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With Thandiel - Meeting in the Mist (1930 TA)
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 With Thandiel - Meeting in the Mist (1930 TA)

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MessageSujet: With Thandiel - Meeting in the Mist (1930 TA)   With Thandiel - Meeting in the Mist (1930 TA) EmptySam 22 Nov 2014 - 18:56

Meeting in the Mist


 
                Il faisait froid. Des herbes s’effondraient sur le sol. A leur pointe s’accrochait une perle de glace. Parfois quelque pierre grise tranchait avec l’immensité de gazon plat et aéré. C’était comme une armée qui tentait d’assaillir les roches imperturbables. Certaines s’ouvraient dans l’ombre. Aiwendil n’aimait pas ce silence. Une brume s’épanchait entre les tumulus verdâtres. Elle semblait vouloir les enfermer dans ses habits de pleurs et déposait des gouttes de rosée sur les dures brindilles d’herbe. Il lui fallait habiller les sols d’un linceul glacial. L’humide nue basse et attristée venait prendre le mage dans ses bras et humectait son habit. Il frissonnait. Ce n’était pas normal.

                Il avait passé des jours – il ne sait combien – à rire et à parler avec Tom Bombadil. Il lui arrivait souvent de s’accorder une telle pause. Cela lui faisait du bien que de revoir Baie d’Or. Sa tendresse et son affection lui redonnaient le courage nécessaire à la poursuite de sa mission. Leur chaumière et la clairière dans laquelle elle se nichait rappelaient Rhogosbel. Aiwendil l’avait bâtie en pensant à la maison abritée par les arbres de la Vieille Forêt. Lors de son séjour Tom Bombadil s’était maintes fois inquiété des sensations étranges qui l’avaient envahies lors de ses marches dans les Hauts des Galgals. Toutes lui faisaient dire qu’un spectre avait quitté son tombeau. Pourtant il n’avait pas tenté de l’approcher. Peut-être qu’ils commençaient à le reconnaître et à sentir le danger qu’il représentait pour eux. C’est drôle que de parler de Tom tel qu’une menace ! Il se prenait toujours - sans raison même - en autodérision. C’était un insouciant et joyeux luron dont déjà l’habit bleu faisait rire.

                Aucun de ceux qui vivent aujourd’hui ne s’en souvient. Les hommes ne savent plus l’origine des spectres qui hantent les Hauts. Certains – autres que les Dùnedain – se souviennent-ils seulement de leur existence ? Aiwendil se livrait à des réflexions sur la mémoire humaine. Ils perdaient tant d’histoires intéressantes en oubliant l’importance de leur transmission au plus grand nombre. Le mage tout à ses pensées marchait en frissonnant. Il ne faisait pas attention à ce qui l’entourait. L’aurait-il fait qu’il n’aurait rien vu : la  chape de brume l’enfermait et s’opacifiait. Ses doigts gelés vinrent à lui envoyer des signaux de douleur. Alors il leva la tête. Et il eut un frisson qui n’avait rien à voir avec le froid qui venait à le mordre plus violemment encore.

                Un Être des Galgals se trouvait à une dizaine de mètres du mage. Il était immobile et le fixait de ses yeux noirs et vides. Un halo verdâtre l’entourait. C’était comme une ombre faite de haillons de chairs fantomatiques qui tentaient vainement de l'étoffer. Une épée qui devait avoir vu bien des combats côtoyait un bouclier rond et abîmé. Un casque conique venait rendre écho à leurs inquiétants reflets métalliques. Le visage laissait paraître un crâne dépouillé – il n’avait plus de nez. Les orbites vides accentuaient l’impression de désespoir et de douleur qui se dégageait de lui. C’était comme s’il tentait lui-même de se rejeter du cadavre qu’il habitait. Des dents ébréchées rythmaient irrégulièrement la bordure effacée d’un rictus sans fin

                Il se retourna. Il semblait flotter dans la brume. C'était comme un faux rayon de lumière qui passait à travers un carreau sale - une tâche sur un tableau de gris et de verdure. Il marchait et Aiwendil le suivait. L'Être des Galgals mena le mage à l'entrée d'un tumulus. Son entrée était ouverte. Ce n'était pas normal. C'était même très inquiétant. Le spectre y disparut. Aiwendil prit une grande respiration et son courage à deux mains. L'appréhension dessinait des rides sur son visage. Il entra dans la pénombre.



