Mes questions face à tes silences ∆ Saruman

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parfois, l'humilité fait loi

Azelaïs & Saruman

« Si tu ne connais ni ton adversaire ni toi-même, à chaque bataille tu seras vaincu. » - Sun Tzu, L’art de la guerre

Isengard. Voilà bien des années qu'elle n'y avait pas mis un pied. Pourtant, elle avait de bons souvenirs ici. Mais Azelaïs se fiait plus à sa raison et à ses envies qu'à ses émotions. Heureusement d'ailleurs, c'était cela qui l'avait sauvé d'une vie remplit de vide et d'ennui. Elle se demandait d'ailleurs comment ses sœurs faisaient pour se contenter d'être des poules pondeuses et des décorations aux bras de leur mari. Et à quoi pouvaient-elles bien passer leurs journées ? Les rumeurs de bas étage, ça allait bien un moment, mais à force n'était-ce pas redondant de toujours déblatérer sur les mêmes personnes pour les mêmes motifs ? Les manigances d'Azelaïs étaient bien plus intéressantes. Au moins, elles servaient une cause : la sienne. Et par extension, celle du Gondor. Et dire que tous ces mâles égocentriques ne se rendaient même pas compte que, grâce à elle, ils avaient évité plus d'une menace intestine. Au moins son confort était-il toujours présent, de même que le respect qu'on lui témoignait. Vu ses activités illégales, c'était peut-être aussi bien qu'elle reste dans l'ombre ; même si des acclamations à sa gloire ne seraient pas de trop de temps en temps. Pour en revenir à sa présence ici en revanche, il ne fallait pas trop compter sur les louanges. Saruman ne devait pas avoir encore bien digérer sa désertion et d'avoir été, au final, un pion de plus sur son échiquier. Cela dit, Azelaïs restait une femme pleine de ressource et de charme, elle trouverait bien comment regagner sa faveur, ou en tout cas, lui délier un peu la langue. Au moins qu'il l’aiguillonne sur ces étranges évènements qui se succédaient, afin qu'elle puisse commencer à considérer des alliances.

Observant les alentours, Azelaïs admira le paysage qui avait été le sien pendant une longue et plaisante période. Ça lui avait même manqué au début, avant que l'adrénaline des complots n'occupent finalement tout son esprit. Puis elle leva son regard azur vers la tour. L'intrigante était sûre que Saruman était déjà au courant de son arrivée. Elle l'avait suffisamment côtoyer pour savoir que sa sagesse était sans limite, et elle était persuadée qu'il la connaissait presque mieux qu'elle ne se connaissait elle-même. La "trahison" avait dû être d'autant plus douloureuse. Pourtant, agissant toujours dans son propre intérêt, il était évident qu'elle viendrait lui demander des éclaircissements sur ce qu se tramait. Est-ce qu'Azelaïs craignait des représailles ? Pas vraiment. Car plus que la confiance, ce qui comptait chez des personnes de leur acabit, c'était le pouvoir. Or, vu les temps troublés qui secouaient leur monde, elle lui en accorderait volontiers pour être certaine d'être dans l'ère suivante. Ses réflexions furent finalement rompues par une présence qu'elle connaissait bien. Se retournant vers l'homme vêtu de blanc, Azelaïs fit une révérence respectueuse. « Mon Seigneur. » Puis elle attendit de voir comment il allait l'accueillir. Ainsi, suivant sa réaction, elle pourrait adapter la sienne. Inutile de se précipiter, ils avaient bien le temps de converser.

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Mes questions face à tes silences

Δ Azelaïs Dagorne

La solution se colora d'abord de bleu, puis de mauve, pour virer finalement à l'orangé. Saruman se laissa aller en arrière, fronçant les sourcils. Il attrapa le flacon, le brandissant en l'air, dans la lumière du soleil. Rien, si ce n'est un liquide parfaitement orange. Il ajouta une pincée de poudre violacée, mais rien de changea.
Le magicien attrapa une plume et griffonna quelque chose sur un bout de parchemin.
Un tap-tap discret à la fenêtre lui fit tourner la tête. Le magicien se leva, et ouvrit le battant. Un corbeau se posa sur l'encadrement de la fenêtre.

-Mon seigneur, vous avez de la visite.

Saruman leva un sourcil, l'air légèrement agacé.

