Je ne suis pas un doudou ni un nounours. [spécial Schizophrénie]

Toute cette histoire a commencé il y a longtemps, très, très longtemps. À cette époque, j’étais encore un jeune elfe totalement immature, mais qui avait un bon fond. J’étais dans la bibliothèque d’Imladris, un livre de stratégie militaire sur les genoux, et je me contentais d’en tourner les pages en faisant semblant de lire à la lueur de quelques bougies. Dehors, le ciel était couvert, annonciateur de l’un de ces orages de printemps comme Imladris sait nous en préparer. Lorsque le vent se mélange aux éléments du ciel, alors le monde semble être sur le point de prendre fin, et certains parlent même des géants d’antan qui se battent les uns contre les autres, laissant la pierre frapper la pierre jusqu’à ce qu’il n’en reste plus aucun. Cependant, cette pluie apocalyptique finit encore et toujours par laisser place, lorsque le matin vient, à la fraicheur d’une matinée pleine de soleil, et pour la plupart d’entre nous, l’orage sera oublié dès le début de l’après-midi, alors que les rayons de lumière auront repris totalement leur place dans le ciel sans un seul nuage. Voilà pourquoi, en cette époque lointaine, j’ai posé le livre sur son étagère avant de rentrer dans ma chambre, traversant les rues alors que les premières gouttes tombaient sur le monde. Mais, dans les quartiers où nous résidions, Elladan et moi, j’ai trouvé Elinà, en pleurs, tremblante, terrorisée par l’orage. Si j’avais été intelligent, je l’aurais envoyé auprès de mon frère, car j’avais déjà vu à l’époque ce qui animait le cœur de mon amie lorsqu’elle le regardait lui. Il y avait des étoiles dans ses yeux, il y avait cette impression qu’il était unique… Hey ho, et le jumeau alors, on l’oublie ? Mais, j’ai plus, au cours des siècles, tenté de les pousser dans les bras l’un de l’autre que tenté de m’immiscer dans leur histoire. Non, Elinà ne m’a jamais intéressée comme ça. Alors, je les lui ai dit, ces mots qu’aujourd’hui encore je regrette : T’as qu’à venir dormir avec moi. T’auras qu’à penser que c’est ‘Dan qui te tient dans les bras pour pouvoir dormir…

Si j’avais su qu’elle prendrait ça comme une invitation pour les siècles suivants, je serais resté sur ma première idée d’aller chercher mon frère. Mais bon, ce n’est pas grave. Ah, et j’aurais aussi pu éviter de lui apprendre à crocheter les serrures, parce que, ça lui permet de rentrer dans ma chambre quelle que soit la serrure que je mets.

Et si nous revenions au présent maintenant ? Au jour qui nous intéresse ?

Allongé dans mon lit, mes couvertures remontées jusqu’à mon menton, je suis en train de dormir. Je suis bien dans mes rêves, jusqu’à ce qu’une énorme vache se mette à sauter sur le sol et que celui-ci se mette à rebondir, me faisant sortir de mes rêves. Je gromelle un coup tout en ouvrant les yeux avant de laisser mon regard se plonger dans celui de l’elfe qui vient de sauter sur mon lit.

- Ha non alors, c’est trop tôt.

Un rire me répond et les mains glaciales d’Elinà repoussent la couverture que je tente de garder contre mon corps pour s’installer dessous.

- Purée, Nànà, y’a même pas d’orage…

La tête brune de l’elfe se pose sur l’oreiller alors que je tourne la tête, et je l’observe regarder le plafond sans un mot. Elle n’a toujours pas parlé, elle n’a toujours rien dit, mais je vois dans l’étincelle qu’il y a dans ses yeux qu’elle a quelque chose d’important à me dire.

- Vas-y, crache la purée. Et ensuite tu sortiras de ma chambre, parce que je suis totalement à poil dans mon lit là.

