répandent sur les Terres du Milieu.

Je retiens ma main alors qu’elle est prête à se tendre pour prendre la sienne, et je cache ce trouble qui m’envahit alors que je réalise qu’Elladan parle, à demi-mot, de sa mère et de cette épreuve qu’ils ont traversée. Un instant, j’ai à nouveau une dizaine d’années, et je me trouve à nouveau face à cette attaque qui a changé ma vie. Mon cœur se serre et je secoue la tête, observant l’elfe en face de moi, sourcils froncés, alors qu’il me propose de venir à la mort avec lui. Je crois que j’ai mal entendu, là… Mon visage exprime en une seconde toute ma stupéfaction.

- Je … Ne suis pas sûre de comprendre. Tu me propose simplement de venir à la mort avec toi ? Comme ça ? Si c’est l’idée que tu te fais d’un rendez vous avec une femme, autant te dire que tu te plante lourdement. C’est peut être pour ça que tu es encore célibataire à presque trois mille ans…

"Hum, vexe toi si tu veux. A ta guise. Je crois que tu connais mon talent pour frôler l'incident diplomatique à chaque fois que j'ouvre la bouche."

Enfin, ok, je ne peux pas nier qu'à mes yeux, cette elfe le dispute en beauté à ma sœur, censée être la plus belle des nôtres, Arwen Undomiel, l’Étoile du Soir, mais je n'irais certainement pas le lui dire en face. Bien trop de risque qu'elle me rit au nez, ou qu'elle pense que je me moque, ou alors, pire, qu'elle m'écoute et qu'elle me prenne au sérieux, et ensuite que je ne parvienne plus à m'en dépatouiller. Non mais Elinà, je l'aime bien, c'est une bonne amie, et une guérisseuse fort sympathique quand Elrohir et moi ne tenons pas particulièrement à ce que notre père apprenne nos derniers exploits militaires, ou nos dernières blessures ... mais de là à voir plus qu'une bonne amie en elle ... je compte attendre encore deux ou trois millénaires avant de songer à tenter de peut-être potentiellement envisager de me caser hein, et puis, comme je n'ai aucune idée de ce qu'elle pourrait me répondre si je suivais cette voix, je n'ai qu'à moitié envie de me prendre un mur. C'est qu'en 2800ans, j'en ai vu de ces elfes dont le cœur pleurait un amour non réciproque, et à cela je préfère de loin la selle de mon cheval et les flèches de mon arc.

"Préparer des sandwiches je sais encore le faire, quand même! Tant que je ne cuisine aucun des ingrédients ... Ouais bon, mon truc c'est le combat, pas la cuisine, on peut pas être bon en tout ... et teste la cuisine de Elrohir avant de te plaindre de la mienne, tu viendra me supplier de te cuisiner un truc après."

La suite de la conversation m'intéresse bien davantage comme la théorie de Elinà tient parfaitement la route. Effectivement, il n'y a pas d'orc femelle, et donc, il y a une source de création de ces créatures qu'il faudrait pouvoir détruire. Seulement, je pense avoir une petite idée de sa localisation, et si Elrohir et moi sommes parfois presque suicidaires lors de nos chasses, nous ne sommes pas assez fous pour nous perdre en plein Mordor à deux ... les conséquences seraient bien trop grandes si nous en revenions vivants, et subir les colères combinées de notre père, nos grand-parents et d'autres encore n'est pas dans nos projets actuels. Non, pour un spectateur extérieur, je ne suis pas logique ... préférer me perdre en plein Mordor que subir le courroux des miens d'en revenir ... mais quiconque a un jour assisté à une crise familiale sait de quoi je parle.

"La source se trouve en Mordor, j'en mettrais ma main à couper. Quand on observe un peu la circulation des orcs sur les Terres du Milieu, la plupart des troupes vont dans le sens 'Mordor > Eriador'. Ils iraient bien plus loin mais en général, entre les Dunedain, autres rodeurs et nous autres elfes, je doute que nombre d'entre eux atteignent la Comté. Enfin bref, le Mordor ... Je pense que la destination en elle-même ne ferait pas reculer Elrohir, cependant, je pense que tu as une petite idée des conséquences d'un tel voyage, même en en revenant plus que victorieux ... "

Mon esprit turbine cependant à cent à l'heure comme la perspective d'un tel voyage n'est pas sans m'intéresser. Ok, on prendrait une rouste phénoménale en rentrant, s'il nous est donné de rentrer, mais cela règlerait la question des orcs une bonne fois pour toutes ... et avec ce qui traine encore un peu partout en Terre du Milieu, on en aurait encore pour dix ans de chasse ... et après ... et bien, notre vengeance enfin assouvie, on pourrait peut-être revenir à nos premières amours : traverser la Terre du Milieu à cheval pour le simple plaisir de voyager sur ces terres.

