Sujet: La Fête du Printemps. [PV Luthien] Jeu 15 Mai 2014 - 0:47
A l’horizon se profilaient d’étranges nuages filandreux, sombres, pareils à des squelettes lugubres de vapeur. Elrond, son regard d’acier scrutant ce phénomène céleste, fronçait les sourcils, l’air soucieux, l’avant de son corps disparaissant sous d’épais tissus gris et beiges et penché en avant sur la balustrade de marbre. Plongé dans ses pensées les plus noires, il n’entendit pas sa femme, Celebrían, arriver derrière lui. Aussi silencieuse qu'une ombre claire, à peine plus perceptible. De sa voix douce, comme un souffle de vent dans les feuillages, elle le sortit de sa torpeur, lui provoquant un léger frémissement de surprise.
« A quoi penses-tu ? »
Sans décrocher ses lèvres, il reposa son regard sur le ciel, un court instant, avant de pousser un long et profond soupir empreint d’angoisse. Celebrían s’approcha, plaça sa main sous le menton d’Elrond et releva son visage dont les traits étaient tirés par une peur sourde, enfouie en lui, qu’il serait même incapable de décrire. « Elrond… » Elle déposa un chaste baiser sur la bouche discrète de son immortel - son cœur plus que sa chair le ressentit - et eut un léger sourire, aussi léger que les ailes d’un papillon de nuit, aussi sucré que le nectar dont s’abreuvent ceux du jour. « Mon cher Elrond… Voilà toute la malédiction de notre race. En échange de la sagesse d’une longue vie, nous devons aussi en subir les maux. Et comme nos âges s’approchent de l’âge de ce monde, il va de soi que nos maux reflètent les siens. » Elrond la regarda. La contempler provoquait chez lui un ravissement sans égal et il ne fallut pas longtemps pour que son cœur s’emplisse d’amour et que ce sentiment inonde ses yeux. Celebrían aperçut ce signe silencieux d’affection, cette déclaration intense et pourtant muette, et en fut émue. Elle papillonna des cils, doucement. Leurs regards ne se lâchaient pas. « Un jour, tu auras droit au repos, comme tous les elfes dont les pieds ont foulé ce monde. Mais ton heure n’est pas encore arrivée, mon tendre. Il te faut encore accomplir certaines choses pour la Terre du Milieu. Tu as la sagesse, la force et le courage pour cela. Je le sens. »
Ces mots eurent l’effet d’une onde glacée sur les épaules, à la fois agréable et foudroyante. Alors qu’il se sentait abattu précédemment, il était maintenant revigoré d’entendre la confiance absolue qu’avait Celebrían en lui, la chaleur de ses mots francs. Pressentant qu'elle souhaitait retourner d'où elle venait, il laissa la caresse d’un baiser sur le front de sa bien-aimée, qu’il admira tandis qu’elle se retirait et le laissait à sa toute nouvelle plénitude. Dans l'embrasure de la porte, sa svelte silhouette s'effilocha dans l'air immobile, comme une volute de fumée emportée par une bourrasque. Celebrían disparut. Elle lui manquait tant... Le voilà maudit à n'avoir que son souvenir, son amour pour elle et la douleur de son absence, lancinante, qui ne s'en irait jamais, qui ne lui offrirait plus un seul instant de répit. Il avait les larmes au bord des yeux lorsqu'une pointe du côté gauche de sa poitrine le fit haleter subitement. Il plaqua une main crochue sur cette zone et serra le tissu sous ses doigts tordus de douleur, ses genoux fléchissant. Combien de siècles encore devrait-il supporter ce supplice ? Il voulait fuir ces Terres de malheur, retrouver son épouse, avec ses trois enfants, et connaître la paix. Mais il ne pouvait se résoudre à abandonner les peuplades du Milieu sous le joug impitoyable de Sauron... La souffrance s'atténuant, intense mais furtive fort heureusement, il releva le buste et reprit contenance. Que penseraient les habitants de Fondcombe s'ils le voyaient, là, le corps soumis aux démons du passé, l'air minable, fragile, si impuissant, au final, contre le pire ? Il se souvint alors que ce soir, on fêterait le Printemps. Lumières, musique et chants apaiseraient son cœur qui manquait de se faner chaque jour depuis le départ de Celebrían. L’esprit éclairci grâce à un effort de volonté, la posture droite digne d'un Seigneur, il tourna le dos aux nuages noirs et retourna à l’intérieur pour s’emparer d’une tenue plus adaptée à la circonstance.
Une heure plus tard, seul, vêtu d’habits bleu-gris, le Seigneur de Fondcombe descendait les grandes marches blanches qui menaient à la Place où se dérouleraient les festivités. Déjà, une foule calme et joyeuse s’éparpillait un peu partout, les uns sur un banc de pierre, les autres contre un arbre à même l’herbe et la terre, d’autres encore, leurs instruments pendant à leur bras, se préparaient, enthousiastes, à entamer le concert printanier. Notes guillerettes et sons de flûtes étaient de la soirée. L’assemblée salua respectueusement Elrond, ce dernier lui offrant un sourire aimable en retour, et il alla s’installer sur un siège de pierre parmi les autres, ne désirant pas avoir de position démontrant avec prétention son statut social. Là, il s’abandonna aux premiers sons d’une musique lancinante, entraînante, presque dansante. Il ferma les yeux. L’image de l’horizon obscur lui apparut et il les rouvrit aussitôt. Il ne pouvait ignorer cette vision... Il parut alors légèrement inquiet.
Dernière édition par Elrond le Mar 20 Mai 2014 - 22:52, édité 1 fois
Invité
Invité
Sujet: Re: La Fête du Printemps. [PV Luthien] Ven 16 Mai 2014 - 17:44
La Fête du Printemps.i
La dernière lune d’hiver avait veillé les cieux et inondé le monde de ses rayons célestes une ultime fois, marquant ainsi la venue du printemps. C’est dans l’optique de célébrer la saison de la floraison que les elfes se réunissaient entre eux pour chanter et jouer des mélodies. Les fêtes étaient très symboliques pour les elfes et souvent elles se référaient à la nature, leur seule véritable mère et patrie. En ces temps obscurs où le mal s’immisce partout, il était bon de se retrouver et fêter comme il se devait le retour d’un nouveau cycle de vie.
Nombreuses étaient les cérémonies qui se déroulaient au sein des différentes communautés elfiques. Certains cercles fermés demeuraient entre eux et ne mêlaient pas leurs prières aux autres elfes tandis que d’autres s’ouvraient à toutes les cultures, s’unissant ainsi dans une seule et même harmonie pour accueillir et savourer la présence timide du souffle de la vie. Nombreux étaient les elfes de Mirkwood qui se rendaient dans la vallée d’Imladris, la dernière maison simple à l’Est de la mer, pour célébrer ensemble le printemps. Beaucoup de musiciens et de bardes étaient du voyage et notamment Luthien dont le talent pour la harpe n’était plus à prouver. Seulement, il s’agissait là de sa première excursion à Fondcombe. Il s’était écoulé bien des cycles de saisons avant que Luthien ait le privilège de se joindre à cette compagnie si restreinte où les meilleures musiciens et chanteurs étaient désignés pour représenter le Roi Thranduil. Son tour était arrivé. Un peu tard, certainement, mais Luthien en était la seule responsable. Si elle avait su mieux vanter ses talents de musicienne que ceux d’archère, elle n’en serait pas à sa première traversée.
Le printemps s’annonçait doux et chaleureux. La brise qui, comme une caresse, effleura la chevelure d’argent de Luthien, n’omit point de révéler à la nature mère, le charme et la beauté innocente de sa précieuse enfant. Et pourtant, une flagrante mélancolie venait donner des nuances sombres et ternes à cette aquarelle aux traits parfaitement dessinés. La souffrance engendrée par la mort de son père marqua son âme au fer rouge et bien que des centaines d’années se soient écoulée, la douleur demeure présente, vive et lancinante. Mais cette tristesse évidente était aussi le fruit de sa connexion profonde avec le monde. Un monde à l’agonit, écrasé, foulé et dépouillé par des créatures sourdes à ses hurlements de détresse. Luthien pressentait le malheur partout autour d’elle. Elle avait vu les différents signes. Le mal s’étendait. Il avait déjà commencé son œuvre dans les bois, notamment à Mikwood. Plus rien n’y fleurissait où du moins rien de bons. Pourquoi le monde restait-il aveugle ? Ne voyait-il pas ou refusait-il de voir l’évidence ? Pendant qu’il fermait les yeux sur la vérité, les ténèbres s’étendaient. Ce jour viendra. Celui où l’ennemi frappera. Quand le moment sera venu, serons-nous prêt ?
Luthien et les siens étaient arrivés à Fondcombe la veille. Si en grande majorité les membres de son groupe étaient exténués, il n’en était pas de même pour Luthien. Les longues traques dans la forêt, les interminables rondes nocturnes, les randonnées à cheval, c’était le quotidien de Luthien, il n’y avait que très peu de place pour le sommeil. Ça ne semblait pas la gêner, bien au contraire puisque le jour appartenait à ceux qui se lèvent tôt. L’elfe passa une bonne partie de sa nuit à arpenter les recoins de la cité qu’elle n’avait encore jamais vu de ses propres yeux. Elle ne l’avait visité qu’à travers les récits historiques que lui narrait sa mère, petite. C’était encore plus beau que ce que les textes en disaient. Le ciel semblait à portée de main. Luthien n’avait pas l’habitude d’observer une voûte céleste au dessus d’elle, le royaume de Thranduil était souterrain. Seuls quelques faisceaux de lumières creusés ici et là apportaient un peu de luminosité et d’oxygène à cette demeure enterrée. Elle n’en restait pas moins magnifique. Après tout, c’est là-bas que Luthien avait décidé de passer le restant de son existence, au plus près de son Roi.
Flottant dans une robe couleur pastel, fluide et vol au vent qui dévoilait une silhouette parfaite aux courbes exquises, Luthien, accompagnée des siens, s’était rendue sur la Place où nourritures, musiques, chants et poèmes les attendaient en abondance. Alors que la foule se rassemblait et se nouait après des décennies d’éloignement pour échanges choses et d’autres, Luthien se tenait, seule, contre un muret en pierre, le regard porté à l’Ouest vers l’horizon, au loin où était sa patrie. Non, elle ne devait pas songer au Dorthonion. Elle se l’était jurée. Ne plus jamais se retourner, ni des yeux, ni du cœur et voir simplement ce qu’elle s’était promise. Ses yeux échouèrent tristement sur le granit anthracite du muret puis elle fit volte face, en direction du Seigneur des lieux qui venait de faire son apparition. Il portait sur lui la sagesse de nombreuses années d’existence qui n’avaient en rien altéré à sa grande beauté singulière. Des grands seigneurs des elfes, Luthien n’en avait toujours vu qu’un : Thranduil. Son charisme et sa prestance naturelle avaient eu raison du cœur de notre petite blondinette. La sagesse et l’élégance distinguée d’Elrond imposaient le respect et l’obéissance. Luthien percevait une grande bonté en lui, de ceux qui réfléchissent avec le cœur. Au dessus de ses sourcils broussailleux pesée une lourde agonie silencieuse comme si le temps lui-même l’avait abandonné, seul, à la dérive. Luthien eut beaucoup de peine pour lui en cet instant.
Tandis qu’Elrond prenait place, la foule fit de même. Les musiciens s’installèrent derrière leurs instruments et ensemble, cordes, percussions, à vents, se mêlèrent en une douce et mélodieuse harmonie. Luthien attendait patiemment le solo de harpe, une oreille attentive accordée au chœur orchestral. Elle pouvait déjà sentir les vibrations séductrices des cordes trembler sous ses doigts sans même y avoir encore touché. Elle avait l’impression d’être un aimant appelé par la force d'attraction d’un champ magnétique. Ses doigts, délicats et assurés, effleurèrent avec douceur la surface des cordes. Elle gonfla ses poumons d’air et ferma doucement les paupières, joignant son âme au pouvoir de la musique. Elle ouvrit son esprit cessant toute réflexion. Ses doigts graciles se mirent alors à papillonner avec dextérité sur les nombreuses cordes de sa harpe offrant ainsi un magnifique hommage à l’arrivée du Printemps. Un étrange contraste de tristesse se ressentait dans sa mélodie. Elle jouait la musique, elle la sentait, elle la possédait. Elle passait en elle comme un courant électrique, guidant ses doigts. Elle s’était offerte corps et âme à elle, comme on s’offre désespérément à l’être aimé. Puis vint le Final, doux et voluptueux, les notes moururent lentement comme les derniers battements d’un cœur. Son esprit venait de fusionner avec la musique. Il s’était inextricablement mêlé à elle au point qu'on ne savait plus qui était qui. Lors de cette douce confusion durant laquelle Luthien crut mourir, elle revint finalement à elle et resta seule avec son corps à elle. C'est ça le miracle de la musique : aller au ciel, en revenir bien vivant et repartir à la première occasion.
