Une discussions entre gardien de la Terre du Milieu [Luthien & Thranduil]

Il y avait de cela plusieurs lunes que Luthien s’était entretenue avec le puissant leader des Istaris, lui confiant par missive ses craintes les plus évidentes quant aux ténèbres qui s’étaient peu à peu emparées de leur forêt bien aimée. Luthien l’avait ressentie, elle avait entendu la forêt lui parler et les arbres trembler sous les bourrasques d’un vent un peu trop insolent. Les villageois des hameaux avoisinant colportaient même par delà les contrés que les bois étaient soumis à un sombre maléfice dont les elfes, s’ils n’en étaient pas les auteurs, en était les victimes. Sans réel espoir que l’on prenne sa détresse au sérieux, elle avait lancé un appel comme l’on jette désespérément une bouteille à la mer en priant les Dieux qu’elle tombe entre les mains d’une âme charitable et bienveillante. La sécurité de Vert-bois en dépendait et en tant que soldat de la garde royale mais aussi ambassadrice de Mirkwood, son rôle était de préserver au mieux la sûreté du royaume. Penser que Luthien était dénuée de peur était faux bien au contraire, elle redoutait par-dessus tout que le nom de ses cauchemars soit celui de ce monstre du passé, ce maïa déchu qui a tant fait saigner le monde. Les stigmates laissés par l’Ombre étaient encore trop présents dans les esprits et la peur trop ancrée dans les cœurs pour que les gens acceptent l’éventualité de Son retour. Pourtant il fallait s’y préparer, aujourd’hui plus que jamais car si le dragon représentait un danger conséquent, ce qui s’agençait sournoisement dans les ténèbres n’était en rien plus rassurant.

Ainsi, avec le soutien et l’influence majeure d’Elrond, la situation alarmante de Mirkwood avait su attirer l’œil réservé du Conseil Blanc ou tout du moins deux d’entre eux. Luthien avait espéré que si le seigneur d’Imladris avait été en mesure de pressentir un trouble dans le Rhovanion, sa cousine, Galadriel l’aurait elle aussi ressentie. Elle était la détentrice d’un des 3 anneaux de puissance et devait donc sentir vibrer le pouvoir du créateur de l’Unique si celui-ci agissait ou au moins entrevoir quelque chose de malveillant. Jamais elle n’aurait songé que le plus sceptique du conseil serait venu à elle, prenant même la peine de la contacter par missive prioritaire. Elle n’avait même pas eu besoin de le convaincre ou même de se justifier, simplement de lui faire parvenir un échantillon d’une des immondices galopantes qui peuplent désormais leur domaine profané. Qui l’aurait cru ? Qu’un esprit aussi rationaliste que Saroumane se serait laissé suborné par des parlotes craintives qu’il aurait pu juger d’irrationnelles et de précipitées ? Mais peu importe, maintenant que Luthien avait captivé son attention et éveillé sa curiosité, elle devait absolument amener le mage blanc à méditer sur le sort de Mirkwood. Cela devenait une priorité capitale. Son roi était inquiet, elle le savait, elle le sentait et en souffrait d’autant plus qu’elle ignorait la manière de l’apaiser. Si ce n’est en agissant de la sorte. Elle espérait seulement que cela ne soit qu’une révolte arachnéenne menée par un quelconque orc marginal venu revendiquer et conquérir des terres pour son engeance. Cela était peu probable, non pas qu’ils n’en soient pas capables mais les orcs étaient des soldats et n’agissaient que sous le commandement d’une force dominatrice et plus malfaisante.