"Il y a bien d'autres raisons qui font que je suis toujours célibataire à près de 3000ans. Il me semble que la liste de mes défauts ne tient pas sur les doigts de nos quatre mains réunies, c'était pas le thème de notre dernière prise de tête? Et je te propose de venir te défouler avec nous. Aux abords de Imladris, les bandes d'orcs sont généralement assez peu épaisses pour éviter de prendre trop de coups. C'est pas comme celles que l'on croise à l'est. Celles là n'ont pas encore été minées par les attaques de nos alliés, ou par les guéguerres internes, et ce sont bien les plus dangereuses. Je ne t'emmènerais pas à celles-là."

Un sourire amusé sur les lèvres, je mets mon coude sur la table, pour le contempler quelques secondes de mes yeux verts avant de hausser un sourcil et de contempler l’elfe installé en face de moi.

- Oui, il serait peut être mieux que tu arrêtes de parler. Comme ça, pas d’incident.

Un sourire sur les lèvres, je m’amuse avec lui. Je m’amuse avec ses nerfs, et je veux voir jusqu’où je peux jouer. Parce que, franchement, je ne suis pas réellement certaine qu’il me laissera trop jouer. C’est Elladan, après tout : je le connais depuis mon enfance. Je l’ai toujours connu, et depuis toute petite je sais qu’il n’aime pas perdre : ni au combat, ni dans les joutes verbales. Alors, perdre deux fois contre moi dans la même journée ? Vraiment, je ne suis pas du genre à jouer avec ma mie. Un sourire sur les lèvres, je me moque de lui, sans lui rire au nez. Parce que, j’aime l’embêter, j’aime le faire tourner en bourrique, et il faut avouer qu’il me le rend bien, à sa manière.

- Ah, parce que tu es bon en combat ? Vraiment ? Pourtant tout à l’heure…

Je prends un air surpris avant de lever les yeux au ciel et de contempler l’elfe en face de moi quand il me parle de la cuisine de son frère.

- Oh, Dame Galadriel m’a parlé de ce jour où vous avez tenté de faire des pâtes au lapin, en replaçant les pâtes par des larves. Rassure toi, je n’ai l’intention de tester la cuisine ni de l’un, ni de l’autre. Mais, si tu es capable de commander des sandwiches, alors oui, je partagerais avec toi un moment au bord du lac. Nous y serons plus tranquilles pour discuter que dans cette atmosphère pleine de fumée et d’oreilles qui trainent.

Et puis, nous passons sur autre chose : sur les orcs et leur façon d’arriver sur cette terre. Pour ma part, je reste persuadée qu’une force maléfique les crée et fait en sorte de les garder sous sa coupe. Mais, je n’irais pas non plus dire quoi que ce soit à propos de la créature qui les crée. Pour être à ce point maléfique, il faut vraiment avoir un grain, et un gros. Je ne veux pas me retrouver face à cette personne, et c’est une des raisons qui font que j’ai l’intention de me calmer sur les voyages durant quelques temps. Peut-être pas tout de suite, cependant, comme la proposition d’Elladan me tente assez, même si encore une fois je me moque gentiment de lui.

- Tu ne vas pas partir en Mordor tout seul quand même ? Si c’est réellement l’endroit d’où viennent les orcs, il te faut une armée, voir même plusieurs ! Y aller serait le meilleur moyen de te faire tuer, et ce avant d’avoir eu la moindre information viable et ça c’est hors de question !

Non, ça mon cœur ne le supporterait pas. Mais, je ne dois pas penser à ça. Non, vraiment je ne dois pas penser à ce que mon cœur sait éprouver pour lui, surtout en sa présence. Et, je retiens ma langue sur ce point, car il serait malvenu de parler ainsi à celui qui sait être un ami depuis si longtemps que j’ai oublié comment nous nous sommes rencontrés. Non, vraiment, je ne suis pas bien partie si je commence comme ça. Alors, je prends une inspiration pour renfermer dans mon cœur toutes ces idioties, avant de contempler Elladan :

- Et même si tu revenais entier, et je ne parle pas ici de victoire, car juste avec ton frère, vous ne pourrez pas détruire des milliers d’orcs, ne pense-tu pas que l’inquiétude que tu auras laissée derrière toi, l’inquiétude de ta sœur, de ton père, de tous ceux que tu connais, valait la tentative ?

Je suis inquiète. Je suis vraiment inquiète pour lui. Alors, je baisse mes yeux vers mon plat, que je n’ai presque pas touché et donc je ne veux soudainement plus, essayant cependant de garder la face, pour tenter de continuer à plaisanter avec lui.