(c) AMIANTE
Invité
Invité
Sujet: Re: La Fête du Printemps. [PV Luthien] Sam 17 Mai 2014 - 13:30
Quelques minutes après qu’Elrond se soit installé, les musiciens se mirent en place, telle une petite fourmilière, certains saluant simplement le Seigneur de Fondcombe, d’autres lui offrant des salutations plus approfondies – hochement de tête, sourire amical, la main sur le cœur. Le regard d’Elrond passa sur chacun des visages tandis que, légères, lentes, les premières notes retentirent. Elles étaient douces, voire timides, un côté saccadé qui donnait une allure presque dramatique à cette mélodie. Elles étaient comme… torturées, se liant et se déliant aux cordes de la harpe comme autant de chaînes invisibles, invitant à épancher sa peine au plus profond de la forêt. La sonate semblait représenter la fin de l’hiver, sa mort, son abandon envers la nature, pour laisser place au renouveau – qui seraient, certainement, les chansons suivantes. Celle-ci, sans paroles, juste ces instruments en parfaite harmonie, lui étreignait le cœur. Elrond en aurait eu les larmes aux yeux s’il n’avait pas été en public… Les sons graves l’emmenaient plus bas que terre tandis que les aigues transperçaient sa poitrine, comme des flèches. Ce concert était autant un plaisir qu’un supplice, il aimait la musique comme peu de personnes le pouvaient, mais elle lui apportait son taux de souvenirs que le temps ne pouvait totalement faire disparaître. Le visage de Celebrían lui apparut, vision glacée par le chagrin, et il dut baisser les yeux pour ne pas montrer sa peine, battre des paupières pour chasser cette furtive faiblesse.
Ses yeux se portèrent alors sur le centre de cette musique enchanteresse, la joueuse de harpe. Il ne connaissait pas son nom mais, étant un adorateur de cet instrument si délicat, il avait envie de la côtoyer soudainement, car, selon lui, seul un être doté d’une grande sensibilité pouvait jouer de la harpe avec autant de virtuosité. Après réflexion, il se rendit compte qu’il n’avait tout simplement jamais vu ce visage, encore très jeune pour un elfe… Était-ce la première fois qu’elle venait jouer avec sa troupe, au nom du Roi, dans les quartiers de Fondcombe ? Il se demanda comment une créature jouant aussi merveilleusement bien pouvait n’être pas encore venue ici. Il écouta, attendri autant par la musique que par ce tendre visage ; on ne pouvait parler d’amour, encore moins de coup de foudre. Ce sentiment unique, chez Elrond, était mort le jour même du départ de son épouse. On parlerait, dans ce cas-ci, d’un amour paternel, comme celui qu’il ressentait pour Arwen. Il ne quitta pas des yeux cet elfe à la harpe, dont les doigts s’agitaient fiévreusement sur les longues cordes tendues, ses traits exprimant l’intense sensation qu’elle éprouvait lorsqu’elle jouait. Elrond en fut ému, car il comprenait parfaitement cela…
La mélancolie s’estompa tandis que les dernières notes, lentes et lourdes, comme les flocons de la dernière chute de neige de l'année, s'arrêtèrent, libérant le cœur d’Elrond à cette délicieuse torture. Il attendit patiemment la suite du programme, espérant tout de même une musique plus frivole, tous ses espoirs portés sur la musicienne à la harpe. Il se dit qu’après ce concert, il irait lui quémander quelques morceaux de plus, chez lui, si elle le désirait.
Invité
Invité
Sujet: Re: La Fête du Printemps. [PV Luthien] Lun 19 Mai 2014 - 17:42
La Fête du Printemps.i
Son cœur palpitait encore de l’émotion qui l’avait parcouru à travers chaque pore de sa peau. Luthien avait été infidèle à la saison qu’elle célébrait avec ce morceau emprunt d’une mélancolique hivernale mais la musique était comme une passerelle, un pont entre ses émotions et le monde. Il avait toujours été son meilleur ami pour retranscrire ses états d’âme et bien que le cœur des gens soit à la fête, le sien demeurait envasé sous les litres de d’eau de sa peine. Il se pouvait qu’elle ait quelque peu plomber l’ambiance avec sa mélodie où que certain au contraire en aient profité pour épancher leurs souffrances. Parce que si cette complainte n’était en rien représentative du printemps, elle pouvait en revanche laver les tourments vécus durant les saisons mortes et marquer un point final.
En proie aux doutes quant à la réaction des gens, elle fut agréablement surprise d’être félicité. Même si sa mélodie n’était pas en phase, elle avait plu et touché. Peut-être était-ce là le seul détail important après tout. Ses concitoyens paraissaient en paix, comme soulagés et émus. Elle en fut tout autant touchée. En revanche, retenter l’expérience sur un son aussi dramatique serait certainement moins bien passé. La joie qui avait saisi tout à coup son cœur, l’incita à jouer un air bien différent qui, certes commençait par des notes tendres mais à la fois mystiques et qui, petit à petit, s’élançait sur une rythmique plus cadencée. Cette œuvre venait de sa région, le Dorthonion, un air que lui jouait souvent sa mère : le premier qu’elle apprit. Aux premières notes, l’orchestre de Mirkwood la suivi.
Elle déposa, presque accidentellement, ses prunelles aux couleurs d’un ciel cobalt épuré sur le Seigneur des elfes de Fondcombe, saisi par ce qu’elle lut dans les siens. Cette fascination…non cet émerveillement la mis presque mal à l’aise, au point qu’elle détourna le regard, confuse et rougissante. Elle espérait que cet air ait pu quelque peu apaiser son âme tourmentée et non réveiller en lui de vieux fantômes du passé prompt à lui dévorer l’esprit. Elle en aurait eu le cœur en peine. Même après qu’elle ait reprise son instrument et qu’elle se concentra sur la vibration précise et juste de ses cordes, elle pouvait encore sentir l’attention immense qu’Elrond lui accordait. Elle le savait friand de musique mais elle n’aurait jamais cru possible qu’une simple petite musicienne sans renommé particulière – ou du moins inavouée – pouvait à ce point émouvoir un suzerain tel que lui. En vérité Luthien se sous-estimée beaucoup. Elle n’était pas consciente de son talent qui pouvait émouvoir les grands rois, car oui Thranduil était tout aussi sensible à sa musique que pouvait l’être Elrond en cet instant. Ses musiques complétaient ce que de simples mots ne pouvaient exprimer. Il n’y avait aucun vide entre le sentiment et la musique, au contraire, l’un accompagnait l’autre.
Luthien marqua un temps de pose à la fin de sa musique durant laquelle elle s’était amusée et sentie légère, heureuse d’être en harmonie avec ses confrères sur un air si frénétique. Tandis qu’une partie des musiciens allaient se ressourcer à la table, d’autres prirent la relève. Luthien allait avoir l’honneur d’écouter la musique réputée de Fondcombe. Timide et réservée, elle ne sut pas vraiment où se placer. Les siens s’étaient quelque peu éparpillés, se mêlant aux elfes bruns. Elle était si heureuse d’être témoin de telles complicités et retrouvailles. Comme elle aurait aimé connaître ça…Elle hasarda son regard ici et là sur les petits groupes attablés, laissant jouer sa curiosité en écoutant leurs échanges. Puis son regard se noua de nouveau à celui d’Elrond. Elle en profita pour le saluer respectueusement d’une légère et élégante révérence. Elle ne savait pas trop comment s’y prendre…devait-elle se présenter à lui ou attendre qu’il l’invite ? Sa faculté à repérer les petits détails l’avait conduite à remarquer qu’une chaise, à sa droite, était libre, sans pour autant avoir songé à y prendre place. Luthien colla son dos contre la pierre rafraîchissante du pilier aux gravures exceptionnelles, écoutant avec une attention passionnée les mélodies enchanteresses de Fondcombe.
(c) AMIANTE
Dernière édition par Luthien le Jeu 5 Juin 2014 - 13:36, édité 2 fois
Invité
Invité
Sujet: Re: La Fête du Printemps. [PV Luthien] Lun 19 Mai 2014 - 19:07
La musique changea, la suivante atténuant avec brio la tristesse qui empoisonnait presque l'air jusqu'alors, et les notes coulèrent, douces et virevoltantes comme des oiseaux affolés, vers une ascension joyeuse. Oui, Elrond, un sourire étirant ses lèvres, ressentait clairement la montée en puissance du printemps, les odeurs des fleurs et des fruits nouveaux inondant les alizés et le mistral chaud qui enrobe toute la nature, emportant dans son sillage de folie le précieux pollen, sûreté d'une vie épanouie à venir. Il ferma les yeux, imaginant les plus belles plaines qu'on puisse parcourir sur la Terre du Milieu, se souvint de ses nombreux voyages et des paysages innombrables, délectacles, qu'il avait eu le plaisir de contempler ses derniers siècles. Sa grande mémoire le fit à nouveau chevaucher parmi les bois et les forêts au point qu'il pouvait presque sentir la chaleur des rayons du soleil, la douceur quasi imperceptible des ailes des insectes sur sa peau, le vent ami lui fouetter le visage comme un million de baisers d'été, prometteurs. Il se laissa transporter, hors du temps, hors des ténèbres de la réalité. Il se remémora sa jeunesse, sa fougue, son insouciance, les jeux avec son frère et, tout simplement, la présence du bonheur simple. Il le revit, goguenard, venant de tomber de son cheval, le postérieur dans un ruisseau. Il aurait aimé qu'il soit là, comme avant, pour partagerses pensées d'autrefois avec lui et pouvoir en rire ensemble.
La dernière sonorité, câline contre son cœur plus léger, le fit rouvrir les yeux. Les musiciens originaires de Mirkwood laissèrent la place à ceux de Fondcombe, ces derniers s'empressant de prendre la relève. Pendant un moment, seul le chant excité des oiseaux des environs emplit l'air, en un brouhaha ravissant. Enfin, réimposant le silence aux volatiles qui, eux aussi, se mirent à écouter le concert, un son s'éleva, lourd, rythmé, celui des tambours de Fondcombe. Une flûte vint danser autour de la cadence, rieuse, enchanteresse, époustouflant les oreilles des elfes pourtant habitués depuis toujours à la magnificence de toutes choses. Certains d'entre eux se levèrent et se mirent à danser, d'un pas tel une plume, les corps se frôlant, se touchant et se quittant, les paumes collées, jointes, les bras enlacés, les révérences et les sauts s'enchaînèrent avec une aisance remarquable, les pieds, tantôt chaussés, tantôt nus, touchaient si peu le sol de marbre. Elrond, ne se prêtant pas aux danses pour l'instant, admirait, des étoiles plein ses yeux d'un gris d'acier. Il riait, même, la joie l'inondant tel un torrent. Ces braves elfes, heureux, lui rappelait sa propre personne il y a de cela si longtemps et cela lui communiqua une joie de vivre qu'il pensait avoir enterré.
