Parce qu'entre toi et moi il y a bien plus que de l'amitié, encore faut-il que nous ouvrions les yeux [Histiel ♥]

Voilà maintenant plusieurs jours que nous sommes arrivés à Caràs Galadhon. J’ai pu passer du temps avec ma grand-mère, et nous avons beaucoup discuté. Je me suis fait taper sur les doigts comme il se doit pour mes nouvelles cicatrices, résultats de mes dernières frasques auprès des orcs, et j’ai pu faire en sorte que mon pied se repose assez pour être considéré comme quasiment guérit. Peut-être pas par Histiel, mais à mon sens elle est toujours bien trop prudente avec moi. Je n’ai pas non plus besoin d’être materné, vous savez. Même si, pour le coup, j’apprécie de la voir prendre soin de moi.

En cette matinée radieuse, je prends la cane avec laquelle j’ai encore le besoin de marcher après plusieurs heures à crapahuter, et je me rends jusqu’à la chambre d’Histiel, dans la demeure de ma grand-mère, où elle est invitée comme moi. Le trajet est court, et je fais attention à ne pas trop forcer sur mon pied. J’en aurais bien besoin pour conduire mon amie jusqu’à l’endroit que j’ai prévu de lui montrer. Trois coups à sa porte, et me voilà en train d’attendre qu’elle m’ouvre. Je commence à m’impatienter lorsque la porte s’ouvre enfin sur celle qui a su me voler mon cœur et je lui tire un sourire sincère. Bonjour !

Pour l’occasion, je me suis fait beau. Loin de moi cette tunique noire et très simple que je porte habituellement. J’ai une jolie veste grise, une ceinture ouvragée et si c’est Aranrüth et non une épée d’apparat qui se trouve à mon côté, c’est uniquement parce que je suis incapable de me séparer de cette lame. Elle est plus qu’une épée à mes yeux, mais une véritable extension de mon bras. J’ai même pris le temps de coiffer mes cheveux et de tenter de les dompter, si on peut dire. Clairement, cela va durer dix minutes, et puis je passerais la main dedans pour les ébouriffer. C’est naturel chez moi, et lorsque Histiel est dans les parages, je suis assez souvent mal à l’aise face à elle pour jouer avec mes cheveux à longueur de temps.

J’ouvre les bras pour la serrer contre mon cœur et, après une seconde d’hésitation, je dépose un baiser sur son front. Pas sur ses lèvres, non. À dire vrai, je n’ose pas réellement, ici. J’ai toujours l’impression qu’un des elfes de ma grand-mère est en train de nous espionner et va aller tout lui répéter. Déjà qu’elle doit bien se douter que je ne suis pas venu avec Histiel juste pour venir avec elle. Mille ans qu’elle me fait des allusions que je refuse de voir, cette vieille harpie, elle ne serait que trop contente de me voir enfin écouter ses conseils, et s’en rengorgerais pendant des siècles. Quelle famille, je vous jure…

Tu viens te balader avec moi ? Le guérisseur que ma grand-mère m’a obligé à aller voir a dit que je devais marcher pour éviter que les muscles ne se tendent trop… Ou je sais pas quoi. A dire vrai, je n’ai pas écouté grand-chose de ce qu’il me disait, me contentant de bouder pendant qu’il parlait avec mamie. Il est vachement moins sympa que toi, tu sais. Je lui tends mon bras libre pour qu’elle le prenne, avant de commencer à marcher dans les couloirs lumineux. Je me suis dit qu’on pourrait aller jusqu’à la rivière et la suivre une heure vers le sud, jusqu’à ce coin que j’apprécie tant. Je désigne le sac qui pend à mon côté d’un geste du menton. J’ai pris un piquenique. Et puis, surtout, j’aimerais lui offrir – enfin – ce bracelet que j’ai réussi à reconstruire à partir de mes souvenirs et des dessins qu’elle m’en avait fait autrefois. J’ai bien peur de sa réaction. Comme toujours, je ne vois en moi que le pire, et j’ai du mal à envisager que je puisse être aussi doué en joaillerie que certains veulent me faire croire avec leurs louanges. Et, ensuite, embrayer sur cette discussion que mon cœur appelle depuis le jour où je l’ai aidée à aller chercher des plantes… Parce qu’il y a encore tant de non-dits entre nous… Mais, pour ça… Je me suis promis de la laisser aborder le sujet en premier. Quand elle sera prête. Alors, nous verrons. Nous verrons ce que cela donnera.