Je suis de retour du Rohan, après cette énorme, cette monumentale bêtise que j’ai faite sur le chemin qui menait à Dunharrow. Quand je dis que c’est énorme, ça pourrait être pire, mais cela, je ne le saurais que dans quelques semaines. Pour l’heure, il n’y a qu’une seule chose à faire. Une seule et unique chose : aller en parler à Elrohir. Mais, je ne sais pas encore par quel morceau commencer, aussi, une fois descendue de cheval, j’évite le regard d’Elladan pour m’occuper de Foudre. Je le panse, le bichonne, le caresse sans un seul regard pour l’elfe à mon côté, restant bien plus longtemps que nécessaire à lui tourner le dos, jusqu’à ce qu’enfin un palefrenier ne vienne lui parler, me tirant un soupir de soulagement. J’en profite pour faire demi-tour et m’enfuir en courant. Ce que je fais est totalement lâche, et je le sais. Fuir ainsi l’homme avec qui j’ai partagé plusieurs nuits plus que torrides à peine rentrée à la maison… Oui, c’est idiot. Totalement idiot, surtout que… Nous sommes des elfes. Nous ne flirtons pas. Ce qu’il s’est passé durant ce voyage ne peut pas simplement rester dans ce voyage, non. Et, ce sera pire si jamais je suis enceinte… Vous pensez que je peux être enceinte ?

Oh, ce n’est pas le moment de penser à tout ça, alors que mes pas légers résonnent sur les pavés blancs de la cité d’Elrond. Je grimpe dans la cité, je la parcours de bout en bout pour arriver jusqu’à la maison où j’ai toujours été la bienvenue. Je salue les gardes sans prendre la peine de ralentir, et je m’engouffre dans un couloir, avant de ralentir à peine le temps de passer devant la grande salle du conseil où je sais qu’Elrond est souvent. Et puis, je reprends ma course effrénée, jusqu’à finalement m’arrêter hors d’haleine devant la chambre d’Elrohir. Je sors la dernière clef que j’avais pour cette pièce et je la mets dans la serrure avant de pousser un juron. Il l’a encore changée ! Je prends donc deux épingles à cheveux avant de les faire tourner, ma lèvre pincée par mes dents sous l’effet de la concentration, jusqu’à finalement ouvrir la porte avec un sourire victorieux. J’entre dans la pièce et je referme la porte dans mon dos avant de passer dans la seconde où je sais qu’est la chambre de mon ami. Et oui, maintenant les princes d’Imladris ont de vrais appartements.

Je l’observe, endormi, et immobile à la porte, je finis par murmurer :

- Psssst ! Elro’ … J’peux venir ?

Une seconde passe, une autre… Bon, qui ne dit mot consent, n’est ce pas ? Je traverse la pièce avant de sauter sur le lit pour le réveiller – quoi ? Il est dix heures passé… Il est censé être éveillé depuis longtemps non ? Je le regarde émerger, prête à me faire traiter de tous les noms d’oiseau qu’il a pu apprendre chez les dùdenains, mais finalement, c’est un grognement qui me répond, alors que ma marmotte préférée me dit qu’elle n’a pas assez dormi. Je ne dis rien, me contentant de me glisser sous la couverture pendant qu’il continue à pester dans son coin, et que mes yeux noisette l’observent avec un air taquin.

- Ce n’est pas comme si je ne savais pas ce à quoi tu ressembles tout nu, quand même.

Et toutes ces baignades dans la rivière, tous nus que nous étions, alors que la nudité n’était pas un problème pour nous. Et puis, même si leurs cicatrices ne sont pas au même endroit, je dois avouer que j’ai vu Elladan nu un bon paquet de fois ces derniers jours, et je n’ai pas vraiment l’intention d’oublier ça. Quand on a vu l’un des deux à poil, on a vu autre, non ? Les jumeaux, ils sont tous pareils. Je fais mine de lever la couverture pour vérifier, mais Elrohir n’est pas d’humeur à jouer, comme je me prends un coussin dans la figure. Bon, on ne joue pas alors ? Vraiment pas ? Même pas drôle.

- Oh làla, quel rabat joie… Et moi qui avait une grande, une immense nouvelle à t’annoncer. Enfin, peut être. J’en sais rien en fait. Il faudrait que je te raconte tout depuis le début, en fait. Mais je ne sais pas par où commencer…

La tête d’Elrohir veut clairement dire Bon, maintenant tu accouches ou je te fou dehors alors je pousse un soupir et je me laisse tomber sur le dos, avant de poser mes mains sur mes yeux. Bon… Il veut la version courte ? Alors je vais lui donner la version courte.

- J’ai couché avec ton frère.

La remarque d’Elinà me fait ouvrir des yeux ronds. Non mais attendez là… Elle vient de dire quoi ? qu’elle sait ce à quoi je ressemble tout nu ? Réellement ?Je me contente de soupirer un coupe avant de secouer la tête. Oui, on s’est baignés à poil dans la rivière il y a quelques siècles de cela, mais ce n’est certainement pas une raison pour qu’on se retrouve là, à en parler. Et puis, zut à la fin. Un peu de pudeur tout de même.