Son regard parcourut la foule, mouvante ou bien installée, qui bavardaient et se restauraient, tout cela dans une sérénité naturelle. Il vit alors la joueuse de harpe venir devant lui et le saluer d'une petite révérence, l'air un peu intimidé. Histoire de lui faire comprendre qu'elle ne devait pas se sentir gênée en sa présence, il lui offrit un sourire amical, et non celui d'un noble à une roturière. Elle alla ensuite s'adosser à un muret, ce qu'Elrond trouva dommage puisqu'une place libre se trouvait juste à côté de lui... Sachant bien qu'elle n'oserait pas, d'elle-même, s'y poser, il se leva avec souplesse et, ses tissus couleur nuit glissant sur les dalles, il alla lui engager la conversation. Auprès d'elle, toujours souriant, il attendit qu'elle perçoive sa présence et enfin lui demanda :
« Jouez-vous depuis longtemps, jeune elfe ? Votre mélodie ne ressemblait en rien à ce que j'ai pu entendre et, même si mes oreilles ont l'accoutumée des musiques d'Imladris, il m'est fréquemment arrivé d'avoir la chance d'assister à des concerts dans tous les coins de la Terre du Milieu. Pourtant... Vos deux musiques m'ont ébloui. Qui donc vous les a insufflée ? »
On pouvait déceler une certaine passion dans les yeux du Seigneur...
Invité
Invité
Sujet: Re: La Fête du Printemps. [PV Luthien] Mar 20 Mai 2014 - 10:54
La Fête du Printemps.i
Alors que le froid saisissant du mur commençait à lui engourdir le dos tel une colonne de givre, un son marqué d’une cadence endiablée s’éleva tout à coup. Le galop frénétique et infernal des tambours, comme tout droit venue d’une tribu sauvage, était semblable à un parfum de folie qui commençait peu à peu à s’étendre sur sa peau frêle de femme. Son corps tout entier voulait s’offrir à la musique, elle le sentait, frémissant et rebelle, comme un cheval sauvage et fou que l’on retenait captif. Bouger, simplement bouger à s’en faire mal, mais mon dieu danser ! Se transformer en ces nymphes des bois vivant de rires et de danses féeriques, mystérieuses enchanteresses qui vous dévorent l’âme. Ses yeux incrustés de passion et de jalousie, épièrent chaque pas de danse des elfes qui avaient eu l’audace de se débarrasser de leurs entraves en libérant leurs corps. A défaut de se joindre à eux, elle s’imaginait, pieds nus, dansant sous un soleil rouge. La nature, à genoux, le cœur bougeant sur un rythme affolé, le cri de la terre déchirant le ciel. Alors elle se voyait, là, dans un vaste espace laissé libre entre la foule et le feu qui se tordait comme des serpents envoûtés, dansant. Dangereuse et sensuelle sous la pluie sucrée des instruments, elle dansait, elle tournait, elle tourbillonnait sur la poussière d’une terre vermeille qui dessinait des chimères dans le vent quand ses mouvements balayaient le sol. En tournoyant, sa rayonnante figure passait devant vous et ses grands yeux céruléens vous jetaient un éclair.
Les yeux clos et l’esprit en émoi, elle ne sentit pas la présence d’Elrond tout de suite. Elle était transportée loin dans ses rêveries interdites au-delà de toute réalité. Ses pensées euphoriques s’entrechoquèrent comme autant de pierres qui s’écroulent sous l’avalanche d’un tremblement de terre. Le chant frais et pur des oiseaux ne parvenait plus jusqu’à elle. Sa tête était enivrée par la cacophonie ensorceleuse de cette rythmique qui faisait naître en elle des choses étonnement agréables et inédites. Dans le flot de ses mirages, elle s’autorisa pour la première fois une pensée brûlante de désir ; celle d’y voir deux corps désinvoltes dans une proximité à la limite de l’outrance. Il s’agissait du sien et celui de son Roi. Roi qui faisait trembler son cœur avec plus de ferveur que cette chanson. Les douces paroles d’Elrond parvinrent à l’extraire de sa léthargie passive et c’est dans un hoquet de surprise qu’elle revint à la réalité. Confuse et rougissante sous le souvenir encore vif de ses pensées honteuses, elle adressa un léger sourire à Elrond. Depuis quand était-il là ? L’avait-il observé ? En tout cas, il ne paraissait pas émettre la moindre expression troublée.
« Jouez-vous depuis longtemps, jeune elfe ? Votre mélodie ne ressemblait en rien à ce que j'ai pu entendre et, même si mes oreilles ont l'accoutumée des musiques d'Imladris, il m'est fréquemment arrivé d'avoir la chance d'assister à des concerts dans tous les coins de la Terre du Milieu. Pourtant... Vos deux musiques m'ont ébloui. Qui donc vous les a insufflée ? »
Si Luthien manquait d’assurance et de confiance en elle, en revanche, elle éprouvait une certaine joie à recueillir des compliments. Ils étaient toujours agréables à entendre comme le bruit scintillant d’un petit courant d’eau. Elrond était grand, bien plus que la créature qui lui faisait face. Il devait bien faire deux têtes de plus qu’elle. Ses traits étaient parfaits, intacts.
- Vous me faites là un grand honneur mon Seigneur, je vous en remercie. Si je puis me permettre, la musique de votre royaume n’a rien à envier au reste du monde. Je n’avais encore jamais entendu pareille merveille. Vous avez des musiciens remarquables.
Sous le joug encore de ses émotions, la belle marqua une pause de manière à répondre à la requête d’Elrond. Sa musique n’était pas anodine, elle racontait une histoire, son histoire. Les commissures de ses lèvres se soulevèrent en un sourire tendre.
- C’est à ma mère que je dois ces deux mélodies. Elle m’a enseigné les chants et les musiques de nos ancêtres, les Elfes Noldor.
Inutile pour Luthien de faire un cours de géographie à Elrond, il connaissait mieux qui quiconque les recoins de la Terre du Milieu et les tournants marquant qu’elle pu connaître. Si elle était une Elfe Noldor, elle venait automatiquement de l’Ouest, sur l’île de Tol Fuin dans l’ancien Dorthonion inondé.
- Oh…je voulais m’excuser de m’être égarée en interprétant un air si mélancolique inapproprié à la fête du printemps mais…je conçois la musique comme le prolongement d’un sentiment que l’on ressent sur l’instant…
(c) AMIANTE
Dernière édition par Luthien le Jeu 5 Juin 2014 - 13:40, édité 3 fois
Invité
Invité
Sujet: Re: La Fête du Printemps. [PV Luthien] Mar 20 Mai 2014 - 13:47
Aux paroles que prononcèrent la jeune elfe, Elrond sourit plus pleinement. Sa voix ressemblait au son de son instrument, ce qui le ravit, car lui parler pouvait s'apparenter à une nouvelle mélodie de harpe. Il ne regretta pas du tout d'être venue l'accoster et d'avoir engager une discussion avec elle, de plus, sa jeunesse, ses réactions étonnées, comme prise en flagrant délit secret, lui donnat une bouffée d'oxygène. Il se demanda quel âge elle avait, mais elle ne devait avoir que quelques décennies, quelques siècles tout au plus, une vie encore en attente de beaucoup de merveilles - et de peines, aussi, tel était le sort des immortels. Il l'écouta, attendri, complimenter ses propres musiciens. Il eut un geste en guise de réponse, signifiant qu'il la remerciait de sa reconnaissance et qu'il appréciait les compliments en retour.
Lorsqu'elle lui répondit au sujet de l'origine des deux musiques qui avait tant plu au Seigneur de Fondcombe, il eut un air ébahi, il la laissa finir sa phrase pour lui dire, émerveillé :
« Votre mère en est l'auteur ? Voilà d'où vient tout ce talent que vous cachez en vous, et ce modestement. Votre mère a une âme précieuse. Seule une sensibilité, une agilité d'esprit, peut concevoir de telles compositions. Je vous prie de lui communiquer ma plus grande estime ! » acheva-t-il, ayant un hochement de tête appuyé, empreint d'un profond et sincère respect.
Il acquiesa lorsqu'elle parlait des elfes Noldor. Des elfes remarquables, dont le peuple avait subi une douloureuse perte... Fort heureusement, la solidarité avait sauvé les rescapés, au-delà même de la vie à son état pur, mais aussi la santé mentale, car il est dur d'encaisser l'effondrement de ce qu'on aime le plus, son logis, ses repères, tout cela à la fois, qui fait que nous sommes des elfes de cette région ou d'une autre, et non de pauvres âmes en peine, perdues, égarées, sans possibilité d'une stabilité sécurisante et rassurante. Il eut une pensée chaleureuse pour ces elfes braves et solides de coeur.
La musicienne reprit la parole, s'excusant d'avoir joué un air sombre et hivernal. Elle se justifia, parlant de sentiment d'instant. Elrond afficha un air plus grave.
« Je comprends avec exactitude cette sensation et je vous pardonne ce... débordement. Non seulement, ce morceau m'a énormément plu, mais je ne peux imaginer en vouloir à quelqu'un d'aussi talentueux que vous d'avoir voulu vider son coeur d'un trop plein de larmes. Moi-même, j'ai eu l'impression salvatrice de renaître, d'échapper à une lugubre torpeur qui me tenaillait les entrailles... Non seulement je vous pardonne, mais je vous remercie d'avoir apaiser mon propre chagrin. »
Son visage, quoique serein, fut submergé un bref instant par une ombre. Elle passa, furtive.
« Quelle détresse pourrait vous habiter, chère... Oh, j'en oublie les règles de bonne conduite, sous l'émotion. Je ne vous ai pas demandé votre nom. »
Confus, il attendit qu'elle se présente.
Invité
Invité
Sujet: Re: La Fête du Printemps. [PV Luthien] Jeu 22 Mai 2014 - 17:23
La Fête du Printemps.i
Les prunelles d’acier mais pourtant emprunts de tendresse scrutèrent avec éblouissement ce petit minois qui faisait face au Seigneur de Foncombe. Dans ses yeux rieurs se lisait un réel enchantement qui eu vite fait de faire rougir Luthien. Elle s’était toujours sentie mal à l’aise quand les projecteurs se braquaient sur elle, la mettant ainsi au centre des attentions. L’attention captivée en particulier était loin d’être insignifiante, au contraire, il s’agissait de celle d’Elrond. Elle n’avait pas le choix, elle devait surmonter son trouble au risque de paraître contrariante et de salir l’image de Mirkwood. Puis la compagnie d’Elrond n’était pas si déplaisante que ça à bien y réfléchir. Une belle aura émanait de lui comme une force protectrice. Cette allure droite et quelque peu autoritaire imposait le respect. Le son suave de sa voix était réconfortant, comme celle d’un père.
« Votre mère en est l'auteur ? Voilà d'où vient tout ce talent que vous cachez en vous, et ce modestement. Votre mère a une âme précieuse. Seule une sensibilité, une agilité d'esprit, peut concevoir de telles compositions. Je vous prie de lui communiquer ma plus grande estime ! »
Touchée en plein cœur par la subtilité de ses paroles, Luthien lui adressa un sourire reconnaissant et teinté de tendresse. Il n’imaginait pas tout ce que pouvait représenter sa mère aux yeux de Luthien et l’hommage qu’il en faisait l’émut intensément. En plus de représenter son dernier parent vivant, elle était sa source d’inspiration. Une mère est Dieu aux yeux de son enfant. Il n’y a rien qu’elle n’aurait pas fait pour elle.
- Merci. Merci infiniment pour ces mots Seigneur Elrond. Elle en sera sans nul doute grandement honoré. Si son âme n’était pas autant accablée par le souvenir de nos derniers voyages, c’est avec une joie qu’elle se serait jointe à moi pour contempler à nouveau cette cité qui avait illuminé son cœur quand elle était petite.
Son ravissant visage s’illumina d’un sourire affectueux comme si, en narrant les souvenirs de sa mère, elle racontait les siens. Le lien fusionnel qu’elle partageait avec sa mère était unique, précieux, intacte. Préservée et farouchement défendue par l’amour qui les unissait, rien ne pouvait venir entacher cette profonde complicité. Elles étaient comme les deux doigts de la main, deux âmes jumelles, parallèles, assorties. Même éloignées, leurs pensées se retrouvaient connectées par un lien qui n’appartenait qu’à elles.
