Je sais, on doit parler... [Elladan]

Ce matin, je me suis réveillée tôt, bien trop tôt. Dans mon lit, Elladan dormait encore lorsque j’en suis sortie et je me suis esquivée sans un bruit, sur la pointe des pieds, sans pourtant aller bien loin. Tout d’abord, à l’autre bout de la pièce, pour enfiler une robe sur mon corps nu, et ensuite au rez de chaussée où je me suis occupée de couper une tranche de brioche et me faire un thé bien chaud. Une fois tout ça fait, je remonte dans ma chambre, un plateau dans les bras et je passe sur la terrasse qui se trouve là, m’installant dans ma causeuse, enroulée dans un plaid, pour observer la cascade. Devant moi, sur une petite table, l’assiette avec ma brioche et mon thé. Mais, mon regard est attiré par l’eau qui tombe et je reste là, figée, comme toujours.

Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai l’impression qu’ici, le monde s’arrête, encore et toujours. Ici, ma tranche de brioche entre les dents, à essayer de ne pas renverser la tasse de thé que j’essaie d’attraper en me penchant. Mon regard, finit par quitter la cascade : il parait après tout que lorsqu’on regarde ce qu’on fait on peut arriver à faire les choses correctement, et je repose la brioche sur la table. J’observe ensuite l’horizon, ma tasse entre les mains, et je laisse mon esprit revenir vers le passé, vers les trois dernières semaines, vers ce qu’Elladan et moi partageons, même si je nous n’en avons pas parlé, encore. Nous n’en avons pas parlé du tout. Et, au fond de moi, j’ai tellement peur qu’il décide soudainement de mettre fin à toute cette histoire que… Je ne suis pas certaine d’accepter d’en parler. Parce qu’il y a cette étrange impression que je vais finir toute seule, encore une fois, laissée là par celui que j’aime.

Trois semaines que cela dure, trois semaines que nos baisers se terminent en soupirs partagés et qu’Elladan dors avec moi, d’abord chez Dastan, à Dunharrow, et ensuite ici, chez moi, à Imladris. Je me suis procuré des plantes qui m’évitent de tomber enceinte, comme ces humaines à qui je les conseillais il y a peu, alors qu’au fond de moi, je réprouvais leur comportement. Aujourd’hui… Aujourd’hui je comprends, quelque part. Je comprends que l’amour qu’on peut ressentir pour quelqu’un nous empêche d’attendre que le moment soit venu pour partager sa couche. Aujourd’hui, oui je comprends. Je sais ce que ça fait, mais d’un autre côté, je n’arrive pas non plus à faire ce pas qui pourrait mettre un mot sur ma relation avec Elladan. Au fond, s’il revient encore et encore vers moi, nuit après nuit, c’est qu’il y a quelque chose entre nous, non ?

Je soupire un coup tout en faisant tourner ma tasse entre mes mains et j’observe l’horizon. Dans la chambre, j’entends Elladan se retourner dans le lit puis venir jusqu’au balcon où il a l’habitude de venir me retrouver, chaque jour, vu que je me lève bien avant lui. Mon regard se tourne vers lui, alors qu’il arrive, vêtu à peine de son pantalon. Je bois une gorgée de thé avant de lui sourire :

- Bonjour marmotte

Elinà et moi, cela fait quelque chose comme trois semaines que cela dure. Une goutte d'eau dans la vie d'un elfe. Et pourtant, cette goutte d'eau, c'est ce qui est arrivé de mieux dans ma vie depuis longtemps. Si j'ai un jour pu songer que le jour viendrait pour moi de trouver une elfe avec qui partager ma vie, c'est quelque chose que j'avais totalement mis de coté depuis le départ de ma mère pour Valinor, et que je ne pensais pas redécouvrir un jour. Et pourtant, Elinà... depuis trois semaines que je partage sa couche, je ne sais plus vivre que par sa présence et la nécessité que je ressens à l'avoir près de moi. Trois semaines que je n'ai pas été chasser seul ou avec mon frère, les orcs doivent penser que j'ai chopé un vilain truc. Vilain de leur point de vue, assurément, car, qu'y connaissent-ils aux sentiments? Rien.

Enfin, de mon coté, il y aura au moins eu une chose à laquelle j'aurai occupé mon temps passé à Dunharrow pendant que Elinà veillait sur les soins de la jeune cavalière un poil trop aventureuse. J'espère au moins pour sa sécurité que son père saura l'empêcher de monter sur un cheval la prochaine fois. Ok, je n'ai pas été des plus exemplaires en finissant, une fois rétablie, par la faire monter sur le mien, mais d'une je le tenais, de deux, cet animal est bien plus calme que certains que j'ai pu avoir par le passé. Trop même. Enfin bref, je parlais de mon occupation pendant ce temps passé à Dunharrow. Et bien, elle se trouve présentement dans la poche de mon pantalon, à attendre que je parvienne à placer deux mots face à Elinà sans qu'elle ne m'entraine dans sa chambre sans que je ne sois capable de lui résister. Et non, je ne vous en dirait pas plus ... Ok, ok, dernier indice, mais pas un de plus. C'est qu'il y a des forges à Dunharrow, et que quand le cœur y est, je suis capable de me montrer relativement doué pour la précision et le souci du détail pour savoir forger autre chose que des lames. Les bijoux peuvent entrer dans mes capacités, quand j'en prend la patience. Voilà, je dis plus rien. Bonne nuit.

