the sound of silence [FB] Masen & Raeryan

On l’avait fait venir, lui expliquant bien que c’était assez exceptionnel mais qu’ils comptaient sur ses talents pour guérir un patient assez spécial. Elle ne s’était alors pas attendue à être conduite jusqu’à la porte de cette chambre de l’infirmerie, où on lui expliqua enfin les faits. Ils avaient retrouvé un homme, inconscient et l’avaient ramené afin de le soigner pour des raisons qui lui échappaient encore. Raeryan avait été à vrai dire surprise qu’on fasse appel à elle et pas à quelqu’un d’autre pour ce genre de situation. Elle fut d’ailleurs bien trop étonnée pour y mettre la moindre opposition et s’était contentée de hocher machinalement la tête. Son masque ne laissait rien transparaître mais sous la peau, un million de pensées la parcourraient. Elle était à la fois curieuse, terrifiée, stressée mais se contenta de leur indiquer qu’elle ferait de son mieux pour limiter les dégâts. Une blessure profonde déchirait son dos, c’était juste là les indications qu’on lui avait données avant qu’on ne la laisse poser la main sur la poignée de la porte.

La jeune naine entra alors, observant directement ce lit mis à l’écart de l’infirmerie où était allongé le genre de personnes qu’elle n’avait pas pour habitude de croiser. A vrai dire, il serait sans doute le premier homme qu’elle rencontrerait et qu’elle aurait l’occasion de connaitre. Les Ered Luin étaient bien trop fermées aux autres communautés pour qu’elle puisse en croiser un, à ajouter à cela qu’en tant que naine, elle avait pas mal de restrictions. Raeryan avait cependant bien assez d’expérience et de notoriété pour qu’on lui laisse quelques exceptions à priori. Elle qui avait toujours été là pour les nains, voilà qu’on faisait appel à elle pour soigner les blessures d’un homme. Qui aurait pu le croire ?
Lorsqu’elle s’approcha de lui, elle constata bien vite qu’il était très mal en point, complètement pâle et en sueur. Allongé sur le ventre pour qu’elle puisse avoir accès à ses blessures, la naine ne perdit alors pas de temps pour soulever le bandage provisoire que des nains lui avaient fait dans l’attente de soins plus poussés. La plaie était profonde, ensanglantée et avait probablement commencée à s’infecter au vu de la cause. Il devait probablement souffrir, même en étant inconscient car c’est le genre de blessure qui ne laisse même pas un nain sur pieds, et pourtant les créateurs étaient témoins de la robustesse des nains face aux blessures comparées aux autres races. Malgré la lumière faible que lui offrait la bougie, Raeryan arrivait à en définir les contours, commençant par nettoyer les plaies d’un linge propre. Elle appliqua sur ses plaies un remède fait de diverses plantes afin de ralentir les saignements. Elle ne pouvait pas recoudre les entailles alors qu’il était inconscient où il risquait de souffrir davantage. Il tremblait, sa peau tressaillait sous le moindre de ses gestes et il serait sans doute bientôt sujet à de la fièvre étant donné que son corps combattait l’infection. Durant de longues heures, alors que la nuit continuait d’avancer, Raeryan resta à son chevet pour veiller au maintient de son état, du moins à ce qu’il n’empire pas. Tantôt assise à lire un livre, tantôt en train de surveiller son état. Le sommeil de l’homme avait été très agité : il fut souvent pris de sueurs froides, de tremblements qu’elle avait plus ou moins réussi à calmer en glissant un linge humidifié d’eau chaude sur son front afin de l’apaiser. Elle ne savait pas s’il arrivait à percevoir la présence de quelqu’un, néanmoins ce genre de chose minime arrivait à calmer même les plus gros spasmes. Elle avait beau ne pas le connaitre, elle s’en était occupé avec une grande attention, jusqu’au matin où elle constata que son état s’était stabilisé. Elle posa une dernière fois sa main sur son front afin de mesurer sa température. La fièvre avait baissé, sa peau était moins moite, moins tremblante et il semblait être plongé dans un sommeil réparateur.

Ces derniers points étaient un signe pour elle qu’il n’allait pas succomber et qu’elle pouvait désormais s’en aller. Elle le laissa alors trouver le repos nécessaire à sa guérison, emportant son matériel avec elle. Elle recouvra ses boucles brunes de sa capuche rouge avant de sortir et de trouver quelques nains gardant la porte.

« Il s’en sortira. Faites moi venir lorsqu’il sera réveillé.»