Comment ai-je pu ne serait-ce que songer que ma chère, ma tendre et belle Histiel allait éviter de remarquer que… Et bien que j’ai fait en sorte de travailler mon apparence. Un peu. Beaucoup. Bon, d’accord : ma tunique est carrément neuve et fait presque penser à une tenue d’apparat. Mais tout de même ! J’ai le droit de me faire beau pour l’elfe de ma vie quand même. Je baisse les yeux, rouge comme une tomate, et laisse échapper un soupir lassé. Elle est vilaine, des fois. Vraiment vilaine. Mais ici… Ici c’est étrange. Même si Imladris est ma patrie, même si je ne m’y sens plus à l’aise, je connais l’endroit comme ma poche, et une part de moi la considèrera toujours comme mon foyer. Une part de moi sait que je ne pourrais jamais réellement m’en éloigner. Peut-être est-ce pour ça que… Peut-être est-ce pour ça que j’ai fait le premier pas auprès d’Histiel là-bas. Ou que j’ose l’y embrasser sur la bouche. Le baiser que je laisse sur son front me laisse un goût amer dans la bouche. Parce que je ne suis pas certain que ce soit ce que je veux réellement. Non, en fait je suis sûr que ce n’est pas ce que je veux. Mais ici, je suis mal à l’aise. Et puis, il y a le souci de ma grand-mère. Alors, je babille. Je parle, encore et encore. Je dis tout ce qu’il m’est arrivé depuis la dernière fois que j’ai croisé ma belle. Il y a deux jours. Deux jours seulement. Pourtant, c’est long. Très long.

Une petite promenade, oui. On ne va pas trop loin. Un peu quand même. Je lui souris, amusé. De toute façon, il faudra penser au retour aussi. Parce qu’on ne pourra pas rester là bas. Il y a… Il y a des choses sympathiques. Et il fait bon. Mais, je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée de… passer la nuit là bas. Pas sans qu’elle n’ai répondu… Pas sans qu’elle ne m’ait dit ce qu’elle pense de cette bague que je lui ai offerte. De cette proposition que je lui ai faite. Est-ce qu’elle va me briser le cœur ? Ou pas ? Père m’a dit… Il m’a avoué qu’il y avait ce lien qui unissait les elfes depuis leur naissance. Quand un cœur chante, l’autre chante aussi la même chanson. Si mon cœur chante pour Histiel, alors le sien doit chanter pour moi. Logiquement. Mais, la logique et la raison… Je n’y ai jamais réellement cru, vous savez.

Oh, arrête. Il n’y a pas de grenouilles ici ! Je lance un sourire amusé à mon amie tout en passant mon bras sous le sien, au moment où elle en fait de même. Et nous voilà partis. Je mène la danse pour l’entrainer vers l’endroit où je veux aller. Vers l’endroit où nous voulons aller. Nous n’avons pas de temps à perdre. Je suis pressé. Pressé de lui offrir ce cadeau qu’il y a dans ma besace. Et dans tous les cas, oui je souhaite prendre le risque. La vue en vaut le coup ! Et, puis, j’ai un cadeau que je ne veux t’offrir que là-bas. Je n’en dit pas plus. Mon bras sous le sien, nous marchons. Nous sortons rapidement de la cité. Parce qu’elle n’est pas très grande. Très haute, par contre. Perdue dans les hauteurs des arbres. Mais, moi… Je ne peux pas monter sur les passerelles. Nous marchons donc, et la rivière est bientôt sur notre droite. Là, je commence à la suivre, dans le sens du courant. Tu as pu faire beaucoup de choses, depuis que tu es là ? Raconte moi ? Je veux tout savoir de ce qu’elle a fait. Avec, je l’avoue, une pointe de jalousie. Et si elle avait rencontré un elfe plus intéressant que moi ?