Bonne nuit oui. Définitivement, je n'ai jamais aussi bien dormi que depuis ces trois semaines où Elinà repose à mes cotés. Fini les cauchemars, elle seule occupe mes rêves. Enfin, si, il y a bien eu celui de la semaine dernière, contrecoup d'avoir enfin quelqu'un pour lequel s'inquiéter, mais me serrer contre elle et respirer l'odeur de ses cheveux a été suffisant pour me changer les idées. Je me surprend même à faire des grasses matinées. Dont Elrohir n'a pas encore réussi à m'arracher en déboulant dans la chambre pour s'écraser sur moi. Ah oui, j'oubliais ... j'ai un peu abandonné ma propre chambre depuis le temps, ça doit expliquer que mon jumeau ne débaroule pas pour me réveiller. Quoique, je ne suis pas sur que cela le dérangerais beaucoup de s'inviter chez Elinà, c'est même surprenant qu'il n'ai pas déjà tenté l'idée.

Je me retourne dans mon sommeil pour poser une main sur le matelas là où devrait se trouver Elinà, ouvrant aussitôt les yeux et me relevant à demi en m'apercevant que le lit est vide de sa présence. Et revoilou le loup-garou, ou l'inquiétude mêlée de méfiance montée en piquet dans mon esprit. Je l'observe cependant installée au balcon de la chambre, et je descend du lit pour enfiler mon pantalon oublié au sol avant de la rejoindre. Là, elle s'amuse à me traiter de marmotte - vrai qu'en trois semaines j'ai récupéré l’équivalent d'un siècle de sommeil ou presque - et je lui répond par un baiser rapide sur la tempe avant de lui "voler" la tasse de thé qu'elle a entre les mains. J'en bois deux gorgées en observant la cascade aisément visible depuis le balcon avant de la lui rendre, restant un instant encore à observer le paysage avant de prendre une inspiration et me tourner vers Elinà, le sourire aux lèvres. Je glisse une main sur sa joue, puis dans son cou, avant que mon regard n'accroche le sien.

"Elinà, je..."

Ses doigts se posent sur mes lèvres avant qu'elle ne m'embrasse, et je répond à son baiser avant de la repousser légèrement, décidant pour une fois de ne pas tomber dans son jeu. Jeu fort intéressant et dans lequel je me perdrais bien encore un peu sans me plaindre, mais aujourd'hui, j'ai besoin de lui parler franchement. Pourquoi? Parce que nous sommes revenus à Imladris depuis deux semaines déjà, et que j'aimerais autant que nous ayons fait le point sur nous deux avant que mon père ne se pose assez de questions pour me les poser. Je sais que je l'ai habitué à mes conneries, mais j'ai bien assez de Elrohir pour me faire la morale sans que quelqu'un d'autre s'en mêle. Et surtout pas mon père. Autant il peut être compréhensif sur beaucoup de choses, autant là, je vois déjà les mots "elfe" et "prince" arriver dans la conversation. Enfin, tout ça réuni, Elinà et moi, il faut qu'on discute ... sans ses tentatives de m'occuper ailleurs. Enfin, ça, ça risque de devenir très compliqué pour moi si elle n'arrête pas tout de suite de laisser ses mains glisser sur moi comme elle le fait.

"Elinà, faut qu'on cause une minute. De toi, de moi, de nous. Et si possible avant de voir quelqu'un d'un peu plus effrayant que mon frère venir nous faire la morale. "

Je me pousse donc, pour qu’Elladan s’installe à mon côté, et je le regarde finir mon thé avec un air totalement amusé sur les traits. Je soupire un coup en récupérant la tasse vide que je pose sur la petite table. Nous restons là, silencieux, mais au bout de quelques minutes, Elladan prend la parole sur un ton qui me fait tourner la tête vers lui, alarmée au plus profond de mon être. Je m’avance vers lui pour l’embrasser, le coupant dans son élan, incapable que je suis d’accepter qu’il termine sa phrase mais aussi qu’il mette fin à cette chose que nous vivons depuis trois semaines. Un baiser dans lequel je l’entraine, un long baiser où je l’emmène, sans jamais m’arrêter, sans prendre une seconde pour réfléchir. Réfléchir, c’est mal, n’est-ce pas. Me faire plaquer… Oh, ce serait tellement douloureux. Rester dans cet écrin de douceur dans lequel je m’enfuie depuis une journée après l’autre. Alors, je le distrais, mes mains caressant déjà les zones que je sais sensibles, pour l’empêcher de penser droit.

Mais… Mais il finit par me repousser et il commence à parler, à dire qu’il nous faut faire le point. Je baisse le regard, laissant mes cheveux cacher mon visage avant de pousser un soupir et de relever les yeux pour observer l’elfe en face de moi. Je me relève, le cœur en miettes pour m’approcher du bord du balcon. Là, je lui tourne le dos, les mains sur la rambarde, mon regard perdu dans le vide que je surplombe. Ce serait tellement facile, au fond. Je saute, et c’est fini. Terminé. Il n’y aura plus de souffrance, plus de doutes, plus cette impression que je vis avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête.

- Je n’ai pas envie de parler, Elladan, parce que… Je sais ce que tu vas dire. Je sais qu’Elrohir et toi êtes capables de flirter, mais moi … Je ne suis qu’une elfe. Je n’ai jamais été autre chose. De tous les côtés de ma famille il n’y a que des elfes et je ne suis pas capable de flirter, de voir des choses sans lendemain.

Mon regard est toujours perdu dans le vide et je n’arrive pas à me retourner pour faire face à Elladan. Je ne peux simplement pas accepter de plonger mon regard dans le sien. Je continue à contempler l’eau qui coule et je finis par pousser un profond soupir tout en reprenant :

- Je sais parfaitement que la seule morale qu’on puisse nous faire c’est de nous demander d’arrêter nos idioties et de m’envoyer par le premier bateau pour Valinor, avant que je ne tombe enceinte et que je ne ruine ta réputation et tout bon mariage que tu pourras faire. Je ne suis que l’héritière de ruines sans fin, que jamais je ne pourrais voir comme étant la cité florissante de mon arrière-grand-père : certainement pas le bon parti que ta famille espérait pour toi.

