Un rêve étrange m'a guidé jusqu'à vous [Thranduil]

Voilà quelques semaines que j’ai quitté la Lorien, laissant à Celeborn le soin de s’occuper de la Lorien à ma place. Rares sont les fois où je quitte les mallorns de ma cité surélevée, pourtant. Rares sont les fois où mon escorte de gardes me guide jusqu’à d’autres horizons. Cependant, j’ai toujours ce besoin de voyager en moi, et si je vis désormais mes voyages par procuration, dans les nombreux livres de la bibliothèque de ma cité, je sais que je ne pourrais jamais rester en place encore et encore jusqu’à la fin des temps. Alors, parfois, le temps d’une saison, je m’éloigne. Je m’exile. En cette lointaine année du passé, mes pas me conduisent à Mirkwood, la cité elfe de Vertbois. Oh, en cette époque du passé, les bois n’étaient pas encore tout moisis, tout sombres, emplis d’araignées. En réalité, on l’appelait encore Verbois le Grand. C’était quelque chose de magique. Le chant des oiseaux retentissait encore et encore dans les airs, et on pouvait voir des lapins et autres créatures magnifiques s’ébattre dans le monde. Un sourire nait sur mes lèvres et je soupire un coup, alors que je passe les portes de la cité verte. Voilà, le but de ce voyage est ici. Le but de ce voyage est cet endroit où je vais pouvoir me reposer, oublier la politique et les choses du monde. Ici, je ne suis plus la Dame de la Lorien, gardienne de Nenya. Ici… Ici je ne suis qu’une femme en visite auprès des siens.

Après avoir déposé mes affaires dans les quartiers qui m’ont été désignés, et congédié mon escorte, je décide de me diriger vers d’autres quartiers, pour rendre visite à un ami de très longue date. Mes pas me portent, petit à petit vers les appartements royaux. Je salue les gardes d’un signe de la tête et je frappe trois coups brefs à la porte de l’homme. Quelques minutes plus tard, Thranduil m’ouvre. Avec un sourire sur les lèvres, je pose la main sur mon cœur et j’incline la tête devant lui.

Im gelir ceni ad lín, mon ami. De nombreuses années ont passé depuis notre dernière rencontre.

Cela fait bien quelques années maintenant, que la paix règne sur Vertbois-le-Grand. Les Elfes Sylvains purent panser leurs blessures de guerre, regagner en force et la démographie de mon Royaume se fit de plus en plus grande. Alors que j'occupe le trône depuis peu, ou du moins pour un elfe, je suis déjà considéré comme un souverain sage et puissant. Les frontières sont ouvertes au commerce, notamment à l'Est. Et la rancœur envers les Nains ou les Hommes est encore inexistante. Une paix prospère domine le Royaume tout entier et ses habitants. La forêt était encore belle, somptueuse et vivante. Jamais à cette époque, on aurait pu songer qu'elle deviendrait un jour sombre et lugubre. Infesté d'araignées et de créatures immondes et dangereuses. Nous pensions et savourions beaucoup l'instant présent, sachant pertinemment que la paix, n'est malheureusement pas une chose durable...

Le regard perdu, mais constamment admiratif du paysage qu'offre la vue de mon balcon, j'attends patiemment l'arrivée de ma future invitée : Galadriel. Une amie de longue date et certainement l'une des plus précieuse. Je savais que la faire venir ici ne manquerait pas de lui faire le plus grand bien, la coupant de ses "habitudes". C'est d'ailleurs les trois coups contre le bois de la porte qui m'éjectèrent de mes songes. Gracieusement, je me retourne et m'en vais lui ouvrir. C'est avec un doux sourire et une main sur le cœur que la Dame de la Lorien me salua. J'en fis de même, ne cachant point mon enchantement de la revoir.

« Dame Galadriel. Chacune de vos présences, chacune de vos visites, illumine le cœur de Vertbois le Grand. Soyez aujourd'hui et pour toujours, la bienvenue. »

Après tout ce que nous avons déjà partagé ensemble, tout comme avec Celeborn, j'éprouve un grand respect envers la gardienne de Nenya. Même si nous nous voyons parfois pas durant plusieurs décennies, rien ne change ni m’ébranle le lien qui nous unis. De quelques pas, je me recule, invitant ainsi la femme elfe à entrer. Puis je referme délicatement la porte derrière elle, lui laissant le temps d'observer un peu la pièce et de se mettre à son aise, comme bon lui semble. Telle une lumière dans la nuit, même en plein jour, Galadriel dégageait toujours une aura exceptionnelle et pure. Quand à moi, je m'avance jusqu'à une petite table, sur laquelle est disposée une sorte de vin elfique et deux verres. Dans chacun d'entre eux, je verse un peu de cette délicieuse liqueur.

« Votre voyage s'est-il bien passé ? Vous avez parcouru un très long trajet depuis la Lorien, vous devez être épuisé... »

Rares sont les fois où je sors de ce royaume qui est désormais le mien, cette Lorien que j’ai appris à aimer et à gouverner avec toute la sagesse dont je suis capable. Oh, ces temps anciens sont réellement agréables aux voyages, alors que le monde était encore jeune, alors que nul pourriture ne l’avait encore corrompu à un point tel qu’il est désormais, dans ce présent, où nous sommes englués, impossible à mes yeux de revenir en arrière. Impossible totalement. Mais, le temps n’est pas venu où ces préoccupations seront celles qui orneront mon front de rides de soucis, ces rides qui disparaissent à chaque fois que je me retrouve face à ceux qui comptent pour moi, car eux, qu’ils soient mes amis proches, mes petits fils ou ma petite fille, sont toujours capables de me faire sourire, et d’égayer mon cœur.

Mais, comme je l’ai dis : laissons ça dans le futur, dans un lointain futur où les choses ne sont pas encore écrites. Et, c’est pour ça que l’heure est de revenir à Thranduil, et à cette façon dont je le salue après qu’il m’ait ouvert la porte de ses appartements. Oh ! Comme j’aime qu’il n’y ai entre nous aucuns chichis, aucuns de ces simagrées, aucuns de ces ronds de jambes qui alimentent les discussions que je peux avoir avec le reste du monde. Oh, combien j’aime me retrouver face à lui, pour discuter, refaire le monde, comme si nous étions, l’un comme l’autre encore des enfants attachés aux jupes de nos mères, même si l’innocence de cette époque révolue nous a aujourd’hui quittés depuis de nombreuses lunes.

- Pour toujours, mon ami ? Attention, je pourrais me retrouver encline à venir ici après chaque scène de ménage avec mon époux…

Un rire discret monte à ma poitrine à cette pensée, comme je sais que Thranduil est au courant que nul couple ne peut être tout d’amour vêtu, et que des disputes, il ne peut qu’y en avoir. Certes, Celeborn et moi-même avons partagé tant de choses, et nous avons fondé, sur les ruines du Lorinland, une nouvelle contrée, resplendissante et merveilleuse, qui s’illumine d’or à chaque levé de soleil qui vient se refléter sur les mallorns que j’ai plantés là. Là, nous avons vu notre fille tomber amoureuse, petit à petit, d’un semi elfe qui a su s’auréoler des exploits les plus grands, et qui a lui aussi été enclin à choisir cette voie pour nous donner de merveilleux petits enfants. Mais, les scènes de ménage sont fréquentes, et les assiettes volent. Généralement, et aussi surprenant que cela puisse paraitre, c’est moi qui finit par aller me ressourcer ailleurs, loin de mes mallorns, loin de ma cité. Mon cœur reste sur place, mais mon corps se déplace à Imladris. Car, je suis aussi butée que ce que peut l’être mon époux, et il peut être aussi incapable de reconnaitre ses torts que moi. Comme tout le monde, en soi. Tout couple a ses hauts et ses bas.

J’entre dans la pièce, et je laisse mon regard tourner sur l’endroit avant de m’avancer vers le centre de la pièce, sans savoir si je peux ou pas m’installer quelque part. Mon regard finit par se tourner vers ce que Thranduil est en train de préparer et je prends l’un des verres qu’il me tend avant de m’installer sur un siège. Je laisse la saveur capiteuse des épices envahir mes papilles avant de répondre à la question de mon ami :

- Oh, comme tous les voyages : un cheval, de la poussière, des campements au sol trop dur pour dormir… Vous savez que je préfère voyager vite et léger plutôt que de perdre du temps avec de l’équipement supplémentaire qui apporterait du confort.

Un sourire monte à mes lèvres et je prends une nouvelle gorgée de vin avant d’observer mon ami avec mon air imperturbable, jusqu’à finalement poser la question qui me brûle les lèvres :

- Et vous, comment allez vous ? Rien de spécial à signaler de ce côté du monde ?