- Si, c’était certainement le cas. Mais, j’ai réalisé depuis que cette histoire de défauts fait partie de toi : et du coup, il vaut mieux les montrer à tous et à toutes. Car ainsi, tu pourras être sûr que celle qui tombera amoureuse de toi t’aimeras tout entier. Sinon, elle risque de prendre peur quand elle se rendra compte de ce que tu es réellement, et de partir jusqu’à Valinor en courant, sans regarder derrière elle. Beau mariage que ce serait là, tient.

Mon regard se refait taquin, et je hausse les épaules, face à cette proposition qu’il me fait là. Non, ce n’est pas un rendez vous. Avec Elladan, ce sera un rendez vous le jour où il réalisera qu’il n’y a pas que des elfes mâles sur le monde. Et, ça, c’est pas demain la veille !

- Alors, allons y. La prochaine fois que tu partiras en chasse, viens me chercher. Que ton frère soit là ou pas, je m’en fiche, je suis bien assez capable de me débrouiller seule comme ça. Même sans toi je m’en sortirais. En plus, je n’aurais pas à surveiller que tu me tire des flèches sous le nez.

Par contre, cela me vexe qu’il ne veuille pas m’emmener plus à l’est. Parce que, je lui mets la pâtée à chaque fois que nous combattons, à lui comme à son frère, d’ailleurs.

"J'peux l'arrêter de causer alors... j'te parle plus."

Mêlant le geste à la parole, je détourne le regard pour observer le reste de la pièce, ignorant volontairement l'elfe face à moi ... durant à peu près deux minutes. Je suis irrécupérable, je sais, mais faire la tête à quelqu'un sans avoir une bonne raison de la faire, je ne sais pas faire. Surtout s'il s'agit de Elinà, en fait. Elinà, Elrohir et quelques autres, ceux auxquels je ne sais pas faire la tête sans raison, mais qui sont les premiers au courant quand j'ai une bonne raison de la leur faire, la tête. Je finis donc par reporter son attention sur elle quand elle me remet à la mémoire le fait qu'elle m'a alignée une fois de plus en combat, et je décide d'ignorer la pique pour répondre plus intelligemment qu'elle.

"Je te ferai remarquer qu'après tant de combats, je suis toujours de ce monde. Ce n'est pas du qu'au fait que j'évite soigneusement la cuisine de mon frère, tu sais."

Échapper aux orcs pour me faire empoisonner par mon frère... ce serait une fin aussi stupide qu'inutile à mon gout. Je grimace un peu quand Elinà me dit que ma grand-mère a su lui raconter l'histoire de la tentative de cuisine en Lorien en me disant que je devrais demander à l'elfe blonde de garder pour elle les conneries de ses petits-fils, ça n'a franchement rien de fier à être raconté, de telles conneries.

"Je sais aussi mettre du jambon dans du pain et appeler ça un sandwich, tu sais. Je ne suis peut-être pas le meilleur cuisinier de tous les temps mais je sais me servir de mes deux mains. Enfin, je t'accorde que les abords du lac sont bien mieux famés que cette taverne pour discuter, n'en déplaise à son propriétaire!"

Je hausse volontairement le ton sur mes derniers mots comme j'ai pu voir l'homme tiquer quand j'ai évoqué sa clientèle, avant que la conversation ne nous ramène au Mordor et à ces maudits elfes que je compte voir morts et enterrés si possible de mes flèches si possible avant que je n'y reste moi-même. Ca fait beaucoup de "si", tout ça, mais si on les assemble bout à bout, on remettra le roi légitime du Gondor sur son trone de Minas Tirith ... si si, c'est possible. Et en voilà trois de plus en quatre mots, c'est pas magique?

"Et pourtant, ça serait la meilleure option. Occuper l'ennemi aux portes du Mordor avec une armée, et se glisser dans ce territoire maudit en nombre assez restreint pour ne pas être repérés. Car non, je ne suis pas encore totalement stupide, je compte attendre un peu avant de foncer dans un tas de milliers d'orcs avec rien d'autre que mon arc et mon charme pour me tirer d'affaire. Si seulement les orcs y étaient un peu sensibles, à mon charme... mais faut pas leur en demander trop, je crois..."

Ouais, bon, en fait, je crois que plus on ressemble à quelque chose plus on est pas aimé des orcs. Sont difficiles à se faire aimer, ces machins là... Bon, Elrohir a une ressemblance naturelle avec eux, ça l'aide, mais moi, non, ils veulent rien savoir, à peine ils me voient qu'ils me foncent dessus... ou c'est moi qui fonce... enfin, toujours est-il que la distance entre nous diminue et que les coups pleuvent, y a rien de plus à chercher à comprendre.

"Non mais l'idée générale est que si nous allons en Mordor, même en en revenant victorieux et en débarrassant pour de bon la Terre du Milieu de cette vermine, on se fera assassiner par chaque membre de notre famille. Ou ils s'entretueront pour savoir lequel nous tuera le premier..."