Ma voix se brise dans l’air et je crispe mes mains sur le bois. Mon regard est désormais emplit de larmes, et je finis par me retourner vers Elladan les bras croisés, observant l’elfe qui n’a pas bougé de la causeuse au travers de mes larmes.

- Alors, quoi que tu aies à dire, dis-le. Et ensuite, je m’en irais… J’irais à Valinor, ou je ne sais où, dans un endroit où j’aurais pas à souffrir de ce rejet que tu vas m’envoyer à la figure.

Bon, mauvaise entrée en matière. Il n'y a qu'à voir la tirade dans laquelle se lance Elinà sans m'offrir la moindre chance de contredire son raisonnement pour s'en rendre compte. Je tente donc à plusieurs reprises de l'arrêter dans ses paroles, mais sans aucun succès. A vrai dire, ses mots me confortent dans mon choix, et me confirment que je prend la bonne décision en décidant de marcher à ses cotés. Elle m'aime autant que je l'aime, et si j'en doutais encore, dorénavant, je le sais, totalement. J'attrape ses poignets pour finir par glisser mes mains dans les siennes quand elle évoque l'hypothèse d'un départ pour Valinor, parvenant enfin à glisser mon avis dans la conversation.

"Si tu t'en vas, je te suivrais. Je refuse d'être séparé de toi comme je l'ai été de ma mère. Et s'il me faut me mettre mon père à dos pour rester avec toi, alors je suis prêt à le faire. Je n'ai jamais eu cure de l'héritage que représente pour moi Imladris, tu le sais parfaitement, et si mon père décide de me déshériter au profit de Elrohir, alors je souhaite tout le bonheur du monde à mon frère."

Je me débrouille pour glisser sa main droite dans ma main gauche, où se trouve déjà sa main gauche, désirant me libérer une main sans risquer de lâcher l'une des siennes, ne voulant pas la voir en profiter pour se sauver en courant. Je glisse ensuite ma main sur sa joue, caressant la peau douce de son visage pour finir par glisser ma main dans ses cheveux puis dans son cou.

"Je sais que tu as parlé à Elrohir. Et je sais que mon frère n'irait pas se jouer de toi à mes dépens. Il t'as donc également précisé que ce n'est pas parce que du sang humain coule dans nos veines que nous avons récupéré la totalité des défauts de cette race. Certes, il m'est arrivé de flirter avec quelques humaines, mais ces relations n'ont même jamais atteint le stade du premier baiser. Toi et moi, je ne le prend pas à la légère, ok?"

J'essuie une larme glissant sur sa joue tout en lui souriant doucement, ne relâchant toujours pas ses mains avant de glisser ma main libre dans ma poche pour en sortir la bague qui y a trouvé place il y a plus de deux semaines maintenant. Ça va, faut pas se plaindre, certains immortels mettent 50ans à se décider pour finalement ne rien faire, donc... Enfin, revenons à nos moutons. Je prend une inspiration, principalement dans le but d'empêcher mon cœur de jouer au trampoline dans ma poitrine (peine perdue), avant de m'agenouiller face à elle, comptant faire d'une pierre deux coups.

"L'héritière de ruines sans fin, sans doute, mais qui peut se vanter d'avoir mis le prince héritier d'Imladris à genoux devant elle. Ce n'est pas donné à tout le monde, tu sais."

Oui, tout à coup, je me vante de cet héritage... bah, j'en avais besoin, rien de plus, je le laisse toujours à Elrohir quand il le veut.

"En attendant, je décide de prendre le 'plus mauvais parti de la cité' et de m'offrir le pire mariage de tous les temps."

Je tente de reprendre ses paroles, une légère ironie tintant dans ma voix comme il est totalement clair pour moi que je n'accorde aucun crédit à ces critiques qu'elle a su se faire à elle-même. Je tends vers elle la main où se trouve la bague que je tiens presque du bout des doigts avant de poursuivre avant qu'elle ne trouve là l'occasion d'en placer une.

"Épouses-moi, tu veux?"

Elladan finit par se lever pour s’approcher de moi et prendre mes mains dans les siennes. Mon regard se fait fuyant et je soupire. Je laisse mes yeux se poser sur le sol, incapable que je suis de relever les yeux pour voir ce qu’il peut dire. Et puis, Elladan se met à parler. Il se met à dire des choses qui me semblent trop énormes pour être vraies. Mon regard se redresse petit à petit. Je n’arrive pas à croire les mots qui entrent par mes oreilles, comme s’ils étaient trop beaux pour être vrais. Comme si soudainement, plus rien n’était vrai. Ce sont des mots, qui mis bout à bout forment des phrases, mais je ne suis pas certaine de les comprendre réellement. Je ne suis pas là, je ne suis pas là en train d’écouter Elladan me dire… Attendez. Il est en train de me dire que… Qu’il me préfère à l’héritage d’Imladris ? Il est en train de me dire qu’il me suivrait en Valinor si je devais partir ? Ce n’est pas un rêve ? Ce n’est pas une blague ? Je fronce les sourcils et j’ouvre la bouche pour parler, même si aucun mot ne sort de ma bouche.