Chacune de ses visites, lui apportait toujours énormément de joie. Connaissant l'excellente complicité et fluidité qu'il y a entre nous deux et ce depuis aussi longtemps que je m'en souvienne. Une relation, unique en son genre. Pas de perte de temps, ni la moindre flatterie hypocrite. Je savais qu'elle venait principalement ici pour se ressourcer, se changer les idées... y comprit lorsque ça n'allait pas au plus fort dans son couple. Le jour où elle ne viendra pas pour la plupart de ces raisons, il y aura de quoi s'inquiéter sérieusement. Pour l'heure, mon visage s'illumina à la seule présence de cette grande elfe. Majestueuse et débordant de classe, comme toujours. Je ris doucement à sa petite plaisanterie, puis l'invite à prendre place confortablement au centre de mes appartements, lui servant au passage un de nos meilleurs vin elfique. Gracieusement, je viens m'installer à ses côtés, savourant à mon tour ce délicieux breuvage. Un fin sourire étire également mes lèvres lorsqu'elle me parle brièvement de ses conditions de voyages. Ne pouvant résister à la tentation d'en faire une petite plaisanterie.

« Oui, je ne le sais que trop bien. Néanmoins, je suis flatté de votre dévouement à tant de souffrance, dans le simple but de venir me rendre visite. »

En effet, je connaissais bien dame Galadriel et ses exigences. Certainement bien plus strictes que les miennes, en général. Ce qui pouvait être d'ailleurs, parfaitement compréhensible. Contrairement à elle, avant d'être Roi et encore parfois aujourd'hui, j'ai su m'adapter à des conditions disons, un peu plus... militaire. Néanmoins, elle restait tout de même simple et efficace en bonne circonstance. N'étant pas du genre à chipoter non plus pour du confort.

« N'ayez crainte. Nous nous sommes occupés de votre confort.  »

Un sourire des plus charmant étira mes lèvres, avant de les plonger à nouveau dans ce délicieux vin. A sa question, je redresse à nouveau mon regard pour plonger mes yeux dans les siens. Mon visage semblait des plus apaisé, malgré cette inquiétude constante qui me ronge de l'intérieur depuis peu de temps. Une inquiétude, encore aujourd'hui inexplicable, puisqu'aucun malheur n'est encore venu s'en prendre à mon Royaume.

« Tout va pour le mieux. Pour l'instant... A vrai dire, la paix n'a jamais été aussi durable. »

Une petite pointe d'inquiétude pouvait pourtant se faire ressentir dans ma voix. En effet, je n'avais encore jamais connu une paix aussi longue, tout du moins dans ce Royaume. Et je craignais que ce soit le calme avant la tempête. Une inquiétude, peut-être futile et inutile, mais qui pourtant, s'agrippait tant bien que mal à mon esprit. Comme s'il fallait absolument que je reste sur mes gardes... Je goûte une dernière gorgée de vin, puis repose lentement le verre sur la table devant nous. Hésitant un instant, avant de finalement me confier à Galadriel.

« C'est étrange. Tout à beau être des plus paisible ici, il m'est impossible de rester serein. J'arrive à ressentir les Ténèbres, au delà des frontières... »

Mes yeux s'évadèrent dans le vide, durant quelques instants, avant de finalement émerger à nouveau. Me rattrapant aux siens. Un petit rictus étira le coin de mes lèvres. Il était hors de question de plomber l'ambiance, raison pour laquelle je réussi à rebondir sur une nouvelle plaisanterie. Que je ne m'autoriserai qu'avec elle d'ailleurs, sachant qu'elle comprendrait l'innocence de cette dernière.

« Mais... ça ne devait qu'être le présage d'une de vos scènes de ménage avec Celeborn. Comment se porte-t-il ? Rien de grave entre vous deux, j'espère ? »

HRP:

Mon sourire sur les lèvres, mon naturel pour seule arme, et parfois, quelques gardes. Et puis, venir en ces lieux, venir rendre visite à Thranduil et à son fils est toujours un tel plaisir. J’apprécie me retrouver ici, loin des chichis de ma cours et de ma contré. J’aime me retrouver dans un endroit où je peux n’être que Galadriel, et non plus la Dame qui gouverne la Lorien. Mais, entre nous les chichis ne sont pas de mise, comme à peine quelques minutes après avoir salué Thranduil, je me retrouve avec un verre de vin épicé entre les mains, installée confortablement sur un petit canapé. Oh, j’aime me trouver là, j’aime discuter avec Thranduil et subir ses plaisanteries, auxquelles je réponds toujours, bien sûr.

- Voyager vite et dans de mauvaises conditions pour vous revoir encore plus vite, mon ami. C’est toujours là qu’est le plus grand plaisir : l’arrivée, le point où le voyage est terminé et où une autre aventure commence.

Voilà pour lui. Si j’aime voyager vite, j’ai aussi le souvenir de conditions bien pires, encore plus étranges et encore plus difficiles. Le voyage qui m’a fait quitter les Terres Immortelles d’Aman, le lieu où nous nous étions installés pour fonder notre civilisation. Alors, le froid et les tempêtes avaient bercé chaque jour du voyage, mais jamais nous n’avions eu loisir de nous plaindre, pour la simple et bonne raison qu’il semblait impossible que ce voyage n’arrive à son terme un jour. Et, nous l’avions subit jusqu’au bout, pour arriver dans les Terres du Milieu. Long et périlleux voyage que je n’aurais peut-être pas la force de revivre aujourd’hui.

- Et, pour cela je vous en remercie, mon ami. J’ai hâte de retrouver la douceur d’un lit après la dureté de la pierre et de la poussière.

Une gorgée de vin, et une question plus tard, la conversation semble lancée, et c’est avec un air ravi que j’entends Thranduil me signaler qu’il n’y a rien de son côté du monde qui semble tourner en carré. Pourtant, la nuance qu’il y apporte ensuite fige mon sourire, comme elle fait écho à une peur qui étreint mon cœur depuis quelques années, sans que je ne puisse faire autre chose que la trouver fugace et tout à fait insaisissable, tellement minuscule que je n’arrive jamais à mettre des mots sur ce qu’il se passe, ce qu’il risque de se passer. Mais, au fond, cette inquiétude n’est-elle pas fondée, au vu de ce que mon peuple a subit au cour des derniers siècles ? Les Silmarils, la guerre, Sauron, la fuite, encore et encore la fuite, toujours la fuite. N’est-il pas normal de conserver une certaine inquiétude envers ce que le monde allait donner ?

- Oui, il n’y a aucune raison pour que l’ombre ne grandisse à nouveau. Nous autres avons tendance à être légèrement paranoïaques, n’est ce pas, au fur et à mesure que le temps passe.

Un rire monte à ma poitrine et je lève les yeux au ciel.

- Quand à Celeborn, il va très bien. Il s’occupe de ma Lorien, puisque j’ai choisi de m’enfuir pour prendre quelques vacances loin de toutes ces responsabilités. Je ne comprends réellement pas comment vous faites pour ne jamais prendre le temps de vous reposer. Surtout en étant seul …

La perte de sa femme a du l’anéantir, car nous autres les elfes, n’avons qu’un seul amour. Jamais je ne comprendrais comment il fait pour avancer comme ça dans sa vie, pour se montrer fort et pour continuer, quand d’autres ont pris pour moins que ça le chemin d’Aman, les terres de nos ancêtres.

- Et, comment va Legolas. J’espère avoir le temps de m’entretenir avec lui, vous savez que je l’aime comme s’il était de la famille, lui aussi, au même titre que mes petits fils avec qui il s’entend si bien.

Un sourire tout aussi bienveillant et tendre se figea délicatement sur les lèvres du Roi des Elfes. Véritablement enchanté par la visite de la Dame de la Lorien, par cette nouvelle compagnie, si agréable. Une compagnie qui allait apporter de la joie à un bon nombre de personne à Mirkwood et également à son fils, Legolas. Cela allait certainement lui permettre, à lui aussi inconsciemment, de prendre des vacances. De pouvoir penser à autre chose et plus se laisser morfondre par le retour de certaines craintes et cauchemar… Oui, le Roi avait le cauchemar facile. Mais hélas, il n’en a aucunement la maîtrise. Il était assez connu pour posséder une sensibilité bien particulièrement et d’autant plus depuis les dernières batailles qu’il a vécu il y a de cela plusieurs années voir décennies. Mais lorsqu’on est un être intemporel, ce qu’il s’est passé il y a des décennies, voir des siècles, on s’en souvient comme si c’était hier. D’autant plus quand le traumatisme est grand… Mais comme toujours, Galadriel trouva les bons mots pour lui faire garder le sourire et ne pas le laisser sombrer dans son inlassable inquiétude.