 
                Au devant de lui son bâton éclairait chichement le chemin. Les murs de pierre du Galgal étaient envahis par l'humidité et la mousse - les dalles du sol en devenaient glissantes. Parfois des ouvertures laissaient se dessiner le profil d'une lampe qui n'avait jamais servi qu'une fois - et ne devait plus servir. Les pierres montaient au plafond. C'était un tunnel d'environ cinquante-cinq mètres qui devait mener à plusieurs chambres souterraines. Il était en effet large et long. Les morts enterrés là devaient être d'une grande lignée ou de grand courage avant que leurs corps ne soient envahis par des esprits du mal... Parfois une grande ombre tranchait le mur - c'était alors un nouveau couloir morbide de noirceur qui s'enfonçait dans les ténèbres. Des os apparaissaient ça et là souvent au milieu d'armes ou de tas de pourriture. Aiwendil suivait l'écharpe de brume que laissait trainer le spectre. Il allait tout droit et suivait le principal corridor. La brume disparut tout d'un coup.

                Un fracas assourdissant ébranla le Galgal tout entier. Le mince rayon de lumière qui survivait encore depuis son entrée s'éteignit brusquement. La porte était fermée. L'Istar chuchota tout bas une incantation et son bâton éclaira un peu plus au devant de lui. Il tremblait d'anxiété : être enfermé dans un Galgal revenait à être mort ou à mourir bientôt. Il avançait tout de même et arriva au milieu d'une pièce circulaire. Ses parois étaient creusées à maints endroits et les cavités - les caveaux - dévoilaient à l'impromptu visiteur des coffres et des os. Quelques jarres de ci de là étaient couchées au sol ou éventrées - de la poussière s'entassait sur leurs brisures. Et de l'air noir et pesant jaillit une voix grave et stridente qui se firent de dresser de dégoût toute la capillarité d'Aiwendil.


« Froids soient la main et le cœur et les os
Et froid soit le sommeil sous la pierre :
Pour ne plus jamais s'éveiller sur son lit pierreux
Jamais jusqu'à ce que le soleil fasse défaut et que la lune soit morte
Dans le vent noir les étoiles mourront
Et encore sur l'or qu'ils restent gisant
Jusqu'à ce que le seigneur ténébreux lève sa main
Sur la mer morte et la terre desséchée. »
 
                Soudainement venant du mur une chape de brouillard s'avança vers un Aiwendil apeuré qui ne put que reculer. Des mains s'en détachaient. Des pieds. Des crânes. Des épées. Des glaives. Des lances. Des os. Des mains réduites à vingt-sept os. Trois spectres - non : quatre - se détachèrent de la brume grisâtre qu'ils tachaient de leur verdâtre glauque. Le mage tremblant se prit à marmonner. Il savaient que les Êtres l'entendaient. Il réussit à transmettre à sa voix une puisance d'autorité et de conviction. « Vous vous êtes suffisamment débattus. Libérez-vous. Libérez-vous de votre obsession ! Retournez à la mort. Corps d'os sans chair ! Refusez ceux qui vous habitent. Et vous qui en faites des prisons brisez les barreaux que vous vous êtes forgés ! Retournez dans les ombres de votre maître et ne souillez plus les tombes des hommes ! » Ils avançaient inéluctablement. Un rictus restait brisé à leur visage dépouillé. Aiwendil tourna les talons et courut.

                Il courut comme il le pouvait - empêtré dans sa robe et dans sa peur. Le long couloir qu’il avait traversé se trouvait illuminé : les lampes s’allumaient une à une et dévoilèrent dans une cavité les cadavres encore entiers d’une dizaine d’hommes qui n’avaient pas eu le temps de souffrir – si encore la frayeur n’était pas une souffrance. Ils étaient habillés de blanc et affreusement couverts de bijoux. Ils avaient été sacrifiés. C’étaient sans doute ces malheureux qui avaient ouvert le tombeau… Aiwendil n’eut pas le temps de plus les regarder. Il courrait toujours avec les spectres derrière lui qu’il entendait ricaner mauvaisement. L’entrée du galgal était bouchée : la lourde porte était refermée et des pierres avaient roulé devant.