-D'après nos informations, il s'agirait d'une ancienne apprentie à vous. Azelaïs Dagorne

Le magicien releva légèrement la tête. L'oiseau continua de lui apporter divers renseignement, puis il hocha la tête, murmurant un merci. L'oiseau prit son envol, et Saruman se retourna vers son atelier. La pièce était dans un désordre habituel, chaos de papiers, de violes, d'alambics, de pots étiquetés, d'herbes séchés, de vases, de livres. Au milieu de l'endroit, trônant sur une large table de chêne gisait le corps d'une araignée géante, importée de Mirkwood, entourée d'appareils divers, de loupes, de fioles, et d'instruments d'échantillonnage. Le magicien défit son tablier de cuir, retira ses gants, défit ses cheveux attachés en arrière. Il déposa le tout sur un coffre, puis sortit et verrouilla la porte derrière lui.

Azelaïs. Ancienne apprentie à lui, il l'avait initié aux secrets des poisons et de l'herboristerie avant qu'elle ne disparaisse un beau matin, enlevée par sa propre ambition. Le sorcier descendit une volée de marche, passa par son bureau, et attrapa sa cape qu'il attacha d'un mouvement rapide. Il s'arrêta un cours instant devant son bâton de pouvoir, posé contre un mur, l'air pensif. A la place, il attrapa quelques décoctions alchimiques et descendit aux cuisines.
Il ne la craignait pas armée, ou même porteuse d'un danger immédiat. Tous les problèmes qu'Azelaïs pourraient lui poser ne se résoudraient pas d'un coup de baguette magique, mais il préférait emmener des brides d'alchimie avec lui. On était jamais trop sûr de rien.

Il toucha rapidement quelques mots à son service, demandant à ce que soit tiré du cellier une bouteille et de quoi manger, qu'il demanda servit dans les jardins, d'ici plusieurs minutes. Une fois sûr de cela, il passa la grande porte d'Orthanc, et s'avança dans ses jardins.

Il n'était pas sûr de ce qu'elle pouvait attendre de lui; comme pour beaucoup de personne, il l'avait fait surveillé par certains de ses agents au Gondor. Elle s'était apparemment entiché d'un homme mariée, et semblait tisser une toile de plus en plus fournie de relation au sein du Royaume. Ce que Saruman approuvait, quelque part. Il était plutôt fier de son élève. Mais il ne voyait pas ce que la jeune femme pouvait attendre de lui. Et il ne voyait surtout pas ce qu'il pouvait lui donner.

Le départ d'un apprenti n'est jamais quelque chose qu'il aimait voir arriver. D'autant plus quand le départ s'avérait une trahison. Le magicien respectait ce qu'Azelaïs avait fait de son ambition et de sa vie. Mais ça ne l'excusait pas de s'être servi de lui comme d'un pion.

Le magicien se tint, sous un arbre, non loin de la porte. A son arrivée, un valet dépêché d'Orthanc guida son attelage vers les étables de la Tour. Saruman, lui, s'avança derrière la jeune femme, l'air austère. A sa révérence il répondit d'une inclinaison légère.

-Azelaïs. Tu es en retard. Terriblement en retard.

Sa voix était froide, son regard perçant. Ce n'était pas tant une blague, sinon un reproche vif de son absence et de sa disparition. Il lui jeta un coup d'oeil rapide, puis tendis le bras pour lui indiquer le chemin.

-Suis moi.

Il la mena à travers les jardins; pas vers le jardin des simples ou la serre botanique comme lors de son apprentissage, mais vers la roseraie. C'était un lieu qu'il affectait particulièrement: près des arbres, c'est là qu'habituellement il mangeait dehors, ou lisait à l'ombre des bois. Il s'y dressait une table, entourée de banc et d'un ancien kiosque en ruine recouvert de fleurs sauvages. Saruman n'avait jamais voulu le reconstruire complètement: au mieux l'avait-il fait faire solidifier. Mais le toit manquait toujours, et seul subsistait l'estrade et les colonnades.
On y avait dressé une collation rapide. Saruman lui servit un verre de liquide ambré, et lui fit signe de s'asseoir. Puis il prit place à son tour, et planta son regard dans le sien.

-Que puis-je pour toi ? Si tu es ici, c'est forcément pour une raison très précise. J'espère que tu ne te lasses pas trop de la vie au Gondor ?

Il prit une gorgée du liquide, un très léger sourire aux lèvres.

-Même si soudainement ton jeune conseiller venait à t'ennuyer et que tu souhaiterais revenir à ta vie d'avant, les portes d'Orthanc te sont closes. Définitivement.