Thranduil préféra alors user d’humour et demander des nouvelles de Celeborn. Dans le fond, il enviait leur union, leur complicité et leur solidarité. Toutes ces choses, que lui a perdu, qu’on lui a arraché en une fraction de seconde… Repenser à la perte de sa reine, reste et restera une de ses plus grandes failles. Une profonde déchirure. Certainement un des rares sujet, où le grand elfe peinait à cacher ses émotions, son bouleversement… Le monarque trempa délicatement ses lèvres dans son verre de vin, savourant la délicieuse mixture qui s’écoulait lentement dans sa gorge. Puis il noua à nouveau son regard au sien.

« Je ne suis pas seul. Ici… Nous sommes un peu comme une grande et unique famille. Et puis, il y a Legolas. »

Il n’avait de toute manière, guère d’autres choix que de vivre avec cette blessure dans son cœur. La dame de la Lorien était peut-être d’ailleurs l’une des rares personnes à qui le Roi s’est réellement confié. Que ce soit sur la perte de sa femme, ou toutes ses craintes et faiblesses les plus profondes… Il lui faisait aveuglément confiance et cela était réciproque. Tout paraissait si fluide avec elle. Attentive, empathique, sage et sensible. Ne portant jamais le moindre jugement. Ou du moins, pas avant d’avoir intelligemment étudié et analysé la chose. La lumière revint finalement illuminer un court instant les lèvres de Thranduil. Oui, il connait parfaitement le lien qui relit les deux elfes. Raison pour laquelle il eut pour idée de faire de sa visite, une surprise pour Legolas.

« Oui, j’en suis plus que conscient. D'ailleurs, je ne l'ai pas encore informé de votre venue. Il risque d’en être agréablement surpris ! »

Son sourire s’élargit, échangeant un regard complice avec Galadriel et sachant pertinemment qu’elle jouerait le jeu. Encore une fois, il bu quelques gorgés de son vin elfique, puis reposa le verre sur la table basse avant de s’enfoncer un peu plus profondément et confortablement dans le canapé.

« Il se porte à merveille. Il devient de plus en plus fort chaque jour. Il ne cesse de progresser… Et fera certainement un bien meilleur Roi que je le fus. C’est un garçon vif et intelligent, mais tellement insouciant et assoiffé d’aventure… »

Il n’était pas difficile d’entendre la fierté et la tendresse infinie, mais extrêmement pudique, que ressentait Thranduil envers son unique enfant. Son protégé, son petit Prince. Parlant parfois de lui, comme s’il n’avait que quelques siècles… Heureusement, il s’en rendait compte et travaillait sur lui pour ne pas en faire trop et encore moins devant lui.

Les propos et le sujet qui nous unit lorsque nous commençons à parler me dérangent un peu, pour tout dire. Mais, mon miroir ni les rêves et les cauchemars que je fais depuis toujours ne m’inquiètent outre mesure. Oui, le monde a été en danger, et il le sera à nouveau. C’est dans l’ordre des choses, et les humains ne sont pas encore capables d’apprendre de leurs erreurs et de voir qu’ils ne font que répéter encore et encore les mêmes histoires, les mêmes guerres, pour des raisons futiles… Alors, oui le monde va continuer à tourner, les guerres vont encore arriver, elles vont venir et s’enfuir, dans un clignement d’œil pour les elfes, mais leur barbarie sera ancrée dans nos esprits jusqu’à la fin des temps. Ainsi va la vie, ainsi vont les choses. Et, nul ne peut empêcher le monde de continuer de tourner. On peut simplement faire en sorte d’accepter ce qu’il se passe autour de nous et de nous adapter.

Mais, le temps passe, le sujet change. Un mot, et puis un autre, une phrase qui sort de ma bouche, par compassion, peut être, mais avec une maladresse que je ne réalise que lorsque je vois le visage de Thranduil se figer quelques secondes, avant qu’il ne prenne une gorgée de sa boisson.

- Je suis désolée, mon ami.

Et, je le suis vraiment. Je n’aime pas retourner le couteau dans la plaie, loin de là, mais j’ai besoin de savoir comment il va, comment il prend les choses. Perdre son unique amour, pour un elfe, c’est une chose tout ce qu’il y a de plus douloureux. Longtemps j’ai eu peur qu’il se laisse dépérir. Mais, il a survécu, et il a continué à avancer dans la vie, prenant à bras le corps les choses de la vie pour mettre un pied devant l’autre. Sa force m’a impressionnée, tout autant qu’elle m’a peinée, car j’ai eu souvent l’impression qu’il ne faisait que se voiler la face pour cacher ses sentiments profonds.

-J’espère de tout mon cœur que les cavernes de Mandos vous la ramèneront, sous une autre apparence peut être, mais avec cette force de caractère et cette douceur qui la caractérisaient.

Et, pour changer de sujet, pour rattraper peut être ma maladresse, je parle désormais de Legolas. Oh, comme j’aime cet elfe, comme j’aime le voir et passer du temps avec lui. Même avant la mort de sa mère, nous étions proches, et j’espère parfois être devenu pour lui un modèle et une ancre dans la vie. Cependant, je n’ai pas d’autre choix que d’accepter ce que lui veut bien me donner, et parfois je le trouve si protocolaire, mon petit prince elfe ! Mais, avec un père comme Thanduil, il ne peut qu’être ainsi : ancré dans les règles. Pas que je juge mon vieil ami, mais parfois… Oh, rarement, j’ai l’impression qu’il se trouve un peu trop coincé dans les procédures de son royaume.

Oh, je suis heureuse de le savoir. J’irais lui rendre visite demain matin, après une bonne nuit de sommeil. Ma soirée vous est réservée, mon ami, du moins si vous accepter de passer du temps avec moi

Mais, il y a une phrase que je ne peux pas accepter dans cette histoire. Une simple petite phrase, certes, mais elle me fait prendre cet air sévère qu’on ne me voit que rarement aborder. Non, je préfère moi-même mon côté empathique et bienveillant, mais parfois je dois absolument faire montre de quelque sévérité, afin que les gens réalisent que je sais aussi être tout à fait sérieuse quand il le faut. Et, pas seulement lorsque mon anneau magique me change en une espèce de zombie dégoulinant de magie.

Vous êtes un bon roi mon ami. Vous avez fait ce que vous pouviez, mais le temps n’est pas encore venu de faire le point sur votre passé et la façon dont vous avez régné. Legolas n’est pas encore prêt pour vous remplacer. Comme vous l’avez dit, il a besoin d’aventures. Pourquoi ne pas le laisser libre de ses mouvements durant un siècle ou deux, afin qu’il puisse découvrir le monde ? Je sais qu’il ne s’en porterait que mieux, et le voir revenir grandit vous ferait du bien.

Qu’il pouvait m’être douloureux de revenir sur certains sujets de conversation. Mais en compagnie de Galadriel, c’était différent. Je n’éprouvais beaucoup moins de difficultés à me confier. Chose que je ne ferai jamais, Ô grand jamais avec qui que ce soit d’autres. Pas même avec mon propre enfant. J’étais conscient de son inquiétude, bienveillante, rassurante. Une attention particulière qui fut, pendant longtemps, un des stimuli qui m’a ainsi permis de maintenir la tête hors de l’eau. Je la rassure donc sur mon état, même si une petite vague de nostalgie s’empare de moi. Une vague que j’arrive un peu plus à maîtriser aujourd’hui, fort heureusement. Je lui offre un de mes plus chaleureux sourires, appréciant sa compassion et ayant gardé bon souvenir de la bonne relation que les deux reines entretenaient autrefois. Le thème de la conversation dériva ensuite sur mon fils, Legolas. Après lui avoir fait part que je lui avais fait la surprise de sa venue à Mirkwood. Ce qui, par la même occasion, allait nous permettre de passer un peu de temps ensemble.

« Comme je vous l’ai dis, j’avais grande hâte de vous recevoir. Je comptais bien profiter de nos retrouvailles le plus longtemps possible. Nous festoierons demain soir. »

Autant savourer le plus possible ses instants de paix et de bonheur en festoyant. Chose que j’ai toujours apprécié faire, surtout en l’honneur d’amis très proches. Bref, parler de Legolas me procurais toujours un certain apaisement, mais restait tout de même un sujet quelque peu sensible. Car il éveillait bien des débats chez certaines personnes et était un sujet fréquent de discorde. J’avais ma vision des choses, vis-à-vis de sa personne, de son éducation et de son avenir. Une vision certainement bien différente de celles des autres et qui n’étais pas évident à comprendre pour tous. Peut-être en rapport avec mon passé, mon expérience, ou la mort de sa mère… Allez savoir. Quoi qu’il en soit, j’étais assez réputé pour rester borné sur mes valeurs et mes idées.

La réaction et les paroles de Galadriel me braquèrent instantanément. Non de manière agressive, bien sûr, mais cela pouvait se lire aisément sur mon visage. Soudain, un peu moins lumineux que précédemment. Malgré tout, je l’écoute et entend bien ses paroles. Elle n’avait pas totalement tord et avait également en sa possession sa façon de voir les choses, bien que ce soit différemment.  Mon calme reste intact, mais mon regard ainsi que mon timbre de voix se fait un peu plus tranchant.