Ça non, je n’ai pas l’habitude des compliments. Vraiment pas. Je ne sais plus trop où me mettre, et tourne au rouge vif lorsque l’elfe de mon cœur me dit qu’elle aimerait bien me voir plus souvent comme ça. J’Inspire un grand coup et secoue la tête de droite à gauche avant de bafouiller Peut-être bien que je ferais un peu plus d’effort, si on se marie. Voilà encore quelque chose qui sort de ma bouche sans que je ne réalise réellement ce qui sort. Une gaffe ? Peut être. Ou alors, un indice à la demoiselle. Un indice sur ce que je serais prêt à faire pour elle. Pour elle, j’abandonnerais en partie ma vie de solitaire et mes voyages. Nous partirions tous les deux, nous nous baladerions jusqu’à la fin de la Terre connue et nous finirions par nous poser sur le bord d’une falaise pour observer le soleil couchant ensemble. J’ai des idées étranges lorsque je suis avec elle, j’ai des idées qui me donnent envie de construire des choses, et non de fuir en avant. Elle me fait l’effet d’un beaume sur le cœur, d’un pansement apaisant. J’ai juste peur du moment où on va m’arracher le pansement.

Les « et si » qui hantent mon esprit reviennent à l’action, comme toujours. Je n’aime pas ce status quo entre nous deux. Je n’ai pas envie de me retrouver avec le cœur brisé, alors que j’aurais appris à aimer et à l’ouvrir. Appris à espérer.

On va moyennement loin. Je confirme sa phrase avec un mouvement de la tête, amusé. Et puis, je m’enfonce un peu. Lui disant qu’on doit être rentrés avant la nuit. Même si ça ne me dérange pas de rester sur place, pas du tout même. Je me demande juste si elle apprécierait. D’être seule avec moi, s’entend. Parce que le guérisseur a dit que je devais rentrer pour mettre un cataplasme sur ma jambe ce soir. Je souris à l’elfe de ma vie et hausse les épaules Mais, si j’ai ma guérisseuse personnelle pour me soigner, alors… Alors on pourra s’occuper de le faire sur place, non ? je tends le bras pour lui remettre une mèche derrière l’oreille avant de continuer. Nous sommes en Lorien, il ne peut rien nous arriver ici. A part nous faire courser par un sanglier de mauvais poil… La magie de ma grand-mère et de son anneau empêche les mauvaises personnes d’entrer.

Le sujet des grenouilles est sensible. Vraiment sensible. Parce que je ne les aime pas. Du tout. Mais, je n’en ai jamais vues en Lorien. Jamais. Pas une seule fois en trois mille ans. Histiel tente de me faire peur, je le sais, mais je m’en fiche. J’ai confiance. Nous nous mettons en route sur cette note humoristique et nous avançons entre les arbres, ‘un bon pas pour quelqu’un de blessé comme moi. J’en avais besoin je dois l’avouer. De marcher un peu. De retrouver un peu de mobilité. Tout ce temps à claudiquer… Ce n’était pas drôle du tout. Maintenant, ça commence à aller mieux. Il faut en profiter. J’en profite pour expliquer le pourquoi de cette ballade à ma chère Histiel. C’est cette surprise là, justement. Je me retourne pour lui faire un grand sourire. C’est que ça l’a stoppée. Et, il en faut beaucoup pour surprendre cette chère Histiel. Elle me connait par cœur, depuis le temps que nous sommes amis. Alors que nous nous remettons en marche, je lui demande ce qu’elle a fait cette dernière semaine où nous ne sommes que très peu vus. J’écoute sa réponse et hoche la tête. Tu as raison, surtout avec moi en patient préféré. Je suis un peu une catastrophe pour tes stocks, hein ? Encore heureux que mon frère aille voir Elinà, tu ne crois pas ? si tu devais nous soigner tous les deux… Tu devrais refaire ton stock toutes les semaines. Je laisse échapper un petit rire et hausse les épaules. Allons bon. Tu pense qu’Elinà et Elladan se trouveront un jour ? C’est pourtant clair même pour moi qu’ils sont faits l’un pour l’autre… autant que moi et Histiel ? Peut être… Je n’en sais rien. Rien du tout. Je l’espère. Vraiment.