Luthien avait veillé une grande partie de la nuit tiraillée par des pensées grisantes sur un avenir incertain. Ce qui allait se dire et être décidé tout à l’heure occupait l’intégralité de son esprit. Comment allait-elle gérer la crise si ses doutes étaient fondés ? Quelle sera la réaction et l’attitude de Thranduil face à l’inévitable ? Que fera le peuple de Mirkwood, se battra t-il pour défendre ce qui leur appartient ou laissera t-il le néant avaler la lumière de leur forêt ? Luthien avait toujours cru en son Roi, à son courage et sa loyauté, elle savait qu’il avait toujours pris les bonnes décisions aussi difficile soient-elles mais saura t-elle accepter la fuite si le roi en venait à se tourner vers cette option ? Il ne s’agissait pas seulement d’un royaume creusé sous les racines des arbres, il s’agissait d’une demeure, d’un foyer qui avait recueilli son âme et celle de sa mère à une époque où elles n’étaient que deux fantômes errants. A leurs yeux, elle était cette terre promise qui les avait aidé à se relever, comblée par la présence d’elfes plus chaleureux que ne le laissait entrevoir leur réputation. Luthien voulait se battre pour ça, pour ce que Mirkwood représentait et pour ce qu’il avait pu apporter aux sujets de Thranduil. Lui-même serait dévasté de voir son domaine annihilé par l’ennemi, lui qui avait bâtit ce repaire il y a de ça des milliers d’années pour un peuple désemparé et désespéré. Au cœur de cette galerie façonnée par ses mains, elle était au plus près de son Roi. Occupant le reste de sa nuit à finaliser les préparatifs pour recevoir Curunir, le mage avait laissé entendre qu’il apparaîtrait aux premières lueurs du jour devant les portes du royaume. Elle songea à ne rien oublier, veillant à ce que le mage dispose de tout ce dont il aurait besoin pour se restaurer et se sentir à l’aise. Une visite de cette qualité, ils n’en recevaient que très rarement, raison de plus pour venter les mérites de Vert-Bois, si ce n’est pas par ses bois maudits, au moins par son accueil chaleureux.

Un garde se présenta dans ses quartiers annonçant à la noldo que le mage tant attendu venait d’arriver et qu’il se trouvait dans la grande salle où il se sustentait. Luthien le remercia d’un mouvement de tête et le congédia gracieusement avant de remonter les artères sylvestres qui leur servaient de ponts. Inutile de traîner davantage dans sa chambre. Elle s’était vêtue pour l’occasion d’une jupe de satin opaline plissée et agrémentée d’une doublure en cuir bleu marine qui habillait ses épaules et redescendait en cascade vertigineuse le long de son dos et au-delà. Sur les sillons décoratifs gravés ici et là sur le cuir, une centaine de perles comme autant d’étoiles sur le drap noir du ciel y étaient incrustés mettant ainsi en valeur la beauté quasi surnaturelle de l’elfe. Ajoutant une petite note de séduction distinguée, un chaste décolleté découpé en cercle offrait un infime aperçu de cette chute sensuelle dans laquelle tout être se serait laissé emporter pour un seul regard égaré vers cette fenêtre d’où naissait le soupçon d'un paradis défendu. Dans le creux de ce qui aurait pu être l’emplacement de ses ailes si elle avait été un ange, une nouvelle forme ceirculaire s’ouvrait sur son dos nu. Sous sa peau satinée se dessinaient les lignes charnelles de ses os qui ondulaient avec grâce dans chacun des mouvements qu’elle effectuait. Eru Iluvatar l’avait faite parfaite, sans défaut, sans rature, et toute la Terre du Milieu était béni par sa présence. Elle s’annonça dans la pièce, déambulant avec la faveur des Dieux dans chacun de ses pas vers le prestigieux maia. Elle avait entendu le compliment adressé aux vins du roi et ne put s’empêcher de sourire avant de répliquer.

- Le vin est à la hauteur de celui qui le boit.

Elle s’arrêta à sa hauteur et s’inclina respectueusement face à lui, la main sur le cœur en guise de salutation.  

- Mae govannen Curunir. Je suis Luthien. Je tenais à vous remercier de vive voix pour l’attention que vous avez porté à ma requête et pour la rapidité avec laquelle vous avez désiré nous rencontrer. Je puis espérais que votre voyage se soit déroulé sans encombre et que vous ne nous apportiez pas de sombres nouvelles. En attendant que mon seigneur se présente, sachez que je reste à votre disposition si vous désirez quoi que ce soit.