Incrédule, moi ? Réellement. C’est le mot qui me vient à l’esprit, comme si les choses qui se passent là sont trop belles pour être vraies, trop étranges pour être vraies. Il continue à parler. Il parle d’Elrohir, et il m’explique ce que j’ai refusé de comprendre il y a quelques semaines, lorsque j’ai débarqué dans la chambre de son jumeau pour lui poser une question, une seule. Oh, Elrohir, mon cher ami… Si longtemps tu as été le confident unique de ce secret que je n’arrive pas à partager avec quiconque. Si longtemps tu as été celui qui m’a dit d’ouvrir mon cœur, alors que je ne savais que me voiler la face et tourner en rond, incapable de prendre la moindre décision, incapable de faire un pas ou un autre vers ce moment où je pourrais dire enfin à Elladan que je l’aime. Mais, je ne l’ai jamais fait, j’ai reculé et maintenant… Maintenant chacun des mots d’Elladan me fait douter. Oh, pas de mes sentiments. Non, ça je suis sûre de moi : dans mon cœur il n’y a jamais eu personne d’autre qu’Elladan. Jamais.

Non, je suis plutôt stupéfaite par mon propre aveuglement. Je suis réellement incapable de dire quoi que ce soit. Je suis bouche bée, et je reste là totalement stoïque, idiote jusqu’au plus profond de mon être. Je finis par refermer la bouche, et par hocher la tête. D’accord, j’ai compris. Flirter, ce sont des mots. Flirter, ce n’est pas ce qu’il se passe entre nous deux. Mais alors…

Mon cœur s’accélère soudainement alors qu’une idée étrange fait son petit chemin dans ma tête et une larme coule le long de ma joue. Une larme unique coule, parce que je suis incapable de réaliser que… Qu’il est en train de s’agenouiller devant moi. Qu’il est en train de s’agenouiller et qu’il me dit quelques mots, certainement pour se donner une contenance. Un sourire radieux monte à mes lèvres et des étoiles de bonheur emplissent mes yeux. J’ouvre la bouche, et puis je la referme. J’ai envie de hurler mon bonheur face au monde, j’ai envie de leur crier, à tous, ce besoin d’être heureuse. Mais, je rester encore silencieuse. Pourquoi ? Parce qu’il y a certainement une question à poser.

Et puis, cet elfe à genoux sur mon balcon, cet elfe que mon cœur appelle à grands cris se moque de moi, une dernière fois, avant de sortir une bague de nulle part pour me la tendre en murmurant quelques derniers mots. Je ferme les yeux une seconde, une très longue seconde alors que des larmes les emplissent. Je n’arrive même pas à dire quoi que ce soit, je n’arrive même pas à dire « oui ». Je me contente de prendre la bague et je la fais tourner entre mes doigts avant de la passer à l’annulaire de ma main gauche.

- Oui.

J’ai à peine le temps de murmurer ce mot qu’Elladan se redresse comme un diable pour m’embrasser. La passion nous envahit, mais sans pourtant cette fois nous porter jusqu’à mon lit. Mon cœur danse dans ma poitrine alors que ma main se perd dans les cheveux d’elladan durant quelques minutes, jusqu’à ce que le besoin de respirer l’éloigne de moi. Un sourire monte à mes lèvres et puis, dans un murmure, je laisse une idiotie de plus sortir de ma bouche :

- L’héritière d’une cité en ruines et un prince qui n’a pas envie d’être prince… Quel beau couple nous formons, n’est ce pas ?

Les secondes qui suivent me paraissent être une éternité. Elinà, arrête de me faire attendre s'il te plait, ça devient insoutenable là. J'ai envie de disparaitre sous terre. Mais qu'est-ce qui m'a pris, mais qu'est-ce qu'il m'a pris?! J'aurai du réfléchir quinze minutes de plus, ça m'aurait peut-être pas fait de mal.
Sa main rejoint finalement la mienne et je l'observe se saisir de la bague que je tenais jusque là. Ses doigts jouent un instant avec avant qu'elle ne la passe finalement à son doigt, et j'ose enfin relever le regard vers elle - après que mon nez soit descendu en direction du sol de seconde en seconde alors que je réalisais avoir fait la connerie de ma vie ici et maintenant - pour croiser son regard au moment ou elle finis par me répondre, et mieux encore, par un "oui" accompagné d'un franc sourire. Aucune chance que je ne la laisse revenir sur sa réponse, et une demi seconde plus tard, je suis déjà debout, mes lèvres saisissant les siennes dans un baiser que je ne compte pas rompre avant d'être totalement à court d'air.
Ma main rejoint sa nuque, se glissant sous les mèches brunes de ses cheveux, alors que je l'embrasse encore et encore, autant par bonheur qu'elle ai accepté ma demande que par refus de lui laisser l'occasion de parler pour revenir sur ce "oui". Cependant, il nous faut bien finir par respirer un jour, et je finis par me reculer juste assez pour cela, nos souffles restants mêlés alors que nos visages restent à quelques millimètres l'un de l'autre.

"Le plus beau couple du monde ouais. Enfin, si on a quelque chose à nous dire, on prend deux ch'vaux et on va faire un tour, ta cité en ruines a autant besoin de toi que celle dont je ne tiens pas à hériter un jour a besoin de moi."

Je lui souris tout en caressant ses cheveux d'une main, m'éloignant légèrement pour avoir une vue d'ensemble de son visage, avant de voler ses lèvres un instant et glisser ensuite mon nez dans son cou, embrassant sa peau au passage. Presque trois millénaires qu'il m'a fallu pour la trouver, mais je suis définitivement accro à cette elfe. Finalement, je sens sa main se poser contre mon torse pour me repousser légèrement, et je relève le nez pour croiser son regard.

"Enfin, j'dit ça ... si tu veux qu'on finisse not vie ici ou là-bas, j'te suivrai, tu le sais. Et hors de question de regretter maintenant, je joue pas à "satisfait ou remboursé", tu m'as pris, tu me garde, t'es foutue..."

