Don't let the story repeat itself [Elladan & Elrohir]

Le vent dans mes cheveux, je laisse les muscles tendus de ma monture décider de la direction à prendre. S’arrêter quelques jours à Imladris avec mon frère a été une pause bienvenue après quelques mois de voyage avec les dùdenains dans les magnifiques plaines du Rohan. Parfois, j’ai l’impression que ces plaines s’étendent à l’infini, et que je pourrais les parcourir encore et encore sans jamais arriver au bout. Mais, éventuellement, on finit par se rendre compte que le cheval a besoin de repos, que l’elfe dessus se lasse de ce paysage pourtant magnifique, mais qui arrive à peine à la cheville des splendeurs de ma cité natale, Imladris. Elladan et moi sommes unis comme les deux doigts de la main, et je ne peux envisager à ce jour de voyager sans lui, même si parfois il me semble que cette proximité peut être malsaine. Près de trois mille ans de voyages, de paysages et de lassitude, pour finir par rentrer à la maison et par se prendre une claque visuelle. Oui, définitivement, il n’y a pas de meilleur endroit que la maison. Est-ce que c’est pour ça que j’en repars de manière systématique au bout de quelques jours ou semaines ? Je n’ai réellement pas la réponse. Peut-être que j’ai besoin de voyager, peut être que cette vie de nomade semble être celle qui me convient réellement, peut être que c’est simplement les souvenirs de ma mère et de ces moments heureux, aujourd’hui brisés, qui me forcent à sortir encore et encore, à m’éloigner pour tenter de ne garder d’Imladris que les bons souvenirs, et de ne pas entacher ceux-ci de la rancœur que mon cœur porte aujourd’hui.

C’est pour ça, je pense que mon frère et moi avons pris, il y a quelques jours, cette route qui mène vers la Lorien, la force de mon cheval sous mon corps, comme si nous ne faisions qu’un dans ce galop infini. Elladan n’est jamais très loin de moi, soit devant, lorsque son étalon passe devant le mien, soit juste derrière moi. Sa présence à mon côté, c’est quelque chose que j’apprécie. Il est mon ombre, celui qui me tire de chaque mauvais pas, celui qui sait d’un simple regard quand je vais mal, et celui à qui je rends bien chaque coup de poing lors de nos nombreuses chamailleries. Ce lien de frères est unique. Les jumeaux sont rares, encore plus chez les elfes, alors notre lien unique ne fait que nous rapprocher encore plus à chaque voyage. Mais, ce soir, quelque chose semble attirer mon attention, et alors que mon frère approche son cheval du mien pour me proposer de s’arrêter pour la nuit, je secoue lentement la tête de droite à gauche.

- Continuons encore un peu, s’il te plait. Quelque chose m’attire par là.

Elladan comme moi avons pris l’habitude de suivre mes instincts, qui plus d’une fois nous ont sortis d’affaire ou nous ont permis d’éviter les ennuis de peu. Là, ce soir, j’ai l’impression d’aller au-devant des ennuis, mais il me semble aussi que c’est nécessaire. Alors, lorsqu’au détour du chemin, la silhouette d’une cavalière semble nous charger, poursuivie par un Warg, il ne faut pas une seconde de plus pour que je tire mon épée et que je voie une flèche partir de l’arc d’Elladan à la limite de mon champ de vision. Hïste fonce dans le tas, et je saute pour trancher la gorge de l’orc qui a osé s’en prendre à ma sœur. Mon regard se pose devant nous, et je contemple la dizaine d’orcs qui nous fait désormais face. D’autres arrivent, bien sûr, et mon regard d’elfe se pose sur les premiers. Alors, bonne idée, mauvaise idée, je ne sais réellement ce qu’il se passe, mais je me tourne vers ma sœur.

- Tente de pas te faire tuer… Papa nous a pardonné d’avoir mis le feu à la cuisine et aux écuries, mais il ne nous pardonnera pas d’avoir blessé son petit oiseau.

