Si on me presse de dire pourquoi je l'aimais, cela ne peut s'exprimer qu'en répondant : « Parce que c'était lui ; parce que c'était moi. » [ft. Nori]
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Sujet: Si on me presse de dire pourquoi je l'aimais, cela ne peut s'exprimer qu'en répondant : « Parce que c'était lui ; parce que c'était moi. » [ft. Nori] Jeu 15 Fév 2018 - 14:35
Si on me presse de dire pourquoi je l'aimais, cela ne peut s'exprimer qu'en répondant : « Parce que c'était lui ; parce que c'était moi. »
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Sujet: Re: Si on me presse de dire pourquoi je l'aimais, cela ne peut s'exprimer qu'en répondant : « Parce que c'était lui ; parce que c'était moi. » [ft. Nori] Lun 26 Fév 2018 - 19:59
Oh fury, my fury
Dori & Nori
and when you lied before, you broke our tie before
J’en ai connu des aventures, j’en ai connu des frayeurs. Ce n’est pas la première fois que j’ai fait face à ma propre mortalité, loin de là, mais ce qui nous est arrivé ces deux derniers jours a été un enchaînement de situations plus critiques les unes que les autres. Je ne l’avouerait pas facilement, mais je pense bien ne jamais avoir eu si peur que lorsque nous étions juchés sur cet arbre, s’accrochant à nos vies avec l’énergie du désespoir. Il n’y avait pas de plan de secours, pas d’issue miraculeuse, pas d’échappatoire possible. Il n’y avait que nous, ces orcs menaçants et cet arbre qui promettait de céder d’une minute à l’autre, nous destinant à une longue chute mortelle. Je me souviens encore avoir regardé mes compagnons comme s’il s’agissait de la dernière fois, avoir regardé mes frères pour m’assurer d’emporter avec moi l’image de leurs deux visages dans l’autre monde. Je sais que mon cerveau a cessé de fonctionner pendant ces terribles instants, paralysé par l’horreur, figé par cette réalité difficile à accepter : j’allais mourir dans les secondes à venir, et avec moi sombreraient mes frères. Nous allions partir tous ensemble, à trois, une fin que je n’avais jamais imaginée et que je regrettais. Ce n’était pas ce qui devait arriver. Que je meure c’était une chose, mais pas eux. Pas eux. Pas Ori, ce jeune nain innocent, courageux, fantastique et intelligent, pas Ori, mon petit frère, qui avait encore tant de choses à vivre, un avenir si prometteur devant lui. Et Dori, oh j’en ai prié Mahal, je le reconnais. Pour tout ce qui a pu se passer entre Dori et moi, en cet instant j’aurais voulu hurler toute ma colère à l’idée qu’il perde la vie à son tour. Ils ne méritaient pas cela. Deux nains honnêtes, bons, plus loyaux qu’aucun autre… Mes frères. Ils allaient mourir en ayant suivi leur roi dans une quête inespérée, tout comme notre père avant eux. Quelle ironie lugubre, quel coup du sort insoutenable. Et je ne pouvais rien faire, j’étais aussi impuissant que tous mes camarades, m’accrochant vainement à une branche de cet arbre condamné. Je ne saurais dire ce qu’il se passait entre Thorin et l’orc pâle à ce moment là, tant mon attention était retenue par ce constat désespérant, par l’imminence de notre mort prochaine. Je me souviens avoir croisé le regard aussi paniqué de Dori, je me souviens de ces quelques secondes d’observation, de communication silencieuse. Tout sembla passer entre nous à cet instant, et je ne savais si je comprenais ce qu’il me disait, ou si je lisais dans son regard ce que moi j’essayais de lui transmettre. Des regrets, de la tristesse. Des remerciements, un amour fraternel inébranlable. Un adieu.
Mais nous ne sommes pas morts, Mahal en soit loué. Nous devons nos vies une fois de plus au magicien, une dette dont nous pourrons difficilement nous acquitter, si vous voulez mon avis. Je ne pense pas que nous puissions un jour lui sauver la vie à trois reprises, bien que cette quête idiote soit loin d’être terminée. Toujours est-il que nous étions sains et saufs, et nous n’eûmes pas posé pied à terre depuis plus d’une dizaine de secondes que déjà Dori me fonçait dessus, vérifiant de ses mains hâtives que j’étais bien vivant, et en un seul morceau. Je le prenais dans mes bras, puis embrassais Ori à son tour, soulagé, plus soulagé que jamais auparavant. Nous étions sains et saufs, heureux, miraculés. Mais loin d’être sortis d’affaire, car Gandalf, tout magicien qu’il soit, décida de mettre de nouveau notre vie en péril en nous faisant entrer par effraction dans la demeure d’un ours géant. Cette idée me parut tout à fait stupide, et pourtant, aujourd’hui, après une bonne nuit d’un sommeil bienvenu, je dois reconnaître que le magicien semble savoir ce qu’il fait, une fois de plus. Nous avons un toit, à manger, et cet endroit est aussi paisible que Fondcombe, avec le distinct avantage d’être dépourvu d’elfes et de leur musique étrange. Nous avons même pu faire un brin de toilette ce matin, ce qui ne fut pas désagréable après tout ce que nous avons enduré depuis notre départ inopiné de chez les elfes.