Quelque part, oui c’était une proposition. Mais, encore une fois, j’aurais pu faire mieux. Malheureusement, ce n’est pas une chose facile à faire. Demander quelqu’un en mariage. Sérieusement. Pour le coup, j’ai réellement l’impression de m’enfoncer dans quelque chose de plus en plus impossible. Vraiment impossible. C’est comme si d’un seul coup toute ma verve naturelle s’en allait au profit d’un bafouillage d’enfant. C’est ça, face à Histiel, j’ai l’impression d’être un enfant qui est prit en faute. Et, ça me donne l’impression que je vais réellement me planter. Alors, je tâte de terrain. Un peu. Beaucoup. Et puis, quand je ferais réellement à Histiel une proposition de mariage… Oh et bien, j’y mettrais les formes. Vraiment. Qui sait, c’est peut être aujourd’hui. Mais, je t’ai déjà donné la bague. Un sourire amusé monte à mes lèvres et je penche la tête sur le côté. Est-ce qu’elle dirait oui ? Est-ce qu’elle accepterait ? Je n’en sais rien du tout. Une part de moi a envie de dire que oui. Après tout, notre relation est devenue étrange. Vraiment étrange. Alors que nous sortons de la cité suspendue de ma grand-mère, je me sens le cœur plus léger. Vraiment plus léger. Parce que cet endroit, je l’adore, mais pour le coup, je suis persuadé d’être surveillé par ma grand-mère. Ne cherchez pas, cette vieille sorcière a des yeux derrière le crâne. Pour être franc, elle me fiche les jetons, parfois. Je l’adore, mais elle a cette façon d’arriver derrière vous comme un fantôme et de… Oui, vraiment ma grand-mère est flippante. J’ai pris le cataplasme. Je souris. J’ai pensé à tout. Le plus de temps je passe avec cette demoiselle, le mieux je me retrouve.

Mais, Histiel s’inquiète. Histiel semble être un peu sur les nerfs. C’est normal après tout, vu l’attaque dont nous avons fait preuve il y a peu. Mais, d’un autre côté, j’ai du mal à comprendre pourquoi ici. Pourquoi aurait-elle peur en cet endroit ? La Lorien est un endroit paisible et protégé par la magie de ma grand-mère. Son anneau est puissant, plus puissant que les orcs et autres créatures du même genre. Tu t’inquiète pour moi ? Ou pour le nombre de bêtises que je pourrais faire en sachant qu’il n’y a plus d’orc à proximité pour me faire me contenir ? Je lui envoie un sourire amusé.

Et puis, je parle de ce qu’elle a pu faire depuis que nous avons été séparés. De ce stock d’herbes et de plantes qu’elle a fait. Mon hypothèse est intéressante. Et, la réponse de mon amie me tire un sourire amusé. Oh, Elladan cherche la moindre excuse pour aller voir Elinà. Je me doute bien que tu le soignerais mais… Il est tellement accroc à son elfette sans même s’en rendre compte qu’il irait la voir même quand il se pique avec une plume, juste pour avoir une excuse. Un rire amusé monte à ma poitrine. Je dois avouer que j’ai fait la même chose. Mais, pour l’heure, je soupire tristement. La cité est dans notre dos et je tourne sur le côté dans un petit chemin qui s’arrête au bord de la rivière. Je m’arrête soudainement et tourne la tête vers mon amie. Oh, et j’allais oublier. Je l’attrape par la taille pour la tirer vers moi et dépose un baiser sur ses lèvres avant de m’éloigner un peu, souriant. J’en dépose un autre sur son nez et me remet à boitiller vers la rivière. En réalité, je n’avais pas oublié. Et, la demoiselle m’avait bien semblé un peu déçue lorsque je l’ai saluée. Mais, pour le coup je n’ai pas osé. Pas avec les gardes autour de nous. Ce n’est plus très loin. On entend déjà un peu le bruit des petites cascades, du bout de nos oreilles pointues. Au bout de quelques minutes de marche supplémentaire, je tourne dans les fourrés et entraine la demoiselle jusqu’à un petit coin de paradis