Aranruth fait un moulinet dans ma main, et un sourire monte à mes lèvres, alors que je grimpe à nouveau sur mon cheval pour charger les orcs devant nous avant qu’ils ne soient trop nombreux. Trop d’orcs, ça signifie plus de blessures, et la possibilité de se prendre une flèche lancée par mon frère en bougeant trop brusquement est trop grande. Et, croyez-moi, une flèche dans le bras, ça fait vraiment mal.

Le souffle du vent me rend sourd à toute autre chose, malgré les capacités auditives de ceux de ma race, mais prendre ainsi de pleine face le vent contraire à notre direction sous le galop effréné de ma monture est pour moi une libération. Malgré que mon frère et moi n'ayons passé que quelques jours en Imladris, ce temps me parait déjà bien trop long et le besoin de m'échapper une fois de plus bien trop pressant. N'allez pas croire, j'aime la beauté de cet havre de paix autant que j'aime mon père, mais y rester sur du long terme est pour moi chose inconcevable. Le calme de cette cité m'est on ne peut plus inconfortable au milieu de la bousculade qu'est ma vie, comme si le temps y était arrêté, et je ne compte plus les fois où je me suis retourné vivement à l'angle d'un couloir en m'inquiétant de ce calme presque sinistre et de ce qu'il prévoyait. Le calme avant la tempête qui chavire mon cœur à chacun de mes séjours dans cette cité qui m'a vu naitre et grandir, comme, à chaque fois que mon regard se perd ainsi à chercher le sujet de mon inquiétude grandissante, c'est comme une ombre qui m'apparait. Non, pas une ombre. Plutôt un fantôme, souvenir d'un autre temps où je supportait de vivre en ces lieux. Le vol d'une robe, le bruissement d'une cape, l'écho d'un rire au détour du couloir, près de cinq-cents ans après le départ de ma mère pour d'autres terres, je me sais encore capable de suivre ces visions, d'espérer me sortir du rêve dans lequel je me serais perdu depuis tant d'années. Et même sachant que rien de tout cela n'est un rêve, la déconvenue de le redécouvrir est chaque fois plus grande que la fois précédente. Alors je fuis.

Quelques jours à peine passés en Imladris et nous voilà repartis, chacun d'accord avec l'autre sur l'heure du départ sans que nous n'ayons eu à nous consulter. Elrohir, mon frère, la seule constante que j'accepte encore à mes cotés tant nous nous comprenons. Nul n'est besoin de mots entre nous, bien que nous ne puissions nous vanter de posséder un quelconque pouvoir tel que ceux de nos ainés. Les mêmes pensées, les mêmes craintes, les mêmes fureurs, il ne nous en faut pas plus pour ne faire qu'un, en étonnant plus d'un de notre parfaite symbiose au combat malgré notre style fort différent. Car là réside notre principale différence, lui a choisi l'épée tandis que j'ai choisi l'arc, mais nous nous y retrouvons parfaitement comme chacun de nous peut ainsi tour à tour attaquer l'ennemi ou couvrir les arrières de l'autre. Et pourtant, plus d'une fois mon frère s'est fait peur de voir mes flèches le frôler de si près, peut être bien le seul jeu que je m'autorise lorsque nous combattons.

Nous galopons ainsi tout le jour, comme nous l'avons déjà fait la veille, et ce n'est que lorsque le soleil perd de son intensité par delà des terres que nous offrons un peu de répit à nos chevaux, observant l'horizon devant nous et les montagnes si proches depuis le sommet d'une colline. Je rapproche ma monture de la sienne d'une foulée de trot afin de lui proposer de nous arrêter là pour la nuit, conscient malgré tout que la nuit devrait se voir raccourcie par une troupe d'orcs ou une autre, aussi près de leurs montagnes que nous nous trouvons. Qu'à cela ne fasse, il suffit que les chevaux puissent se reposer un peu, et nous trouverons bien un tour de garde à mettre en place, comme d'habitude. Cependant, mon frère évoque l'un de ces instincts qui le prennent parfois, de ceux qui ne le trompent jamais, et c'est en gardant le regard parfaitement orienté vers les montagnes proches qu'il me demande de poursuivre notre route. Je l'observe une seconde avant de hocher silencieusement la tête et relancer mon cheval au galop, laissant cependant la monture de mon frère me doubler rapidement pour le laisser suivre son idée.

