Teach me how to live. - [feat Beorn] [Intrigue I]

Raconter ces souvenirs n’avaient rien de réellement d’agréable pour moi, même s’il y avait bien de bons moments, la tristesse des derniers événements m’ayant séparé d’eux était bien trop ancré dans mon esprit pour que j’estompe la noirceur du tableau. Nous avions une vie de paix, nous les changeurs de peaux sommes des êtres puissants ; ainsi j’ai du mal à accepter que des gens comme nous puissent un jour venir à disparaitre. Mais il est vain de faire des concessions, l’avenir nous est déjà tracé, qu’on l’accepte ou non. J’ignore ce que les créateurs attendent de moi en tant que dernier changeur tel quel alors que les autres sont restés de simples ours. J’aurais pu choisir cette vie animale mais en mémoire de mon peuple, j’avais décidé de reporter l’échéance de notre extinction et faire perdurer nos traditions sous forme humaine, encore un peu. Alors je confiais inconsciemment la lourde tâche à Grim de faire de même que moi, d’instaurer une nouvelle ère dans laquelle les changeurs de peau n’auraient plus peur de se montrer tels qu’ils sont et pourraient vivre sereinement avec les possibilités cette fois de repousser les orcs.

Grim était un changeur de peau unique, n’ayant pas connu ces funestes moments. Il était un enfant désiré, choyé, ayant grandi dans un foyer qui veille sur lui et même en tant que père seul, je faisais toujours en sorte que jamais son sourire ne s’efface. Un message d’espoir, une vie que peu d’entre nous avaient droit sans penser à devenir fort et envoyé au combat même en étant jeune. Nous avions sans doute pris de mauvaises décisions, ainsi Grim nous bâtirait une nouvelle ère. Pourquoi pas moi ? Et bien tout simplement parce que depuis la perte de sa mère, une certaine lassitude s’était emparé de moi ; Grim vit, moi je survis.

Après ces courtes révélations, Grim semblait heureux de connaitre un peu plus de notre vie passée, et, tandis qu’il se blottissait contre moi, je ne pouvais m’empêcher de garder la tête dans cet océan de souvenirs. Bien des choses me revenaient alors que je les avais occultées, laissées dans un coin de mon esprit tandis que j’en ressentais la douleur, l’amertume, mais surtout cette colère que ces pensées nourrissaient. Je haïssais les orcs de tout mon être, ainsi je me voyais comme à chaque fois que j’en croisais, les déchiqueter d’une manière violente que l’on avait jamais vu chez nos pères. Le carnage dans lequel je les laissais, ils pourrissaient la nature et moi tout ce qui me rassurait c’était justement de voir ce bain de sang. Alors pour chacun d’entre eux, je vengeais l’un de mes amis, l’un des membres de ma famille et tant que je serais là, je continuerais à les traquer et à les tuer de manière sanguinaire et sans pitié. Je soufflais doucement, posant la main sur le dos de mon enfant qui semblait chercher à me réconforter par ses mots emplis de sagesse et d’innocence.

Comme à l’accoutumée, il m’emplissait les poumons d’un air frais, soufflant sur les nuages sombres de mes pensés et éclairait mon chemin de son sourire tel un soleil alors que je baissais la tête pour l’observer attentivement tandis qu’il me faisait part de sa manière de voir les choses, ce qu’il aurait aimé, et comment il envisageait la suite. Est-ce que ces petits détails que j’avais raconté étaient en cause de ses projets ? Je l’ignorais mais ils me plaisaient bien et j’étais heureux de savoir toutes ces choses là. Caressant doucement ses cheveux je lui offrais un petit sourire, rassuré, apaisé. Il avait ce don pour me mettre du baume au cœur sans même savoir certaines précisions de ce que nous avions vécu. Le massacre, ces rivières rougeoyantes du sang des miens et les gémissements d’agonie. Des choses qu’il n’aurait pas à savoir mais qu’il finirait par deviner en grandissant dans ce monde qui n’était pas nettoyé du mal. Ca ne me faisait aucun doute, Grim serait plus fort et plus grand que moi, il avait ça dans le sang mais aussi parce que nous pouvons voir dès leur enfance quelle serait leur carrure sous forme animale. Grim est déjà plus grand que les autres changeurs de peau de son âge. J’étirais alors un plus grand sourire à son attention, lui répondant avec ce petit ton taquin.

« On verra bien ça »

Je recouvrais Grim d’une couverture chaude et le remettait dans son lit.

« Tu sera un grand chef, tu auras plein de gens qui t’aiment et qui t’admirent. Les changeurs de peaux ne seront plus cette communauté oubliée mais une véritable légende grâce à toi »

Avec ça il serait libre d’aller où il veut, il avait l’étoffe d’un commandant, d’un vrai chef de groupe et il ne me faisait aucun doute que les personnes sur qui il veillerait seraient en sécurité.

« En attendant il te faut dormir Grim, demain on va aller à Carrock »