Explorons de nouveaux chemins [Eard]

Assise dans un coin de l'auberge, éclairé par des bougies, Aisling observait la salle d'un œil alerte, ce sentant peu à l'aise face à tous ses hommes au bout de la salle qui chantaient des chansons paillardes tout en vidant-à eux seuls des tonneaux d'alcools entiers.

Elle se méfiait des hommes saouls, autant que les pirates et la jeune fille fit tout pour être la plus discrète possible, en laissant même sa capuche sur sa tête.
Le temps était pluvieux dehors et la peintre n'avait aucune envie de quitter ce lieu qui la réchauffée. Elle se contenta alors de gribouiller dans son carnet en silence, tout en avalant de temps en temps une cuillère de sa soupe.
Sa main caressée le papier, du bout de son fusain, formes et voluptés salissées sa feuille transcrisant son propre plat puis une table. Elle finit par dessiner l'auberge entière d'une main rapide, ne s'attardant que sur la construction du lieu et laissant ses personnages qu'en une ombre abstraite.
En regardant son brouillon bâclé, elle se sentit soudain sotte d'être intimidée par des vulgaires modèles,elle sourit d'elle-même.

La peintre prit alors une nouvelle page de son carnet et rechercha dans la salle, la personne qui bougeait le moins. Aisling remarqua alors cet homme assis prés de la cheminée. Il avait l'allure forte et le visage sombre presque froid. Pourtant, ses yeux, tout à l'inverse, possédé une certaine étincelle.

Intéressée par son nouveau sujet, Aisling se coupa totalement de la réalité et traça alors de grandes lignes, puis des plus précises et modela ensuite ses formes en estampant.

L'inconnu apparaissait un peu plus à chaque coup de crayon, elle retranscrivait tous ses détails, en dessinant jusqu'à chaque poil de sa barbe.
C'est au moment qu'elle venait de terminer ses yeux, qu'Aisling remarqua sur son dessin que l'inconnu l'observait.

C'est à ce moment-là qu'elle entendit quelqu'un s'asseoir brutalement en face d'elle. Levant seulement le regard, elle vit alors une dague posée sur la table. Paniquée, elle s'immobilisa gardant la tête basse.

▬"Je ne sais pas ce que vous écrivez sur mon compte, où à qui vous voulez donner ces notes, mais je vous conseille d’arrêter. Je n’ai plus du tout envie de m’énerver, mais si vous croyez pouvoir me choper comme ça, je peux toujours le faire. Donnez moi ces notes, dîtes moi pour qui vous travaillez, et on pourra tous les deux revenir à notre soirée tranquille. D’accord, l’ami ?”

Aisling fut perturbé par cette méprise, elle releva enfin le bout de son nez, osant regarder avec de grand yeux rond son modèle qui était à présent face à elle. La jeune fille posa son fusain, puis d'une main timide, lui tendit son carnet avant d'ajouter d'un souffle court :

▬"Vous... Vous méprenez monsieur...”

Comme elle aurait eu envie de s'enfuir à ce moment-là ! C'était la première fois qu'une telle situation arrivé. Elle baissa les yeux avant d'ajouter :

▬"Je suis désolée, ne voulais pas vous déranger...”

La peintre se sentait honteuse d'être prise comme une vulgaire espionne,  elle craignait d'avoir affaire à un mauvais homme. Après tout, quel genre de personnes pouvait craindre à ce point d'être observé, si ce n'est ceux qui ont quelques choses à cacher. Aisling était totalement sans défense face à sa stature, elle avait l'impression de rapetisser de plus en plus sur sa chaise.  Ce n'est qu'après un long silence qu'elle osa relever les yeux vers lui.

Son excuse fut presque inaudible dans l'auberge, et pourtant Aisling le perçut comme un tintement circonvenant, tel quel ne regarda plus l'homme par son regard craintif, mais plutôt surpris. 
Elle se demanda même si elle avait bien entendu en voyant son visage neutre, mais il continua calmement, de façon un peu brute par maladresse et non par de la méchanceté, ce qui rassura un peu plus la jeune femme. D'autant plus que celle-ci ne voyait plus son arme. Aisling l'écoutait calmement sans rien dire, laissant ses muscles se décrisper peu à peu. 
Tout ceci n'était finalement qu'un grand malentendu, la jeune femme se demanda même si dessiner des personnes sans leurs accords n'étaient pas impolis, surtout lorsqu'on se cache sous une capuche, elle osa d'ailleurs la retirer, trouvant cela plus préférable à présent.