Rapidement, son instinct se démontre une fois de plus exact lorsque notre galopade nous fait croiser la route d'une cavalière pourchassée par un warg. La bête n'ira cependant guère plus loin comme mes mains ont déjà lâché les rênes de ma monture pour tendre la corde de mon arc et tirer la flèche que j'y ai placé, atteignant l'animal directement dans l’œil. Elrohir se charge de son cavalier avant de se rapprocher d'Arwen, et je fais reculer mon cheval de quelques pas saccadés - oui, il préfèrerait aller en avant - pour les rejoindre avant de poser ma main libre sur le bras de ma cadette.

"Il a raison, met toi à l'abri. On se charge de ces orcs, mais je ne veux pas avoir à m'inquiéter de ta sécurité en même temps. Je ne veux pas..."

Ma voix se perd légèrement comme mes souvenirs se portent une fois de plus sur le retard avec lequel mon frère et moi avons porté secours à notre mère. Je ne compte pas faire deux fois la même erreur. Cependant, ma fierté l'emporte, et je porte la main à mon carquois pour placer une flèche à mon arc et abattre un nouveau warg, tentant de faire passer l'interruption de ma phrase pour l'utilité de mon tir. Cela fait, je talonne ma monture pour la faire avancer, une nouvelle flèche à mon arc. Ma cible? Les Wargs, que je considère bien plus dangereux que leurs cavaliers. Ceux là, Elrohir s'en chargera très bien.

Comment le monde pouvait s’amuser à nous jouer ce genre de sale tour, hein ? Mon cœur avait manqué un battement lorsque j’avais réalisé que c’était Arwen qui se trouvait face à cet orc, dans une mauvaise posture. Si nous étions arrivés trop tard… Si nous avions perdu Arwen comme nous avons perdu Mère…. Non c’était impossible, et inconcevable. Et puis, nous étions arrivés à temps. Le combat n’avait pas encore commencé, et nous pouvions encore sauver Arwen. Et puis, je savais que ma sœur était tout à fait apte à se défendre, et c’est bien pour ça que je n’ai pas demandé à ma sœur d’aller se cacher quelque part, contrairement à Elladan. Mes paroles concernaient le combat qui allait se dérouler sous peu : Arwen allait devoir se défendre pendant que mon frère et moi éliminions les orcs qui arrivaient par dizaine. Oui, j’avoue, pour le coup je suis un peu médisant sur les capacités de ma sœur, mais il y a en moi ce besoin infini de la protéger et de faire en sorte qu’elle s’en sorte sans aucune blessure. Même si de nombreuses fois j’ai su la faire tourner en bourrique encore et encore, jusqu’à la rendre folle de rage, elle reste ma sœur : la chair de ma chair, cette petite chose que j’ai eu dans les bras alors qu’elle n’avait que quelques heures, et qui a su me sourire et faire fondre mon cœur. Deux mille et quelques années plus tard, rien n’a réellement changé, et Arwen reste ma petite sœur chérie : je me dois de la protéger et de faire en sorte qu’elle aille bien. C’est mon devoir de grand frère.

Alors, Aranruth trouva sa place dans ma main, légère, telle le prolongement de mon bras, et le sifflement strident qui jaillit du fourreau lorsqu’elle en glissa me tira un sourire presque carnassier. Oui, j’avais besoin de ce combat, j’avais besoin de l’excitation, de l’adrénaline, de l’odeur âcre du sang des orcs autour de moi. Les flèches d’Elladan glissaient autour de moi, passant parfois si près de mes oreilles que j’aurais pu, si j’avais tourné la tête au mauvais moment, j’aurais certainement sacrifié un bout ou l’autre de ma chair. Au fond il était heureux de voir que je sais à quel pont Elladan peut être joueur avec moi lors d’un combat. J’ai, depuis de nombreux siècles appris à me fier à mes instincts de combattant plus qu’à mes yeux. Rares sont les fois où j’ai besoin de me retourner pour sentir les ennemis autour de moi, et je sais très bien qu’en tenant les orcs à distance de mon frère, il fera tout pour éviter qu’on me prenne de revers.

