En Quête de réponses, ft Ysée / Elrohir

Allongé sur une branche, je me rappelle de cette demoiselle que j’ai rencontrée à plusieurs reprises durant ma longue vie. Quelque chose me dit qu’elle n’est pas une humaine normale. Le nom es dùnedain rôde à la limite de mon esprit et je ne suis pas tout à fait sûr que ce soit réel ou non. J’ai pris un épais livre pour essayer d’en savoir plus. J’ignore combien de générations ont passé, et même si mes soupçons sont réels ou non. Quoi qu’il en soit, Ysée a dit qu’elle se rendrait en Imladris, et je compte bien la présenter à qui de droit. En l’occurrence, puisque Père ne peut pas accueillir personnellement toutes les personnes qui viennent en Imladris, c’est vers ma meilleure amie que je vais me tourner : Elinà. L’elfette adore enseigner, chose qu’elle fait à mi-temps depuis plusieurs siècles maintenant, quand elle n’est pas sur les routes pour récupérer des plantes pour sa guérison, ou en train de soigner des gens. Pour l’heure, elle est toujours là, en Imladris, non loin de mon frère. Ces deux-là se tournent autour sans réellement savoir comment s’ouvrir leurs cœurs respectifs, mais pour le coup ce n’est pas moi qui risquerait de leur donner le moindre conseil. Je serais juste capable de rendre la situation encore pire.

Alors, depuis trois jours, j’attends Ysée dans mon arbre, tout en lisant. Si Elinà me voyait, elle me demanderait ce qu’il s’est bien passé. Déjà que me voir rester en Imladris plus d’une semaine d’affilée est digne d’un miracle, moi avec un livre et non mon épée dans les mains… Oui, vraiment nous vivons d’étranges temps. Il n’est pas possible que tout cela soit de bon augure. Quelque chose va nous tomber sur le nez, c’est obligé. Un dragon ou deux ? Ce serait intéressant. J’ai toujours rêvé de faire du surf sur les nuages sur le dos d’un dragon. Avec mon frère, bien sûr.

Alors que l’après-midi de ce troisième jour touche à sa fin, je referme mon livre et m’octroie une petite sieste. Personne ne me verra, et puis me reposer ne me fait pas de mal non plus. Père l’a bien dit, et plusieurs fois : je suis épuisé. Au bout du rouleau. Totalement fatigué. Mes nerfs sont à vif. Totalement. Les évènements s’enchainent les uns après les autres et je ne suis pas tout à fait sûr de pouvoir gérer tout cela. Après tout, ça n’a jamais été mon truc de gérer les choses. Je les prends comme elles viennent et… Et quand il y en a trop, je craque. J’ai peur de craquer au mauvais moment. Du coup, le conseil de père de me reposer me parait judicieux.

C’est une voix aigüe qui crie mon nom qui me tire de mon sommeil. Un peu surpris je me tourne sur le côté et … Tombe dans le vide. Le livre s’écrase sur le sol alors que mon bras se lève pour attraper la branche du bout des doigts. Heureusement que j’ai de bons réflexes. Par contre, Erestor et Elinà vont me crier dessus pour avoir abîmé un des ouvrages de la bibliothèque… Je relâche la branche et tombe souplement sur le sol. Je ramasse le livre et avance dans les fourrés jusqu’à arriver à l’endroit d’où proviennent les cris. Quelque part dans mon dos, Canasson doit être en train de brouter et il arrivera si je siffle. Je débarque face à la demoiselle et à son compagnon, toujours vêtu d’une de mes tuniques noires très simple. A ma ceinture, mon épée et une cape grise pend sur mon dos. Dame Ysée. Voilà trois jours que je t’attends… J’ai eu peur que tu te sois perdue. J’ouvre les bras pour la serrer contre mon cœur avant de jeter un coup d’œil vers son compagnon. Elrohir d’Imladris. Je lui tends la main droite, à la manière des hommes, pour me présenter.

Perplexe, j’observe le couple, face à moi. C’est un couple, il n’y a pas à en douter. J’observe l’homme et la femme et laisse échapper un petit soupir. Un minuscule soupir. Parce qu’il n’y a pas grand-chose à dire. Si ce garçon ne m’aime pas, pour être franc je ne vais pas… Je ne vais le forcer. Parce qu’il n’y a pas de raison qu’il ne m’aime pas, déjà. Peut-etre qu’il n’aime juste pas les elfes ? C’est fort possible. Ce sont des choses qui arrivent. Je fais une grimace et hausse les épaules. Il me faut les guider vers Imladris en elle-même, maintenant. Il me faut les emmener jusqu’à la cité et les remettre entre les mains de cette chère Elinà. De toute façon, elle s’en sort bien mieux que moi avec les relations sociales. Elle est tellement… tellement trop gentille. Tellement trop souriante. Tellement trop… Tellement trop Elinà. Décidément, je ne comprends pas comment elle fait. Elle est épuisante. Tout simplement épuisante. Sa bonne humeur et son sourire en permanence… si ce n’était pas ma meilleure amie et que je la connaissait mieux que la plupart des gens, je penserais certainement qu’elle n’a pas de problèmes. Mais, attendez de la voir débarquer dans votre chambre à trois heures du matin, en chemise de nuit, parce qu’elle a fait un cauchemar et qu’elle ne veut plus dormir seule. Comme tout le monde, elle a son lot de souci. Et, comme tout le monde, elle a une épaule attentive pour la comprendre et la protéger. En l’occurrence, elle en a même deux, même si je suis plus proche d’elle que mon frère… Je la vois mal débarquer dans la chambre d’Elladan, elle s’y ferait recevoir, tient. Je devrais essayer de faire la même chose… Même si elle est bien capable de me mettre au tapis pour quand même dormir dans mon lit. Le jour où je serais marié, il faudra qu’elle arrête. Ou qu’elle s’entende particulièrement bien avec ma femme parce que… Et bien parce que ça sera gênant.