Je ne fais des mystères que quand ça vaut le coup, et tu le sais. Ou quand je prépare une sale farce. Mais, pour Histiel, il n’y avait plus de sale farce depuis un sacré moment, ça non. Parce que Histiel… Ho Histiel elle ne mérite pas que je la traite comme ça. Ça non. Elle mérite d’être traitée comme une princesse. C’en est une, à mes yeux.

Quoi qu’il en soit, nous voilà arrivés rapidement à l’endroit que je voulais tant lui montrer. Ce petit trésor caché en Lorien. Je la laisse s’avancer pour observer les lieux, un sourire sur les lèvres, avant de secouer lentement la tête de droite à gauche. Elle est mignonne comme tout, mon Histiel, avec son expression totalement stupéfaite sur les traits. Finalement, sa voix semble lui revenir et elle me demande si je viens là souvent. Le plus possible, oui. C’est un de mes endroits préférés sur cette terre. Des fois, je me glisse en Lorien juste pour venir ici, sans même pousser jusqu’à Caràs Galadhon. Si ma grand-mère apprenait ça un jour, autant dire que ce serait le meilleur moyen pour me faire tirer les oreilles. Mais, elle ne le saura pas à moins que Histiel ne le lui dise. J’attrape à nouveau le bras de mon amie et part vers la droite, sur un petit chemin à peine visible. Après une centaine de mètres, nous arrivons à une sorte de petite grotte aménagée par mes moins. Il y a là une table, des chaises faits avec de grosses pierres et une paillasse confortable pour dormir. Je dépose mon sac sur la table et me tourne vers Histiel. Bienvenue chez moi. J’écarte les bras, un sourire de gosse sur le visage. Je suis soulagé. Elle n’a pas l’air de vouloir s’enfuir. Je m’avance ensuite vers elle et dépose un baiser sur son nez. Mon expression se fait plus mystérieuse et j’hausse un sourcil. Au fait… Tu te rappelle, je t’avais parlé d’une surprise ? Je me recule ensuite et souris, amusé. Tu veux essayer de la deviner ?

J’ouvre la bouche quand la demoiselle me dit que je fais des mystères avec mon frère, et je me contente de la refermer et de faire un grand sourire à la demoiselle elfe en face de moi. Je ne dirais pas le contraire : lorsque mon frère est dans les parages, autant dire que je redeviens un grand gamin et que la chasse à l’orc, c’est mon principal intérêt. Sauf que, sortir à deux pour aller taper des orcs, même si c’est mon travail principal dans la vie, suivit de près par « rendre la vie dure à ma sœur », ce n’est pas super intelligent. Donc, j’ai tendance à le cacher. Encore et encore. Mais, je sais bien que les gens ne sont plus vraiment dupes à nos mensonges, à Elladan et moi. Enfin, je suis généralement le premier à rentrer « à la maison », aussi. Ella a tendance à ne jamais vouloir s’arrêter, quand moi je préfère me poser avant d’être trop blessé et d’avoir trop tenté la chance. Et puis, ces derniers temps, je dois avouer que j’ai eu beaucoup à penser. Il y a eu Eléa, d’abord, et puis mes sentiments pour Histiel qui ont pris de plus en plus d’importance, avant de finir par imploser en moi. Et puis, il faut avouer que j’ai pris du plomb dans la tête, mais aussi mes responsabilités à bras le corps. J’ai commencé – après presque deux mille huit cent ans à les nier – à accepter d’être qui je suis. Un prince elfe, qui un jour règnera sur Imladris, si Père décide d’aller rejoindre Mère sur les rives éternelles. Cette réalité me fait encore mal, parce qu’elle n’est pas facile à accepter. Le départ de ma mère a été d’une brutalité sans nom à mes yeux. Et, aujourd’hui encore j’ai du mal à me retrouver face à l’un de ses portraits sans sentir mon cœur se briser. Alors, imaginer mon père s’éloigner à son tour ? Non, je ne le peux pas. Pas vraiment.