Cependant, je me déplace, m’éloignant des cadavres qui me gênent dans mes mouvements, et je finis par laisser Arwen loin derrière nous, n’ayant pas l’habitude d’avoir deux compagnons de combat. Généralement, Elladan et moi sommes seuls ou alors entourés d’une troupe de dùdenains. Être trois, c’est tout nouveau, même si Elinà nous accompagne souvent. Cependant, cette elfe est encore plus folle furieuse que moi au combat, et ensuite elle ose nous engueuler pour nous être blessés pendant qu’elle se mettait tellement en danger que même moi j’ai l’impression qu’elle va trop loin. Enfin, temps n’est pas de penser à cette demoiselle.

Un cri dans mon dos… Arwen. Je serre les poings sur mon épée et je soupire un coup, essayant de ne pas regarder plus d’une demi seconde ce qu’il se passe. Mon esprit enregistre l’image de ma sœur debout face au warg et à son cavalier, et je pousse un grognement, décapitant l’orc devant moi.

- Je gère, ‘Dan…

En gros : occupe-toi de notre sœur, je m’occupe de mes propres fesses. Arwen avait l’air intacte, et c’était tout ce qui comptait, mais je ne veux pas qu’elle se retrouve dans une posture qui la mettrait trop en danger. Oui, bon, je suis un frère gâteau et ultra protecteur… Si on m’avait dit que je tournerai comme ça… Je peux encore revenir en arrière et me pendre ? Sérieux, les sentiments, ce n’est pas pour moi… Montrer mes sentiments, encore moins !

Et, c’est en laissant mon esprit dériver que ma lame manque sa cible, et que je laisse une ouverture béante dans ma garde, ouverture dans laquelle s’engouffre l’épée d’un orc, se plantant dans mon épaule. Un grognement monte à ma poitrine et d’un coup de pied j’envoie valser la créature. Je retire l’épée plantée dans ma chair, laissant le sang couler, et c’est avec plaisir que je vois les gardes d’Arwen arriver sur place pour nous aider à nous débarrasser des quelques créatures restantes.

- Mae Govanen, Finlaë

D'un geste du menton, je salue le garde qui vient à mon coté. Je le connais depuis longtemps, pour avoir combattu à ses cotés depuis des années. En quelques minutes, les orcs ne sont plus qu'un mauvais souvenir, et je peux éloigner la tunique que je porte pour observer la blessure que j'ai sur l'épaule droite.

De la hauteur de la selle de mon cheval, j'envoie flèche sur flèche contre ces maudits wargs, ajoutant parfois un orc ou deux à mon tableau de chasse lorsque certains d'entre eux tentent de prendre mon frère à revers. Je sais pouvoir compter sur ma monture pour me suivre sans que je n'ai à la diriger autrement qu'avec mes jambes et mon assiette, laissant sans aucun problème mes mains libres pour pouvoir user de mon arc à loisir, et il paraitrait presque que l'astucieux animal sache à chaque tir se placer de façon à me libérer le meilleur champ de tir. Champ de tir parfois un peu curieux quand ma flèche passe à deux millimètres du crane de mon frère pour aller se planter dans la gorge du warg s'apprêtant à lui sauter dessus. Je ne l'ai jamais touché, et je ne rate que très rarement ma cible, je sais que mon frère me fais autant confiance au combat que je lui fais confiance pour protéger mes abords de son épée. En cela nous sommes parfaitement complémentaires. Je protège ses arrières, et l'aide sur les devants, tandis qu'il me garde du pire désavantage de mon choix d'arme. Tirer à bout touchant, avec un arc, je le répète une fois de plus ici, c'est im-pos-si-ble, et ce même si certains vous jureront le contraire. Imaginez que vous deviez courir un marathon, et qu'on vous place un mur de trois mètres de haut à quinze centimètres du départ de la course. Comment que vous faites?