                Alors le mage se retourna et empoigna fermement son bâton. La lueur dans ses yeux s’était changée. Il accueillit le premier Être d’un coup puissant qui lui arracha le crâne. Vingt autres furent nécessaires pour briser le reste du squelette qui maniait son épée d’une main dont l’on sentait qu’elle appartenait à un guerrier chevronné. Les autres spectres s’étaient arrêtés - ils hésitèrent mais se reprirent rapidement et avancèrent vers le mage. Ils ne pouvaient se trouver à deux au devant de lui. Le magicien le comprit bien et comptait profiter de cet avantage. « Retourne à l’ombre ! Quitte ce corps ! Il n’est pas tient ! Va t’en retrouver ta nature ou meurt dans la lumière. Sors donc ! »

                Un élan de lumière. Un second. Le cadavre s’écroula en une pile d’os. L’épée en retombant fit raisonner le choc ; quelques instants durant il se répercuta contre les parois du tombeau. Aiwendil ne pouvait vaincre les autres spectres. Ils ne se feraient pas surprendre et refuseraient de quitter le corps qu’ils occupent. L’on ne peut vaincre un spectre comme l’on a vaincu celui qui se trouvait devant. L’Istar cria : c’était plus un puissant râle qui s’éleva de ses poumons quand il éleva son bâton. Il se retourna et le frappa sur le sol ; tout l’édifice trembla. De là où le bois rencontrait la pierre – il s’y était même enfoncé – courut une fêlure dans les dalles qui atteignit la porte.

                 Elle explosa.

                 Des flots de lumière entrèrent dans le tumulus. Les Êtres des Galgals hurlèrent une douleur qu’ils ne connaîtraient plus jamais – et ils s’évaporèrent. Les cadavres tombèrent. Et alors que le mage s’autorisait un souffle de soulagement… Une voix de nouveau s’éleva.

« Froids soient la main et le cœur et les os
Et froid soit le sommeil sous la pierre :
Pour ne plus jamais s'éveiller sur son lit pierreux
Jamais jusqu'à ce que le soleil fasse défaut et que la lune soit morte
Dans le vent noir les étoiles mourront
Et encore sur l'or qu'ils restent gisant
Jusqu'à ce que le seigneur ténébreux lève sa main
Sur la mer morte et la terre desséchée. »
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MessageSujet: Re: With Thandiel - Meeting in the Mist (1930 TA)   With Thandiel - Meeting in the Mist (1930 TA) EmptyMar 25 Nov 2014 - 22:19






     Les Hauts des Galgals. Ce n’était certes pas un endroit très fréquentable – bien qu’elle n’y fut jamais allée, elle avait ouï dire que certaines choses maléfiques semblaient s’opérer dans ce coin de la Terre du Milieu – et pourtant, même si les elfes étaient de sages créatures, Thandiel se risquait à emprunter un tel chemin. C’était, en effet, passage obligé pour une créature un peu trop aventureuse, que la curiosité avait poussé à venir visiter la Comté et rencontrer ceux que l’on nomme les Hobbits.


     Ce n’était pas son premier voyage en solitaire, mais même avec de l’expérience, elle n’était pas rassurée : emprunter des routes avec une si funeste réputation s’avérait dangereux, et cela n’échappait pas à la conscience de l’elfe. Elle marchait lentement, sur un chemin de pierres blanches. L’air était froid, et cela faisait bien longtemps que Thandiel n’avait pas senti son corps trembler ainsi, quand bien même il était à l’abri dans sa cape bordeaux. Le bout pointu de ses oreilles et son nez étaient légèrement rougis par le froid, mais elle ne semblait s’en préoccuper. Elle aimait à poser ses pieds – parfois nus, parfois vêtus – sur les feuilles tombées, qui entamaient leur processus de décomposition, et fermer les yeux en entendant leur doux craquement résonner dans l’immensité pittoresque qui s’offrait à sa vue. Mais aujourd’hui, la brume qui pesait sur le paysage avait rendu l’humus trop humide pour percevoir le bruissement des feuilles.


     Le sentier s’en allait en une douce pente, qui serpentait entre les rochers et les rares arbres dépourvus de leur habit d’été. Au loin se faisait entendre l’écho d’un brame ; et même si aucune présence ne semblait se manifester, Thandiel savait que les sous-bois reculés regorgeaient de créatures petites comme grandes, proies comme prédateurs. Doucement, le chemin dirigea ses pas vers l’endroit fatidique, et elle découvrit un curieux panorama.


     Elle s’approcha, lentement, hésitant, des tombeaux édifiés dans la vallée, admirant le courage de ceux qui avaient mené la conduite des travaux.


     « Les galgals.. » murmura-t-elle.