Du coup, je préfère me concentrer sur Histiel, sur mon rayon de soleil. Je l’observe avec un sourire amusé. Je sais qu’elle déteste ça, quand je lui fais des cachoteries. Je sais qu’intérieurement, elle est en train de bouillir, de se tourner la cervelle dans tous les sens. Qu’elle doit être en train de se demander si je ne vais pas lui faire, l’une de ces mauvaises surprises que je sais si bien préparer de temps à autre. Mais, non. Aujourd’hui sera une bonne surprise. Une véritablement bonne surprise. Déjà, par l’endroit où je l’emmène. Non, je n’ai pas honte. Et, je pense que mes oreilles sont assez grandes comme ça. Elles ont déjà été beaucoup trop tirées à mon gout. Je fais trop de bêtises. Alors, on agrandit mes oreilles pour me punir, à chaque fois. Un peu plus à chaque bêtises. Des fois, je me dis que je vais finir avec les plus grandes oreilles elfiques du monde. Mais, ensuite, je me dis que ça serait quand même une sacré mauvaise idée. Parce que ça voudrait dire que j’ai encore fait plus de bêtises. Et, je me suis promis d’être sage… Un peu. Quand on me regarde, quoi. C’est pour ça que je te montre l’endroit. Pour que tu puisses me trouver quand tu me cherche. Quelque part, je la fais entrer. Je la fais entrer un peu trop dans mon cœur, et… J’ai peur. Vraiment peur. Qu’elle réalise ce qu’il se passe et… Qu’elle me repousse. J’ai vraiment le cœur qui bat vite dans ma poitrine.

Pour embêter une dernière fois l’elfe de ma vie, je tente de lui faire deviner la fameuse surprise dont je lui parle depuis des jours, car non ce n’est pas cet endroit quoi qu’elle ait pu en penser. Mais, elle ne joue pas le jeu. Je fais une grimace amusée avant de froncer les sourcils et de la pointer du doigt. Oh, je ne suis pas sûr que tu la mérite. Tu dois jouer le jeu, voyons ! Je souris, amusé. Et puis, je plonge la main dans mon pourpoint et en sors un petit sac en soie rouge que je pose entre les mains d’Histiel. Dedans, le fameux ouvrage que j’ai réalisé pour elle. La réplique du bracelet de sa mère. J’ai tenté d’être le plus proche possible de ce à quoi il ressemblait dans mes souvenirs. Mais, est ce que la gemme était ronde ou ovale ? Ce serpentin était-il placé là ou un peu plus à droite ? Au final, j’ai peur qu’elle soit déçue. Ce n’est pas l’original, ça non. J’y ai cependant mis tout mon cœur. C’est ce qui compte, non ?

Elrohir était donc installé en face d'Histiel, et après avoir discuté durant un moment, d'un peu tout et rien, ils en étaient venus à se chamailler un peu. Sur les oreilles d'Elrohir. Sur le fait qu'il préférait venir dans cet endroit qu'aller dire bonjour à sa propre grand mère. Oui, Elrohir avait pas mal de choses en tête, et il ne perdait pas de vue le tout dernier : aujourd'hui serait un jour spécial. Un jour très, très spécial. Il taquina donc Histiel, une nouvelle fois, en lui demandant de deviner ce qu'il lui avait apporté. Ce qu'il avait fabriqué. Finalement, il lui avait donné. Si les elfes sont particulièrement capables de cacher leurs sentiments, Elrohir avait le coeur qui battait bien trop vite à son gout. Il était persuadé que ça se voyait. Totalement sûr. Histiel était une guérisseuse, après tout. Elle devait être capable de se rendre compte de ce genre de choses. L'elfe ramena ses mains devant lui et il patienta. Son regard ne quittait pas le visage de son amie elfe. Il l'observait, encore et encore.  Elle cligna des yeux.