Je ne comprends pas réellement ce qu’il se passe. Je ne comprends pas pourquoi il me faut autant de temps pour passer cette bague à mon doigt, alors que mon cœur bat si vite dans ma poitrine que j’ai l’impression qu’il va exploser. Je ne suis plus certaine de ce que je veux. Comment est-ce possible ? Il y a dix secondes j’avais envie de me jeter par-dessus le balcon, droit sur les rochers en contrebas, et maintenant ? Le oui qui sort de mes lèvres explose et c’est alors que je réalise vraiment. Il ne va pas me jeter à la porte. Il ne va pas s’enfuir et mettre fin à cette idylle que nous vivons. Les lèvres d’Elladan rejoignent les miennes, pour un baiser, un autre, un millier au fond. Mon sourire ne quitte pas mes lèvres, alors que je réponds à ces baisers, les bras autour du cou de mon elfe, les yeux fermés, la main qui porte la bague refermée, comme pour empêcher que quiconque me retire ce bijou qui, en une seconde, est devenu mon bien le plus précieux. Finalement, Elladan s’éloigne de moi et son regard ravi plonge dans le mien. Mon regard ne quitte plus le sien, mes lèvres étirées en un sourire que je n’arrive plus à réfréner. Je me moque de lui, rappelant mon statut d’héritière d’une ville totalement… vide.

- Oh, Elladan…

Je secoue la tête quand il me répond qu’il n’a pas envie d’hériter d’Imladris. Non, c’est quelque chose que je n’arrive pas réellement à comprendre. C’est une cité superbe. Un endroit extraordinaire, une sorte de rempart entre le monde des humains et sa cruauté et le monde féérique des elfes. Imladris est une cité état, un endroit dont je ne pourrais me passer et qui, malgré la beauté de ma Lorien natale, m’a volé mon cœur à la seconde où j’en ai franchi les portes. Je ne comprends toujours pas comment il peut ne pas vouloir de cet héritage.

- Tu n’as pas le choix, Amour… tu es le premier né, et tu ne peux pas reléguer ça à ton frère simplement par envie… Je donnerai tout pour m’enfuir avec toi et aller vivre ailleurs mais… tu as des responsabilités ici.

Un nouveau baiser. Certainement pour m’empêcher de parler. Je finis par le repousser et éclate de rire quand il me dit qu’il ne fait pas l’option « satisfait ou remboursé ». Comme si j’allais vouloir m’en séparer… Moi qui était prête à partir pour Valinor sans un regard derrière moi pour tenter de conserver mon intégrité… Mais, nous sommes fiancés maintenant. Quand je pense qu’il y a deux semaines à peine, je le taquinais sur son célibat avec cette langue acérée qui me caractérise, allant jusqu’à lui dire que personne ne voudrait jamais de lui… Les choses ont changé. Les choses ont tellement changé, et maintenant mon cœur chante à l’unisson du sien. Enfin !

- J’ai bien l’intention de te garder, oui. Mais je te mettrais régulièrement dehors à coup de pieds dans le derrière. Parce qu’au fond, tu peux vraiment être pénible quand tu le veux, et que je n’aime pas quand tu es pénible. Alors, si tu essaie, c’est dehors. Tu iras à la chasse à l’orc, et tu reviendras la queue basse pour te faire recoudre pendant que je râlerais.

Ça, ça fait des siècles que ça arrive. Ce n’est pas prêt de changer. Ma main monte pour caresser sa joue, alors qu’encore une fois un sourire monte à mes lèvres. Il est à moi. Rien qu’à moi. Aucune autre elfe ne pourra mettre la main dessus. C’est mon fiancé. Et, si vous saviez comme ça me soulage…

Je soupire, glissant mes mains derrière sa nuque, bras tendus, de façon à pouvoir observer chaque centimètre de son visage comme si je le redécouvrais de nouveau, quand elle me parle d'Imladris et des responsabilités qui me rattachent à cette cité. Sincèrement, j'ai quoi, deux minutes de plus que Elrohir - pas ma faute s'il voulait pas sortir le premier... -, et encore, si nos parents ne nous ont pas échangé l'un avec l'autre quand on était vraiment gamins. C'est que deux bébés de parents différents, je sais déjà pas les reconnaitre, alors deux jumeaux, excusez-moi de songer à cette éventualité. Donc, en fait, Elrohir est tout aussi potentiellement l'ainé de nous deux que moi. Et puis, de toute façon, il est bien plus fait pour le job que moi. Lui, il réfléchit, là où moi je fonce tête baissée. Comme dit Elinà, je tue d'abord et je questionne ensuite.

" Tu sais aussi bien que moi que si Elrohir se montre intéressé par l'héritage que représente Imladris, je la lui laisserais sans regret. Et je suis certain que Père comprendrait ce choix. De toute façon, au naturel, je ne supporte jamais de rester ici plus de quelques jours avant de repartir, c'est pas vraiment une qualité requise pour tenir une cité... et rien n'y fera, je ne saurais demeurer ici plus longtemps. Trop de souvenirs m'assaillent en ces murs, et s'il n'y avait pas ici les quelques personnes auxquelles je tiens, je n'y mettrais plus jamais les pieds."

Je renifle rapidement tout en restant fixé sur elle dans l'unique but de chasser de mon esprit ces cauchemars éveillés qui me prennent lorsque je me trouve en Imladris. Je reprend ensuite un souffle que je laisse s'échapper le plus calmement du monde avant de continuer.