- Elinà !

Je me relève alors qu’elle tente de soulever la couverture pour lui balancer un oreiller à la figure. Non mais ho ? ça suffit. Espèce de sale petite voyeuse ! Il n'y a rien à faire, c'est le genre de comportement que je n'accepte pas. Personne n'a le droit de me voir à poil, sauf ma future femme, si un jour j'en trouve une ou mon guérisseur si je suis mourant. Et, pour l'heure, je suis loin de l'être, mourant. Autant dire que c'est plutôt Elinà qui risque sa peau, là.

- Et bien, accouche la, ta fichue nouvelle sinon je te jure qu’à poil ou pas, je te mets dehors séance tenante.

Mon regard se fait sévère, et je croise les bras, assit dans mon lit et parfaitement réveillé – enfin, surtout après avoir vérifié que la couverture couvrait bien ce que j’ai besoin qu’elle couvre – à attendre qu’elle m’annonce sa nouvelle. Je dois avouer que le coup de massue qu’elle m’annonce est tel que je n’arrive pas à dire quoi que ce soit. J’ouvre la bouche pour parler, puis je la referme et je soupire un coup. Je me passe la main sur le visage avant de me laisser aller sur le dos, les yeux fermés. Finalement, au bout de quelques minutes dans cette position, je lève un doigt.

- Tourne toi.

J’ouvre les yeux pour vérifier qu’elle obéit et je lui fais tourner la tête vers la fenêtre ensuite.

- Ne bouge pas.

J’attrape mon pantalon pour le passer et je me lève pour faire les cent pas dans la pièce. Pour qu’Elinà m’ait annoncé ça comme ça, c’est qu’il y a anguille sous roche. Finalement, je me retourne vers elle, et je regarde son visage. Depuis le temps que je la connais, je pense pouvoir dire que je suis capable de lire ses expressions, cependant… J’ai un peu de mal à comprendre où peut être le souci. Alors, je tente une approche qui la forcera à me donner des détails, sans quoi je sais parfaitement que je n'aurais rien.

- Vous… Vous êtes mariés ? Sans rien dire à personne ? De manière aussi soudaine ?

« Tourne-toi » et autres « ne bouge pas », voilà la seule réaction d’Elrohir. Enfin, ça c’est après qu’il ait fait semblant d’être mort pendant quelques minutes, sous mon regard ébahit. Et moi qui pensais qu’il allait hurler au scandale… J’obéis donc, à la fois penaude et déçue, avant de me retourner en l’entendant faire les cent pas. Mes yeux le suivent d’un côté de la pièce à l’autre, encore et encore et encore, jusqu’à ce que j’en aie le tournis. Mais, je reste assise là, sur son lit, en tailleurs, tout en priant pour qu’Elladan n’ait pas la même idée que moi et ne se ramène pas soudainement ici pour discuter avec son frère. Cela serait compliqué, n’est-ce pas. Je n’ose pas imaginer ce que qu’Elladan penserait en arrivant ici, à me trouver sur le lit de son frère qui lui-même est à moitié vêtu seulement. Non, arrêtez tout de suite de penser : je n’irais pas coucher avec les deux. Ni ensemble ni séparément, je suis une elfe, rappelez-vous. J’ai déjà du mal à assumer ce qu’il se passe entre Elladan et moi alors… Alors je n’ai pas envie de venir me retrouver dans une histoire encore plus complexe. Merci bien ! Les migraines que j’ai à penser à tout ça ne sont que le début des idioties que mon cerveau va inventer pour me torturer. Oh, oui, douce torture que voilà, moi qui m’amuse à penser à toutes ces choses étranges.

Et puis, Elrohir prend la parole. Et là … Oh là, c’est une de ces énormités qu’il sait si bien sortir sans même s’en rendre compte. J’ouvre la bouche, la referme, et puis j’explose de rire. J’explose de rire et je tombe sur le dos, en me tenant les côtes, incapable de réfréner mon hilarité, cette fois. Oui, la plupart du temps, j’essaie, un peu, de faire en sorte qu’il ne se rende pas compte à quel point il est drôle, à quel point ses bêtises sont aussi énormes que lui. Au bout d’un moment, je me redresse à moitié, l’observant au travers de la pièce soutenue par mes coudes.