« Je crains que vous n’ayez tort. Je suis loin d’avoir encore fait tout ce qui est en mon pouvoir… Legolas a encore beaucoup de choses à apprendre. Des choses que je me dois de lui enseigner, de lui prodiguer… auquel il doit être préparé…  »

Je fixe la Dame de la Lorien durant un instant. Cela pouvait peut-être paraître égoïste de l’extérieur, mais ce désir d’offrir une telle éducation à mon fils était présent pour une bonne raison. Lentement, je baisse les yeux avant de me lever du canapé pour entamer quelques pas. De petits pas me menant sur un petit balconnet à côté. J’observe pensivement devant moi, puis reprend tout aussi doucement.

« Contrairement à ce que vous devez croire, je n’ai aucunement l’intention de l’enchainer. Tout ce que je souhaite, c’est qu’il ne vive pas ce que j’ai vécu… »

Tout comme Legolas, je n’avais guère le désir de devenir souverain ou du moins pas aussi vite, mais cette responsabilité m’est tombée dessus du jour au lendemain, suite à la mort de mon père Oropher. Et rien ne fut des plus simples… Peut-être est-ce en partie cela, qui m’a poussé à devenir plus sage et plus réfléchi, trop jeune. Quoi qu’il en soit, je n’eus guère le choix autrefois. J’ai conscience de prendre peut-être cela un peu trop à cœur ou de fataliser les choses, mais c’est ainsi… Je suis ainsi. Legolas m’en voudra certainement longtemps, tout comme il m’en sera peut-être un jour reconnaissant…

Repousser le faste d’un festin à demain pour simplement m’occuper de mon ami ce soir ? Voilà une chose que j’apprécie. Si un banquet reste obligatoire car, en tant que Reine de Lorien, plus ou moins, je me dois d’être présentée au peuple de Mirkwood comme un joli bijou, ou comme un nouvel animal de compagnie bien dressé, je dois avouer que je suis heureuse de pouvoir profiter de ce temps de paix et de calme aux côtés de Thranduil. Si mon ambition m’a autrefois poussée à vouloir devenir reine, la naissance de ma fille à Ost-In-Edhil m’a poussée à changer. En ces temps anciens, Celebrian n’est pas encore partie pour les Contrées Immortelles, et il n’est pas possible pour moi de croire qu’un jour je puisse la perdre de cette manière. Cependant, lorsque ce jour viendra, je sais que je saurais trouver en Thranduil un soutient aussi puissant et sincère que celui que je lui ai apporté autrefois.

- Vous m’en voyez bien heureuse. Je pourrais donc faire la surprise à Legolas demain matin, avant que la nouvelle de mon arrivée ne commence à se répandre.

Un sourire sur mes lèvres, je prends le temps de savourer quelques secondes durant, le vin épicé qui se trouve entre mes doigts, dans cette jolie coupe en argent. Ha, le vin épicé de Thranduil. Le vin épicé est une des choses que je préfère, par ici. Il faut avouer qu’il est particulièrement bon, bien plus qu’en Lorien. Je ne suis pas tout à fait certaine que je saurais en importer. Je ne suis pas sûre non plus que Celeborn, qui s’occupe bien plus que moi des cordons de la bourse, pendant que je voyage autour du monde et que je tente de créer des liens et de savourer cette liberté qui m’étreint et m’appelle.

Mais, discuter de Legolas est une chose sensible, vis-à-vis de mon homologue. Mon regard reste calme et mes lèvres sont fixées en un sourire, un peu trop poli et un peu moins sincère alors qu’il nous renvoie gentiment balader, moi et mes idées. Je l’observe quelques secondes, recherchant chaque tressaillement dans son visage, avant de froncer de manière très légère les sourcils. Je me laisse aller en arrière dans mon fauteuil, après avoir posé le verre désormais vide sur la table et je pose mes deux mains bien à plat sur mes genoux, laissant mon regard se poser sur l’unique bague qui orne mes doigts durant quelques secondes supplémentaires, avant de reprendre la parole, toujours aussi calme :

- J’ai toujours pensé que le meilleur moyen pour que quelqu’un suive nos traces, à nous autres plus anciens, fasse les mêmes erreurs que nous, est justement de tout faire pour ne pas que cela arrive.

Je relève alors la tête pour observer Thranduil avec un nouveau sourire plus léger. Je n’ai pas l’intention de tenter de le faire changer d’avis… Bon, d’accord un petit peu quand même… Mais j’ai surtout l’intention de lui donner mon point de vue et mon expérience.

-Mes frères avaient un désir certain de pouvoir et de conquêtes, c’est en partie pour cela qu’il y a si longtemps, ils se sont lancés à la poursuite des Silmarils. Une fois Valinor derrière eux, une fois les dangers de la route derrière eux, ils m’ont abandonnée aux bons soins d’une cité humaine avant de partir sur les routes, en me répétant de rester là, de ne pas subir l’exil de notre peuple de la même manière qu’eux. Tout ce qui a résulté de cela a été pour moi un besoin irrépressible de me créer un chez moi. Mon propre royaume. C’est comme cela que j’ai moi-même failli perdre la vie en perdant la cité que j’avais conçue, bien avant de reprendre les rênes de la Lorien, à cause de cette ambition dont ils ont tout fait pour me protéger.

Mon regard se tourne vers la fenêtre, alors qu’une ombre pleine de tristesse emplit leur bleu limpide, et au bout de quelques minutes, je me retourne vers Thranduil avec un sourire sur les lèvres :

- Loin de moi l’idée de tenter de vous dire comment éduquer votre fils, mon ami. J’essaie de vous faire part de mon expérience, et de vous indiquer que, quelque part, quoi que vous tentiez de faire, Legolas finira par faire ses propres choix. Et, j’espère, de tout mon cœur, qu’il ne finira pas par se retrouver dans une situation aussi douloureuse que celle que vous avez vécue. Mais, quoi qu’il advienne, lorsque le moment sera venu pour lui de se dresser devant vous, la véritable sagesse sera de simplement le guider vers sa propre voie, au lieu de vous braquer comme vous le faites face à mes paroles. Cela prendra peut-être cent autres années, peut être mille autres, mais ce moment viendra, croyez en les rêves que je fais à votre sujet.

C’est un œil évasif et légèrement contrarié, que mon regard s’évade dans le paysage qui s’offre à moi, de ce petit balconnet. Ecoutant attentivement les sages paroles de Galadriel, qui tentait vainement de me donner conseil sur la manière dont je devrais traiter mon fils. Elle avait la chance, de faire partie de mes plus proches alliés, d’être mon amie. Et ainsi donc, d’avoir mon écoute. Car celle-ci, n’était vraiment pas donnée à n’importe qui. Même si, je ne suis pas en accord avec ses propos, ses conseils resteront bien gravés dans un coin de ma tête. Chacun de nous possède son expérience et a fait l’usage de différentes techniques pour arriver à tel ou tel objectif. Il est donc évident que chacun arpente un chemin différent de l’autre. Peut-être qu’en écoutant la Dame de la Lorien, cela pourrait en effet m’éviter de me tromper, mais disons que je suis du genre à faire ma propre expérience. Quitte à me tromper, j’apprendrai et assumerai jusqu’au bout. Néanmoins, je voyais tout à fait là où mon amie voulait en venir et cela me fis tout de même quelque peu réfléchir. A la différence de Galadriel, je n’ai qu’un seul fils, qu’un seul héritier… Je ne pouvais donc guère m’octroyer le droit de faire trop d’erreurs.

Lentement, les traits de mon visage finissent par se détendre. Laissant place à une bouille un peu plus sereine. Touché par ce que Galadriel venait de me confier avec pudeur, sur une intime période de son passé, mais également par l’intérêt qu’elle pouvait porter à l’égard de mon fils ainsi qu’à son désir de ne lui vouloir que du bien. Rajoutons à cela, que j’étais bien trop heureux de retrouver mon amie pour me prendre la tête avec elle. Après avoir fait un aussi long voyage, elle ne méritait pas que je l’épuise de la sorte avec mes petites contrariétés du moment. Elle devait certainement déjà en avoir assez de son côté. Je fini donc par me retourner, posant un regard un peu plus apaisé sur elle.