     Elle n’avait jamais, auparavant, vu de tels sépulcres – et encore moins perdus dans un paysage sans plus de vie qu’une petite cuiller. L’elfe progressait au milieu des monticules de terre formés çà et là, avec pour seule issue une porte de pierre – normalement close. S’approchant silencieusement de l’un des hypogées, Thandiel remarqua qu’une fine pellicule de poussière s’était déposée sur l’inscription qui ornait la pierre. C’était, en fait, un hommage rendu à la personne que l’on avait placée dans le galgal, et elle put le lire, bien que ce ne fut pas de l’elfique.


     Mais une étrangeté se montra bientôt sous son regard perçant. Il y avait, au sol, des empreintes qui menaient à l’intérieur de la tombe, et pourtant, la porte de cette dernière semblait bel et bien celée. Y collant son oreille, elle perçut alors, avec un effroi non dissimulé, des murmures et des résonnances sourdes dont l’écho traversait les parois de l’épaisse dalle. Soudainement, sans que l’elfe n’eut le temps de s’écarter, la porte du sanctuaire explosa, projetant à la fois mille débris de roche anthracite dans un éclair de lumière. Et dans la même force, la déflagration jeta violemment la pauvre créature contre terre. Par chance, dans cette région, le sol avait la propriété d’être constamment humide à cause de la brume, aussi il était plus absorbant lorsque il prenait un choc : ce qui permit entre autres à l’elfe de se relever rapidement et sans trop de dégâts.


     Alors que la clameur infernale qui se faisait entendre dans le tunnel faiblissait, les ombres échappées de la sépulture laissèrent place à une étrange silhouette qui en sortit, et un visage simiesque se dessina sous un capuchon bleu-gris.


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MessageSujet: Re: With Thandiel - Meeting in the Mist (1930 TA)   With Thandiel - Meeting in the Mist (1930 TA) EmptyMer 26 Nov 2014 - 23:47

               C’étaient le même chant et la même voix. Il arrivait parfois qu’un spectre plus puissant que d’autres occupasse le corps d’un seigneur, et commande à quelques Êtres des Galgals. Il se trouvait alors une créature redoutable, et celle-ci devait l’être d’autant plus qu’Aiwendil venait de réduire à néant ses sujets. L’herbe ne fut pas longtemps arrosée de lumière, et déjà le tombeau ouvert retournait à l’ombre. A la vitesse d’une charge de chevaux galopants, une marée de brume entourait les tumulus qui étaient encore visibles et les avalait, s’approchant du mage tout étonné encore des évènements. Il ne prêta guère d’attention au sol jonché de roche brisée, tandis qu’attirait son regard le brouillard s’épaississant. Les étoiles s’étaient éteintes.

                Quand arriva à ses oreilles le souffle caverneux, Aiwendil s’agrippait déjà à son bâton. Il eut le désir de marcher à droite, à gauche, faisant voleter sa cape, tournant la tête de tous les côtés. Mais il restait immobile, et ses sourcils froncés trahissaient une concentration qu’il venait avec peine de rassembler. Le capuchon de l’Istar s’effondrait en de multiples rides après ses oreilles ; et dans sa robe de verdure, il était une sombre silhouette grise se fondant dans la brume. Et la voix grave et lente revint, chargée de menace et des guerres d’antan, prélude à la mort, ses accents sans âge et rocailleux hérissant tout poil.


« Le cœur et l’os et la main froide,
Tels le sommeil sous le tombeau :
Nul étalon n’est en repos
Dessus le lit de pierre roide,
Jusqu’à ce qu’à la fin périssent
La Lune et le Soleil propices. »




               Un cliquetis de chaînes agaçait l’ouïe du mage qui, ouvrant les yeux, voyait l’Être s’approcher. Il formait dans la nue grise et basse une tâche verdâtre, d’où ressortaient deux orbites qu’une faible lumière animait. La vision même du cadavre décharné glaçait le sang, et c’était jusqu’au cœur que se répandait le froid. Et ses battements étaient comme comptés quand les chocs des anneaux restés ou ajoutés aux doigts du mort s’entendaient en même temps. Le spectre portait un heaume conique qui descendait entre ses yeux cacher l’absence de nez. L’on devinait, sous la tunique blanchâtre aux ourlets dorés, une cotte aux mailles toujours soudées. Les os du bras gauche supportaient un écu poli sur lequel s’éclataient des armoiries autrefois célèbres. La main qui n’en était pas occupée tenait fermement, protégée dans un gantelet de fer, une longue épée effilée dont la garde de cuir poli par l’usage semblait n’avoir été jamais lâchée.


