A rainy night... (Adelind & Elinà)

a rainy night

Elinà & Adelind

Avec un sourire, l’elfe quitta la petite chaumière où elle venait de passer la fin de journée à soigner une vieille femme. Elle ne s’était arrêtée là que pour demander son chemin, au départ, mais elle n’avait pas pu laisser la vieille femme avec sa toux. Après lui avoir donné un tonique, un cataplasme à mettre sur sa poitrine pour faire partir la fièvre, elle était repartie. La nuit commençait à tomber, mais l’elfe le savait : elle avait encore le temps d’arriver jusqu’au manoir où elle était attendue pour la nuit. Elle grimpa sur Foudre et lança l’étalon au galop, malgré les nuages qui menaçaient au dessus d’elle. Elinà faisait partie de ces personnes confiantes. Et, si la pluie lui tombait dessus ? Oh, eh bien, elle serait mouillée en arrivant. Mais, elle n’allait pas repousser son voyage pour des choses aussi triviales que la météo. Ça non. Un bon repas devait l’attendre au manoir. Ça oui.

Sauf si elle s’était trompée de jour. Elle savait qu’elle était attendue. Mais, était-ce aujourd’hui ou bien demain ? Le doute s’était installé en elle. Peut être même était-ce hier. Lorsqu’elle voyageait de la sorte, les plaines du rohan étaient ses alliées. Elle pouvait faire des kilomètres pour trouver une plante qu’elle savait pousser dans la région qu’elle traversait, et cela lui octroyait parfois des détours qui la mettaient en retard. Quoi qu’il en soit, elle avait dit qu’elle reviendrait voir la blessure du cuisinier trois semaines après lui avoir fait une attelle pour vérifier comment son patient se portait, elle se devait d’honorer sa promesse. Même si cela était un jour plus tard que prévu. De toute façon, le manoir était sur le chemin du retour vers Imladris.

La guérisseuse fut cependant rattrapée par la pluie et resserra les pans de sa cape autour d’elle. Elle remonta la capuche pour protéger sa tête, et pressa un peu plus sa monture. Autour d’elle, les éléments se déchainaient petit à petit et la tempête grossissait de plus en plus. Elle n’y voyait presque plus, et le tonnerre la faisait sursauter à chaque fois, de plus en plus proche si on comptait les secondes séparant l’éclair du bruit tonitruant. Elle était au cœur même de la tempête, glacée et transie. Cependant, elle ne fit pas ralentir l’allure à Foudre. Le son de la pluie qui s’abattait sur la route en cascade presque continue se mélangeait avec le martellement des pattes du cheval sur la route. Finalement, elle arriva à l’embranchement qu’elle recherchait et tourna sur la gauche pour entrer dans le domaine. Elle laissa Foudre la guider jusqu’au écuries, endroit qu’il reconnaissait toujours entre tous et elle confia l’étalon à un palefrenier. D’un pas vif, sa sacoche d’herbes à l’abris sous sa cape, elle se rendit jusqu’au bâtiment principal et elle grimpa les marches du perron, frappant à la porte pour qu’on lui ouvre.

L’elfe fut introduite dans les lieux par une servante qui prit sa cape et lui tendit une serviette pour qu’elle sèche ses bras et son visage, trempés. On la conduisit alors dans la salle où la famille était en train de dîner. L’elfe fut accueillie comme toujours avec courtoise et elle prit place à table, à côté de Dame Adelind. Encore transie de froid, elle fut heureuse de constater qu’un page rajoutait une buche dans la cheminée pendant qu’on remplissait son assiette. Après les politesses d’usage, Elinà se pencha vers sa voisine pour prendre de ses nouvelles. Dame Adelind, je suis heureuse de vous voir. Vous n’étiez pas présente lorsque je suis venue la dernière fois. Je crains de ne vous avoir vue depuis près d’une année ! Qu’avez-vous donc à me raconter ? Un sourire sur les lèvres, l’elfe prit une bouchée de son ragout et elle attendit la réponse de son interlocutrice. Le reste de la tablée ne leur portait qu’un intérêt modéré désormais. Si cela n'était pas intime, c'était ce qui s'en rapprochait le plus dans une demeure noble.