- Non, Elro’. Si j’étais mariée à ton frère, la première chose que j’aurais fait, c’est te montrer la bague. En plus, je pense bien que ton frère n’aurait jamais pris une décision de cette importance sans t’en parler avant, ou au moins t’intégrer au truc.

Je reste ensuite silencieuse quelques secondes, un air impénétrable sur mon visage alors que je cherche comment tourner les choses pour lui raconter en détail tout ce qu’il s’est passé. Finalement, je m’allonge sur le ventre, les mains sous mon menton, face à lui, et je commence à parler :

- On est allés au Rohan pour y soigner la fille d’une famille que je suis depuis presque un siècle. Sur le trajet, sur l’aller… Il y a eu un orage et… Je pense que tu es bien placé pour savoir ce qu’il m’arrive pendant les orages. Elladan faisait des cauchemars aussi et… Je lui ai demandé si je pouvais dormir avec lui, parce que…

Je reste silencieuse quelques secondes, incapable de finir ma phrase. Parce que, je crois bien que jamais je n’arriverais à voir un orage autrement que comme ce souvenir qui m’a à jamais traumatisée. Pourtant, je n’ai pas réellement d’autre choix : je dois avancer.

- Il a accepté, et au matin… J’étais dans ses bras, et… Il m’a embrassée. Les choses ont dégénéré, totalement. J’ai aucune idée de la raison pour laquelle je ne l’ai pas arrêté. Du coup, je me suis un peu enfuie ensuite, et j’ai été occupée, toute la journée avec la fin du voyage puis ma patiente. Et quand on aurait enfin pu en parler j’ai… Préféré le… distraire que de parler. Et, j’ai fait ça toute la semaine. Pour pas qu’on en parle parce que…

Je me relève brusquement pour m’installer en tailleurs sur le lit, les doigts crispés sur ma robe. Je joue un instant avec le tissus avant de pousser un gros soupir et de lever un regard implorant vers Elrohir :

- Dis, Elro, vous … Vous n’êtes pas si humains que ça, hein … Les flirts sans lendemain, ce n’est pas votre truc… N’est ce pas ?

L’hilarité de l’elfe devant moi me fait froncer les sourcils. Je croise les bras en l’observant, un air mi-figue mi-raisin sur les traits, incapable de dire quoi que ce soit. Finalement, au bout de quelques minutes je me tourne vers l’armoire pour passer une chemise, au moment où Elinà réussit à se calmer assez pour commencer son petit laius. Je passe la chemise par-dessus ma tête avant d’attacher les lanières qui maintiennent le col fermé. Je m’installe ensuite sur un petit fauteuil, juste en face du lit pour observer mon amie parler. Autant dire que mes sourcils se froncent assez rapidement et que je finis par croiser les bras, mon visage totalement fermé, incapable que je suis de dire quoi que ce soit face à ce que me raconte Elinà.

Quelle est donc cette folie ? Ma bouche s’ouvre quand elle m’explique comment elle en est venue à partager le lit de mon frère une première fois, et puis je la referme, totalement incapable de parler. Totalement incapable de dire quoi que ce soit. Au fond de mon cœur, je les traite d’idiots, tous les deux, d’imbéciles, et de tout un tas d’autres quolibets qu’il ne faut pas répéter à voix haute. Comment Elladan a-t-il pu en arriver là ? Comment Elladan a-t-il pu arriver à faire autant de choses stupides les unes avec les autres… Flirter, draguer, être bien élevé et flatter les femmes, oui, cela est tout à fait possible mais… Elladan est mon ainé, donc il est celui qui héritera d’Imladris lorsque le temps sera venu, mais… Mais il n’est pas possible pour lui de continuer à agir de la sorte avec Elinà sans finalement se retrouver dans les ennuis jusqu’au cou. Tous les deux vont au-devant d’ennuis plus qu’énormes. Et si… Et si Elinà tombait enceinte de cette histoire ?

Après cette question saugrenue, je reste là, les bras croisés, à observer l’elfe au visage terrorisé devant moi. Je finis par pousser un nouveau soupir profondément las avant de secouer la tête, bien décidé à ne pas cacher quoi que ce soit à l’elfe devant moi :

- Elinà… Mais qu’est-ce que vous avez fait ? C’est… Aberrant ce comportement, et c’est moi qui te dis ça, avec tout le passé de bêtises que je peux avoir derrière moi. Je n’arrive pas à comprendre ce qui a pu vous passer par la tête.