Je hausse un sourcil quand Elinà en vient à me dire qu'au final, il vaut mieux que j'évite de dissimuler mes défauts, ce serait mentir sur la marchandise le jour où il me viendra la folle idée de prendre femme. Déjà, je tiens à la rassurer sur un point : ce n'est certainement pas demain la veille que je trouverai à me caser, et ensuite, je crains que ce soit fichu pour moi, notre réputation, à Elrohir et moi, est bien trop ancrée dans les esprits des nôtres pour que quiconque accepte un jour de nous épouser. Nan mais on a des tickets chez les nains aussi!!!

Sincèrement? Pour me retrouver avec une personne de plus à s'inquiéter pour moi quad je m'en vais, ou pire, à m'empêcher de partir? Je suis très bien célibataire, et je peux m'inventer encore plus de défauts si cela peut faire fuir quelques courageuses voulant tenter le terrain."

Quand à ma proposition de l'emmener se battre avec moi, elle a presque l'air vexée que je la lui fasse. Quoi? Elle voulait venir se perdre en Mordor avec moi? On va d'abord voir ce qu'elle donne en milieu facile hein. Non pas que je ne lui fasse pas confiance, mais je ne tiens pas à être tenu pour responsable si elle se casse un ongle, alors on va commencer petit, hein?

"Me regarde pas comme ça. J'ai pas envie d'avoir les remontrances de qui de droit si tu te blesse. Alors autant commencer proche de la maison, que je puisse te ramener en deux secondes trois mouvements si un truc passe de travers... Demain matin, t'es dispo? Trois jours que j'ai aps chassé, c'est déjà trois jours de trop ... plus tôt je m'y remettrais, mieux je me porterai"

Lui, arrêter de parler ? Je fronce les sourcils en le voyant se mettre à bouder dans son coin. Oh, qu’il est mignon, on dirait un gamin de cinq ans. Chez les humains, ça arrive souvent de voir un enfant bouder pendant environ cinq minutes. Un sourire monte à mes lèvres et je l’observe tout en continuant à me moquer de lui, sans jamais m’arrêter. Oh, j’aime ma langue de vipère, parfois. J’aime m’amuser avec ses nerfs et l’observer devenir tout pâle, tout rouge et ensuite tout vert à la mention de sa cuisine. Un sourire sur les lèvres, je n’ai rien à dire d’autre quand je le vois s’agiter tout seul pour tenter de se défendre. C’est tellement amusant.

- Intéressant. Pas un cas désespéré alors ? Peut-être que je t’apprendrais à faire mes petits gâteaux au miel et aux épices un jour, si tu veux.

Je me moque toujours, sans relever la phrase qu’il lance au tavernier, me contentant de faire un sourire radieux à celui-là, avant de lever les yeux au ciel et de hausser les épaules, l’air de dire « mais laisse le parler, tu sais comment il est ». Le tavernier se détourne, non sans un dernier regard sur Elladan avant de mettre mes coudes sur la table, ma tête dans mes mains, un air enfantin sur le visage, alors qu’Elladan se remet à parler du Mordor et de cette mission suicide.

- Je ne suis pas d’accord. Personne n’a jamais pris le Mordor. C’est peut être toi le Grand Tacticien, celui qui a appris toutes ces choses-là mais, il faut tout de même regarder avec un peu plus d’attention le nombre d’orcs qu’il y a là-bas, et l’alliance qu’ils ont depuis quelques siècles avec l’Umbar, sans compter les humains totalement manipulés qui obéissent à l’ombre qui vit en ces terres. Tout cela serait bien trop de vies payées simplement pour tuer des orcs.

La remarque suivante de l’elfe me fait sourire et je penche la tête sur le côté avant de reprendre :

Ajoute moi sur la liste de ceux qui voudront te tuer si tu fais ça.

Pourquoi ? Il me manquerait, et puis c’est quand même dangereux. C’est totalement irresponsable de partir comme ça… Totalement stupide. Oh, Elladan n’a jamais été connu pour son intelligence. Mais, même s’il n’est pas stupide, autant dire qu’il a besoin d’être remis à sa place de temps à autre.

- Tu sais, il y a des elfes qui sont aussi aventureuses que toi. Tu partirais de ton côté, elle du sien, et pas d’inquiétude ni d’étouffade. Par contre, vu tous les défauts que tu cries sur tous les toits, pas besoin de t’en inventer. Toutes les elfes de bonne famille se sont déjà enfuies. Il ne reste plus que moi dans les environs. Mais moi… J’ai le même avis que toi sur ce que je veux faire, et pour cela, le célibat me va bien alors…

Je lève les yeux en le voyant me proposer de venir avec lui dès demain matin. Alors, qu’est-ce que j’ai de prévu demain matin moi ? Rien ? Je ne crois pas.

- Alors, rendez-vous demain matin.