Avec la fatigue, c’était tout ce qu’elle avait trouvé à dire. Elle reviendrait alors pour constater l’état de ses plaies même si elle se doutait fortement qu’elles aient cicatrisés en étant imbibés de son remède. C’était cependant plus efficace qu’un bandage et aiderait à ce que ça n’empire pas jusqu’à ce qu’elle puisse les recoudre.
La guérisseuse prit ensuite le chemin qui la conduisit chez elle, elle y resta afin de trouver le repos. Il fut cependant bien assez court, mais suffisant, car elle avait bien d’autres choses à faire, de nains à s’occuper et d’affaires à régler. Ainsi une fois qu’elle fut préparée, elle constata que la journée avait déjà bien avancée mais ne se fiait jamais à la lumière du Soleil puisqu’à l’intérieur de la montagne, il était absent. Elle s’en était rendu compte avec les activités des nains, qui se faisaient moins nombreux dans les couloirs du royaume.

« Raeryan ? »

Quelques heures plus tard, après avoir pu trouver le sommeil, Raeryan était partie arpenter les couloirs du royaume pour s’occuper de malades et de blessés. Puis, la guérisseuse fut interpellée au moment où elle était sur le point de rentrer chez elle. Le nain lui adressa quelques signes discrets, qu’elle comprit bien vite en hochant la tête. L’homme dont elle s’était occupé était réveillé, elle se devait alors de s’y rendre pour terminer son travail et veiller à ce qu’il se remette de ses blessures sans plus de conséquences. Elle lui adressa à son tour un vif signe pour lui indiquer qu’elle arrivait sur l’heure. Il lui fallait alors juste le temps de s’emparer d’un panier qu’elle avait préparé en vue de s’y rendre justement, contenant de nouveaux instruments et d’autres remèdes dont il aurait sans nul doute besoin. S’il s’était réveillé, c’était aussi une préoccupation en moins pour elle, témoignant là l’efficacité des soins effectués durant la nuit.

En arrivant à l’infirmerie, on la conduisit au même endroit où elle l’avait laissé, toujours à l’écart des autres et surveillé par quelques nains dont un qu’elle connaissait mieux que les autres. Elle salua Brelen d’un hochement de tête, il lui fit part qu’il serait à la charge de surveiller l’homme le temps qu’il se remette et jusqu’à ce qu’il s’en aille du royaume.

« Est-il réveillé depuis longtemps ? »
« Environ une heure. »
« Bien... »
« Je vais entrer aussi, vous ne devez pas communiquer.»
« Je comprends. »

En entrant à nouveau dans la chambre, elle pu bien assez vite constater qu’il était bel bien réveillé, ce qui devait alors expliquer pourquoi Brelen devait être là cette fois-ci pour veiller à ce que tout se passe bien. Les naines avaient toujours été vivement protégées par les nains, elle avait l’habitude d’être chaperonnée alors elle ne fit pas le moindre commentaire lorsqu’il se plaça au bout du lit de l’homme les bras croisés à observer les moindres faits et gestes de l’homme. Raeryan observa son comparse d’un air amusé, étirant ses lèvres dans un sourire qui s’effaça aussitôt qu’elle eut remarqué que l’homme l’épiait d’un air curieux. Elle était probablement la première naine qu’il voyait, elle pouvait comprendre qu’il en soit aussi intrigué qu’elle mais elle ne se sentait pas assez à l’aise pour soutenir son regard. Ainsi elle le détourna, s’occupant de ses affaires le temps de remettre de l’ordre dans ses pensées et retira sa cape rouge afin de la poser dans un coin.  

Brelen adressa un regard sévère à l’homme au moindre mouvement de ses yeux comme s’il lui interdisait de la regarder. Elle fut d’ailleurs surprise qu’il ne le menace pas, ainsi qu’il avait pourtant l’habitude de le faire lorsqu’il s’agissait des naines. Ça ne l’empêchait pas de s’imposer, et de lui montrer clairement qu’il ne plaisantait pas. Raeryan le laissa dans son duel de regard, nouant son tablier à la taille avant de prendre place sur le tabouret au chevet et de déposer ses affaires sur un guéridon. La guérisseuse épousseta machinalement son tablier avant de lever ses iris verdoyants vers l’inconnu. Ça avait été bien plus facile pour elle de lui offrir ses soins en étant autorisé à lui parler, mais c’était ainsi et pas autrement.

Raeryan adressa un sourire légèrement crispé à l’homme avant de regarder Brelen, toujours campant sur ses positions.