Le soleil est chaud et son contact agréable sur ma peau. Je me suis installé dehors, pour nettoyer mes armes en compagnie de Dalor et de Gloïn. Assis sur un rondin de bois, je fume tranquillement, écoutant Gloïn nous raconter pour la énième fois la façon dont il rencontré sa tendre épouse. J’ai beau avoir entendu cette histoire de nombreuses fois, je souris encore en entendant l’enthousiasme de notre camarade marchand qui ajoute de nouvelles anecdotes à chaque fois, parlant avec bonheur et entrain. Ah, pour sûr, il ne fait aucun doute qu’il aime sa femme. Parfois j’ai presque l’impression qu’elle est parmi nous, tant nous en entendons parler. Dalor rit de temps en temps, pose des questions tout en aiguisant sa hache. Mes couteaux favoris posés devant moi sur l’herbe grasse, je les nettoie avec soin, une activité aussi utile qu’apaisante. Je ne dis rien, tirant sur ma pipe paisiblement, profitant de la sérénité de cet endroit. Au bout d’un moment, Dalor se lève, désirant aller manger un bout, et Gloïn lui emboîte le pas, clamant avoir si faim qu’il en mangerait presque un warg. Je secoue la tête doucement, les écoutant s’éloigner. Je ne suis pas mécontent d’être seul, bien que depuis notre départ de la Comté je me suis habitué à mes compagnons bien plus que je ne l’avais imaginé avant le début de la quête. Il faut dire que défier la mort au quotidien, ça forge des liens. C’est assez étrange comme sensation d’ailleurs. Si nous étions restés en Ered Luin, il est évident que je n’aurais jamais adressé la parole à tous ces nains, en tout cas pas en des termes aussi civils voire parfois presque amicaux. A l’exception de Dalor et de Bofur, jamais un nain honnête n’aurait eu une conversation avec un criminel comme moi. Mais les choses sont différentes dans cette quête. Nous sommes une équipe, lancée dans une quête suicidaire, il faut faire preuve de solidarité – en tout cas, c’est l’idée. Bien sûr, je n’oublie pas la petite princesse Kili, qui garde une dent contre moi, mais on ne peut pas plaire à tout le monde. Quand à Dwalin, eh bien…
Je suis sorti de mes pensées en entendant le bruit caractéristique de bottes crissant sur la terre sèche. Mes mains s’arrêtent dans leur mouvement, et je tourne la tête pour voir qui est en train d’approcher. Je ne suis pas vraiment surpris en distinguant la silhouette familière de mon grand frère, mais mon estomac se serre légèrement en le voyant marcher vers moi d’un pas décidé. Comme à chaque fois qu’il vient me parler, je ne sais pas à quoi m’attendre. Du positif ? Des remontrances ? Depuis le début de cette quête, nous nous sommes rarement disputés, sauf lorsqu’il s’agit de Ori et que je lui fais remarquer qu’il fait trop sa mère poule. Nous n’avons pas non plus eu de grandes conversations, mais le simple fait d’être ensemble sans nous hurler dessus est une amélioration indéniable. Je reste fidèle à moi-même, n’attendant rien de mon frère, ne cherchant pas son approbation, ne demandant rien de sa part. Nous voyageons souvent à trois avec Ori, et lors des batailles c’est vers eux que mes pas me conduisent, instinctivement. Vers eux. Vers mes frères. Vers Dori. La simple idée qu’il périsse dans cette quête m’insupporte, je donnerais ma vie pour sauver la sienne et pourtant… Et pourtant, lorsqu’il s’approche de moi, j’ai toujours cette même appréhension. Je m’attends au pire, et je sais qu’il aurait des raisons de venir me tirer les vers du nez : ce sac de vaisselle elfique que les gobelins ont renversé lorsqu’ils nous ont fouillés. Mais nous avons failli mourir hier, à plusieurs reprises. Nous avons manqué d’y passer, et je me souviens encore de ce regard que nous avons échangé. Peut-être ne vient-il pas me sermonner. Peut-être ne devrais-je pas me sentir sur mes gardes ainsi.