« Je comprends avec exactitude cette sensation et je vous pardonne ce... débordement. Non seulement, ce morceau m'a énormément plu, mais je ne peux imaginer en vouloir à quelqu'un d'aussi talentueux que vous d'avoir voulu vider son coeur d'un trop plein de larmes. Moi-même, j'ai eu l'impression salvatrice de renaître, d'échapper à une lugubre torpeur qui me tenaillait les entrailles... Non seulement je vous pardonne, mais je vous remercie d'avoir apaiser mon propre chagrin. »
Luthien fit une légère révérence, afin de témoigner sa gratitude. Si elle avait pu tarir sa peine l’espace d’un moment pour le laisser se ressourcer aux premières lueurs immaculées du printemps, elle en était flattée. Tel était le but recherché. Un petit soupir de consolation s’échappa furtivement de ses poumons après l’aveu d’Elrond. Elle avait réellement cru noircir la fête avec ses états d’âme. Comme elle aurait voulu s’enquérir de ce qui pouvait lui tenailler l’âme, cependant cela aurait été perçu comme déplacé. Ils venaient à peine d’échanger quelques paroles, creuser la cuirasse maintenant aurait été trop hâtifs. Toutefois, une lueur non négligeable d’empathie se lisait facilement dans le regard de la jeune elfe.
« Quelle détresse pourrait vous habiter, chère... Oh, j'en oublie les règles de bonne conduite, sous l'émotion. Je ne vous ai pas demandé votre nom. »
Le terrain sur lequel elle avait voulu s’avancer tout à l’heure – au risque de paraître impolie -, se présenta finalement à elle. Elle adressa un sourire franc et amusé à la situation et constata par la même occasion que l’intérêt qu’Elrond lui portait n’était pas qu’une simple formule de politesse mais qu’il était fondé.
- Il n’y a pas de mal, je vous assure. Luthien, je m’appelle Luthien.
Oui, le même nom que portait l’ancêtre d’Elrond, cette magnifique elfe qui s’était éprise d’un mortel dont l’union donna naissance à la race des semi-elfes. Ainsi les générations qui suivirent eurent dans leurs veines à la fois du sang elfique et humain. Luthien connaissait cette merveilleuse et pourtant tragique histoire d’amour.
- Celle de me sentir terriblement seule bien qu’entourée…J’ai beau hurler, personne ne m’entend…
Elle laissa choir son regard qui s’abattit sur les dalles beiges. Pas une journée ne se passait sans que les visages des gens qu’elle avait aimés et perdus ne viennent hanter son esprit. Sa poitrine se gonfla d’air et elle évacua quelque peu brutalement ses mauvais songes qui commençaient à revenir en force. L’honneur était à la fête, aux rires et non aux pleures.
- Mais je ne veux pas vous ennuyer avec mes états d’âme, il y a des choses bien plus terribles et inquiétantes que mes blessures du passé. Quelque chose qui est en phase de se réveiller et qui nous concerne tous, je le sens au plus profond de moi…
Elle échangea un regard grave avec Elrond avant qu’un jeune Elfe de Foncombe ne vienne les interrompre, main tendue vers Luthien qu’il regardait avec des iris charmées.
- Pardonnez-moi Seigneur Elrond, mais puis-je vous enlever, le temps d’une danse, cette ravissante jeune fille ?
- Euh…et bien je…
Luthien était prise au dépourvue et ne savait pas vraiment comment elle devait réagir. Bien que courtois, ce jeune téméraire les avait interrompu alors que leur discussion se tournait vers un sujet sérieux et préoccupant. L’immortelle à la chevelure d’argent alterna son regard, dérouté, à la fois sur Elrond et sur l’inconnu avec lequel elle n’avait pas essentiellement envie de danser et ce même si le rythme s’était adoucie et tanguait vers des sonorités lentes et espacées incitant ainsi les convives à une danse rapprochée.
- C’est que…
(c) AMIANTE
Dernière édition par Luthien le Jeu 5 Juin 2014 - 13:39, édité 2 fois
Invité
Invité
Sujet: Re: La Fête du Printemps. [PV Luthien] Jeu 29 Mai 2014 - 15:28
Elle lui communiqua son prénom et il l’accueillit d’un hochement de tête. Elle eut l’air, ensuite, légèrement triste, tandis qu’elle évoquait le pourquoi du comment sa musique semblait si lourde de chagrin… Des problèmes liés au passé, qui faisaient surgir des sentiments troubles à certains moments du présent. Elrond connaissait bien cela et il afficha une attitude compréhensive. S’ils avaient été plus intimes, certainement aurait-il osé un attouchement fébrile, une pression affectueuse sur l’épaule ou une digne étreinte, quelque chose dans ces goûts-là. Il se contenta, vis-à-vis de son interlocutrice, de lui rendre le reflet de son expression, c’est-à-dire un air peiné, pensif. Lorsque Luthien évoqua le danger à venir, qui guettait la Terre du Milieu toute entière, et d’une ampleur bien plus importante que leurs soucis respectifs et personnels, Elrond fut agréablement surpris de percevoir la clairvoyance de cette jeune elfe. Il ouvrit ses yeux plus largement, visiblement admiratif, sans pour autant en exprimer la nature. Si elle avait le don de voir les choses invisibles, de les ressentir en son cœur comme lui le faisait, elle comprendrait. En silence, ils s’échangeaient bien plus que ces simples paroles…
A ce moment là, un intrus interrompit ce précieux échange, faisant froncer les sourcils du Seigneur de Fondcombe. Restant assez digne et discret pour éviter d’embarrasser l’assemblée, il se fit tout de même plutôt froid. Muet, il laissa l’elfe brun à l’esprit désinvolte de la jeunesse, inviter la musicienne à l’accompagner pour la prochaine danse. Celle-ci hésita – ce qui fit, étrangement, sourire Elrond – et le Seigneur eut l’impression qu’elle attendait presque qu’il lui donne sa permission. Ne sachant pas que dire pour envoyer se faire voir le garçon tout en restant courtois, il lâcha la seule raison valable qui pouvait empêcher que Luthien et lui ne doivent cesser leur discussion :
« Vous m’en voyez désolé. J’étais justement en train d’inviter cette jeune dame pour une danse. Excusez-moi… »
L’elfe, l’air dépité tout à coup, dégagea le passage pour qu’Elrond puisse s’avancer vers le centre de la petite place blanche, toute de marbre, des dalles à la fontaine jusqu’aux statuts, aux murets et aux bancs. Avant de s’y rendre, il se retourna à mi-chemin, lança un regard interrogateur à Luthien, lui intimant par cette petite œillade de la rejoindre. Lui aussi, il tendit sa main, mais il la garda plus basse que le jeune elfe ; Elrond montrait ainsi plus de pudeur, un entrain plus réservé. L'elfe, déçu par la tournure de l'évènement, les épaules basses, resta sans cavalière et regardait Luthien et Elrond, une moue mauvaise sur son visage, les bras croisés et le dos contre un mur.
Le moment était justement propice à la danse pour le Seigneur Elrond. La musique devint celle d’une danse collective, où les elfes formèrent un rang par deux, les hommes d’un côté, les femmes de l’autre. Elrond demanda :
« J’espère que vous connaissez les pas à suivre… Dans le cas contraire, rassurez-vous, le rythme est lent et permet de danser même s’il faut regarder les autres. De plus, vous pouvez me faire confiance pour vous guider… »
Il lui offrit son sourire et, imitant les hommes de sa rangée, il baissa légèrement le torse en une brève révérence. Pas à pas, dans une cadence mesurée et légère, les danseurs entamèrent exactement les mêmes mouvements. S’ensuivait alors une chorégraphie fort bien connue par les elfes de Fondcombe, où les mains se rejoignaient, paume contre paume, entre les corps espacés, avant que ceux-ci ne se rapprochent tout de même quelque peu, mais en respectant une certaine distance. Là, les danseurs aux mains réunies avançaient dans la même direction, puis les femmes tournaient pour passer devant les hommes, aller joindre leur épaule à celle de son partenaire et ainsi, ensemble, tourner dans le même sens, avec une lenteur mêlée de grâce, les longues robes et les capes glissant comme de l’eau sur le sol blanc. Cette partie de la danse s’appelait « Le cycle du jour et de la nuit », l’homme et la femme représentant alors chacun des deux astres. Elrond, tandis que son épaule frôlait celle de la musicienne, pouvait voir sa longue chevelure qui ondulait jusqu’à ses reins, et pensa que cette danse lui allait à merveille, car chacun de ses cheveux semblait être un délicat rayon de lune… Lui, ceci dit, ne lui faisait pas l’effet d’un soleil, mais plutôt d’un ciel nocturne. Sa mère ne l’avait-il pas nommé Voûte Étoilé ? Ce soir-là, justement, il s’était paré de sa tenue couleur de nuit, un bleu profond, nacré d’argent dans les broderies et les reflets du tissu bleuté. Sa tiare étincelait comme une étoile sur son large front, symbole de son rang et son nom que les âges n’avaient pas altéré de son sens initial. La danse continua, enchaînant les pas, assez répétitifs, mais l’effet que cela procurait était une douce transe, comme un manège dont les danseurs étaient les maîtres, tout cela bercé par une musique envahissant l’âme. Des violons se faisaient entendre plus que tout autre instrument, rejoints par des flûtes murmurantes, emmenant les spectateurs à un état d’extase. Les elfes, tous, sans exception, souriaient, parfois malgré eux, la plupart avec un enthousiasme qu’ils ne cachaient pas à dissimuler. On pouvait voir à quel point la mélodie imprégnait l’atmosphère et leurs cœurs, reliés en un même sentiment. Le son de la harpe retentit… Elrond regarda alors Luthien, y devinant à l’avance son plaisir, puisqu’il était sans conteste son instrument de prédilection.
« Vous parliez d’un danger nous concernant tous… Je ne sais si vous êtes apte à entendre cette nouvelle dans le moindre détail, mais je peux, en tout cas, vous affirmez la justesse de vos propos. Vous avez vu l’invisible, Luthien. La Terre du Milieu peut s’attendre à revivre une part de son passé. Cela m’inquiète, mon esprit n’est plus tranquille. Le Mal ne restera pas tapi dans l’ombre très longtemps… »
Invité
Invité
Sujet: Re: La Fête du Printemps. [PV Luthien] Jeu 5 Juin 2014 - 13:30
La Fête du Printemps.i
Si le destin les avait fait se rencontrer plus tôt, elle aurait très certainement appréciée une étreinte, une marque de réconfort de sa part. Elle aurait accueilli sa main délicate sur sa frêle épaule et cette pression de soutient. Leurs pensées dérobées se seraient rejointes en un seul et même regard. Son petit nez retroussé se serait réfugié dans ce repaire chaleureux du cou d’Elrond afin d’y respirer un parfum de consolation paternel. Oui, elle se serait permise tout ça si tant ils n’étaient pas si étranger l’un pour l’autre. Cependant, l’espace d’un instant, ils avaient été plus proche que jamais, comme deux pièces d’un même puzzle qui se rejoignent au son mélancolique de sa musique. C’était comme si la porte de leur âme s’était ouverte afin d’y laisser entrer l’autre, unique témoin des meurtrissures subits. Luthien avait aimé cet instant, elle avait été reliée d’une manière très intime à un autre être et cette expérience l’avait beaucoup bouleversée. Tel était Luthien, un être hyper sensible dotait d’une empathie intuitive pour tout ce qui l’entourait. Elle prêtait son oreille aux multiples complaintes du monde répondant au mieux à l’appelle des supplices hurlants. Alors elle se mettait derrière sa harpe et jouait. La musique était un apaisement, une manière d’exorciser le mal et d’aspirer les peines ravageants les cœurs et les consciences. Parfois elle réussissait, quelque fois elle échouait…
Le regard d’Elrond se fit plus expressif vis-à-vis des aveux de Luthien concernant les jours sombres. Cette faculté à sonder et à écouter les voix du monde, elle avait l’impression de l’avoir toujours eu. Toute petite déjà, elle ouvrait son cœur à la Terre qui lui insufflait le sens de la vie et le rôle de chaque être qu’elle abritait. Elle mettait ça sur le compte de sa race et qu’à partir de là tous les elfes étaient capable de pressentir. Certains plus que les autres, de toute évidence. Ceci dit, elle n’aurait jamais pensé surprendre Elrond à ce point. Etait-ce un don si peu réputé chez les elfes ? L’intrépide elfe qui s’était permis de les déranger et de mettre mal à l’aise Luthien au point de l’inviter à danser se fit subtilement remettre en place par le Seigneur de Fondcombe. Sur un mensonge, il la tira d’affaire mais simplement pour la faire tomber de Charybde en Scylla. Plus le choix, elle devait assumer. Ce qui l’effrayait le plus n’était pas tant son cavalier, mais la danse en elle-même. Comme tout elfe, elle avait été initiée à la danse dès son tout jeune âge mais avait rapidement fuit les cours…Elle ne se sentait pas à l’aise dans cette pratique, elle préférait amplement rejoindre clandestinement son père à la forge pour qu’il lui enseigne l’art de l’escrime tandis qu’elle échappait à la danse.