"La plupart des gens voient cet endroit comme un refuge ... j'y vois une prison. Enfin, je compte bien que mon père y règne encore suffisamment longtemps pour ne pas avoir à y songer davantage aujourd'hui..."

Sa main sur ma joue, alors qu'elle me dit qu'elle saura me mettre dehors quand elle le trouvera nécessaire. Une caresse fraiche à laquelle je ne sais résister, et je penche légèrement la tête pour appuyer ma joue contre sa main, tout en fermant les yeux. Un sourire amusé me prend quand elle me dit que si je saurais partir chasser l'orc, je saurais également revenir pour qu'elle me rafistole. Pas faux, un peu trop vrai même.

"Tu ne râlera pas... pas longtemps toujours. Tu seras suffisamment soulagée que je revienne blessé mais entier pour me pardonner les blessures que tu auras à recoudre."

- Et tu sais aussi bien que moi que ton père sera profondément blessé si tu refuses cette tâche, ‘Dan.

Loin de moi l’idée de vouloir remonter à la surface d’anciens souvenirs d’Elladan particulièrement douloureux, mais je sais aussi que je me dois de faire attention aux mots que j’emploie : Imladris est loin d’être pour lui le sanctuaire qu’elle est pour moi. Cette cité à une part spéciale dans mon cœur, car elle est celle qui m’a accueillie et sauvée, quelque part. Le garde qui m’a ramassée est devenu par la suite l’époux de ma tante, ma tutrice légale. Heureux hasard que voilà, non ? Sans le vouloir, les évènements ont rapproché deux elfes que rien ne prédestinaient l’un à l’autre.

- Je te ferais aimer cette cité… regarde, cela fait bien une semaine que tu squatte mon lit, et tu n’as pas l’air pressé d’en repartir, après tout…

Est-ce que je me moque de lui ? Totalement. Mais, il ne peut nier qu’il a changé. Lorsqu’il est ici, avec moi, je le sens apaisé. Je vois son regard tourné vers un avenir que nous partagerons tous les deux, et non plus teinté de l’ombre qui caractérise la perte de Celebrian. Notre famille, nous la construirons, tous les deux, nous la créerons pour rendre les mauvais souvenir un fade souvenir. Alors, nous devons l’un comme l’autre avancer, un pas après l’autre, et changer. Nous nous complétons l’un l’autre déjà. J’ai pu le voir, dans ces petits moments d’intimité lorsque je mets la table et qu’il arrive dans mon dos pour me prendre dans les bras et m’embrasser dans le cou, et dans d’autres petites choses du même genre. J’aime croiser son regard, ou observer son visage quand il ne s’y attend pas, pour y lire cet apaisement qui le prend, petit à petit, sans qu’il ne s’en rende compte.

- Ce n’est pas une prison, Elladan. Regarde, ici, cette maison… C’est chez nous. Notre refuge. Notre sanctuaire. Même si ton père refuse ce mariage, on pourra toujours venir ici et oublier tout le reste du monde. Oublier tout ce qu’il se passe autour de nous. Rester ensemble.

Un sourire monte à mes lèvres, cependant j’ajoute que je le mettrais rapidement dehors quand il m’embêteras de trop. Mais, il n’a pas tort quand il dit que je serais bien trop heureuse de le voir revenir pour m’intéresser à ce qu’il a bien pu faire et pourquoi il peut bien être encore blessé.

- Peut être que je ne les recoudrais pas. Je les laisserais s’infecter encore et encore, jusqu’à ce que tu me supplie à genoux de te pardonner…

"Eh bien je lui ferais comprendre qu'il a un autre fils à qui la refiler, cette tâche. J'ai rien demandé, d'abord, et ensuite, vaut mieux lui dire non que lui dire oui et pas le faire, non?"

On peut changer de sujet? Parler de Imladris et de son héritage ça a légèrement tendance à me mettre les nerfs à vif, et je risque de finir par me montrer désagréable. Oui, même face à Elinà. Parce que j'en ai légèrement plein les bottes qu'on passe ma vie à me rabâcher qu'un jour il me faudra me poser dans un fauteuil et ne plus en bouger de la journée. Non, jouer les héritiers modèles, je laisse ça à Legolas. Personnellement, si je me retrouve à vraiment devoir récupérer la cité, Glorfindel et Lindir monteront en grade juste pour la tenir sans moi, ça c'est une chose révolue. J'en veux pas, j'en veux pas, et je préfère encore passer pour un gosse capricieux que devoir gérer ça. Alors, s'il te plait, Elinà, ne t'en mêle pas. Il y a déjà bien assez de mes grands parents, mon frère, ma sœur et mon père pour remettre le sujet sur la table tous les 36 du mois.

"C'est auprès de toi que je reste, pas dans cette cité. Tu serais en plein milieu du Mordor qu'il en serait de même. Ou alors ce serait encore plus facile pour moi, j'ai pas de mauvais souvenirs en Mordor..."

Non, ce n'est pas un refuge. Elle en est un pour moi, mais Imladris ne l'est plus depuis des siècles et ne le sera plus jamais. Je préfèrerai à la limite déménager en Lorien ou en Forêt Noire, voire même chez les hommes, les hobbits ou quelque peuple que ce soit, peut-être même les nains. Et sincèrement, si j'ai à avoir des enfants un jour, ce n'est pas ici que je compte les élever. Certainement pas.

"On peut tout aussi bien être ensemble à l'autre bout de la Terre du Milieu. Dans ta cité en ruines tiens, je la rebâtirais pierre par pierre pour toi, si y a que ça!"