Raeryan gardait le menton baissé sur ses affaires, tandis qu’un sourire discret étirait ses lèvres suite au compliment qu’il lui avait fait. Pas de doute, il était bien réveillé et semblait avoir bien assez repris ses esprits pour avoir fait l’effort de la détailler. C’était une bonne chose, pour la suite, elle allait pouvoir travailler sur ses blessures sans risquer de lui faire tourner de l’œil et de reporter encore une fois l’intervention. Plus elle attendrait moins il aurait de chance de cicatriser et le fait qu’il n’ait pas déjà contracté une infection relevait déjà du miracle. La guérisseuse se devait tout de même d’être plus délicate que d’habitude, au vu de la différence de capacité à la douleur entre les nains et les hommes. Raeryan était réputée pour son professionnalisme autant que par sa douceur, c’était probablement l’une des raisons pour laquelle on l’avait choisie elle. Quoi qu’il en soit, alors qu’elle était occupée à étaler ses affaires, elle fut arrachée de ses pensées par l’arrivée soudaine d’un tabouret dans leur direction. Par réflexe, Raeryan leva les yeux vers l’homme, mais n’eut nul mouvement de recul. Brelen grognait contre l’homme, visiblement excédé par son comportement et ses commentaires arrogants. Pour sûr il n’avait pas été délicat pour le coup, mais ce n’était pas une raison suffisante pour le mettre dehors et le laisser pourrir, alors juste un tabouret avait fait office de sentence pour cette contrariété.
Soit il était complètement fou, soit il ne devait pas être au courant du sang chaud des nains, pour avoir risqué de se le mettre à dos alors qu’il était à peine capable de marcher. Il ne serait même encore moins après les soins qu’elle allait lui faire, bien qu’ils soient détails pour, il aurait probablement quelques jours de recouvrement nécessaire avant qu’il ne puisse s’en aller. Sa présence dérangeait les nains, il y avait encore un beau débat à son sujet et on avait demandé à Raeryan d’être assez rapide pour que l’affaire soit bouclé au plus vite. Rares sont les étranges ayant séjourné aux Ered Luin, ou ayant eu l’occasion de visiter un royaume nain. Raeryan se demandait s’il avait réussi à mesure la chance qu’il avait en plus de cela, d’avoir été ramené par des nains.  Brelen leva les yeux au ciel, visiblement exaspéré par les compliments que l’homme enchainait à l’égard de Raeryan. Oh, ça ne la dérangeait pas, elle appréciait les compliments et visiblement quelque soit la personne dont cela provenait ça ne semblait pas être un problème.

« Tu es dans les Ered Luin, les montagnes des nains, dans le royaume de Thorin écu-de-chêne, fils de Thrain, fils de Thror. Le Roi sous la montagne. Tu as été trouvé par des nains qui ont eu la bonté de te ramener au lieu de te laisser pourrir.» Répondit le nain suite à la question de l’homme.

Chaque nain des montagnes bleues était fier de citer Thorin lorsqu’il s’agissait de dévoiler ces lieux. La naine étira d’ailleurs un sourire, entendant son comparse qui avait juste eu besoin de prononcer ces mots pour que toute colère soit oubliée à l’égard de l’homme.
Après un vif instant de silence, alors que la naine avait terminé de s’installer, elle s’exprima en Iglishmek à Brelen, signant deux trois mouvement rapides pour lui demander d’éviter de relancer des tabourets à l’homme lorsqu’elle serait en train de le soigner. Suite à cela, l’absence de commentaire de la part de son comparse témoignait probablement la frustration qu’il devait éprouver face à cette faveur que lui demandait la naine. S’il avait l’occasion de recommencer et de le cogner, elle ne se doutait pas qu’il le ferait sans la moindre hésitation. Cependant elle avait un travail à terminer, la naine ne souhaitait pas voir cette tâche compromise par l’entêtement d’un nain.

« Tourne-toi shirumund Burm, elle va te soigner. »

La guérisseuse détourna ses yeux verts, croisant à nouveaux le regard de l’homme avant qu’il ne se décide et se retourne pour lui laisser libre champ à son dos.  Il n’avait pas le choix de toute manière, soit il se laissait soigner, soit il mourrait d’une infection et au vu de la terrible nuit qu’il venait de passer sans parler de la douleur qui devait encore lui lacérer le dos, il s’en doutait probablement. En un coup d’œil, elle avait ausculté les plaies afin de constater leur évolution. Sa peau s’était imprégnée du remède qu’elle lui avait appliqué la veille afin de ralentir les saignements. Il avait suffisamment bien fonctionné pour qu’il puisse trouver l’énergie nécessaire et se réveiller enfin. Il était désormais temps de passer à l’étape supérieure.

Les griffures avaient déchiré sa peau jusque dans le derme, les sutures seraient donc forcément très douloureuses.  Elle passait un ligne humide sur sa peau afin de retirer le sang qui avait encore coulé. Il y en avait déjà bien moins qu’au moment où elle l’avait eu à sa charge, fort heureusement. Les bassines contenant l’eau translucides avaient fini par virer au rouge. Toujours murée dans son silence sous les yeux observateurs de Brelen, la guérisseuse poursuivit son travail en appliquant un onguent cicatrisant autour des lésions à vif en y allant sans réellement se ménager puisqu’il était important que la peau boive ce remède avant qu’elle envisage de recoudre. Il permettrait également à ce que l’opération se fasse sans plus de douleurs.