Est ce que c'était un bon signe ? Un mauvais ? Elrohir rongeait son frein. Il attendait clairement ce qu'elle allait dire, son elfette. Il se mordit la lèvre inférieur. Il l'observait toujours. Il attendait. Finalement, elle lâcha une phrase ... Totalement hors propos. Il sourit. Oh, si elle savait combien il buvait ses paroles, depuis si longtemps... Il se demanda si elle serait capable de comprendre. Finalement, elle lui dit que le bracelet était magnifique, et cela... Oh, cela ôta un poids sur les épaules d'Elrohir. ça oui. Il sourit et soupira, soulagé comme pas possible. Il referma ses bras sur elle lorsqu'elle s'approcha pour l'embrasser et il lui sourit, sans qu'elle ne puisse le voir. Il nicha son nez dans les cheveux de la demoiselle-elfe et sourit. Hiril vuin, murmura-t-il en lissant ses cheveux. Evidemment, que je t'écoute. Bien plus que tu ne peux le croire. ça oui. Elrohir pouvait être un sale gamin imbu de lui même la plupart du temps, mais il savait écouter. Vraiment écouter. Je t'aime, Histiel. Le monde s'arrête de tourner quand tu es à côté de moi. Chacune de tes paroles est plus agréable à mes oreille que la plus douce des musiques.

Elrohir eut un petit rire amusé lorsqu’Histiel lui dit qu’elle allait désormais pouvoir parler à torts et à travers, et qu’elle avait donc la preuve qu’il l’écouterait toujours. Je ne garantis pas de tout retenir par contre, fit-il un peu paniqué. Non mais vraiment… Il n’était pas tout à fait certain que ce soit la meilleure idée du monde. Après, il allait devoir tout retenir sans quoi elle le lui reprocherait. Il avala sa salive avec quelques difficultés, mais il continua tout de même. Il lui ouvrit son cœur pour la toute première fois. Le rapprochement qu’ils avaient depuis quelques mois était un véritable baume pour son petit cœur blessé. Elrohir commençait enfin à se remettre du départ de sa mère. Et, quelque part, c’était ce qui l’avait empêché de se lancer plus tôt avec Histiel, bien qu’il sache parfaitement que son cœur était déjà pris par la jolie brune. Il y avait cette part de lui qui ne cessait de lui répéter qu’il n’était pas digne d’elle. Vraiment pas. Qu’elle méritait bien mieux qu’un elfe qui passait son temps à courir les terres du milieu avec son frère afin de traquer les orcs, qui revenait une fois sur deux avec de nouvelles blessures et qui n’était pas capable de tenir en place. Cependant, il espérait aussi que ce qu’il était, avec toutes ces imperfections humaines, lui suffirait. Elrohir n’avait d’ailleurs pas envie d’être autre chose qu’un elfe, mais fort lui était de constater qu’il possédait tout de même cette part humaine en lui. Cette petite chose qui le rendait totalement casse-cou et immature. Il était lui, tout simplement.