Elrond s’était déjà engagé en direction de la piste où tous ses sujets, enchantés et honorés, l’attendaient avec impatience avant de commencer la chorégraphie. Tous les regards convergèrent vers la jeune femme que le grand Seigneur semblait attendre, une main gracieusement tendue en sa direction. La peur commençait à prendre possession d’elle, elle se lisait aussi bien sur son visage que dans son comportement. Rassemblée sur elle-même, la pauvre créature n’osait pas avancer et pourtant, le regard plein d’assurance qui lui envoya Elrond, l’incita à le rejoindre. Ses jambes l’entraînèrent. Elle descendit doucement les marches et quand elle fut à portée d’Elrond, elle cala sa petite menotte tremblante et pâlichonne dans celle à la fois vigoureuse et douce du Seigneur. Ses doigts longs et fins se refermèrent sur ceux de la belle blonde comme un coquillage protégeant farouchement la richesse contenue en son cœur. Le tambour niché entre ses côtes s’enflammait sur une rythmique cadencée qu’elle avait du mal à contrôler. Si l’elfe de tout à l’heure, fulminait silencieusement dans son coin, les yeux cernés de mépris, Luthien l’avait complètement rayé de ses songes, bien trop concentrée sur ce qui se passait sur l’instant présent. Peut-être aurait-elle ressentie moins de traque avec lui ? Il avait tout de même moins d’importance et de popularité qu’Elrond et qu’elle commette une faute de pas ou de synchronisation, ça n’aurait pas trop eu d’importance ? Qui l’aurait vu ? Alors que là…elle était la partenaire du demi-elfe et donc automatiquement le sujet de toutes les attentions. Pourquoi elle ? Qui était-elle ? D’où venait-elle ? Qu’espérait-elle ? Autant de questions qui se lisaient dans leurs yeux et qui transperçaient, comme une salve de flèche, notre elfe Noldor.
« J’espère que vous connaissez les pas à suivre… Dans le cas contraire, rassurez-vous, le rythme est lent et permet de danser même s’il faut regarder les autres. De plus, vous pouvez me faire confiance pour vous guider… »
- Dans ce cas je m’en remets entièrement à vous et à votre habileté car si j’excelle dans bien des domaines, la danse m’est inconnue...
Avoua t-elle non sans cacher sa faiblesse. De toute manière, qu’elle se soit tue ou non, il aurait très rapidement remarqué son niveau très quelconque alors autant qu’il soit mit au parfum d’emblée. Elle incrusta son regard de biche égarée dans le sien, si posé et résolu. Cette figure confiante la rassura et elle répondit alors à son sourire s’offrant toute entière et sans résistance à son partenaire de danse. Tous se saluèrent par une révérence distinguée, d’une élégance que l’on reconnaît qu’aux elfes. Luthien baissa le regard et essaya de calmer ce cœur qui était maintenant remonté jusqu’à sa gorge. Il fallait qu’elle se concentre et alors que les premiers pas débutèrent, elle se cala sur la même fréquence qu’Elrond, mimant le plus parfaitement possible ses mouvements comme si elle eut été son propre reflet. Il ne fallait pas qu’elle s’apparente à un vulgaire automate, alors elle glissa de l’élégance et de la souplesse à ses gestes. Leurs nombreux vas et viens et déplacements firent virevolter les robes des femmes avec la même magnificence et volupté que les ailes des graines d'érables qui, en se détachant des arbres, tournoient et planent, bousculées par le vent. Si Luthien avait pu paraître tendue au tout début, il n’en était plus du tout le cas à présent. Ses jambes énergiques et sveltes, ses bras raffinés comme les ailes d’une colombe, sa taille droite et soutenue, tout son corps s’était accordé à la danse et répondait aux attentes des mains expertes de son partenaire. Il n’avait plus besoin de la guider, elle était indépendante et libre dans ses mouvements comme si toute sa vie elle avait travaillé cette ronde dansante. Luthien ne connaissait pas la signification de cette danse et encore moins les images auxquels étaient identifiés les danseurs. Si elle ignorait être la Lune, elle s’élançait pourtant, insouciante et légère, comme une perle roulant sur le tapis de velours bleu marine de la Voûte Céleste. Leurs épaules se frôlèrent lorsqu’elle passa devant lui. Leurs parfums se mêlèrent inextricablement dans la tempête de leurs mouvements offrant à Luthien un bouquet floral qui séduisit le sens olfactif de notre elfe. Et alors les notes de la harpe s’élevèrent, mystiques et envoûtantes. Luthien plongea alors ses iris quelques peu fiévreuses - encore sous le joug de cette transe - dans les prunelles anthracites d’Elrond qui revint alors sur leur discussion précédente, avec que celle-ci ne soit rompue par l’impertinence du jeune elfe.
« Vous parliez d’un danger nous concernant tous… Je ne sais si vous êtes apte à entendre cette nouvelle dans le moindre détail, mais je peux, en tout cas, vous affirmez la justesse de vos propos. Vous avez vu l’invisible, Luthien. La Terre du Milieu peut s’attendre à revivre une part de son passé. Cela m’inquiète, mon esprit n’est plus tranquille. Le Mal ne restera pas tapi dans l’ombre très longtemps… »
Ils continuèrent de danser. Maintenant que Luthien avait adopté les pas, elle pouvait dès à présent laisser son corps agir librement et porter son attention sur les dires du Seigneur. Visiblement, ses doutes étaient fondés, ce qui ne l’enchanta guère. Comme elle aurait aimé s’être trompée…mais la réalité en était lourdement autrement. La jeune femme relâcha un soupir de lassitude.
- A Mirkwood je la sens plus présente et grandissante…comme si le mal s’était réfugié en ces lieux et s’étendait de jour en jour. Le Roi Thranduil ne laisse rien paraître mais j’ai entendu dire qu’il avait renforcé sa garde…Les orcs et les araignées se font de plus en plus fréquentes, il arrive même quelque fois que nous soyons dépassés par elles…Cela ne peut être le fruit du hasard. J’ai appris depuis longtemps qu’il n’existait aucune coïncidence, seulement l’illusion de la coïncidence.
(c) AMIANTE
Invité
Invité
Sujet: Re: La Fête du Printemps. [PV Luthien] Ven 13 Juin 2014 - 16:46
La lente mesure de cette danse typique d’Imladris permettait au duo de discuter tranquillement. Elrond écouta donc attentivement ce que la jeune Luthien avait à lui dire, et il hocha la tête d’un air entendu. Ses traits se crispèrent sous une tension palpable. Sa main, involontairement, serra un peu plus fort celle de Luthien tandis que la chorégraphie leur dictait de se les tenir délicatement ; lui, par contre, étreignait les doigts fins et blancs de la musicienne un peu trop fort. Lorsqu’il s’en rendit compte, il desserra aussitôt et souffla une excuse sincère. Leurs pieds voltigèrent ensemble, dans un même mouvement, et alors que le rythme ralentissait de plus belle, il lui déclara :
« Les rumeurs sont donc fondées… J’avais comme espoir que cela ne soit que le fruit de quelques racontars désireux de se rendre intéressants le temps d’une soirée… »
Il tournoya autour de Luthien, saisit à nouveau sa main pour la faire marcher sur la pointe des pieds, comme les autres danseurs, autour de lui, et les dernières notes tintèrent dans l’air ambiant pour enfin s’éteindre en douceur. La musicienne et le Seigneur se faisaient face, leurs visages graves, tandis que les autres elfes, à l’opposé, souriaient, ravis de cette danse.
« Mais vous n’avez pas l’air d’aimer le mensonge. » lui dit Elrond, ne quittant pas son regard. « Cela m’inquiète. Il me faudra certainement agir… Me tromperais-je en affirmant que le Roi ne semble pas prêt à le faire, à protéger autre chose que son propre royaume ? » acheva-t-il tout en l’amenant un peu plus loin de la foule. Un dernier concert allait commencer, cependant, les deux elfes, ayant entamé la discussion sur un sujet obscur et sérieux, semblaient avoir totalement oublié la fête qui battait encore son plein autour d’eux. La musique devint lointaine, ainsi que les rires, et le mouvement d’un autre groupe qui s’était mis à danser de façon plus dynamique, plus désordonnée, était comme inexistant, un nuage flou de corps inconnus s’excitant au coin de l’œil, manquant soudainement d’intérêt.
Ils quittèrent en silence la place, montèrent des escaliers de marbre blanc aux nervures nacrées, et Elrond glissa vers une allée peu fréquentée – surtout à cet instant où quasiment tous les elfes de Fondcombe préféraient manger, boire et s’amuser aux sons des flûtes traversières et des lyres. Ils avancèrent, silencieux comme des ombres, parmi de grands arbres aux fleurs rosées, de magnifiques rosiers épousant les contours de buissons de rhododendrons. Elrond n’avait pas le cœur à parler, pour l’instant, ayant du mal avec ce genre de tristes nouvelles. A plusieurs reprises, il eut l’envie de briser le mutisme dont il était victime, mais à peine croisait-il le regard de la jeune elfe qu’il abandonnait l’idée d’étaler ses sombres pensées à cette jeune âme. Il n’avait pas le cœur à l’inquiéter davantage, lui-même sachant à quel point il pouvait être difficile d’encaisser certaines horreurs de ce monde. Elle ne semblait pas naïve, ni totalement inconsciente et ignorante des durs évènements qui pouvaient bouleverser une vie, toutefois, avoir affaire au Mal en personne, subir la guerre et tout ce qui entoure les batailles – les tortures, les trahisons, la magie noire,… - était différent. De longues minutes s’écoulèrent sans qu’Elrond ne trouve le courage de lui dévoiler ses réelles appréhensions. Enfin, il entrouvrit les lèvres et dit :
« J’aimerais que vous fassiez quelque chose pour moi. »
Il continua de marcher, Luthien à ses côtés, gardant également un silence respectueux. L’expression de son visage avait abandonné le masque seigneurial qu’il avait adopté lors de la fête ; à cet instant précis, il avait chuté pour afficher ce qu’il était vraiment. Un elfe bienveillant, généreux, simple malgré sa position sociale, et très loin de se sentir supérieur à autrui, malgré sa longue existence lui ayant offert une grande sagesse et une expérience précieuse. Cela n’était alors que détails à ses yeux, ne lui conférant pas plus de droits qu’un autre, ni plus d’importance à sa voix. Il aimait connaître l’avis des autres, les écouter, s’imprégner de leur vision pour avoir une vue plus large d’un même sujet. Bien sûr, il gardait sa propre pensée sur la plupart, mais cela lui permettait d’être compréhensif, d’apprendre à penser comme les autres, avec le vécu et la façon de réagir propres à chaque individu. Cette habitude lui évitait aussi l’égoïsme, le plus souvent. Ce que le Roi Thrandui semblait faire preuve… Ne se préoccupant pas des autres terres, ni des autres races, il était prêt à laisser mourir la Terre du Milieu tant que son royaume restait debout, fier mais seul, entouré des ténèbres. A cette idée, Elrond frissonna, sans chercher à s’en dissimuler à Luthien. Il se mit à dévoiler la nature de sa demande.
« Sans que Thranduil et moi soyons en froid, je sais pertinemment que le Roi ne désire pas tout me dire sur ses intentions. Il ne me cache pas grand-chose, mais ne me révèle pas tout. C’est une chose qui me gêne, car il est bien plus au courant de ce qui se passe en Terre du Milieu que moi, et j’aimerais l’être également. Sûrement craint-il que je ne convoque une mesure radicale contre ce qui se trame, sûrement craint-il le pire, comme nous tous, mais préfère rester tapi chez lui, derrière sa garde, au lieu de se lancer au devant du danger… » Une légère pointe de mépris teintèrent les paroles du Peredhel, qui eut toutes les peines du monde à rester neutre. « Ne sachant rien, je ne peux lui faire de requête ! Je reste en partie dans l’ignorance et ça me devient insupportable… »
Il s’arrêta et fit face à Luthien. Il était plus grand qu’elle, certes, mais ne semblait pas du tout la toiser, ni la prendre de haute, bien au contraire. Son regard était presque suppliant, il y brillait une lueur d’inquiétude mêlée à un éclat d’espoir.