« J’ai grande confiance en votre sagesse et en votre savoir, Galadriel. »

Un sourire chaleureux, mais aux abords énigmatique comme ce qui me caractérise tant, étira mes fines lèvres, avant de contourner le canapé sur lequel elle est encore installé afin de revenir m’installer en face d’elle. Il n’y avait pas d’hypocrisie dans mon sourire. Il signifiait simplement que je l’avais bien entendu, mais qu’il allait falloir attendre que je sois un peu moins têtu avant que je n’accepte sagement d’écouter les conseils de mes amis. Même si, le fait qu’elle dise avoir rêvé de Legolas, se dressant devant moi, ne me rassure guère. Tout le monde sait ce qu’il advient des rêves de la Dame de la Lorien. Saisissant à nouveau la carafe de ce délicieux vin épicé, je m’en sers un autre verre avant de la maintenir par-dessus celui de Galadriel, attendant son accord pour la servir à nouveau. En même temps, je prends l’initiative de me pencher sur un sujet peut-être un peu moins ouvert au débat, ni épineux.

« A ce propos, avez-vous fait d’autres rêves ?  »

Saisissant une nouvelle fois mon verre remplit de vin entre mes mains, je m’enfonce au fin fond de mon siège, sans quitter mon amie des yeux. Trempant avec lenteur mes lèvres dans cette succulente boisson, qui fait une de nos grandes fiertés dans ce Royaume.

Rares sont les fois où j’ouvre assez mon cœur pour venir donner de vrais conseils à ceux qui m’entourent. En fait, on peut compter ces fois sur les doigts d’une seule main. Thranduil, ma fille, Celebrian, Elrond et peut être, parfois, Legolas lorsqu’il en a réellement besoin. Ceux-là font partie de mon petit cercle d’intimes, et je les aime assez pour accepter de partager avec eux ce qu’il se passe dans ma tête, pour partager avec eux les raisonnements et l’expérience que j’ai accumulée au cours des siècles. Après, je ne peux que dispenser des conseils. Je ne peux que dispenser des mots, qui parfois s’envolent dans l’air et n’atteignent pas leur but. Certains des miens sont ce qu’il y a de plus butés, et je ne suis pas tout à fait certaine qu’ils pourraient accepter le moindre conseil de la part de quiconque. Certains des miens sont faits pour faire leurs propres erreurs. Je n’y peux rien, même avec toute la bonne volonté du monde. Je n’y peux rien, parce que je ne peux pas forcer quiconque à suivre mes conseils. Je ne vais tout de même pas les attacher dans une cave et les forcer à écouter mes paroles en les répétant encore et encore, jusqu’à ce qu’elles rentrent. Non, hors de question. Tout cela est stupide. Et trop proche des manières de certaines autres personnes malfaisantes. Je sais être une guerrière lorsqu’il le faut, mais je n’irais pas non plus jusqu’à de telles extrémités, d’autant que cela risquerait de me faire perdre l’amitié de Thranduil, et c’est une chose que je n’accepterais pas.

Sa remarque à la fin de mon petit laïus me tire un sourire et je lève une seconde les yeux au ciel. Oui, je vois parfaitement où il veut en venir, depuis le temps que nous sommes amis, nous n’avons plus vraiment le moyen d’ignorer nos petits tics mutuels. Cette phrase signifie, tout simplement, qu’il a entendu ce que j’ai dit, mais qu’il n’ira pas non plus jusqu’à m’écouter sans chercher à faire ses propres bêtises.

- Je l’espère, mon ami…

Une petite taquinerie dans ma bouche. Espérons que le roi que j’ai en face de moi ne soit pas trop susceptible pour ne pas remarquer l’air amusé qui est né dans mes yeux alors que je lui réponds. Quant à sa question suivante, je prends quelques secondes pour réfléchir avant de pousser un soupir et de secouer la tête. Par où commencer, hein ?

- J’ai en effet rêvé de votre fils, mon ami, des brides et des fragments d’un futur qui le conduira très loin de la cité des elfes noirs, à la poursuite d’une quête plus grande que lui et plus grande que vous.

Je m’arrête quelque secondes avant de reprendre :

- J’ai rêvé des orcs, qui remontent depuis le centre de la terre et qui détruisent tout sur leur passage, amenant avec eux l’âge des orcs. Mais, j’ai aussi vu d’anciennes alliances remises au goût du jour, qui permettent d’empêcher les orcs de prendre le contrôle de la Terre du Milieu. J’ai vu l’exil des elfes, leur retour vers Valinor, car l’âge des Hommes arrive, pas après pas. J’ai vu tant de choses, toutes contradictoires. Je n’ai pas l’intention de croire chacune de mes visions, mais j’espère pouvoir influencer les choses pour que les rêves qui permettent d’avoir un avenir positif pour les Terres du Milieu soient ceux qui se réalisent. Mais, pour cela, mon ami, les peuples de ces terres vont devoir souffrir et saigner, encore une fois..

J'ai toujours été particulièrement fier d'être aussi proche de Galadriel, qui faisait partie des mes plus proches amis. De plus, il y avait une réciprocité des plus sécurisantes entre nous. L'un comme l'autre, n'hésiterions pas à aider, soutenir ou conseiller à tout moment. Pourtant, bien rares sont les personnes faisant réellement parties de mon cercle intime. Mais la Dame de la Lorien en faisait bel et bien partie. Depuis toujours, j'écoute avec attention ses conseils, mais désirait apprendre par moi-même. Ce n'est pas pour autant que je ne la crois pas ou me moque de son expérience et avis. Bien au contraire... Mais je ne serai peut-être pas un aussi bon Roi si je ne testais pas ma propre expérience et n'apprenais pas de mes erreurs. Si je ne faisais que suivre et non essayer. Ce n'est pas là, l'âme d'un véritable leader. Ô combien de fois me suis-je donc convaincu de penser la même chose concernant Legolas... Mais il y a là, en supplément, un instinct paternel surdéveloppé, mais qui sera peut-être un jour surmonté.

C'est non sans mal que je capte l'air amusé de mon interlocutrice. Nous nous connaissions que trop bien, elle avait compris où je voulais en venir. Un sourire légèrement malicieux étira également le coin de mes lèvres. Sachant tout de même rire de ma personne et de notre complicité. Dans un sens, j'étais rassuré également qu'elle ne prenne pas mal mon côté entêté. Verre à nouveau en main et confortablement installé, j'écoute la réponse de ma chère amie. La première, concernant mon fils et la seconde concernant l'avenir... Je bois plusieurs gorgées de mon breuvage. Bizarrement, tout cela ne me surprenait pas tant que ça. A propos de Legolas, je ne dis rien, pour une fois. J'étais parfaitement conscient, que je le veuille ou non, que la destiné de Legolas ne s'arrêterait pas à Mirkwood ni au trône. Je serais même un père comblé, s'il pouvait faire de bien plus grandes choses... Il fallait juste m'y faire à l'idée. Et je savais que je n'étais pas le plus rapide dans ce domaine.  

« Bien... Voici donc une excellente raison pour profiter pleinement de votre présence ici. Même s’il n’y a guère besoin d’une quelconque raison pour savourer chaque instant à vos côtés. »

Un sourire des plus sincères étira mes fines lèvres, penchant légèrement la tête en avant. Je n’étais pas du tout en train de me voiler la face, ni d’ignorer l’aperçu des rêves de Galadriel. Aussi surprenant que cela puisse être, ces derniers temps mes rêves représentaient la même chose. Guerre… Mort… Sang… Alliance avec l’ennemi… Querelle… Vengeance…  Bref, tout ce qui pouvait m’angoisser au plus haut. C’était juste un autre poids supplémentaire et inévitable que j’allais devoir accepter, tôt ou tard. Raison pour laquelle depuis quelques temps, malgré ces temps de paix, je préparais déjà mes troupes. Secrètement et progressivement. Mon visage se fit alors soudainement un peu plus pensif, tandis que je faisais délicatement tournoyer mon verre entre mes doigts. Il n’y avait qu’avec elle, que je m’autorisais à me confesser de la sorte.

« Hélas, les temps de paix n’ont jamais duré très longtemps.  Je l’ai toujours su et m’y suis fais une raison depuis bien longtemps, contrairement à ce que certaines langues osent émettre à mon sujet. Mais, inutile de nier que certaines alliances seront plus que difficiles à renouer… »

Buvant une autre bonne gorgée de ma boisson, je pense bien évidemment aux nains. Envers laquelle ma rancune est grande. Une rancune certainement réciproque, sauf que de leur côté, celle-ci est bien infondée en plus d’avoir été propagé et déformé dans tous les coins du monde.