Et, là il avait une trouille immense. La première et énorme trouille qu’il n’avait jamais pu avoir auparavant. Il ne savait pas vraiment comment caractériser tout ça. Même faire face à deux, avec son frère comme back-up, à une troupe entière d’orcs ne lui procurait pas cette impression qu’il allait tomber du bord du précipice sur lequel il se tenait. Ça non. Il n’avait jamais été aussi anxieux qu’en offrant ce fameux bracelet à Histiel, puis en lui avouant qu’il l’aimait. Et, il n’avait non plus jamais été aussi heureux qu’à l’instant où il entendit Histiel répondre favorablement à ses sentiments. Il eut un sourire radieux et la serra contre lui. Il déposa un baiser sur son front avant de lâcher un petit rire amusé. Il m’aura fallut de nombreux siècles pour oser te faire la cours, répondit-il avec un air un peu gêné. Je me suis persuadé tout seul que tu ne voudrais jamais de moi, avoua-t-il, un peu penaud. C’était vrai. Il avait même évité Histiel pendant une petite dizaine d’années par la suite. Mais, maintenant, il était prêt. Pas prêt à grandir, ni prêt à arrêter ses voyages, ça non. Mais, il était prêt à accepter de faire un peu plus attention. Il était prêt à penser à une autre personne avant de penser à lui-même. Et, ça c’était un grand pas en avant pour le prince infernal qu’il était. Enfin, il fallait aussi avouer qu’il avait tellement pensé qu’il n’arriverait jamais à ce moment précis de sa vie qu’il n’avait jamais prévu ce qu’il se passerait ensuite. Il n’allait pas poser la question. Ce n’était tout de même pas poli. Est-ce qu’ils allaient se marier ? Fonder une famille ? Elrohir avait envie d’avoir des enfants, surtout pour leur apprendre toutes les bêtises possibles et imaginables. De toute façon, ils ne pourraient pas être pires que lui-même. Elrohir ne voulait cependant pas se poser non plus. Il ne pourrait jamais rester à Imladris sans bouger durant des siècles et des siècles. Il avait besoin de voyager. Souvent. Mais, il pourrait faire un effort. Tenter de seconder son père dans la gestion de la cité, par exemple. Apprendre son devoir de prince. Réapprendre, plutôt. Il sourit à cette idée. Son père serait ravi de l’avoir à ses côtés.

Parce que tu mérite bien mieux qu’un guerrier qui passe sa vie à mettre ses jours en dangers, répondit Elrohir d’une voix douce. Histiel méritait mieux, c’était clair et net. Elle méritait quelqu’un qui sache se sédentariser, qui sache rester à ses côtés. Pas un elfe incapable de poser ses fesses au même endroit plus de quelques semaines. Et, Elrohir faisait partie de cette catégorie. Généralement, il ne restait à Imladris que lorsqu’il était blessé et qu’il ne pouvait pas voyager. De temps à autre parce que son père avait besoin de lui pour le seconder. Mais, c’était rare. Elrohir aimait trop les voyages pour arrêter. Une part de lui se demandait s’il aimait aussi trop les combats pour arrêter. Mais, ce n’était pas la question. Dans tous les cas, Il était sûr et certain qu’Histiel s’attendait à quelqu’un d’autre. A quelque chose d’autre. Même maintenant qu’elle venait de lui avouer que ses sentiments étaient réciproques, Elrohir avait une petite peur qui grandissait en lui. Il avait peur de ne pas être à la hauteur. Peur de ne pas savoir réellement quoi faire de sa vie. Peur de se faire tuer. Peur de ne pas savoir arrêter de plonger la tête la première dans le premier combat qui s’offrait à lui. Mais, il avait aussi peu de la perdre. Peur qu’elle se détourne de lui. Car, il l’aimait. Il l’aimait plus qu’il n’avait jamais pu aimer quiconque dans sa vie auparavant. Il n’y avait jamais eu qu’elle. Et, il n’y aurait jamais qu’elle. Elrohir sourit à cette pensée et déposa un baiser sur le front de… sa promise ? Oui, c’était ainsi. Maintenant, sans qu’il n’y ait eu de demande en mariage romantique à souhait, ils étaient promis. Car, lorsque deux elfes s’aimaient, ils se fiançaient. Et se mariaient. Elrohir allait fabriquer une bague à sa belle. Et le lui demander dans les règles. Tout de même. Mais, il était sûr et certain maintenant qu’elle dirait oui. Peu lui importait que ce mariage n’arrive que dans dix, vingt ou cent ans. Il arriverait. Lorsqu’ils seraient prêts tous les deux.

Personne ne nous séparera, dit-il avec un sourire. J’ai déjà la bénédiction de Père. Il la serra un peu plus contre lui avant de s’éloigner légèrement et de planter son regard dans celui de la jeune femme. Rentrons à Caràs Galadhon pour le dîner. Je t’emmène manger chez ma grand-mère pour lui annoncer la nouvelle. Galadriel devait déjà l’avoir vu. Mais, elle le prendrait sûrement mal, qu’Elrohir le lui cache plus longtemps.