« Je voudrais que, pour moi, vous tentiez d’en savoir plus. Je ne peux me déplacer jusque Mirkwood, quémander une audience au Roi et prendre le risque d’avoir perdu mon temps, s’il me refuse, chose qu’il a déjà fait quelques fois sous le prétexte d’une absence inopinée ou d’une trop grande occupation… Ma place doit être ici, le plus souvent possible. Tandis que vous, vous pouvez voyager à votre guise, vous avez plus de liberté… et votre rang vous permet plus de discrétion. Pensez-vous pouvoir récolter quelques informations et m’en faire part ? Cela devient primordial… »
Elrond ne connaissait pas cette Luthien, mais sa clairvoyance la faisait apparaître comme une personne de confiance. Il n’en doutait pas.
Invité
Invité
Sujet: Re: La Fête du Printemps. [PV Luthien] Lun 16 Juin 2014 - 12:26
La Fête du Printemps.i
Ses aveux ne laissèrent par le Seigneur d’Elrond indifférent, déjà son ressenti saisissant se transmettait jusqu’à ses mains qu’il déguisa d’une vigueur bien trop présente. Sans avoir particulièrement mal, Luthien ne pouvait qualifier ce resserrement d’agréable sur ses frêles phalanges. En relevant son regard vers le visage fermé et grave d’Elrond, elle comprit aussitôt son inquiétude grandissante. Aurait-elle dû se taire ? Apercevoir le tourment dans les prunelles des gens la rendait si triste qu’elle s’en voulait à cet instant de l’avoir glissé dans celles d’Elrond. Elle pansa sa peine et le rassura en effectuant un mouvement de caresse avec ses pouces, sur les doigts du demi-elfe, l’incitant ainsi à relâcher sa prise. Quand il présenta ses excuses, elle les accepta presque aussitôt comprenant tout à fait son désarroi. D’un petit mouvement de menton, elle désapprouva les croyances de son partenaire. Non, la vérité était telle qu’un Mal menaçait la quiétude de cette Terre sainte. Achevant les derniers pas de danses, Luthien se félicita intérieurement de s’être si rapidement adaptée à la chorégraphie. Personne n’aurait pu savoir qu’il s’agissait de sa première danse en public. Le niveau de son cavalier y était pour beaucoup, certes, mais elle avait su se montrer à la hauteur des exigences. Ce n’est pas aujourd’hui qu’elle entacherait la renommé de Mirkwood.
Non en effet, elle n’appréciait guère qu’on lui cache des informations où que l’on sous-estime sa capacité à encaisser surtout lorsque dans son fort intérieur, elle pressentait que quelque chose déraillait. Sa clairvoyance l’avait conduite prudemment à percevoir les nuages obscurs à l’horizon, assombrissant ainsi son cœur et ses pensées. Alors qu’ils se faisaient à présent face, Elrond s’engagea sur une piste glissante en reprochant le manque de participation de Thranduil. Etait-il réellement à blâmer ? Il menait déjà lui-même sa propre guerre contre les forces du mal qui s’étendaient petit à petit dans son royaume, pouvait-il réellement être injustement traité de lâche ? Luthien eut un pincement au cœur et fut quelque peu déçu de la réaction soudaine du grand monarque de Fondcombe. De plus, peu d’oreilles seraient prêtes à entendre ou voudraient entendre les tristes présages que les elfes sont en mesures de prévoir. Depuis des siècles la paix était maintenue et quand bien même la présence du mal serait confirmée, Luthien ignorait si les peuples seraient prompts à accepter la vérité. Pourtant il le fallait, ils devaient se tenir prêt car en secret, lui, le Mal se reconstituait. Elrond entraîna Luthien en dehors du cercle de fête, là où ils pourraient être tranquille pour s’entretenir de sujets délicats et qui concernaient le destin de tous. Elle se sentit une fois de plus privilégiée bien qu’elle craignait que les reproches sévères d’Elrond ne la désappointent. D’une voix calme, posée mais directe, elle lui répondit.
- Si je puis me permettre, Seigneur Elrond, vous n’avez aucune idée de ce qui se passe à Mirkwood. Comment le Seigneur Thranduil pourrait-il assurer plusieurs fronts à la fois quand nous éprouvons beaucoup de difficultés à maintenir l’ordre sur ses terres ? Ne soyez pas trop prompte à le juger trop cruellement, je suis certaine que, comme vous, il fait de son possible.
A mesure qu’ils s’éloignaient de la réception, la musique s’effaça comme un écho épuisé de résonner. Les rythmes changèrent une nouvelle fois incitant les elfes à se prêter à des danses quelques peu exotiques et relâchées. Les rires n’étaient plus qu’un simple bruit de fond à peine audible. Aussi charmante et envoûtante que soit cette fête, Luthien ressentait le besoin de remettre un peu d’ordre dans son esprit et ses émotions, lesquels émotions qui avaient été poussées à leur paroxysme tout au long de ces magnifiques mélodies et danses. Ils s’effacèrent alors comme s’ils eurent été deux amants, friands de partager un peu d’intimité. Luthien se laissa guider et transporté par la magie et la féerie des lieux. Ils gravirent un escalier en spirale aux pierres blafardes où le poids de la nature semblait s’être glisser dans chacun des motifs sculptés. Divers oiseaux et plantes étaient taillés dans la marbrure. Les courbes élégantes et flottantes de l’architecture donnaient une touche orientale au décor. Il n’était pas rare de voir des arbres pourfendre les marches des escaliers ou alors trouver des racines qui serpentaient parmi les allées et les différentes maisons. La nature croissante s’installait où bon lui semblait, investissant les lieux pour la grande joie des elfes. Foncombe était vraiment la meilleure demeure pour figurer l'esprit supérieur de la vie elfique, l'immortalité et le contact avec la nature. Luthien admira la luxuriante végétation qui s’offrait à elle, la brise mélangeant les divers parfums floraux. Elle prit une profonde inspiration, nourrissant ses poumons de cet oxygène pur et sucré. Il y avait tellement de beauté dans ce royaume…c’était vraiment différent du monde souterrain de Thranduil. Même si elle aimait Mirkwood, elle était privée du ciel et de la végétation fraîche et vivante et ces éléments comptaient beaucoup pour elle, pour aspirer à sa vision d’une vie elfique. Mais ce sacrifice était bien maigre comparé à la joie de pouvoir respirer le même air que Thranduil et partager son quotidien. Alors qu’elle s’extasiait devant la beauté d’un rosier en fleur, Elrond attira son attention avec sa demande. Sa curiosité piquée à vif, elle fronça les sourcils, scrutant le visage du semi elfe. Le silence olympien qui suivit en disait long. Luthien savait qu’il réfléchissait à ce qu’il allait lui dire et surtout comment lui dire avec les mots précis et des phrases bien tournées. Elle ne fut pas très rassurée, agacée par cette attente angoissante. Un long soupir d’impatience s’envola de sa poitrine alors qu’ils continuèrent à marcher dans le dédale de chemins. C’est alors que sa voix s’éleva, dur et cinglante, ce qui ne manqua pas de surprendre la jeune femme qui stoppa sa marche incitant ainsi Elrond à s’arrêter. Elle se repassa sa longue tirade dans son esprit et plus ses paroles lui revenaient, plus son cœur était meurtri.
- Détrompez-vous, il n’en sait pas plus que vous, ni moi. Il pressent quelque chose, certes, et en tant que Roi, je comprends qu’il puisse en premier lieu orienter son regard et sa protection sur son royaume, c’est légitime. Comme je vous l’ai dit, nous sommes tous les jours de plus en plus menacés, sortir de notre propre domaine relève parfois du miracle tant la forêt est infestée. Nous vient-on pour autant en aide ? Non parce qu’aux yeux des autres, rien ne justifie qu’une armée ou une escouade ne prenne les armes pour « quelques » araignées ou une « poignée » d’orc.
Luthien s’était laissée prendre au jeu de ses émotions, réagissant quelque peu promptement, défendant bec et ongle son grand Roi. Elle mieux que quiconque savait ô combien Thranduil était foncièrement bon même s’il ne le montrait que peu souvent, il pouvait faire preuve d’une grande générosité d’âme. Pour rien au monde elle n’accepterait que l’on entache sa vision de lui car chaque jour de plus en ce monde, c’est à lui qu’elle le devait. Il était alors hors de question que l’on vienne le dénigrer ni même le critiquer et ce même s’il s’agissait d’Elrond. Elle reprit d’un ton plus doux comme pour essayer de faire comprendre à Elrond le but des agissements de Thranduil.
- Quand du jour au lendemain, tout ce que vous chérissez et que vous possédez vous ait injustement retiré ; que tout un peuple alors déchiré, dispersé et sans chef fonde tout leurs espoirs en vous pour les sauver, vous faites alors tout ce qui est en votre pouvoir pour ne pas les décevoir en accomplissant ce que l’on attend d’un Roi. Vous ignorez par quoi Thranduil est passer pour obtenir tout ce qu’il a eu tant de mal à acquérir. Vous le juger alors que je peux moi-même témoigner de sa générosité.
La jeune femme ferma les yeux un instant, canalisant tous les sentiments contraires qui se bousculaient en elle. Elrond l’ignorait très certainement mais inconsciemment, il l’avait beaucoup blessé et il n’allait pas s’arrêter là car les paroles qui suivirent ne l’enchantèrent guère davantage. Elle afficha un sourire scandalisé n’en croyant pas ses oreilles. Se tenait-elle encore avec le même Elrond que tout à l’heure ?
- Vous me demandez de l’espionner ? De trahir sa confiance en divulguant des informations qui m’auront été confié ? Ce que vous me demandez là est…impossible Seigneur Elrond. Je vous ai déjà fait part de tout ce que nous savions et je vous ai partagé mes soupçons…Je ne suis pas une émissaire mais un soldat, ma loyauté n’a pas de prix.
Sur ces mots, elle se détourna plus ou moins brutalement d’Elrond et s’élança en direction d’une fontaine à quelques pas de là où ils se tenaient tout deux. Elle noya son regard tumultueux sur les ondes agitées de l’eau, se délectant du son fluide et pur de l’eau. Elle prit place sur les bordures gondolées et humides de la fontaine songeant à leurs échanges dynamiques. Elle savait qu’elle avait manqué de respect à Elrond en lui tournant ainsi le dos mais c’était plus fort qu’elle, elle s’était sentie indirectement atteinte et ne supportait plus d’en entendre davantage. Si Elrond connaissait l’origine des sentiments de la belle blonde pour son Roi, il comprendrait peut-être mieux sa réaction mais aussi lourds qu’était son secret, elle ne devait en aucun cas le divulguer…
(c) AMIANTE
Invité
Invité
Sujet: Re: La Fête du Printemps. [PV Luthien] Lun 16 Juin 2014 - 18:38
Les réponses de Luthien perturbèrent le Seigneur d’Imladris. Elrond sentait qu’il avait touché un point sensible, à peine avait-elle ouvert la bouche pour défendre corps et âme son Roi, avec une vigueur qui trahissait plus que de la simple loyauté citoyenne. Il n’allait pas jusqu’à penser à des sentiments amoureux, mais la musicienne semblait en tout cas être redevable à Thranduil, car elle dépeignit le monarque des elfes comme un homme bienveillant et généreux. A cela, Elrond ne put retenir un rictus sceptique surligné d’yeux arrondis de surprise. Apparemment, les actes du Roi n’étaient pas toujours empreints d’égoïsme, comme Elrond l’avait sous-entendu, car c’était ce qu’il pensait amèrement. Certes, Thranduil ne devait pas être aussi cupide, aussi lâche et aussi égoïste que cela, mais l’absence de réaction du Roi face au danger croissant à l’horizon, aux diverses menaces, et lui qui restait dans son royaume à ne se préoccuper que de tenir le Mal hors de ses frontières, tout cela l’enrageait. Il aurait aimé être à sa place, organiser un rassemblement des cités elfiques, de tous les peuples, pour détruire l’origine du Mal avant que celui-ci ne déploie totalement ses ailes ténébreuses sur la Terre du Milieu. Détruire dans l’œuf l’origine des maux de ce monde à la dérive… Lui qui se souciait plus des autres que de lui-même, ce sentiment d’impuissance le rendait fou certains soirs, lorsque des pensées ressassées lui torturaient l’âme.