Il s’approche et dès que je distingue son expression courroucée et un brin fatiguée, je comprends que j’ai eu tord d’espérer. Il ouvre la bouche et les mots qui en sortent me paraissent être crachés avec toute la rancœur du monde. Instantanément, mes yeux se plissent et je sens tout mon corps se tendre, passant en stature défensive. Il me demande une raison, une explication, un mensonge. Il me demande pourquoi je suis ce que je suis, pourquoi je me complets à salir encore et encore l’honneur de notre famille. Les mots ne sont pas nouveau, ne sont pas inédits, et j’ai appris à les laisser glisser sur ma peau sans qu’ils ne puissent m’atteindre. Ou en tout cas c’est ce que j’essaie de faire croire, c’est l’image que j’essaie de renvoyer. L’image d’un gamin turbulent, un félon, un voleur sans foi ni loi qui se fiche bien des conséquences. C’est ce que les autres voient, ce qu’ils croient. Mais Dori me connaît mieux que les autres. Dori n’est pas comme les autres. Ses mots ne glissent pas sur ma peau : ses mots, accusateurs, chargés de douleur et de venin, se plantent directement en moi, au plus profond d’un cœur que je prétend ne pas avoir. Dori est censé me connaître mieux que les autres, et pourtant il ne voit pas cela. Il ne sait pas. Il ne comprend pas. Il ne voit pas pourquoi je réagis à chacune de ses remontrances, ne cherche pas, ne trouve pas. Il se contente de reprocher, encore et encore, et je ne sais rien faire d’autre que lui renvoyer ces reproches, crier plus fort que lui, trouver des mots aussi douloureux que ceux que la colère lui fait dire.
Il parle, me parle d’honneur, d’exemple, et je serre les dents, sentant mon sang bouillir un peu plus à chaque mot qui sort de sa bouche. Il est mon frère, et pourtant il me semble parfois qu’il est mon pire ennemi tant il m’arrive d’éprouver l’envie irrésistible de lui coller mon poing dans la figure. Un abject voleur. Voilà tout ce que je suis pour lui, c’est lui qui l’a dit, une fois de plus. A peine a-t-il fini sa tirade que je me lève et lui fais face, le poing serré sur la dague que je tiens encore dans la main, oubliée. J’aimerais avoir le sang froid et le tact pour lui répondre calmement, amener la dispute sur le territoire diplomatique du dialogue comme certains savent le faire. Mais je ne peux pas. Pas avec lui. Pas avec Dori. Il n’y a que lui qui sache me faire perdre mes moyens, et en cet instant le simple fait de le voir me rend fou de rage.
« Je n’ai aucune explication à te donner, aucune, » je lui crache alors avec mépris, sentant la chaleur me monter au visage. Mes mains tremblent sous l’effet de la colère, je sens mes muscles tendus, prêts à en découdre. Mais malheureusement pour eux, malheureusement pour moi, je sais qu’il n’y aura aucun défoulement possible pour libérer toute cette colère soudaine. Rien que des mots, rien qu’une dispute, comme toujours. « Je ne t’en dois pas. Je ne te dois rien. Et Ori est assez grand pour faire ses propres choix. » Je ponctue ces derniers mots avec une légère pichenette du bout de ma dague sur son sternum, provocation irréfléchie et qui pourrait être considérée comme complètement suicidaire quand on connaît la force brute de Dori. Mais la colère a toujours pris le pas sur la raison quand il s’agit de mon aîné et de ses éternels sermons. « Rappelle-moi qui nous a embarqués dans cette quête suicidaire ? Tu te préoccupes de l’honneur, tu te préoccupes de mon image... » J’ai un rire narquois et totalement dénué d’humour, aucun sourire ne venant illuminer mon regard plein de rage. « Mais est-ce que ton honneur est plus important que sa vie ? S’il meurt pour cette quête, s’il meurt pour ton sacro-saint honneur de guerrier, de mouton suiveur... » Je fronce les sourcils, ma bouche se tord en une grimace hargneuse. Je m'emporte, je parle sans réfléchir, les mots se formant sans crier gare, plus durs et plus injustes que je ne le réalise sur le coup de la colère. « On reparlera alors de qui est vraiment abject entre nous deux. »