It was just a dream... [solo]

It was just a dream

C’était sa vie comme avant. En ouvrant les yeux, Loìn avait reconnu sa maison et une délicieuse odeur s’élevait dans l’air, celle de son petit déjeuner favori, que maman préparait toujours avant d’être très malade. Ça avait la même odeur que maman, parce que papa… il le faisait pas pareil, les gâteaux ils étaient tous noirs, mais pour être gentil, lui et son grand-frère ne lui disait jamais et mangeait tout, même s’ils devaient avoir très mal au ventre ensuite. Curieux, le petit bonhomme se levait et ne s’étonnait pas de ne pas sentir que le sol n’était pas aussi froid qu’il l’aurait été dans la réalité. Ses petits pieds claquant sur la pierre, le garçonnet sortait de sa chambre pour se retrouver dans le couloir chaud des appartements de sa famille avant de déboucher dans la cuisine et lâcher une exclamation de joie en reconnaissant la personne devant les fourneaux.

La femme était telle que dans son souvenir, telle qu’il aimait à se la rappeler, avec ses cheveux sombres lui tombant dans le dos, sa peau légèrement tannée et son regard tendre qui vint se poser sur lui alors qu’il venait de courir pour l’enlacer, son visage juvénile venant se cacher contre la robe de sa mère, alors qu’il sentait une main dans ses cheveux et que la voix de sa chère maman s’élevait dans l’air.

« Loìn… tu as fait un mauvais rêve ? »

Malgré lui, l’enfant avait été incapable de répondre, ses larmes s’étaient réunies pour s’écouler librement et en sentant cela, la naine s’était abaissée au  niveau de son plus jeune fils. Les mains de l’adulte vinrent sur les joues du petit, son regard ancré dans les yeux bleus de Loìn pour prendre la parole une fois encore, alors que le gamin s’agrippait fermement dans la peur de la voir s’envoler sans lui, une fois de plus. Une fois encore. Pour répondre à sa question, le plus jeune murmurait en se sentant soulevé, son visage caché dans les cheveux de sa maman.

« J’ai… j’ai fait un vilain rêve… tu… tu étais plus à la maison… tu faisais dodo pour toujours et… et papa… et Fudrìn… ils étaient plus là… parce que j’avais fait une grosse bêtise… j’étais tout seul… et… et j’avais demandé que tu rentres avec papa et mon grand frère et… et vous étiez pas là à… à mon anniversaire. »

Sa voix secouée de lourd sanglot, Loìn se détendait en sentant un baiser sur son front, et avoir le début d’un rire lorsque les lèvres de sa mère se posaient sur lui et que la barbe de cette femme qu’il adorait venait le chatouiller alors qu’il tirait doucement sur une tresse, ravi de retrouver ses habitudes et d’être de retour dans son foyer. Il avait vraiment fait un rêve bizarre… penser que sa famille allait le laisser… c’était impossible… alors qu’il venait de comprendre cela, son père venait de rentrer avec de la neige sur sa cape et son grand frère, Fudrìn, sortait de sa chambre avec les cheveux tellement en bataille que le petit éclatait de rire en le comparant à un ‘époubantai’ comme il le disait si mal. Fermant les yeux sous le geste, le plus jeune de la famille eut comme l’impression que cette scène, cette chaleur… tout s’envolait et quand ses paupières – lourdes cette fois – s’ouvraient, il était de nouveau dans le noir de sa chambre… mais pas chez lui, chez Meruva… ses joues étaient mouillées, il avait donc réellement pleuré… il était encore terriblement fatigué… alors sans réfléchir, il se laissait attraper une fois de plus par le sommeil, murmurant un petit ‘maman’… et jurerait l’avoir entendu lui parler, ce qui amenait un sourire sur ses lèvres fines.

It was just a dream

Installé dans sa chambre, Loìn gribouillait sur une feuille des formes sans aucun sens, ce n’était ni un bonhomme, ni une forêt, en réalité cela ne ressemblait strictement à rien mais au moins son esprit était-il occupé. Après son cauchemar de l’autre jour, ce petit gars était littéralement submergé par les souvenirs, comme hanté par ceux qui étaient partit et cela se ressentait dans son caractère. Disons qu’il n’avait pas toujours été très gentil ces derniers temps, et loin de s’excuser, le brun préférait se murer dans le silence et ressasser encore et encore le dernier jour de vie de ses proches, enfin… de son papa et son frère. Il n’allait jamais oublier ce jour bien entendu, ce serait une part de son être et il ne tenait qu’à lui d’en faire quelque chose de bien – ce discours était celui des grandes personnes, lui n’y comprenait fichtrement rien en réalité, du blabla, rien d’autre – et voilà pourquoi il s’acharnait depuis tout à l’heure sur sa feuille.