Un carquois avec un stock inépuisable de flèches. Je vous jures que le jour où j'entends parler de ça, je remue ciel et terre pour le récupérer. Le calcul mental que je fais du nombre de projectiles qu'il me reste à tirer me fait jouer la carte de la retenue, laissant davantage d'ennemis à mon frère, plaçant des tirs plus précis et n'abattant plus systématiquement que les wargs. Je m'apprête à tirer une flèche supplémentaire lorsque la voix de ma sœur s'élève, et qu'Elrohir m'aide à faire taire la seconde d'hésitation qui s'installe en moi en me disant qu'il gère de son coté. J'incline légèrement la tête avant de me retourner sur ma selle, visant le warg s'en prenant à Arwen avant de libérer ma flèche, qui vient lui transpercer la boite crânienne de part en part. Celui là n'ira pas plus loin. Deux secondes plus tard, ma dernière flèche vient transpercer son cavalier, et je remise mon arc à mon épaule pour dégainer mon épée, me rapprochant de ma sœur, mon cheval passant comme il le peut entre les cadavres, alors que la troupe qui l'accompagnait se charge des derniers ennemis se situant du coté de Elrohir.

J'arrête ma monture à coté de ma sœur pour m'assurer qu'elle aille pour le mieux, examinant un instant la plaie de sa joue avant de repartir au galop pour m'assurer qu'aucun autre ennemi ne nous attende dans les environs. Tour d'environs qui me prend plusieurs minutes pour être sur et certain qu'il n'y ai plus de danger pour le moment, avant de revenir vers les lieux de la bataille par un autre versant de montagne, arrêtant aussitôt ma monture, que je laisse enfin respirer, avant de commencer à récupérer les flèches encore potables sur les cadavres au sol, laissant ma haine des orcs dépasser toute raison quand, en trouvant un encore à demi-vivant, je lui tranche la gorge de mon épée. Non, je ne commencerais pas à garder un orc en vie pour l'interroger. Les orcs sont des traitres, des tueurs et des menteurs, il n'y a rien à en tirer. Aucun temps n'est nécessaire d'être perdu pour eux.

Enfin, mon carquois enfin de nouveau rempli, quoique quelques flèches brisées manquent à l'appel, j'essuie ma lame sur le poil d'un warg avant de la rengainer et me rapprocher du groupe d'elfes afin de saluer les elfes de la Lorien et m'assurer que mon frère n'ai pas trouvé matière à se blesser.

Mon regard boudeur se pose sur ma sœur lorsqu’elle s’approche de moi, et j’essaie vainement de cacher mon bras blessé. Ca y est, je vais ENCORE devoir supporter qu’on me touche. Je vous ai déjà dit que je ne supporte pas le contact physique ? Jamais, en aucun cas. C’est pour ça que la plupart du temps, les gens n’ont droit de ma part qu’un hochement de tête, qu’une poignée de main rapide. Seul mon cheval, mon warg et parfois mon frère arrivent à passer cette barrière que j’ai toujours mise entre moi et les autres. Mais, il y en a une qui ne me demande jamais mon avis, comme je sens ma tunique disparaitre et ses mains se poser sur mon épaule, alors que j’essaie vainement de m’y soustraire.

- Non mais ça va, je suis capable de me soigner tout seul tu sais… J’ai plus cent ans…

Autant parler à un mur avec celle-là. Mon regard exaspéré se lève vers le ciel pendant que j’abdique en comptant les secondes qui me séparent de la délivrance. Lorsqu’enfin ma sœur me lâche, je grommelle un merci absolument pas pensé, récupère ma chemise et m’éloigne d’elle le plus rapidement possible, espérant qu’elle a eu son quota de contact physique avec moi pour le prochain millénaire. Je remets la chemise en lin bleu sur mes épaules musclées et entreprend de nettoyer la lame de ma chemise avec un bout de la cape d’un orc qui traine là. Je tourne le dos à tout le monde, me désintéressant totalement de tout ce qu’il s’y passe. En réalité, ça me vexe un peu qu’après tous ces siècles, ma sœur ne soit toujours pas capable de me laisser tranquille, alors qu’elle sait réellement que je ne supporte pas d’être touché. C’est peut être fou, mais c’est comme ça. Bien vite, cependant, je sens la présence de mon frère à côté de moi, et je tourne mon regard vers lui, un sourire sur les lèvres.