Je sais reconnaitre lorsque mes paroles n’auront pas le moindre impact sur la personne que j’ai en face de moi, et si je connais Thranduil depuis de nombreuses années, je sais aussi et surtout quand arrêter. Comme je le dis souvent, il est rare de voir quelqu’un qui se trouve face à une telle amitié que celle que j’ai su offrir à cet elfe, et qui, en plus de ça, sait la conserver durant les siècles et les siècles, pour peut-être arriver à transformer cette amitié en victoire éternelle de deux êtres, aussi proches que possibles, traversant ensemble tous les obstacles. Non, je ne parle pas là d’un couple marié, même si cette définition, surtout chez les elfes, pourrait s’avérer tout ce qu’il y a de plus vrai. Traverser le monde à deux, avec un ami tout ce qu’il y a de plus intime, ou avec un amant qui saura vous soutenir et vous exaspérer en même temps peut être un véritable cadeau d’Arda. Alors voilà. J’abandonne le sujet de Legolas, pour tenter de me concentrer sur autre chose, de tout ce qu’il y a de plus… intime, si l’ont puis dire. Ces rêves auxquels je suis soumise, ces visions de mon miroir qui, à cause de la magie de mon anneau de pouvoir, arrivent directement dans ma tête, que je le souhaite ou non durant mon sommeil. Cela ne se produit qu’en Lorien, lorsque le miroir et l’anneau sont à proximité l’un de l’autre, et c’est une des raisons qui font que je vais souvent rendre visite à d’autres elfes, en Imladris ou alors ici, à Mirkwood. En de rares occasions, je pousse au sud jusque la cité de Dol Amroth, cité que j’aime pour sa diversité. J’y suis là parfaitement anonyme, car de nombreux elfes viennent y prendre les bateaux elfiques en direction de Valinor, ce lieu où je sais que je retournerais un jour.

- J’aime à vous entendre dire que je suis la bienvenue ici, mon ami, mais n’oubliez pas que je vais finir par emménager… Je suis un véritable parasite, ne vous l’a-t-on pas dit ? Installée quelque part, on ne m’en déloge plus.

Mais, trêves de plaisanteries. Mon regard se fait plus sérieux alors que j’écoute les paroles de mon ami. Oui, il a raison : l’avenir s’annonce sombre et je soupire un coup face à ce qu’il se passe autour de nous. En effet, les choses vont finir par être compliquées pour nous autres qui souhaitons voir le monde avancer, petit à petit, vers un bien plus global, sans penser à notre propre bien être.

- Certaines alliances semblent perdues, mais les choix que l’on fait tous les jours finissent par porter leurs fruits. Certains objets autrefois perdus vont ressortir de l’oubli. Les choses sont déjà en marche, mon ami. Vous aussi aurez plusieurs choix à faire au cours des prochaines semaines et des prochaines années.

Le cerf avait beau paraître comme un être particulièrement puissant et solitaire, il ne saurait vivre seul. Raison pour laquelle je me suis toujours senti très proche de cet être si élégant. J’avais beau exposer aux yeux de tous une image de Roi intouchable et insensible, je n’étais pas invincible. Bien au contraire, je ne le savais que trop bien même… Après avoir vu tant des miens mourir sous mes yeux, j’avais grande conscience que malgré notre inépuisable existence, nous pouvions devenir pas grand-chose d’un instant à l’autre. A tout moment. Même si je ne laissais rien paraître et n’étais pas très doué en sensiblerie, je tenais sincèrement et réellement en cette amitié qui me reliait à Galadriel. Après avoir partagé tant de choses ensemble, de confidences, de voyages… Aucune matière, aucune arme, ni même le plus puissant et talentueux nain forgeron ne saurait détruire le lien qui nous unis l’un à l’autre. Lorsque je l’entends se comparer à un parasite, c’est non sans mal qu’elle arrive une fois encore à faire naître un sourire sur mon visage, bien peu habitué à cette expression faciale.

« Non, je l’ignorai… Mais, j’imagine aisément que vous ne devez pas être aussi terrible que ces parasites rôdant un peu partout dans nos bois. »

Jusque là, ces fameux parasites ne m’inquiétaient pas vraiment. Mais il est vrai que depuis quelques temps, les araignées se font de plus en plus en nombreuses autour du royaume alors que ma garde part chaque jour à la chasse aux monstres. Une contrariété de plus, m’inspirant une grande inquiétude pour l’avenir et la santé de notre Vert-Bois-Le-Grand. Priant pour que cette prolifération n’entraine pas une gangrène au cœur du Royaume. Néanmoins, je reste concentré sur les rêves de Galadriel, qui rejoignent les miens. Mais d’une façon bien plus précise il semblerait. Il fallait bel et bien se préparer à des complications pour l’avenir. L’espoir d’un long et prospère avenir n’était pas encore visible… Je fronce légèrement les sourcils lorsqu’elle parle de certains objets autrefois perdus, risquant très certainement de ressortir de l’oubli. Elle n’avait cité aucun nom, mais un me vint subitement en tête. Aurai-je donc l’intime espoir de revoir un jour l’Arkenstone ? Ou bien peut-être parlait-elle de tout autre chose… Mais j’en doute. Mes pensées étaient grandement centrées sur cette pierre, rien qu’à l’évocation de son nom. Malgré tout, je ne suis pas sourd aux paroles de Galadriel et relève doucement mes yeux transperçant sur elle.

« Des choix… Vous et moi savons tous deux que nous en avons constamment à faire. »

Bien sûr, j’avais bien compris qu’elle parlait de choix cruciaux. Qui risqueront certainement de changer à jamais, tout un royaume, tout un peuple, tout un avenir...

Un fou rire monte à ma poitrine alors qu’il me compare aux araignées qui, en cette époque éloignée, commençaient à ramper dans les bois qui entourent VertBois le Grand. Non, vraiment, voilà qui est intéressant comme comparaison, et après quelques secondes, je relève un regard tant amusé que taquin pour mettre les mains sur mes hanches, observant mon interlocuteur :

- J’espère tout de même avoir meilleure allure que vous araignées, mon cher ami, sans quoi je crains de devoir m’inquiéter pour mon avenir ! Tant de personnes vantent ma beauté au travers de ce monde, se seraient-ils fourvoyés ?

Je me ressers alors du vin, sans attendre que Thranduil m’en propose. Ne suis-je pas après tout chez moi par ici ? Il vient juste de me le dire, autant en profiter ! Mon verre entre les mains, je le fais tourner et je m’adosse contre le dossier du canapé pour observer Thranduil de bas en haut avant d’en rajouter une couche :

- Mon ami, si je suis une araignée, permettez-moi donc d’inviter ce soir à notre table l’une d’entre elles. Il me sera agréable de la voir rôtir à la broche pendant que nous discutons !

Mais, le temps de rire et de s’amuser est maintenant révolu, et nous devons discuter d’autres choses, de ces rêves, par exemple, que je fais depuis toujours, et qui, lorsque je suis à proximité de mon miroir de magie me permettent de voir tous les futurs possibles, autant que les chemins du passé à prendre pour en arriver là. Je vois ce qui fut, ce qui est et ce qui pourrait être, et c’est avec une certaine méfiance que j’accepte de donner le sens des images que je vois aux gens qui m’entourent.

- Oui, nous avons des choix à faire tous les jours, et comme vous le savez, le plus petit de nos choix peut avoir une influence extraordinaire sur le futur. Tout ceci peut avoir un poids que nous ne pouvons pas envisager de comprendre. Parfois, il suffit d’un grain de sable pour que les rouages d’une machine s’arrêtent. Et, parfois, il suffit d’en enlever un pour que tout remarche. Les Maiars nous guideront, et les trahisons qui se posent devant nous sont nombreuses… Posez vos questions, mon ami. Je vous donnerais les réponses. Je ne peux cependant garantir qu’elles vous plairont.

La joie et le sourire expressif de Galadriel ne peut que me combler de joie. Comme toujours, nous pouvions tout aussi bien passer d’un sujet extrêmement sérieux, à un fou rire inattendu. Rares sont les personnes capable de me faire étirer un sourire et la Dame de la Lorien faisait partie des exceptions. Une des nombreuses raisons pour laquelle il m’était particulièrement bénéfique de la voir. D’un autre côté, c’était un bien nécessaire car elle n’avait pas toujours en sa possession de bonnes nouvelles à m’annoncer. Surtout en ce moment…

« N’ayez aucune crainte à ce propos. Votre beauté perpétuera aussi longtemps que vous vivrez dans ce monde. »

Un sourire chaleureux aux coins des lèvres, il n’y avait absolument aucun doute sur la beauté de Galadriel. Le monde entier, ou presque était au courant. Les plus faibles ou émotifs, pouvaient facilement tomber amoureux de la Dame, en un seul regard… Bref, on avait même fait de sa beauté une légende. Je regarde et laisse mon amie se servir à nouveau du vin, fort heureux qu’elle l’apprécie. Tandis que je tiens toujours mon verre entre les mains, et que j’y trempe lentement mes lèvres sans quitter Galadriel des yeux. Progressivement, mon sourire étincelant s’effaça de mon visage quand il fut enfin temps d’entamer un sujet beaucoup moins amusant. Un moment qui me plaisais guère, qui m’angoissais même intérieurement. Cela se voyait à la manière dont je bombais la poitrine. Me doutant bien que les réponses que j’allais certainement obtenir, ne me plairont pas.