Non, vraiment je n’arrive pas à comprendre ce qu’il peut se passer dans la tête parce que je ne suis pas réellement capable de comprendre comment ils ont pu en arriver là. D’un certain côté, je ne peux pas comprendre, car je n’étais pas dans la pièce à ce moment-là, lorsque tout est arrivé. Mais, même si je suis un quart humain, voilà longtemps que j’ai choisi de vivre comme un elfe, et que j’ai remisé une grande partie des défauts que je connais comme étant ceux des humains au placard.

- Je vais être tout à fait sincère avec toi, Elinà. Il nous est possible de flirter, surtout lorsque nous passons de grandes périodes avec les Dùdenains. Flirter, cependant, ça ne veut pas dire partager le lit de n’importe qui. Je n’ai jamais été… plus loin que des paroles, que des blagues au coin du feu. Je n’ai jamais vu mon frère aller plus loin non plus autrement même avec une humaine. Mais, je n’ai aucune idée de ce que tout ça veut dire pour lui.

Je me relève pour venir m’installer sur le lit à côté de l’elfe et je pose ma main sur son épaule, un air inquiet sur le visage. Il faut… Il faut qu’elle fasse quelque chose. Il faut qu’elle prenne le temps d’en parler avec mon frère et qu’elle comprenne ce qu’il se passe.

- Tu sais, Nànà, le fuir n’arrangera rien et ne fera pas avancer votre histoire. Tu l’aime en secret depuis des siècles… Pourquoi est-ce que tu ne lui parle pas ? Je suis certain qu’en parler arrangera les choses. Il faut que tu lui parle et que vous mettiez les choses à plat …

Vu la tête qu’Elrohir tire et le silence qui répond à mes questions, à mes paroles, j’ai l’impression qu’une chape de plomb me tombe sur les épaules. Je baisse le regard vers mes genoux, incapable de dire quoi que ce soit de plus alors que le silence s’étouffe encore et encore devant moi. Mon regard ne quitte pas mes mains que je noue et dénoue sur ma robe avant de sursauter lorsqu’enfin, Elrohir se met à parler. Parce que je ne m’attendais pas à l’entendre, au fond. Je n’étais pas tout à fait certaine qu’il dirait quoi que ce soit. Je n’ai pas de réponse à lui apporter, en plus de ça. Je ne sais pas ce qui nous est passé dans la tête. La première fois du moins. Parce que, toutes les autres, c’était mon idée, ou la sienne, comme cette intimité qu’on partage est grisante, tout à fait extraordinaire, si… étrange aussi. Découvrir mon corps dans des caresses étranges, nouvelles, tout cela a été on ne peut plus électrisant. Découvrir le corps d’Elladan, ces caresses ces baisers… Oui, tout cela était extraordinaire. Et puis, nous en avions, l’un comme l’autre, envie, après tout. Nous suivions simplement nos envies.

Et puis, ensuite, la réponse que je recherchais, la réponse pour laquelle j’étais venue, m’est apportée et je commence à me recroquevillée sur place. Je n’arrive plus à penser clair, alors qu’Elrohir me dit, petit à petit, chacun de ces mots que j’ai tellement eu peur d’affronter. Et puis, finalement, le ressort du lit grince alors qu’Elrohir vient s’installer à côté de moi pour me parler. Je tourne la tête pour l’écouter, totalement perdue, mais ses mots glissent sur moi come sur du coton. Je n’arrive plus à penser droit, je n’arrive plus à réfléchir.

Contrairement à moi, qui ai fait mon choix il y a longtemps, Elladan a déjà flirté avec d’autres femmes, si je comprends bien les mots d’Elrohir. Mon regard reste planté sur le tapis et je n’arrive pas à revenir au présent, jusqu’à ce que la main d’Elrohir se pose sur mon épaule. Je me tourne vers lui pour l’écouter parler et je me contente de hocher la tête. Quelque part, au fond de moi, je sais qu’il a raison.

- -Je … Je ne peux pas, Elro. Je ne peux pas. Il n’est pas possible qu’il m’aime. Je suis sous son nez depuis deux mille ans et il ne m’a jamais vue jusqu’ici. Pourquoi est-ce que ce serait différent maintenant ?

Je serre la main d’Elrohir qui est posée sur mon épaule et je me relève sur ces paroles. Je suis fatiguée. Je suis épuisée. Maintenant, j’ai besoin de dormir. J’ai besoin de me rouler en boule sous mes couvertures.

- Je dois y aller… Le voyage m’a fatiguée. J’ai besoin de dormir un peu.