Mais pas Imladris, tout sauf Imladris. Depuis que nous sommes arrivés, je survis en ayant quasiment pas mis le nez dehors de chez Elinà, mais je sais qu'à la longue, si je demeure trop long ici, je devrais me résoudre à affronter le monde extérieur et peut-être même monter en haut de la cité, dans cette demeure que j'ai un jour considéré mienne, et qui n'est plus aujourd'hui qu'hantée de souvenirs trop heureux pour ne pas être blessé d'y repenser.

"Supplier je sais pas faire. Y aura plus qu'à espérer que tu tiennes assez à moi pour ne pas me laisser crever."

Je le vois bien qu’Elladan est mal à l’aise face au sujet actuel de notre conversation, mais je ne vais pas non plus lui épargner cette discussion. Il a beau ne pas en vouloir plus que moi, de cette cité, il faudra bien qu’il prenne un jour son héritage en main. Même si, je suis loin de me voir comme Dame des lieux… Je me sens bien mieux comme étant simplement Elinà la guérisseuse que comme étant Dame Elinà d’Imladris. Rien qu’à cette pensée, je sens un frisson grimper le long de mon dos… Pourquoi a-t-il fallut que l’héritière d’une cité en ruines et oubliée de tous depuis plus d’un âge tombe amoureuse de l’héritier d’une cité prospère des elfes ? Parfois, j’ai l’impression que le sort s’acharne sur moi et me fait vivre des situations tout ce qu’il y a de plus cocasses. Enfin, je ne vais pas m’appesantir là-dessus : Ilùvatar peut bien faire ce qu’il veut de ma petite personne, après tout, tant qu’il me laisse vivre ma vie avec Elladan… Presque trois mille ans qu’il me fait attendre, je n’ai pas l’intention de le lâcher de sitôt, celui-là, même si je sens que je vais rapidement le mettre dehors à coup de pieds dans le derrière.

- Je n’ai pas l’intention d’aller au Mordor. Trop d’orcs là-bas. En plus, il y fait trop chaud, avec les flammes de la montagne du Destin qui empuantissent l’air avec leurs vapeurs immondes. Et, pour terminer, y’a rien qui pousse là-bas, on dépenserait des fortunes pour se faire livrer à manger. Le Mordor, c’est une mauvaise idée. Très mauvaise, même.

J’essaie de faire un peu d’humour, parce qu’au fond, j’ai bien l’impression qu’Elladan est sur le point d’entrer dans une de ces fameuses périodes sombres où il bougonne tout ce qu’il peut. Il me faisait déjà ça avant que ça mère ne disparaisse, mais alors depuis… C’est véritablement impossible de l’en faire sortir. Et voilà, merci Ilùvatar : maintenant je réalise que je suis amoureuse du seul elfe dépressif de l’histoire des elfes… C’est quoi la prochaine étape ? Échanger Elladan et son frère le jour du mariage ? Oh pitié non, ils en seraient bien capables, ces deux-là …

- Tu rebâtirais Ost-In-Edhil ? Pour moi ?

Autant dire que l’incrédulité se sent dans ma voix. J’ouvre la bouche, puis je la referme, avant de secouer lentement la tête. Nombreux sont les textes qui parlent de la splendeur de la cité de Celebrimdor, cité qu’il a héritée de Galadriel et Celeborn, après que ceux-ci aient refusé l’aide d’Annatar, le bienfaiteur, pour forger les anneaux de pouvoir et se soient fait jeter dehors par leur propre peuple. J’ai toujours rêvé de voir cette cité, détruite bien avant ma naissance par le dit Annatar, qui se faisait alors appeler Sauron…

Alors, oui, je suis surprise, et je change de sujet, pour parler de la façon dont je le mettrais à la porte s’il s’avise de m’ennuyer, avant de refuser de le soigner quand il reviendra couvert de sang. Je lui dis même qu’il va devoir me supplier pour que je m’occupe de lui.

- Je te laisserais te vider de ton sang dehors. Pas question que tu ruine mes tapis. J’ai été les chercher dans le Rhun y’a des siècles de ça, j’y tiens énormément.

Apparemment, Elinà a compris qu'il ne valait mieux pas insister sur ce sujet qui est Ilmladris et son héritage. Bien, je n'ai vraiment pas envie de me chamailler avec elle. Quand à sa tentative d'humour sur le Mordor, en  fait, j'ai vu bien trop d'horreurs sortis du dit Mordor pour ne vraiment pas trouver matière à en rire. Enfin, je vais éviter de le lui faire remarquer. Je suis têtu, elle est têtue, et à ce rythme, ça risque fort de finir en queue de poisson, et ça, je n'y tiens pas mais alors pas du tout du tout.

"Ouais, bon, on oublie le Mordor alors. Mais la Terre du Milieu est grande, suffisamment pour que je n'en ai pas encore fait le tour, malgré mes années d'errance. On n'est vraiment pas obligés de rester coincés en Imladris."

Apparemment, elle ne s'attendait pas à ce que je lui offre de remettre sur pied Ost-In-Edhil pour elle. Sincèrement, pour elle, j'en serai capable, j'espère qu'elle s'en rend parfaitement compte. Pierre par pierre s"il le faut, cela aurait par la même le bon ton de m'empêcher de penser à ce qui me traverse parfois l'esprit, et pour elle, de savoir que je ne suis pas perdu dans une nouvelle caverne d'orcs dont je ne suis pas sur de ressortir entier. Voilà de quoi satisfaire tout le monde, non?

"Je la rebâtirai, pour toi. Sauf si tu me laisse me vider de mon sang devant le pas de la porte. Parce que, si je suis mort, je peux difficilement remettre ta cité sur pied. Tu vois que tu vas être forcée de me soigner maintenant?"