Actuellement, nous étions dans une période de paix, si on peut dire. Au vu des derniers évènements et de certaines rumeurs parcourant les terres, je me doute bien que l’avenir ne s’annonce pas très glorieux. Il est, hélas, bien connu que la paix ne dure qu’un temps et le mal, beaucoup plus longtemps. J’ignorai par où commencer, mais surtout… J’avais peur des réponses. Peur de me faire frapper en plein visage par une réalité, un avenir effrayant et inévitable. Néanmoins, je n’en étais pas moins lucide.

« Combien de temps reste-t-il avant que l’Ombre ne vienne planer sur mon Royaume ? »

La gorgée quelque peu nouée, je la regarde un instant, ne m’attendant bien évidemment pas à une réponse précise. Inquiet, je regarde Galadriel, puis bois à nouveau plusieurs bonnes gorgées de mon délicieux vin. Avant de passer ma langue sur mes lèvres et de détourner mon regard en direction d’une des ouvertures menant sur l’extérieur. Tout en m’exprimant d’une voix presque résignée.

« J’ai vu l’Âge des Orcs… de nombreuses batailles, de nombreuses pertes… C’est inévitable, n’est-ce pas ? »

Un rire polis, mais en même temps tout à fait sincère éclate dans la pièce alors que ce vil flatteur de Thranduil entre dans le jeu initié il y a quelques minutes par mes plaintes naturelles sur la fin de ma vie qui s’approche. Oh, les elfes sont immortels, et ils n’ont pas à subir les affres de la vieillesse. Cependant, je me plais parfois à parler comme si ma vie était éphémère. Cela lui donne plus de sens, n’est-ce pas ? Cela me permet de la ressentir plus facilement que si je me contentais d’attendre la fin des temps en observant les années passer. Non, avoir la sensation que ma vie peut se finir du jour au lendemain me donne envie d’en profiter chaque seconde. Cependant… Cependant je suis loin d’être sûre que d’autres elfes puissent comprendre.

Voilà cependant venu le moment de parler de choses plus sombres, plus noires. Mon regard se fait plus distant, à mesure que les visions créées par mon miroir me reviennent en tête, à mesure que je songe à ce qui est, ce qui fut et ce qui sera. Je me mordille les lèvres face aux questions de Thranduil. Je ne peux lui donner de date précise. Ce que je sais… Je sais qu’il peut advenir des choses. Je sais aussi qu’elles peuvent être empêchées, qu’il existe l’infime espoir d’un futur plus sain pour les races des Terres du Milieu. Mais, pour cela, nous autres, elfes, devront partir, et retourner sur nos terres natales.

- Combien de temps ? Pas assez, mon ami. Pas assez.

Je tente de rassembler les visions dans un motif cohérent, afin de tenter d’avoir une date probable. Un temps d’attente. Mais, il me semble que tout semble déjà en chemin pour arriver à sa conclusion terrible.

- L’ombre rôde déjà en Dol Guldur, mon ami. Les araignées qui hantent vos terres tirent leur puissance de cette présence. Mais, il y a encore un espoir pour qu’elle parte rejoindre le sud avant de vous attaquer. Un infime espoir…

Je souris à Thranduil avant de porter le précieux breuvage rouge à mes lèvres pour en boire une gorgée, histoire de rafraichir ma gorge. Je soupire discrètement de contentement lorsque le liquide avive mes papilles et je plonge mon regard d’un bleu profond dans celui de Thranduil.

- Tout est évitable, en faisant les bons choix. Les avenirs que je vois dans mon miroir ne sont pas figés dans le temps, et parfois, il ne suffit que d’un grain de sable pour l’anéantir d’un seul coup. Il faut nous préparer. Il faut que les elfes tirent enfin les leçons de leurs erreurs passées au lieu de les brandir comme étant des victoires et des réussites, et alors nous saurons trouver l’humilité qu’il nous manque pour combattre ceux qui veulent nous mettre à terre.

Nombreuses sont les raisons qui font que j’énonce ces mots, et par là je parles même de mes propres erreurs, en Ost-In-Edhil, alors que j’ai faillis perdre la vie face à Sauron, entrainant ma fille et mon époux dans ma chute. Oui, il faut savoir tirer les leçons de ses erreurs, et avancer. Coute que coute.

Lentement, mon regard transperçant se consuma d'un voile d'inquiétude, que je tente de masquer depuis le début de cette conversation. Tandis que mon âme se retrouve de plus en plus submergé par l'angoisse, au fil des mots sortant d'entre les lèvres de Galadriel. Et pourtant, mon visage reste incroyablement impassible, inexpressif. A l'intérieur, c'est le foutoir. La peur et la colère me ronge. Un puissant cocktail, sournois et explosif, qui entre aussi souvent en éruption que la Montagne du Destin. Une réaction en chaîne invisible à l’œil de bon nombre de personnes, responsable de bon nombre de décisions et agissements de ma part. Galadriel était peut-être l'une des seules capable de lire en moi comme personne, et encore. J'en avais quelques doutes... Après tant d'années, de siècles, à se faire juger et mépriser sans que jamais personne ne vienne réclamer justification ni confession... En plus d'avoir perdu une Reine, un Amour... Voici donc la recette de ce spectre, épiçant parfois inconsciemment et spontanément mes propos ainsi que mes pensées.

« Mes pensées rejoignent les vôtres, Galadriel. Seulement, j'ai bien peur que cela ne suffise pas... »

Mes yeux, alors figés depuis plusieurs bonnes secondes sur mon verre, se redresse enfin pour aller confronter celui de mon interlocutrice. Mon timbre de voix raisonnant presque avec lassitude.

« Il y aura constamment des mésententes entre les nains et les elfes... ou quand ça ne sera plus le cas, ce seront peut-être les elfes et les hommes ? Il faut se rendre à l'évidence. Il y aura... constamment des conflits, des mécontents, des guerres, des existences brisées, des pertes. Comme il y a toujours des vainqueurs et des perdants. Quoi que l'on fasse. Quoi que l'on désir... Y'a-t-il réellement une issue
à tout cela ? »

Cela ne signifiait pas que je désirai croiser les bras et ne rien faire dans l'avenir. Mais il est vrai que j'étais, profondément exaspéré. Ayant eu pendant trop longtemps, l'impression qu'aucun de mes choix, de mes efforts, n'a jamais été reconnu ni compris. En faite, j'essayais peut-être, à ma façon, de comprendre où mon amie allait chercher tout ce "positivisme", alors qu'elle aussi avait déjà vécu bien des choses. Je pivote légèrement la tête, détournant mon regard lorsque je sens quelques fissures prendre forme sur mon masque de fierté. N'aimant pas paraître aussi vulnérable et aigris face à elle. Bien que nous soyons particulièrement proche.

« Je pense... avoir oublié ce qu'est l'espoir, Galadriel. »

Les yeux légèrement humidifié par une profonde souffrance et des blessures encore mal cicatrisés, il tenta de noyer cette brèche en buvant à nouveau. Raisonnablement bien sûr.

Après avoir fini de parler, le silence s’installe entre nous. Mon regard ne quitte pas celui de l’elfe en face de moi, et je le vois passer par plusieurs stades d’inquiétude : ce petit tic au coin de la bouche, cette façon qu’il a de fixer les objets devant lui d’un air profondément pensif, ce léger froncement de sourcils… Oui, le masque de Thranduil se fissure petit à petit, et je me relève de mon fauteuil. Je ne sais comment il va prendre cela, mais je traverse la pièce pour m’installer à côté de lui, sur l’autre canapé, et je tends ma main pour l’entrelacer à la sienne. Mes doigts serrent les siens avec une force dont peu de personnes me savent capables. Ici, compatissante, je suis le roc auquel il a besoin de se raccrocher durant quelques minutes. Si porter un anneau de pouvoir au doigt est être seul pour le restant de sa vie, gouverner d’une main de fer comme le fait Thranduil depuis la mort d’Oropher, son père, est aussi être seul. La perte de sa femme l’a isolé encore plus, et personne aujourd’hui n’est capable de comprendre ce qu’il traverse, ni la dureté des épreuves auxquelles il doit faire face. Gouverner n’est pas une tâche accessible à tous et à toutes, non. Ce ne sont pas les mésententes qu’il faut retenir, Thranduil. Les mésententes font partie intégrante de toute relation. Pour qu’elle se renforce et qu’elle devienne réellement profitable aux deux, il faut qu’il y ait des désaccords et des disputes. Mais il faut aussi que chaque partie sache se remettre en question, et cède sur certains points. Avancer à deux, de concert est la meilleure chose à faire pour qu’aucune force maléfique ne puisse nous briser. En parlant ainsi, j’espère faire comprendre à Thranduil que cette façon qu’il a de rester obnubilé par certains faits du passé et de ne pas pouvoir avancer l’empêche de voir les relations diplomatiques autrement que comme des poids morts qu’il doit porter à bout de bras. Voilà qui doit être fatiguant, d’ailleurs. Un sourire amusé grimpe sur mes lèvres alors que l’image de Thranduil, portant des pierres énormes où sont gravés les noms de ses partenaires commerciaux sur le dos et les épaules traverse mon esprit. Mais, je chasse le sourire rapidement : temps n’est pas venu pour les plaisanteries.