* * *

« Papa ! Papa ! Je veux venir avec vous! »

Le nain se baissait à son niveau et fronçait les sourcils, faisant sa tête de monsieur ‘je vais parler très sérieusement’ et le plus jeune de la famille imitait cette expression, réflexe de mimétisme envers son paternel, mais qu’y pouvait-il ?

« Loìn, les voyages ne sont pas fait pour les enfants. Ton frère est maintenant assez grand pour se protéger seul, mais toi… tu ne ferais que nous mettre en péril, car nous devrions veiller sur toi et ainsi baisser notre garde. Tu comprend ? »
« Oui papa... »

[…]

Bien sûr qu’il avait compris, il devait montrer par lui-même combien il était grand, savait se débrouiller et c’est avec beaucoup de soin qu’il avait échappé à sa nourrice pour se faufiler dans le dédale de la montagne. Toute autre personne qu’un nain serait totalement perdu ici, mais lui certainement pas et après quelques longues minutes et la peur de se faire attraper, l’enfant s’était glissé dans le chargement de son père, qui n’allait sans doute pas remarquer que le poids supplémentaire d’un enfant s’était ajouté au reste. Mais rien ne s’était passé comme prévu…

* * *

Il se souvenait des cris, de la façon dont sa famille avait tout fait pour le protéger et les images lui imposaient de fermer les yeux en se concentrant pour les chasser. Plus il essayait pourtant, plus les souvenirs se bousculer pour faire résonner encore les mots d’avertissement de son père, son comportement de ‘monsieur je suis le plus malin’ qui s’était retourné contre lui, sa peur… ses proches qui étaient distraits par leur devoir et leur affection pour le protéger lui, le plus petit… sans son entêtement, peut-être bien qu’ils n’auraient pas connus ce destin… après tout, ils n’auraient pas fait demi-tour pour leur ramener à la montagne, et si ces monstres avaient été assez rapides pour les rattraper, des blessures seraient arrivées bien entendu, mais peut-être pas des morts puisque les deux nains étaient assez vieux pour se protéger seuls… mais lui non, il n’était pas assez fort, il ne serait pas assez grand pendant encore de nombreuses années… tout était de sa faute, il le savait et dans sa main, son outil de dessin brisait sa pointe à cause de la pression faite dessus.

« Pourquoi ce n’est pas qu’un rêve ça ? »

It was just a dream

Il venait de vivre une journée étrange mais aussi de rêve en réalité. Bien entendu, des choses étranges s'étaient produites aujourd'hui... enfin pas étranges non... juste merveilleuses en fait. Quelles choses? Monsieur Dirgion s'était fait mettre la tête au carré et du coup il n'allait pas rentrer à la maison de si tôt. Bien entendu, ce qui était arrivé pour que ce miracle se produise n'était pas quelque chose de joyeux... sa maman Meruva en avait souffert physiquement et lui-même en était encore tout chamboulé quand il y pensait... il avait eut la peur de sa vie et souhaitait que plus jamais cela ne se reproduise désormais, ce qui expliquait aussi sans doute qu'il se soit accroché comme un petit koala à sa tutrice pendant de longues heures, juste pour s'assurer que tout allait bien, qu'il n'allait pas se réveiller pour voir qu'une fois encore il n'avait fait qu'imaginer le départ de ce nain horrible. Bon... en réalité, même avec son imagination débordante, il n'aurait pas été capable de visualiser une telle scène, tout simplement parce qu'il était incapable de souhaiter le mal, même à son pire ennemi... ce n'était pas très gentil quoi.

"Et voilà!"

Voilà quoi? Disons que sur les dernières heures, le petit garçon travaillait sur un cadeau ayant pour but de remonter le moral à sa tutrice, la seule qu'il osait appeler maman désormais sans se dire que ce n'était pas très gentil pour sa mère biologique, que tout allait bien et qu'il voulait lui montrer de toute les manières possibles. C'est pour cela qu'il avait fait ce petit texte composé de ses pattes de mouches habituelles (admettons au moins que Loìn n'écrivait pas très bien en effet) qui complétait un présent voué à éviter que tous les regards ne soient attirés sur la barbe écourtée par cet horrible Dirgion. Pas qu'il en ait honte lui, sa maman était belle en toutes circonstances, mais chez les nains la barbe était tout de même quelque chose de très important et il ne voulait pas que l'on vienne critiquer la naine alors qu'elle avait été bien courageuse contre son propre père abusif. Bon d'accord, la vieille nounou de Meruva l'avait aidé pour l'écharpe en fait, qui masquerait les dégâts le temps que la barbe de sa mère repousse, mais seul l'intention comptait... et lui ne savait pas très bien tricotter autant l'admettre.

Le matin suivant, tiré du sommeil par son ventre qui hurlait famine, l'enfant se levait donc avec un petit sourire sur le visage, impatient de donner ses cadeaux à Meruva et de voir son beau sourire. Sa maman ne pouvait qu'être heureuse, personne ne méritait ses larmes.