Peut être est-ce que ressent cet homme ? Je suis son Elinà, et… Et il n’apprécie pas de me voir tourner autour de sa femme ? Pourtant, il devrait savoir que les elfes et les humains… Et bien ça ne se fait pas. Pas souvent. Presque jamais pour être réaliste. Parce que… Parce que les humains ne vivent pas aussi longtemps que nous. Parce qu’ils ne sont… Pas fait dans la même trempe. Et nous… Lorsque notre partenaire meurt, peu survivent. Alors il n’y a pas réellement besoin de s’en faire. Je n’ai pas l’intention de m’éprendre avec une humaine. Et puis, j’ai déjà mon Histiel. Mon cœur est sien depuis longtemps. Et, je n’ai pas l’intention d’arrêter. Mon cœur est au chaud et en sécurité avec elle… N’est ce pas ?

Je marche en silence donc, devant le petit couple. Mon silence est éloquent. Je n’ai jamais été du genre à beaucoup parler de toute façon. Dans mon dos, j’entends Ysée tenter de rassurer son homme. S’excuser de lui avoir menti à mon sujet. Tient donc. Ma petite humaine est donc une vile menteuse ? A moins qu’elle n’ait simplement détourné la réalité pour éviter un amant trop jaloux ? Je n’en sais rien. Quoi qu’il en soit, je ne prends pas le temps de lui laisser celui de répondre. Je m’arrête et me tourne brusquement droit vers Ysée. Il y a une question que je me pose, ma Dame. Quel âge avez-vous au juste ? Je pianote dans l’air avec mes doigts durant une seconde et puis soupire. Je crois bien… Je crois bien qu’Elinà aura pas mal d’informations à vous communiquer si j’ai raison.

Elrohir aurait aimé être de ces personnes qui savaient mettre les autres à l’aise. Il aurait aimé que l’humain ne le regarde pas avec cet air absolument… Comment dire ? Lorsque ce « Eard » le regardait, il avait l’impression d’être un cafard sur le point d’être écrasé. C’était un peu dommage, parce qu’Elrohir n’était pas méchant. Vraiment pas. Enfin, cet homme le voyait très certainement comme un rival. Elrohir aurait le temps de le mettre à l’aise plus tard. Nombreux étaient les humains qui ne savaient pas que les elfes n’étaient pas du genre à flirter, ça non. Au contraire, ils étaient fidèles à leur unique amour jusqu’à la fin des temps. Et, cela, les humains avaient du mal à le concevoir. Leurs mœurs à ce sujet étaient bien plus libres que ce qu’Elrohir connaissait. Il était lui-même assez proche des humains, passant beaucoup de temps avec les cavaliers du Rohan, et il était familier de leurs coutumes. La réciproque était cependant fausse, la plupart des elfes préférant rester dans leurs cités, voyageant peu et évitant la compagnie des autres races. L’elfe eut un sourire acide à cette idée. Si seulement ceux-là savaient ce qu’ils perdaient !

Il finit par poser une question à Ysée, lui demandant son âge. Sous son apparente jeunesse, il avait cette impression qui ne le quittait pas qu’elle était un peu plus que ce qu’elle semblait. Et, avec les siècles, Elrohir avait appris à écouter ces pressentiments. Son frère et lui avaient finit par conclure que c’était un don lié au don de medium de leur père, et à celui de leur mère, mais en bien moins puissant. Il n’avait pas, comme Elrond ou Arwen, des visions. Non. Il sentait juste certaines choses, comme s’il était plus sensible que la normale. Trente et un ans, répéta-t-il avec un sourire. Elinà allait avoir du travail pour apprendre à cette demoiselle ce qu’elle était. Il hocha la tête et, après quelques mètres supplémentaires, il s’effaça pour laisser Ysée et Eard observer Imladris dans toute sa splendeur. Les mots manquèrent à la jeune humaine qui s’arrêta en pleine phrase pour découvrir la cité. Soyez les bienvenus chez moi, dit-il simplement. Lui aussi voyait toujours la beauté des lieux, mais il n’était plus vraiment surpris. Cette splendeur, il vivait entre ses murs depuis toujours. Cependant, il aimait à voir ce que la cité faisait aux nouveaux arrivants, à ceux qui la voyaient pour la première fois.

Il leur laissa quelques minutes avant de désigner une elfe qui était assise à l’entrée de la ville, un livre sur les genoux, perdue dans sa lecture. Elinà est une amie. Elle est guérisseuse à Imladris, et depuis récemment elle s’occupe d’enseigner à nos enfants l’histoire de notre monde et l’art des plantes. Recemment… une quinzaine d’années. Un simple souffle pour un elfe, après tout. Elle est bien plus à l’aise avec les mots que moi et pourra vous expliquer exactement ce que vous êtes, Dame Ysée. Car, il en était sûr, désormais. La jeune fille n’était pas humaine. Vraiment pas. Enfin, pas totalement. Il prit les devant, laissant le couple décider de le rejoindre à leur rythme et rejoignit rapidement Elinà pour lui glisser quelques mots avant l’arrivée d’Ysée et de son compagnon à leur niveau.