Le sourire d’Elinà était on ne peut plus sincère. Elle était réellement ravie de voir la jeune femme. Elle hocha la tête lorsque la demoiselle lui dit qu’elle était heureuse de la voir aussi. Elinà aimait quand le plaisir était partagé. La demoiselle avait, d’ailleurs, beaucoup de choses à raconter à l’elfe, qui écouta avec une attention polie, tout en profitant du discours de sa voisine pour manger son plat tant qu’il était chaud. Elle se réchauffait petit à petit, après cette soirée passée sous la pluie, à galoper. Elle espérait que sa monture n’attraperait pas froid. Elle-même, entant qu’elfe, était plutôt bien lottie. Elle était naturellement plus résistante que les humains. Elle le savait, elle n’avait que peu de chances de tousser le lendemain matin que n’importe quelle personne qui aurait été contraint à passer une partie de la soirée dans les mêmes conditions.

Cela ne l’empêchait pas d’avoir froid, cependant.

Alors, proche du feu dont on venait de rajouter une buche, elle frissonnait tout en écoutant Adelind. L’elfe s’intéressait réellement à la vie de cette famille. Ils étaient ses patients depuis tellement de temps ! Elle se rappelait encore l’été où avait été construit le puits, l’année de famine qui avait faillis les emporter tous tant le maitre de maison préférait donner le peu qu’il avait à ses gens… Oh, cela avait eu lieu près de deux siècles plus tôt. Aujourd’hui, personne ne s’en rappelerait. Mais, comme toutes les familles que la guérisseuse suivait depuis un moment, ils avaient une place particulière dans son cœur. Je vois que tout semble aller pour le mieux pour l’exploitation,fit-elle alors qu’Adelind cessait de parler du domaine.

La jeune femme embraya alors sur quelque chose qui fit se figer Elinà. Elle fronça les sourcils. Ouvrit la bouche et lâcha un « ho » amusé. Bûchanàn, répéta-t-elle, son sourire s’élargissant soudainement. Oh, répéta-t-elle en portant la main à sa bouche. Je pense savoir où cet homme se trouve… Elle secoua la tête, ajoutant pour elle-même Je suis certaine qu’Elrohir va détester cette nouvelle… Elle n’avait pas remarqué l’expression d’Adelind. Sans cela, l’elfe aurait sans doute fait preuve d’un peu plus de courtoisie et de diplomatie. Mais, la nouvelle lui semblait tellement étrange. Si Bûchanàn était un noble, alors Elrohir n’aurait plus aucune raison de refuser son mariage avec Eléa. Dans cette histoire, Elinà supportait Eléa. Le cœur a toujours ses raisons que la raison ignore. Et, Elrohir aurait bien fait de cesser de se prendre pour le centre du monde et d’ouvrir un peu les yeux : sa fille était amoureuse. Et, autant l’accepter, parce que si Elrohir avait bien transmis quelque chose à celle qu’il avait adoptée, c’était sa tête de mule.