Il laissa la jeune elfe aux cheveux de lune parler tout son saoul ; plus elle parlait, plus Elrond remarquait avec aisance à quel point il avait blessé la musicienne. Luthien acheva sur un refus catégorique, soupçonnant ouvertement le Peredhel de l’avoir tenté à l’espionnage. Cette suspicion déplut énormément au semi-elfe qui fronça les sourcils, plus mécontent envers lui-même qu’envers son interlocutrice ; il aurait du s’exprimer autrement, et il comprenait qu’elle ait pu croire qu’il l’incitait à cette bassesse. Il s’en voulut réellement à cet instant. Luthien lui tourna brusquement le dos, sans un mot de plus, et alla plus loin pour s’asseoir au bord d’une fontaine, le regard plongé dans l’onde miroitante. Le reflet de la lune était en accord avec sa chevelure, qui avait glissé lentement de son épaule vers l’avant de son buste. Elle semblait triste à Elrond, délicate créature aux airs fragiles qu’elle ne cherchait pourtant pas à dissimuler à tout prix. Sa culpabilité s’accrut et il ne put se résoudre à l’abandonner sur des paroles qu’il regrettait. Il s’avança vers elle, le visage toujours aussi grave. Sa voix se fit suave, non enjôleuse, juste empreinte d’une grande compassion et parfaitement sincère.
« Je vous prie de me pardonner. Si j’avais pu deviner l’effet qu’auraient eu mes mots… Je ne me serais pas exprimé en ces termes. »
Il avança vers Luthien, qui ne daignait toujours pas le regarder, ce qu’il comprenait. Il avait réellement troublé cette jeune harpiste et il s’en désolait. Il n’aimait pas causer de souffrance chez les autres, ni leur apporter une quelconque émotion si celle-ci n’apportait que peine et déception. Il hésita un instant, sa main levée avec lenteur, puis se décida à la déposer prudemment, chaude et réconfortante, sur une des frêles épaules de l’elfe.
« Ne m’en tenez pas rigueur. Il est clair, maintenant que je vous ai entendu, que votre relation avec Thranduil est différente de celle que j’entretiens moi-même avec lui. » Il retira sa main, respectueux. « Sans vouloir vous offenser, un individu peut receler plusieurs facettes d’une seule et unique personnalité, formant alors cette dernière, et il peut à sa guise offrir tel ou tel visage selon la personne en face de lui. Je ne dirais pas que c’est de la manipulation, bien sûr. C’est juste… ainsi que certaines personnes se comportent naturellement. »
Il se demanda s’il n’en avait pas trop dit, si elle allait encore se sentir offensée par ses paroles. Néanmoins, Elrond ne souhaitait pas déformer sa vision de Thranduil pour autant, essayant juste de minimiser les dégâts pour éviter une confrontation indésirable avec la musicienne. Il continua, malgré ses hésitations, espérant ne pas aggraver la situation :
« Ma relation avec le Roi se résume à nos responsabilités respectives. Il est normal que, des fois, nous ne soyons pas du même avis sur la façon d’agir pour le bien de notre peuple. Et je vous avoue honnêtement ne pas apprécier l’attitude de Thranduil, alors que les temps s’assombrissent. Cela dit… Je vous remercie d’apporter de la lumière sur mes doutes. Peut-être avez-vous raison, et j’aurais alors tort de ne pas croire notre Roi soucieux de l’avenir de la Terre du Milieu. Il doit certainement faire de son mieux, comme vous me l’aviez déclaré. Je ne suis que le Seigneur de la Dernière Maison Simple, et non le Roi. Certaines choses doivent m’échapper… » Elrond se permit de s’asseoir auprès de Luthien, en face d’elle, même si celle-ci préférait continuer sa contemplation de l’eau, la mine renfrognée. Il garda une certaine distance, pressentant bien qu’elle ne désirait, pour le moment, ne pas lui pardonner aussi facilement. « Je ne parlais pas d’espionner, ni de me divulguer des secrets que le Roi vous aurait confiée. Je suggérais simplement que vous me fassiez part de certaines rumeurs pouvant circuler à Mirkwood et dont je serais ignorant. » Il lui sourit, comme le ferait un père à sa fille. « Nous pourrions garder contact par missives, et si vous entendez des gardes d’une patrouille converser au sujet de quelque chose d’important selon vous, ou si vous percevez vous-même un détail obscur, j’apprécierai grandement en avoir connaissance. Chaque murmure, chaque cendre, chaque fleur qui se fane peut indiquer l’avancée du Mal… Et ce qui se passe à Mirkwood m’importe tout autant que ce qui se déroule dans la cité d’Imladris. Je ne veux pas protéger seulement nos remparts, ni même seulement les elfes. Je souhaite que toutes les races bienveillantes de nos contrées puissent savourer la paix. Je le souhaite ardemment. » Il baissa les paupières, une ombre passa sur son visage… « Mon cœur ne supportera pas que le monde revive le chaos, la désolation... Je ne peux laisser un tel cauchemar envahir les plaines et les montagnes. Je crains chaque guerre à venir, je les sens arriver au plus profond de mon âme, et à chaque fois, j'ai bien peur que la Terre du Milieu n'y survive pas. Pouvez-vous seulement imaginer à quoi ressemble le monde en temps de guerre ? Vous avez vécu certains événements difficiles. Vous devez savoir de quoi je parle. »
Elrond s’interrogeait ; qu’avait-elle donc vécu, au fait ? Il aurait aimé en savoir davantage. Assez subitement, il voulait connaître cette elfe, qui, malgré son âge relativement jeune, semblait avoir beaucoup de choses à raconter, et peu étaient joyeuses.
« Vous le savez, n’est-ce pas ? » insista-t-il, le regard d’un gris intense fixé sur le visage à la peau diaphane de sa compagne, le temps d’une soirée.
Invité
Invité
Sujet: Re: La Fête du Printemps. [PV Luthien] Lun 23 Juin 2014 - 8:41
La Fête du Printemps.i
Luthien était meurtrie. Quelque part au fond d’elle, elle sentit une explosion se déclencher en laissant une quantité abondante de sang déferler dans ses veines et artères. Un sentiment de colère l’animait perturbant sa quiétude. Ses sentiments, aussi puissants soient-ils, altéraient souvent son jugement et pouvaient la rendre très irritable dès lors que l’on s’attaquait aux êtres qu’elle chérissait et qu’elle élevait sur un piédestal. Luthien était jeune et encore pleine de fougue, il ne lui était pas simple de taire ses ardeurs ou de se contrôler, surtout quand on est d’un naturel quelque peu rebelle. Autant elle peut paraître effacée et timorée dans certaine situation, autant elle se plait à montrer griffes et crocs quand elle se sent attaquer ou offenser. Elrond n’échappait pas à la règle aussi respectable soit-il, elle n’avait pas apprécié ses accusations et ne s’était pas gênée pour le lui faire remarquer.
S’exilant du côté d’une jolie fontaine aux gravures aussi radieuses que le reste du royaume, elle laissa, pensive, ses doigts caresser la surface agitée de l’eau. Le contact rafraîchissant l’aidait à dominer ce feu qui s’était déclaré en elle. Les couleurs vives du ciel se mélangeaient en un tableau resplendissant où le orange du crépuscule dominait largement le firmament. Les ultimes rayons caressèrent la peau satiné de la jeune elfe qui en profitant pour en inspirer l’énergie. Elle ferma les yeux un instant et prêta son attention à la nature. A sa grande surprise, elle sentit encore la présence d’Elrond. Malgré son manque total de respect, il ne s’était pas détourné de l’effrontée, bien au contraire. Il entreprit de la rejoindre d’un pas léger, peu désireux de venir perturber le calme qu’elle recherchait. Luthien aurait tellement préféré éviter ce léger conflit qui était venu tout gâcher. Leur rencontre s’était si bien déroulée jusque là dans la cohésion la plus pur et simple. Thranduil était vraiment un sujet délicat qu’elle défendait parfois même au prix de sa réputation. Elrond fit le premier pas. Luthien était bien trop gênée et honteuse pour prétendre à une réconciliation de son propre chef. Elle fut heureuse de constater l’engagement du semi-elfe. Souriant un instant, elle accepta de tout son cœur les excuses sincères du seigneur se permettant même de saisir la main de ce dernier, la pressant délicatement de manière à lui témoigner toute son amitié en cet instant. Quand elle libéra cette main, celle-ci vint se déposer, tel une plume, sur son épaule, pleine de chaleur et de réconfort. Ce baume lui fit du bien. Elle l’écouta attentivement donner son point de vue sur Thranduil mais continuait de croire qu’Elrond se trompait ou du moins en partie. Thranduil s’était toujours montrer honnête avec elle ou ses sujets. Soucieuse et observatrice envers son monarque, elle l’aurait vu s’il avait tenté de dissimuler quelque chose où s’il avait mal agit. Certes, son comportement durant la conquête de Smaug sur Erebor et la destruction de Dale pouvait être qualifié de lâche, mais paradoxalement à cela, n’avait-il pas été le plus raisonnable ? Un acte de bravoure mais surtout désespérément irréfléchi valait-il la peine de conduire tout un peuple à une mort certaine ? Une poignée de nain dispersée et une armée d’elfe n’auraient clairement pas pu venir à bout d’un dragon, il fallait ouvrir les yeux et le reconnaître. Thranduil avait prit une décision qui avait certainement salit sa réputation mais il avait fait le bon choix, il avait préservé son peuple. Il avait répondu à l’appelle mais avait constaté l’évidence et si personne ne comprenait ça, Luthien, elle, le concevait. Même si elle était fière de son père, elle ne lui en aurait pas voulu s’il avait possédé une part de lâcheté, ça lui aurait permis de continuer à grandir avec lui. Pour toute réponse à Elrond, elle remua négativement le menton, désapprouvant ses dires. Non Thranduil n’était pas ainsi Sa condition de Roi ne lui permettait pas de faire des choix faciles mais en tant que Roi il devait garantir la sécurité des siens.
- Il est soucieux, sachez-le mais quel pouvoir a-t-il ? Si vous désirez tant que les choses avancent, peut-être pourriez-vous donner le signal au reste du monde ? N’êtes-vous pas membre du Conseil Blanc ? Convoquez-le et faites lui part de vos mauvais présages. Mais très franchement, je doute que le conseil puisse se réunir sur le seul poids de « doutes » ou de « soupçons ». Sans preuves concrètes, cela ne rimerait à rien. Je pense que les gens ont peur d’entendre. Ils ne veulent pas entendre pourtant nous devons élucider ceci avant que ça ne prenne trop d’ampleur, j’en suis consciente.
Luthien écouta avec la plus grande attention le seigneur d’Imladris exposer ses idées. Bien entendu, au fond elles étaient honorables et Luthien comprenait sa motivation de vouloir étendre sa protection au-delà de ses terres. Il dirigeait la dernière maison libre, son repaire était maintenu à l’abri, isolé de tout regard et danger par une puissante magie. Même si les orcs arpentaient les Monts-Brumeux, il y en avait toujours eu dans cette région et quelques raids permettaient quelque fois d’en régulariser mais à Mirkwood…Le peuple demeurait cacher, ensevelit sous terre à l’abri des immondices à la surface qui grouillaient en surnombre. Même les soldats se trouvaient dépassés par l’amplitude que le mal prenait. Tous les jours le royaume de Thranduil subissait des pertes, tous les jours il se défendait dans le seul but de réduire l’infection qui commençait ici, sur son territoire. En vérité, Thranduil était le premier concerné, puisqu’il combattait lui-même et seul, la source du mal qui se reconstituait. Et ça Elrond l’ignorait, tout autant que Luthien ou encore le Roi lui-même. Des questionnements, des soupçons demeuraient mais rien qui puisse confirmer que le seigneur noir ne s’y soit établi. Aux yeux de tous et dans le cœur de bon nombre, Sauron avait été vaincu et son anneau égaré à jamais. Luthien ne songeait même pas à cette possibilité, elle pressentait juste quelque chose grandissait dangereusement. Elle songea un instant que l’idée d’Elrond pouvait être bénéfique. Elle baissa un instant le visage et soupira.