- Il n’y a qu’une demi-journée de voyage jusqu’à l'avant poste d'Arnaël. Je pense que nous devrions partir maintenant. Nous arriverons à l'avant poste certes après la nuit tombée, mais ça vaut mieux que de rester au milieu de cadavres d’orcs. Ils sont nombreux, mais pas assez pour une troupe complète. D’autres vont venir, et si nous sommes encore là, cette fois nous risquons d’y rester.

Après avoir obtenu l’accord de mon frère, je me dirige vers le capitaine des gardes d’Arwen, et je lui indique de se remettre à cheval. Un sifflement sort ensuite de ma bouche, appelant ma monture, sur laquelle je me hisse après lui avoir caressé le flanc. Nous n’avons que peu de blessés, et nous pouvons continuer la route. Je ne pensais pas revenir à Imladris aussi rapidement, mais le fait est que je vais avoir besoin de quelques jours pour pouvoir réutiliser mon bras correctement. Quoi ? Une convalescence de plusieurs semaines ? Allons, ne me prenez pas pour un idiot… dès qu’il y aura une croute, ça voudra dire que ça ira.

Nos montures auraient bien besoin de prendre un peu de repos, cependant, je ne peux pas nier que mon frère a raison quand il parle de rejoindre l'avant poste de la garde d'Imladris plutôt que de s'éterniser dans une vallée de cadavres. Je pose rapidement ma main sur son bras indemne, à la fois comme une réponse positive et comme une question sur son état, mes yeux plantés dans les siens trouvant rapidement réponse à cette question, même si j'ai une fois de plus davantage l'impression que c'est la réponse qu'il souhaite me donner et non celle que je devrais connaitre. Aller bien n'est malheureusement plus quelque chose qui qualifie mon frère depuis bien des années, même s'il préfère de loin se murer dans son silence et avancer droit devant lui sans voir le mur qui se trouve sur son chemin que d'avouer que les choses ne tournent plus rond pour lui depuis le départ de notre mère. Personnellement, le mur, je le croise lorsqu'Imladris se présente sur ma route, et je porte des œillères face à lui quand le destin m'offre d'achever l'existence de quelques orcs, même si je sais parfaitement qu'un jour, le retour de bâton fera mal. J'ai déjà pris de mauvais coups, et même de sacrées mauvaises blessures, de celles dont je ne suis revenu que grâce aux talents de guérisseur de mon père, mais aucune ayant été suffisante pour réfréner mon désir de vengeance.

Alors que  je réunis deux elfes dans le but de rassembler toutes les carcasses afin de les bruler - je ne compte pas spécialement offrir le diner aux Wargs -, Arwen m'interpelle pour me demander si tout va, et je lui marmonne un "tout va bien" avant de reprendre le cours de ma tâche, qui se trouve finalement rapidement achevée. Un départ de feu dans tout ça et on peut y aller, ça va très bien bruler tout seul, et l'humidité du matin saura éteindre ce qui ne le sera pas par l'étouffement naturel des flammes.

Cela fait, je récupère ma monture avant de me remettre en selle et rejoindre les elfes restés avec moi pour rejoindre le reste du groupe, parti en avant plusieurs minutes auparavant à présent. Je fais confiance à mon frère pour avoir ralenti l'allure au maximum jusqu'à ce que je le rejoigne, et effectivement, il ne nous faut que peu de temps pour que le petit galop que nous faisons tenir à nos montures nous fasse rejoindre le reste des nôtres. Finalement, je rejoins rapidement Elrohir avant de caler l'allure de mon cheval sur celle du sien.