Elle revint au présent, son sourire s’élargissant. Je me disais bien que vous ne pouviez pas simplement avoir abusé de ce délicieux ragout, s’exclama-t-elle avec un sourire. Toutes mes félicitations. Elinà hocha la tête et elle continua. Je pourrais vous donner quelques recettes d’infusions qui aident à ce que tout ce passe bien. L’une d’entre elle me vient, je crois, d’une de vos arrière-arrière-arrière-arrière grand-mère. Elinà eut un sourire amusé à cette pensée. C’était une sacré guérisseuse. Elle avait une façon d’aborder les propriétés des plantes… C’était naturel chez elle. Elinà n’avait aucune jalousie là dedans. Elle avait autant appris de l’ancètre que l’ancêtre avait appris d’elle. Elinà avait passé plusieurs siècles à étudier les recettes antiques des elfes, et les propriétés de toutes les plantes existant. Si elle n’avait jamais pensé auparavant à modifier les recettes pour leur permettre d’être plus efficaces, désormais elle n’hésitait plus. Oh, moi ? Elinà posa sa fourchette à côté de son assiette et elle pencha la tête sur le côté. Je suis majoritairement restée à Imladris. Il y a beaucoup d’orcs qui patrouillent sur les routes, et ce n’était pas sûr pour une elfe seule. J’y ai renouvelé mon stock d’herbes et de cataplasmes, enseigné un peu au pupille d’Elrond, pris soin de ma nièce, et pour être franche, je me suis ennuyée ferme. Je préfère voyager.

Maintenant qu’elle s’était un peu réchauffée, au gré du repas, Elinà se sentait bien mieux. L’excitation de son voyage n’était toujours pas retombée. Elle aimait cet endroit. Les murs avaient changés au cours des siècles. Les murs avaient été poussés. Le domaine s’était agrandis. Les étages avaient été construits. Mais, cette pièce, dans laquelle elle se trouvait, n’avait pas changé, pratiquement. Elle était toujours la même. Toujours positionnée au même endroit, et toujours prête à accueillir desvisiteurs. Les dalles au sol devaient être très vieilles… Et, Elinà se savait encore plus vieille qu’elle. Elle sourit à cette idée, et elle se lança dans la conversation avec sa voisine de table, Adelind, enceinte jusqu’au cou. Celle-ci lui avait appris quelque chose d’intéressant au sujet de Buchanan. Mais, Elinà ne pouvait pas savoir que, le temps qu’elle retourne à Imladris, Buchanan se serait enfuis d’Imladris et que son corps ne serait jamais retrouvé. Les aléas de la vie… Elle n’aurait donc jamais l’occasion de faire usage de cette information qu’elle venait d’obtenir sur le « chéri » de sa chère Eléa.

Oui. Votre ancêtre était vraiment très douée, dit Elinà avec un sourire. Elle vivait… Voyons ? Elinà leva les mains pour compter. Elle ne les montrait que rarement, au vu des multiples petites cicatrices qui les couvraient. Même là, alors qu’elle mangeait, elle les gardait en partie cachées dans les manches de sa robe. Elle bougea les doigts en calculant rapidement le temps que cela faisait et hocha la tête. Un peu plus de trois cent ans, si j’en crois mes calculs, qu’elle est morte. Je n’ai jamais oublié sa gentillesse, continua-t-elle avec un sourire. Il était donc tout à fait normal qu’Adelind n’aie jamais entendu parler d’elle. Mais, pour Elinà, tout ceci avait passé en un battement d’œil. Lors du prochain, elle aurait cette conversation avec des descendants d’Adelind. Peut être que l’enfant qu’elle portait serait déjà majeur, la prochaine fois qu’elle passerait. Le temps passait tellement différemment pour elle que pour le reste du monde… Elle terminé de déguster son plat tout en expliquant à Adelind ce qu’elle avait fait ces derniers temps, sans entrer trop dans les détails, et puis elle hocha la tête. Oui. N’en déplaisent au jumeaux qui aimeraient me garder à l’abris, les routes m’appellent depuis trop longtemps pour que je me retienne encore longtemps. elle rit. Je pense que j’irais là où on aura besoin de moi. Je n’ai pas de plan prédéfini. Je pourrais passer quelques jours ici si vous avez besoin de moi. Mais autrement, mon cheval choisira la route à prendre, du moment qu’elle ne me ramène pas tout de suite à Imladris.

Le dessert passa tout aussi rapidement que le reste du repas pour l’elfe et elle sourit à son amie. Si vous pensez pouvoir tenir un peu, je veux bien aller discuter au salon. Je ne voudrais pas vous empêcher de bien dormir cette nuit, c’est important pour le bébé, dit-elle simplement.