Touchée, coulée. Non? Je trouve que mon argument tient tout à fait la route. Pas elle? Hum ... Si elle me laisse mourir ... elle va s'en vouloir à mort. C'est mieux ça? Non, toujours pas convaincant? Ah tiens, j'en ai une bonne, si, vous allez voir ... ou l'art et la manière de se contredire soi-même.

"Ou alors, tu compte laisser mourir sans représailles l'héritier d'une cité telle qu'Imladris? Mon frère te fera la misère, si mon père ne t'as pas ... ok, remercié de t'être débarrassé de moi... ok, vas-y, laisse moi me vider de mon sang, ça en débarrassera un ou deux."

Ne pas la regarder, ne pas al regarder. L'air le plus sérieux du monde, attendre de voir ce qu'elle va me donner pour réponse. Capable de prendre la guêpe, en fait. Pas envie qu'elle ne prenne la guêpe. Enfin, ce qui est dit est dit, un jour, je réfléchirai avant de dire quelque chose.

Coincés en Imladris ? Et bien, s’il veut tellement en partir, qu’il en parte ! Pour moi, Imladris est un refuge, un vrai. C’est ici qu’on m’a ramenée après que mes parents se soient fait tuer sous mes yeux, et si je veux bien être légèrement complaisante avec Elladan et ses manies d’enfant pourri gâté, je dois avouer que je ne suis pas non plus réellement prête à partir, et ce même s’il me rebâtit Ost-In-Edhil. Imladris est mon havre de paix, c’est là que j’ai les meilleurs souvenirs de toute ma longue existence d’elfe. Mes sourcils se froncent légèrement, mais pour une fois, je retiens ma langue de vipère et je tente de rester calme. Pour l’heure, les projets de cette envergure ne sont pas de mise. Je peux comprendre qu’Elladan ait des mauvais souvenirs ici, mais même s’il m’offre les ruines de la cité de mes ancêtres, j'ai besoin d’un minimum de civilisation. Mais, je dois retenir ma langue. Il vient après tout de me demander en mariage, je ne vais pas tout gâcher avec une histoire que nous pourrons régler bien plus tard. De toute façon, nous avons largement le temps avant d’en arriver là.

- Peut être bien que je te laisserais te vider de ton sang devant ma porte, si ça peut m’éviter de salir mes tapis. Tu auras qu’à rentrer sans être blessé, sinon tu trouveras porte close.

Je croise les bras et m’éloigne d’un pas, particulièrement sérieuse pour le coup. Certes, je suis et je reste une guérisseuse, mais il y a tout de même des limites à ne pas franchir, et je connais sa propension à se jeter dans les ennuis encore et encore.

- Ou alors, tu te trouveras une autre guérisseuse pour te rafistoler avant de rentrer. Il y en a d’autres, par ici. Je suis certaine qu’il y en aura une qui saura s’occuper de toi.

Jalouse ? Un peu. Mais surtout, je dois avouer que j’en ai un peu ras le bol de ces trois mille ans d’immaturité. Je l’aime, c’est un fait, mais je suis surtout parfaitement capable de savoir ce qu’il est et jusqu’où il peut aller quand il a une idée en tête. Alors, pour le coup, je ne veux pas être celle qui le rafistolera. Je m’inquièterais assez comme ça chaque jour qui passera.

- Et, pour finir, tu l’as dit toi-même : il y a Elrohir pour reprendre le flambeau, et derrière lui Arwen. Donc, si on en perd un ou deux, ça ne sera pas non plus dramatique. Moi, je partirais pour Valinor… Il parait que les Jardins de Lorien sont le plus bel endroit au monde. Un de mes maitres en guérison était un elfe venu de Valinor, et il me parlait tous les jours de cet endroit absolument magique. J’ai toujours voulu le voir.

J’ai déjà dit que mon impulsivité me conduisait souvent à donner LE mot de travers qui fait tourner une conversation agréable en eau de boudin? Et ben là je vais réussir a transformer une demande en mariage en une querelle de couple. Quand je dit que c'est vraiment pas ma journée, bravo Elladan, chapeau bas, la nouvelle connerie du jour est faite. Dois-je comprendre que pour cette nuit, j'aurai droit au canapé?
En fait, quand j'écoute ses paroles, j'ai plutôt le droit d'aller me faire tuer ailleurs tant qu'elle n'a pas à ramasser les morceaux. Me serais-je trompé? J'avais cru qu'elle était la bonne, celle qui fait vibrer mon cœur à chaque mot qu'elle prononce ou à chaque fois que mon regard la croise, mais la question e la réciprocité de cet état de fait commence à me tirailler. Quelle femme souhaiterait la mort de l'homme qu'elle aime? Parmi d'autres peuples, indécis, je saurais le comprendre, mais chez les nôtres, fiers de n'aimer qu'un seul être quoi qu'il arrive, cela me prend de cours. Il m'a fallu presque trois millénaires pour accepter les sentiments que je couve pour elle depuis certainement longtemps déjà, et je me prend dans le nez la plus belle claque de ma vie. J'aurai mieux fait d'aller me faire torturer par les orcs, ça aurait sans doute arrangé ses affaires...

Je ne répond rien, il n'y a rien à répondre de toute façon, rien que je ne risque pas de regretter aussitôt toujours, et je m'éloigne d'elle pour récupérer ma tunique égarée quelque part dans la pièce et l'enfiler rapidement avant de récupérer mon arc et mon carquois. A défaut d'aller provoquer les orcs, je vais aller me défouler sur quelque cible à percer de mes flèches en maugréant tout ce que je sais sur les femmes et leur aptitude effarante à vous réduire la vie à néant. Vous faire voir des monts et des merveilles pour mieux vous piétiner le cœur, elles savent parfaitement le faire.