©Pando

La déesse Estë ne semblait malheureusement pas être de son côté cette nuit là. Dressé face à la rambarde de son spacieux balcon royal, les doigts délicats et froids du monarque glissèrent tout du long jusqu'à y prendre appui. Son regard s'évada sur le paysage qu'offrait ce balcon sur l'ensemble de la cité souterraine. Il ne lassait pas de la beauté des lieux, malgré que ce dernier ne se trouve pas directement en plein air. Mais, il ne pouvait s'empêcher tout de même de ressentir une certaine nostalgie quand à l'ancienne beauté de Mirkwood. Avant que celle-ci ne se fasse ronger lentement par les ténèbres ainsi que par ces maudites arachnides. Mais Vert-Bois-le-Grand ne fut pas la seule à périr à petit feu. Il en est de même pour Thranduil, sauf que cela ne se voit pas. Personne ne l'a jamais vraiment remarqué d'ailleurs. Hormis de rares personnes, qui ont su croire et lire en lui comme jamais. Sans avoir eu besoin d’en dire trop, ni d’abaisser ses défenses… En faite, il n’y en avait qu’une, à bien y réfléchir. Mais là n’étaient point ses pensées, ce soir. Disons qu’elles se préparaient plutôt à l’arrivée imminente de Saroumane en ses terres, dans son palais. Etrangement, une certaine inquiétude le submergeait déjà. Comme s’il présentait déjà que ce dernier n’allait pas lui annoncer que des bonnes nouvelles. Ou alors, peut-être est-ce tout simplement parce qu’il sait déjà lui-même ce qu’il se passe en ses terres, mais qu’il craint de recevoir la confirmation de toutes ses peurs les plus sombres, en pleine figure. Ce qui était… hélas, prévisible. Galadriel l’avait déjà mis en garde à ce propos.

Un de ses gardes personnels fit alors irruption dans sa chambre, se rapprochant lentement de son souverrain avant de lui annoncer l’arrivée officielle du magicien blanc. Thranduil sorti brutalement de ses songes. Sans se retourner, il acquiesça à cette annonce d’un simple hauchement de tête. Le garde reprit sa place à l’entrée de la chambre, en attendant que le monarque de ne se prépare spécialement pour son invité. Revêtant une belle tenue dans les tons argentés et blanc, qui savaient parfaitement bien mettre ses yeux transperçants en valeur, ainsi que sa longue et fine taille, mais imposante. Une fois prêt, il s’empressa de se rendre sur la terrasse principale du palais afin d’y accueillir son invité. Ne désirant pas faire attendre le tout puissant maïa. Mais lorsqu’il arriva sur place, Luthien semblait avoir déjà fait le nécessaire pour le faire avant lui. Encore une initiative, de la part de la Noldo, qui ne pouvait que l’enchanter. Celle-ci était d’ailleurs de toute beauté. Comme toujours, sa splendeur naturelle égalait celle des étoiles, si ce n’est plus. Même si Thranduil n’en disait rien au travers des mots, son regard parlait pour lui. Etrangement, il lui était de plus en plus difficile de la regarder comme n’importe quel autre elfe. Le Roi des Elfes ne fut pas sourd au compliment du magicien sur ses choix de vins. Même s’il connaissait déjà sa réputation en la matière, ce genre de compliment provenant de Galadriel tout autant que de Saroumane ne pouvait que l’honorer. Il s’approcha alors d’un pas gracieux, avant de prendre à son tour la parole.

« J'espère que la vue est toute aussi satisfaisante qu'est ce vin... »

Mirkwood endormit, dégageait un charme unique en son genre. Thranduil échangea un regard avec Luthien, la saluant et la remerciant comme il se doit d'un mouvement lent de la tête, avant de venir faire face à Saroumane. Un petit sourire étira les lèvres de l'elfe sylvain, le rendant ainsi un peu moins froid qu'il n'y parait au naturel. Il était bien heureux de le voir en son palais, bien que ce ne soit certainement pas pour parler de la pluie et du beau temps.

« Je ne m’attendais guère à vous recevoir aussi prématurément. Ce qui a au moins l’avantage d’abréger notre impatience de vous revoir.  »

Tournant lentement sa tête en direction du magicien blanc, il échangea un regard avec ce dernier, bien conscient de l’urgence de la situation. Il n’était pas venu ici, avec une aussi grande hâte, pour rien. Ce qu’il avait à leur annoncer, était donc certainement bien plus grave que ce qu’il craint à l’origine. Il invita alors Luthien à se mettre à l’aise, avant de prendre place confortablement face à Saroumane. On vint leur servir une tournée de ce fabuleux vin, avant que le monarque ne prenne le verre entre ses doigts puis de se délecter avec plaisir de ce breuvage. Il resta les yeux fermés un court instant, avant de les rouvrir afin d’éviter à son esprit de se mettre à rêvasser. Il devait affronter les dires du maïa. Thranduil inspira profondément, avant de conclure, d’une voix légèrement plus grave que d’habitude. Ce qui cachait une profonde inquiétude et angoisse…

« Je suppose que votre arrivée n’a pas été honoré des plus dignement, à la lisière de la forêt. Sachez que j’en suis désespérément…  Navré. »

Ces immondes créatures donnaient une telle image de son Royaume, avaient pris tellement de vies... Malgré leur lutte acharnée contre ces dernières.

©Pando