- Ecoutez, je vais voir ce que je peux faire. Mais il faut bien que vous compreniez que je suis obligée de tenir mon Seigneur informé de ce que vous me demandez. Je ne puis prendre des décisions qui concernent le royaume de Mirkwood sans l’accord du Roi. Si accord il me donnait, il faudrait certainement s’attendre à ce que vous vous réunissiez tout deux, dans le but d’échanger de vive voix. Un émissaire ne pourra pas toujours faire l’affaire.
Elle lui adressa un tendre sourire, heureuse de constater qu’ils avaient trouvé un terrain d’entente, même si elle n’avait pu changer la vision trop abrupte qu’avait Elrond de Thranduil. Elle aurait pu lui exposer ses pensées citées plus haut mais cela l’engagerait de nouveau à entrer en conflit avec Elrond, ce dont elle ne désirait pas. Au fond de son cœur, Luthien connaissait son Roi, comprenait les choix difficiles qu’il devait prendre en songeant en premier lieu à son peuple avant sa propre personne. Si erreurs il avait pu commettre un jour, pouvait-on réellement lui en tenir rigueur ? Quel roi accomplissait un parcours irréprochable ? Diriger un royaume, être le garant d’un tout un peuple demandait quelque fois de grands sacrifices et des choix qui pouvaient ne pas être compris de tous mais qui pourtant était souvent la meilleure solution. Thranduil avait perdu son alliance avec les nains mais rien n’était perdu. Qui sait ce que l’avenir pouvait réserver encore ?
Elle remarqua avec une tristesse qui lui bouleversa le cœur, des nuages venir ternir l’éclat anthracite des prunelles du semi-elfe. Cette vision abattu et déchirante d’Elrond la saisit de tel manière que naturellement et d’instinct, Luthien porta une main chaleureuse et réconfortante sur la joue du Seigneur. Elle obligea l’ombre de son regard à se confronter à l’éclat céleste de du sien dans le but d’y chasser la moindre parcelle de ténèbres. Elle n’avait pas réellement réfléchi à ce geste, elle savait juste qu’à ce moment précis, Elrond en avait besoin. Aussi lointaines que soient les guerres qu’il avait mené, leurs souvenirs étaient toujours aussi vif que le fer qui marque la chair d’une emprunte indélébile. Même si Luthien n’avait jamais participé à aucunes guerres, ça ne voulait pas dire qu’elle n’en avait pas connu les ravages et les pertes qu’elles occasionnaient. Quand Elrond lui posa la question, Luthien se détâcha un instant de l’elfe à ses côtés, la pâleur de la lune se reflétant dans le ciel limpide de ses yeux. Le cœur lourd de souvenir et l’âme meurtrie, elle s’engagea à lui répondre lutant pour qu’aucune larme ne s’échappe de la prison charnelle que constituaient ses yeux.
- Il y a longtemps une guerre emporta tous les êtres que je chérissais et dans sa cruauté, elle n’épargna aucun d’eux, pas même… mon père. Il m’avait promis de revenir…Il m’avait promis de mettre fin à la guerre en tuant le sorcier Angmar et de rapporter son épée en trophée…Il voulait être un héros, pas de la nation, mais le héros de sa fille. Et je…je n’ai jamais su lui dire qu’il en avait toujours été un pour moi, même sans cette guerre.
Sa voix se brisa dans un sanglot alors qu’elle cherchait à retenir ce rideau de larme qui, déjà, commençait à troubler sa vision. Les deux elfes avaient tout deux connu leurs lot de malheur et de souffrance et eux mieux que quiconque pouvaient percevoir le mal en approche. Ils avaient cette faculté à pressentir les choses. Don ou malédiction ? Quoi qu’il en soit, chaque nuage noir à l’horizon éteignait un peu plus l’immortelle lumière qui brillait au fond de leur âme pur.
(c) AMIANTE
Invité
Invité
Sujet: Re: La Fête du Printemps. [PV Luthien] Dim 5 Oct 2014 - 23:44
Les sanglots de Luthien éclatèrent dans la nuit. Elrond regretta un court instant d’avoir posé cette question à la jeune elfe, son désarroi et sa peine lui étreignant son propre cœur. L’empathie d’Elrond n’avait aucune limite, et il versa également une larme, touché profondément par la révélation de sa compagne. A son tour, il eut un mouvement pour la réconforter ; il passa son bras, avec une lenteur élégante, autour des épaules frêles de la belle aux cheveux d’argent, et l’amena vers lui pour que, l’un contre l’autre, leurs chaleurs respectives s’emmêlent. L’énergie empreinte de puissance positive du Seigneur d’Imladris vint envelopper l’esprit fragilisé de celle qui larmoyait tout contre lui, ses mains fermement cramponnés à ses bras, comme pour lui intimer « Ne lâche pas prise, accroche-toi aux souvenirs de joie, et laisse de côté ceux qui font couler tes larmes », la secouant avec douceur pour ne pas qu’elle s’écroule indéfiniment dans son chagrin sans espoir de retour. Elrond la sentait défaillir et il ne désirait pas cela, surtout qu’il aurait pu s’en voir incombé la faute. Ils restèrent ainsi un assez long moment, dans un silence reposant, le Seigneur absorbant les maux dévoilés de la jeune elfe, lui offrant en retour tout ce qu’il pouvait pour l’égayer. Au loin, la musique reprenait, plutôt joyeuse, contrastant avec l’ambiance morose qui s’était établi entre les deux elfes. Même la nature ambiante semblait larmoyer en écho avec leurs âmes meurtries.
« Dame Luthien, je me doutais d’un tel passé. Veuillez m’excusez d’avoir ravivé de tels souvenirs. »
Il garda une main sur la sienne, chaude et réconfortante. Il lui souriait.
« Pour en revenir à notre discussion, vous avez entièrement raison. Mon pouvoir n’a pas l’ampleur que vous pourriez imaginer, invoquer le Conseil Blanc sur de simples doutes est, en effet, peu aisé, même pour moi. Je vais cependant tenter le coup et essayer d’être convainquant. Les grands esprits qui régissent ce monde se doivent d’être mis en garde, au péril de ma réputation, certes. Pour ce qui est du Roi… Parlez-lui de moi. Dites-lui mon désir d’étendre ma protection au-delà des limites d’Imladris et de le rencontrer, suite à cette réflexion. S’il est positif à cela, envoyez-moi une missive, ou qu’il le fasse ; dès que les événements liés à ma maison me le permettront, je viendrai aussitôt. »
Elrond hocha la tête, le regard plongé dans celui de Luthien. Il voulait être sûr qu’elle agisse ainsi, en sa faveur ainsi qu’en faveur de l’avenir de ce monde. Elrond ne savait pas trop où agir, ni comment, actuellement. Mais il était sûr d’une chose : il devait agir, d’une façon ou d’une autre, et ne pas attendre que le pire advienne. Avec plaisir, il observa que Luthien allait dans ce sens également, et elle paraissait prête à l’aider dans la mesure de ses compétences. Le Seigneur-Elfe appréciait cette rencontre à sa juste valeur et ressentait encore plus de sympathie pour cette jeune elfe qui était plus qu’une simple musicienne de passage à la Cité elfique. Il avait senti quelque chose de spécial en elle et ne s’était pas trompé sur son compte. Pourtant, le sujet important ayant été plus qu’abordé, il décida de se lever du bord de la fontaine et, d’une main tendue vers elle, invita Luthien à l’imiter. Elrond, comme s’il n’avait jamais contemplé la mort en face ni vu les pires horreurs du monde, se remit à sourire pleinement. Il désirait faire bonne figure et, s’il paraissait suffisamment détendu, Luthien ne pourrait que s’en sentir mieux elle aussi.
« Que diriez-vous de danser, ou de jouer à nouveau ? N’achevons pas cette belle soirée sur une note aussi amère… »
Invité
Invité
Sujet: Re: La Fête du Printemps. [PV Luthien] Mar 21 Oct 2014 - 13:48
La Fête du Printemps.i
Elle sentie la présence d’Elrond sur elle, protectrice et réconfortante tel une couverture de velours. La chaleur de son soutien et de son amitié faisait fondre son chagrin comme neige au soleil. Sans résistance, elle se laissa envahir par ce halo de tendresse qui fit taire les ruisseaux d’argent de ses larmes. Il y avait bien longtemps qu’elle ne s’était pas laissé envahir par la mélancolie, fragilisant ainsi un peu plus les remparts de ce qui la tenait éloigné de la désolation. Blottie tout contre lui, comme une biche aux abois que la détresse et l’affolement auraient étourdis, elle chercha le rythme apaisant et reposant du cœur d’Elrond afin de calmer le sien. L’empathie profonde dont était investi Elrond se retourna contre lui quand Luthien sentit une perle bénir son front et terminer son existence éphémère dans la chevelure d’argent de la jeune femme. Elle ne pouvait pas le laisser faire cela. Elle ne pouvait pas le laisser s’emparer de ses tourments alors qu’il était déjà la proie de ses siens. C’était son rôle de vivre avec cela et pour rien au monde elle aurait permis que l’on souffre à sa place, même un infime instant. Alors, Luthien se redressa légèrement et tout en restant dans ses bras, elle le regarda avec une infinie douceur. Elle pouvait encore voir le sillon frais et humide qu’avait tracé cette larme furtive et d’un revers de pouce, elle l’effaça. Lui souriant avec légèreté comme pour lui montrer l’exemple, elle lui fit comprendre par la même occasion qu’il n’avait nullement besoin de s’excuser. Après tout, toutes les larmes ne sont pas un mal.
Finalement, les deux protagonistes trouvèrent tout deux un terrain d’entente quant au sujet de la situation inquiétante de Mirkwood. Elrond allait en souffler discrètement deux mots aux membres du Conseils, certainement aux plus réceptifs, et envisager de le réunir au complet si tant les avis de chacun des membres se rejoignent. Quant à Luthien, elle allait servir d’intermédiaire entre Mirkwood et Imladris afin de tenir informer Elrond de l’évolution des choses, le tout, sous l’accord du Roi. L’idée que Thranduil puisse refuser la proposition lui avait furtivement traversé l’esprit. Elle craignait que ce désir de demeurer isoler n’aggrave leur situation. Elle allait devoir se montrer extrêmement convaincante si elle espérait faire changer d’avis son Seigneur. Dans le cas contraire, elle ignorait si oui ou non elle serait capable de braver son autorité dans le seul but de préserver la sécurité de Mirkwood et donc de Thranduil. Un Roi, parce qu’il était Roi, n’avait pas forcément et continuellement raison…Et bien qu’elle n’ait jamais douté de Thranduil jusqu’alors, elle craignait pour la première fois qu’il refuse la meilleure aide qu’il lui ait été proposé. Laissant de côté le temps d’une soirée les sombres nuages qui auront vite fait de les recouvrir demain, Elrond se leva et lui tendit une main afin de l’inviter à la suivre. Son visage avait retrouvé sa quiétude de tout à l’heure, bien avant leurs échanges au sujet des agissements troublant à Verts-Bois, comme si rien de tout ceci ne s’était passé. Encouragée par une pensée de fête, Luthien le suivit, glissant sa main frêle dans la sienne. Elle la serra un instant comme pour insister sur le lien fort qui les unissait dès à présent.
- Avec joie. Ne donnons pas aux ténèbres le plaisir de nous voir nous effondrer ou se déchirer. Allons célébrer la saison du Renouveau.
Puis ils rejoignirent la fête où les attendait musiciens, danseurs et simples invités. Les esprits enivrés par la fête n’avaient même pas remarqué l’absence des deux elfes si ce n’est peut-être cet admirateur secret à qui Luthien avait refusé une danse.