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parfois, l'humilité fait loi

Azelaïs & Saruman

« Si tu ne connais ni ton adversaire ni toi-même, à chaque bataille tu seras vaincu. » - Sun Tzu, L’art de la guerre

L'herboriste aux tendances empoisonneuses s'était demandé ce qu'allait donner cette entrevue à l'instant même où elle l'avait prévu. Mais comme elle l'avait appris, lorsqu'une menace planait, les anciennes querelles pouvaient s'oublier momentanément au profit d'une nouvelle alliance qui, l'espérait-elle, lui permettrait de garder sa place qu'importe les tremblements qui secouaient la Terre du Milieu. Car si aujourd'hui elle devait allégeance au Gondor, ce n'était que par la force des choses. Il se trouvait que Minas Tirith, la ville la plus importante du monde des hommes, se trouvait dans le territoire gondorien. Mais si demain le pouvoir changeait de nom et de place, Azelaïs était encline à accepter cette évolution si ça lui permettait de conserver sa situation confortable. Oui, la jolie blonde était la définition même de l'opportunisme. Et dès à présent, elle œuvrait pour sa survie. De par son éducation et son expérience, elle savait qu'il fallait toujours s'y prendre le plus tôt possible lorsqu'on voulait obtenir la meilleure part du gâteau. D'un autre côté, revenir ici la rendait nostalgique. Elle avait aimé sa formation, ces journées de durs labeurs. Car si Azelaïs avait de nombreux défauts, on ne pouvait en revanche pas lui reprocher son perfectionnisme. N'était-ce d'ailleurs pas une qualité essentielle dans le domaine qu'elle exerçait ? Et une des raisons principales pour laquelle elle travaillait au service du roi ?

Finalement, l'herboriste se retourna en sentant une présence derrière elle. Saruman le blanc se tenait là, et elle le salua respectueusement, tout en se demandant comme il allait accueillir son arrivé inopinée. « Azelaïs. Tu es en retard. Terriblement en retard. » En retard ? Elle n'avait pas l'impression de l'être pourtant. Mais peut-être parlait-il de sa décision de venir le voir ? Se passait-il des choses si terribles dont elle aurait dû voir les signes avant-coureur avant ce jour ? Sa salutation la laissa ainsi perplexe, ce qui se vit sur son visage opalin. « En retard mon Seigneur ? » demanda-t-elle après une hésitation, espérant un éclaircissement. Mais Saruman se contenta d'un « Suis moi. » et de lui tendre le bras pour l'inciter à marcher à ses côtés. Sans mot dire, Azelaïs accepta l'invitation et se mit en route. Saruman la conduisit à la roseraie, un endroit magnifique à couper le souffle. Sans savoir d'où ça lui venait, Azelaïs avait toujours adoré la faune et la flore, mais avec une nette préférence pour la flore. Aussi se sentit-elle étrangement à l'aise dans ce contexte, malgré les circonstances. Puis la jolie blonde aperçut que la table au milieu du kiosque avait été dressé pour une collation. Était-ce pour cela qu'elle était en retard ? Prenant place, Azelaïs attendit que son ancien mentor prenne la parole. Il était maître en ces lieux et, de toute façon, Saruman avait toujours inspiré crainte et respect. « Que puis-je pour toi ? Si tu es ici, c'est forcément pour une raison très précise. J'espère que tu ne te lasses pas trop de la vie au Gondor ? » demanda-t-il en plantant son regard perçant dans le sien, au point qu'elle se demandait s'il avait réellement besoin qu'elle réponde par l'intermédiaire de mots. Azelaïs avait toujours été persuadé qu'il était capable de lire ses intentions et ses pensées dans ses iris. Jusqu'à ce qu'elle s'enfuie pour retourner à Minas Tirith... Quant à s'ennuyer... Ça ne risque pas d'arriver... songea-t-elle. Les intrigues de la cour étaient toujours divertissantes, et elle n'était pas d'une nature paresseuse. « Aucunement mon Seigneur. Mes tâches à la cour du roi ne me laissent que peu de répit. » C'est alors qu'une fois encore depuis son arrivé les paroles de son ex-mentor la surprirent. « Même si soudainement ton jeune conseiller venait à t'ennuyer et que tu souhaiterais revenir à ta vie d'avant, les portes d'Orthanc te sont closes. Définitivement. » jugea nécessaire de déclarer la magicien. Et bien que l'herboriste n'en ait jamais eu l'intention, ces paroles la peinèrent. Mais peut-être était-ce sa manière de se montrer vindicatif ? En tout cas, Saruman semblait avoir suivi ce qu'elle était devenue depuis qu'elle était partie. Car comment sinon pourrait-il savoir pour son amant secret ? « Et ce n'est que justice, mon Seigneur. » approuva-t-elle, bien malgré elle et pour garder la face. Puis Azelaïs décida d'en revenir à la première question qu'il lui avait posée.« Quant à ma présence ici... Il est un fait indéniable que des temps troublés frappent la Terre du Milieu. L'attaque de pirates, servant à faire diversion pour laisser passer des orcs, des aventuriers rapportant moult histoires sur les créatures qui peuples Mirkwood, une rumeur sur une ombre malfaisante qui plane dans des ruines, des nains qui se lancent dans un périple aussi dangereux que stupide... Quelque chose se trame, et si quelqu'un peut avoir des réponses, c'est forcément vous. Dites-mon mon Seigneur, quel mal ou quelle folie foule notre terre ? » s'enquit l'empoisonneuse, sans rien cacher de la curiosité mêlée d’inquiétude qui l'habitaient. Azelaïs avait besoin de réponse, et rien ne servait de tourner autour du pot.