-Je pense qu'un petit remontant me ferais du bien.

 
Répondit-elle alors en osant un léger sourire. La peintre ne savait pas vraiment comment l'aborder, mais à présent qu'elle avait dévoilé son visage, elle ne se sentait pas bien en sécurité à rester seule ici, alors si la présence de cet homme balafré pouvait l'assurer de passer une soirée tranquille, elle n'avait rien contre ! D'autant plus que cela faisait bien quelques jours qu'elle n'avait pas discutés avec quelqu'un.

-Mon nom est Aisling !

Dit-elle d'une voix un peu plus spontanée et sans réserve. Elle lui tendit alors la main pour conclure cette présentation rapide, une poignet de main comme l'aurait fait un homme.

-Je suis peintre, c'est pour cela que je vous dessinez... Encore désolée pour ce malentendu.

Continuât la jeune femme en lui lâchant un sourire beaucoup plus franc. Car Aisling était une femme pleine de vie et bien qu'ils y avaient quelques minutes de cela, elle était effrayée par cet homme, la peintre lui avait déjà pardonné, car elle avait aussi sa part de responsabilité dans ce malentendu.

J'appréciais le geste et infirmai sa critique sur la bière, il faut dire que celle de Belfalas n'était pas terrible non plus et je trouvais celle-ci plutôt goûteuse. Mon hyperventilation de tout à l'heure était passée à un soupir de contentement après avoir bu quelques gorgés. Je me rappelai alors de cette époque ou, étant trop jeune pour boire, je me cachais dans la buanderie avec des amis pour s'alcooliser.
Je sortis de ma poche quelques noix ramassée en chemin et les mis sur le milieu de la table pour laisser le dénommer Eard se servir. Je dépouillai l'écale des noix à l'aide d'un couteau et après avoir mangé le fruit, mes mains jouèrent avec la coque concave issue de la mutilation

".-Et bien, je voyage depuis un moment déjà, en me faisant la plus discrète possible... Souvent en me faisant passer pour un homme, j'évite de voyager la nuit. Ce n'est pas évident certes, mais pour le moment, je n'ai pas encore eu d'ennuis et qu'Illuvatar m'en protège !"

Je passai une main dans ma tignasse avant de lancer une récusation sur une éventuelle remarque de sa part :

"-Je sais que cela peut paraître pernicieux pour une jeune femme qui ne sait même pas se servir d'un couteau, mais... Il n'y a rien qui peut me retenir à faire ce choix. Surtout que j'ai un travail qui a besoin d'être rémunéré, ce n'est pas ici que je risque de gagner ma croûte !"

Sur ses paroles, je bus une longue gorgée dont le fond interne commençait à apparaître. Le breuvage était trompeur, je fus surpris d'avoir déjà chaud aux joues sous l'effet de l'alcool, posant mon verre avec un bruit sourd, je lui lançai en oubliant le vouvoiement :

"-Et toi ? Tu m'as l'air d'être un voyageur, qu'est-ce qu'il te pousse à vagabonder ?"

J'étais rassuré de ne pas être tombé sur le type personne qui fait la leçon à n'importe qui pour ce paraitre plus sage. Je connaissais les dangers, j'ai beau avoir souvent la tête dans les nuages, mes pieds continue de rester à terre. Ce n'était pas une envie de mourir ou que je n'avais aucune peur de la mort, mais plutôt comme une étape finale envisageable pour pouvoir vivre comme je l'entends. Les personnes disant que la liberté n'a pas de prix sont des menteurs. Les miracles qui tombent du ciel ça n'arrivent que dans les contes de fées, j'ai attendu le mien depuis beaucoup trop longtemps pour ne plus y croire.
La vision d'Eard ne me surprenait pas, et ne me faisait pas vraiment rire, je lui répondis d'une voix beaucoup plus calme que la sienne et en lui souriant :

▬ "-Les paysans qui doivent apprendre à vagabonder, n'ont en générale pas vraiment le choix, ils n'espérent que survivre et souvent, ils ne vivent que dans leurs passés et n'aspirent qu'a retrouver un foyé. Vous, vous êtes l'inverse, c'est vrai, et j'espère que vous chérirez votre chez-vous ainsi que vous y trouverez beaucoup de bonheur."

Puis Voyant qu'Eard commençait à partir, j'attrapa ma chope pour la lever en l'air et trinquer :

▬ "-A votre nouveau chez vous !"