« Dans un vent d’obscure noirceur
Toutes étoiles s’éteindront,
Aussi laissons-les au fronton
Dispenser leur or et leur heur,
Jusqu’à ce que le Noir Seigneur
Dresse sa main dessus son front
Dominant une aride mer
Et les lambeaux d’un grand désert. »




               Aiwendil avait relevé son visage : « il ne te fallait pas te réveiller, vieil Être. Car tu vas désormais dormir à jamais ! » Le capuchon tomba, dévoilant la chevelure grisée de l’Istar, qui n’avait jamais paru si éclatante. Son regard était toujours doux, mais tout à la fois attristé et déterminé, et quand il leva son bâton dont le joyaux s’était illuminé, se fut pour laisser s’y cogner l’épée lourdement abattue de l’Être des Galgals.

                De longues minutes durant, vieux métal et jeune bois s’entrechoquèrent, l’un ne pouvant céder à l’autre. Et le vieil Être en colère, et le mage dans sa robe, tournoyaient comme en dansant. Parfois le cliquetis de la cotte de maille, ou un gémissement du magicien, ponctuaient les coups menés sans pitié. Et quand le spectre trouva son adversaire trop tenace pour un humain, il tenta de l’affaiblir autrement que par la puissante force de ses os. Mais la peur et le désespoir qu’il envoyait conquérir le cœur et l’esprit du mage se heurtaient à des pensées bien plus âgées qu’il ne pouvait même l’imaginer.

                La froide brume s’étiolait. Aiwendil était entre la tombe et la créature qui aurait dû y rester enfermée, résolu à ne pas lui permettre d’y retourner. Et quand une bourrasque éloigna quelques écharpes humides, quand le Soleil parvint à amener ses rayons à la terre, le spectre recula, frappé de lumière. S’il put se ressaisir rapidement, ses os ne lui étaient plus les mêmes ; et quelque chose en le mage formait une aura qui attirait encore la clarté, dispersant un peu plus les restes de brume.
Ce fut d’abord le bouclier qui tomba et quand, enfin, un vent froid vint emporter le spectre, Aiwendil arracha son crâne au cadavre tombant disloqué.

                Le silence avait repris ses droits, le jour également. Le mage essoufflé promena son regard quand un mouvement attira son attention. Parmi les débris de la porte du Galgal qui désormais ouvrait sur ses entrailles, non loin d’ailleurs de l’entrée froide et noire  du tombeau, était affalé un corps, ni assis, ni couché, tout du moins chancelant.
                Il s’agissait d’une elfe. La régularité du peu de ses traits visibles, la pâleur de sa peau et sa perfection aussi, enfin ses oreilles effilées ne permettaient aucune doute. Aiwendil y voyait peu, sortant encore de l’ombre, aveuglé par la chevelure rouge et flamboyante, que le Soleil semblait heureux de faire étinceler. Mais l’Istar ne prit pas plus de temps pour observer cette inconnue dont il se demandait la cause de la présence – que faisait-elle ici ? -, l’œil attiré par une déchirure de la cape d’un doux vert qui l’enveloppait. Elle était sonnée comme l’auraient été les roches projetées au sol si elles avaient pu l’être aussi. Mais là n’était pas venu l’instant de se poser des questions.

                Aiwendil écartait le tissu abîmé quand une moue passagère lui vint à la vision de la plaie. C’est alors frénétiquement qu’il fouilla dans les plis de sa robe, dans les plis de sa cape, et jusque sous sa barbe, ne trouvant point ce flacon qui devait lui être si utile. Quand, enfin, il put le toucher et l’ouvrir, il en tira une crème fraîche et odorante, qui sentait l’herbe, l’humus et le pin, et l’appliqua avec précautions sur une peau rougie et écorchée.

                Sous ses mains l’elfe se rebellait, mais il tâchait de ne la gêner en rien, comme s’il se trouvait absent ; il ne la toucha, avec respect, que quelques secondes, lors desquelles il s’était empressé de marmonner : « ne craignez rien, Dame, vous êtes en sécurité. Je suis un ami. »
                Lorsqu’il se releva, elle bougea sa tête en même temps ; et avant de pouvoir freiner son mouvement, il eut juste le temps d’entrevoir une légère balafre ornant, à gauche, le pourtour d’un œil de jade.
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