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Mes questions face à tes silences

Δ Azelaïs Dagorne

Saruman observa son ex-apprentie pendant quelques secondes, ses yeux obsidiennes se fichant dans ceux de son interlocutrice comme deux dagues sculptées de glace. Elle avait grandit. Chaque mot était consciencieusement choisi pour la mettre dans ses petits papiers, chaque mimiques même imperceptibles de son visage était tournée vers une image avenante, polie, calme. Le magicien sourit intérieurement: elle était clairement ici pour lui soutirer des informations.
Il baissa la tête vers la table qui les séparait. Il attrapa une petite assiette de biscuits secs et les déposa devant Azelaïs, tout en parlant.

-Tu es surprenamment bien informée.

Il attrapa son verre et avala une gorgée d'hydromel. Son ton était toujours aussi froid mais un peu plus léger. C'était la même voix qu'il utilisait lorsqu'il commençait à enseigner à ses élèves, que ce soit sur les lettres, la physique ou la botanique. Une voix calme, propre à l'exposition de connaissances, captivante et pourtant distante. C'était la voix qu'auraient probablement eu les anciens grimoires gardiens de savoirs millénaires si ils avaient l'occasion de s'exprimer.

-J'ai déployé mes espions un peu partout, étendu mes yeux et mes oreilles aussi loin que je puisse, sur la terre, la mer, ou dans les cieux.

Le magicien leva son verre jusqu'à ses yeux. Il se tenait droit, une main sur sa cuisse, l'autre tenant le liquide ambré dans un rayon de soleil, observant les jeux de lumières à l'intérieur de l'alcool. Les rayons scintillaient, dansaient, tourbillonnaient dans son verre à la moindre inflexion de son poignet en un complexe ballet mordoré.

-Mais pourquoi devrais-je t'aider ?

Le ton était neutre, et pourtant imperceptiblement plus froid. La Terre du Milieu était un sujet de discussion de haute importance: si Turgon avait souhaité en discuter avec Saruman (et donc en sa valeur d'Istar), il aurait dépêché son ambassadeur, ou un de ses proches conseillers. Ou serait venu en personne. Azelaïss n'était pas venue encadrée d'une délégation officielle, pas plus n'avait-elle été précédée d'une missive de la capitale humaine. Bien qu'influente, elle n'avait pas amassé suffisamment de pouvoir sur la couronne humaine pour parler en son nom.
Elle était donc ici de sa propre initiative, la tête pleine de questions, poussée par sa soif de savoir et sa curiosité. Comme il y a bien longtemps. Ce qui faisait de Saruman la personne ayant l'ascendant: il avait les informations qu'elle recherchait.

Pas un plis de sourire, malgré ce constat, ne frémit sur le visage du magicien. Il baissa son verre, jeta un regard à Azelaïs.

-Je ne vois pas quels bénéfices je pourrais avoir à te révéler ce que je sais.

Il but une nouvelle gorgée d'hydromel, puis posa son verre et croisa ses mains sur ses genoux. D'un signe de tête, il indiqua les biscuits.

-Essaye les gâteaux au gingembre.

Le magicien n'avait pas de prix particulier: ses attentes frisaient seulement l'exponentiellement démesuré. Plus il pourrait tirer de son ancienne apprentie, mieux il se sentirait. Sa dernière remarque, théoriquement propre à un ton plus léger et anodin, avait prit les harmoniques d'une politesse agressive qu'il maniait si bien. C'était un ton froid, courtois, avec une pointe de sarcasme à peine perceptible sous des mots conformes à l'étiquette.

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