Il y a toujours une issue, mon ami. Mes doigts relâchent les siens et je lui souris tristement. Mon don de double vue est un véritable fardeau. Il me montre tous les avenirs possibles, sans me laisser le temps de respirer. Mais, ce ne sont que des possibilités. Des fragments d’un avenir que nous pouvons atteindre. Je ne vois pas les choix qui nous ont menés jusque-là. Certains de ces avenirs sont joyeux. D’autres sont un avertissement, et ceux-là arrivent surtout peu de temps avant que le monde n’ait a prendre une décision importante. C’est la conséquence de cette décision qui nous orientera dans une direction ou dans l’autre. Je me veux rassurante, mais je ne suis pas tout à fait certaine que mes mots atteignent l’esprit de Thranduil, qui semble véritablement perdu en cet instant. L’histoire est écrite par les vainqueurs, tu le sais aussi bien que moi. Nous devons faire en sorte que ce soit nous, les vainqueurs. Nous avons l’avantage sur nos ennemis : eux ne peuvent pas voir les possibilités du futur. Moi, si. Utilisons cet avantage pour les battre à leur propre jeu et pour façonner l’avenir de manière à ce que tu sache à nouveau ce qu’est l’espoir.

Thranduil attrape alors son verre pour en boire quelques gorgées et je lui souris tristement. Ma main se pose sur son bras une nouvelle fois et je penche la tête sur le côté. L’espoir, c’est savoir continuer à vivre en prenant les bonnes décisions pour soi. C’est savoir avancer quoi qu’il arrive, pour éviter que le passé ne se reproduise. L’espoir, c’est quelque chose qu’on travaille chaque jour. Je crois simplement que tu l’as perdu quelque part au fond de ton cœur. Ouvre la boite. Retrouve-le.

Étouffé par toutes ces vagues d'angoisses et d'inquiétudes, je met le temps avant de me rendre complètement compte du rapprochement de Galadriel ainsi que de sa douce main disposé sur la mienne. Un contact envers lequel je n'y pose aucune objection. C'est comme si d'ailleurs, ce simple contact physique entre sa main et la mienne suffit à apaiser mes douloureuses angoisses. Tel l'effet de la morphine contre la douleur. Noyant mon regard transperçant dans le sien, je l'écoute. En silence. Obnubilé par la finesse et l'efficacité de ses mots. Admirant son infatigable talent à l'apaiser, comme personne. Elle trouvait constamment les bons mots et les bonnes définitions, au bon moment. Un de ses autres nombreux dons. Subtilement, je sers mes doigts entre les siens, le regard légèrement humide. Par pudeur, je baisse la tête et retiens mes larmes. Un Roi ne se doit de pleurer aussi facilement. Bien que trop conscient de ce qui me ronge de l'intérieur. Le problème étant qu'il y en avait peut-être justement un peu trop. A tel point, qu'il m'était impossible de tout contenir, au moindre bouleversement.  

J'avais beau croire aux douces paroles de Galadriel, une part de moi ne pouvait s'empêcher d'aller chercher la petite bête. Sauf, peut-être, après ce flot de paroles. Aurait-elle enfin réussi à me convaincre ? Bien que je manque cruellement de foi depuis la mort de ma Reine, si mon amie croyait en ses dires, peut-être était-ce pour une bonne raison. Redressant lentement le menton, je plonge à nouveau mes yeux dans les siens. Rien n'ébranlait son regard, pas le moindre doute. Elle semblait sur de ses mots, de ses conseils. Me redonnant ainsi un peu plus confiance. Grâce à son appuie, bien qu'il soit de quelques minutes ou secondes, j'y trouvais au moins la force de me relever. J'use quelques instants de ce silence, pour réfléchir à ses mots. Avant de lâcher prise. Enfin. Cela se ressentit d'ailleurs à la pression de mes doigts entre les siens, qui se fit plus léger.

« — Tu as raison. »

Cette boite, il se devait juste de la retrouver. Une bonne fois pour toute. Et il n'y avait que lui et lui seul qui pouvait le faire. Personne ne le ferait à sa place. Et cela lui donnerait au moins un objectif à atteindre. Il avait une confiance aveugle en son amie de la Lorien. A tel point qu'il venait de le lui prouver en cet instant, En acceptant de se laisser voguer, en toute confiance, par ses sages conseils. Bien qu'il lui faudra tout de même un certain temps pour que tout puisse prendre forme dans son esprit et dans ses actes.

« — Pardonnes moi, Galadriel, je ne devrais pas t'épuiser avec mes contrariétés. Tu en as suffisamment comme ça, en plus d'être épuisé par ton voyage. »

J'inspire profondément, avant qu'un faible sourire étire les bordures de mes lèvres. Balayant ainsi cette façade de tristesse occupant mon visage depuis de bien trop longues minutes maintenant. Laissant ainsi place à un regard pétillant d'une reconnaissance sans nom à son égard. Il est vrai que l'arrivée de Galadriel devait être en symbole à la joie et non à la nostalgie ou à la contrariété.

« — J'ai grande hâte que nous festoyons de ton arrivé. Une fois que tu seras plus reposé, bien sûr. J'exige que la Dame de la Lorien soit en grande forme. »

Mon regard ainsi que mon sourire se fit un peu plus malicieux. En effet, je lui réservais quelques agréables surprises lors de cette fête. Bien décidé à ce qu'elle passe un excellent séjour à Mirkwood à nos côtés. Comme à chaque fois.

Un long silence répond à mes paroles et je me penche, sans rien dire de plus non plus, vers la table pour remplir à nouveau mon verre. Je connais Thranduil depuis tant de temps que je ne sais que trop qu’il a besoin de soupeser chacune de mes paroles avant d’être capable réellement de les comprendre et de les accepter. C’est une chose que je comprends, ayant moi-même parfois cette attitude lorsqu’il y a des choses importantes en jeu. Je me contente donc d’être là, à son côté, savourant le vin épicé sans un mot, jusqu’à ce que finalement, sa voix grave vienne rompre le silence. Un sourire rayonnant monte à mes lèvres, alors qu’il m’avoue qu’il se range de mon côté, du côté de la raison et de la sagesse. Je hoche cependant la tête, avec humilité, n’aimant pas rayonner d’autosatisfaction. La suite de sa phrase me tire un second sourire, amusé cette fois. Oh, tu me connais voyons. Si jamais j’étais trop épuisée, je t’aurais simplement planté là pour aller retrouver un vrai lit bien moelleux. Si j’étais plus jeune et moins sage, j’aurais certainement tiré la langue au roi des elfes. Mais, l’âge faisant, je ne peux que rester sage et laisser mon expression amusée parler pour moi. Cependant, il commence à se faire tard, et je vais bientôt commencer à réfléchir au sommeil et au repos, pour être en forme pour le banquet de demain.

Car, si ma nature elfique me rend bien plus résistante qu’un humain, je ne peux nier que mes muscles sont raides, et que la longue semaine de chevauchée aura raison de moi, j’en suis sûre, d’ici une heure ou deux. Tout voyage finit par nécessiter une fin, heureuse de préférence, et pour l’heure ma fin heureuse se trouvera dans un bain, pour me rafraichir et me détendre, puis une longue nuit de sommeil dans un véritable lit, loin de la terre battue des campements. Oh tu exiges ? Réellement ? Je mets mes mains sur mes hanches, joueuse. Et bien, si c’est ainsi, alors je ferais en sorte de dormir aussi peu que possible cette nuit pour y arriver avec des cernes jusqu’au milieu des joues, les traits tirés, et une robe pas repassée. Vous ai-je dit que la taquinerie était quelque chose qu’on se transmettait de génération en génération dans la famille ? Mon père était lui-même très taquin, en plus d’être particulièrement aimant et protecteur avec moi, sa petite dernière. Célébrian n’était pas en reste, et pour finir, Elladan et Elrohir ont hérité du trait familial et se sont forgé une belle réputation de coquins autour des Terres du Milieu. Et, tout ça, c’est de famille. Si aujourd’hui j’ai parfaitement su le cacher, je laisse parfois ressortir l’enfant taquine que j’étais autrefois. J’ai cependant hâte de voir ce que tu me prépare cette fois-ci. Les feux d’artifice de mon dernier séjour étaient magnifiques. Je me doute que tu as du faire venir la poudre explosive de très loin, d’ailleurs. Un sourire monte à mes lèvres. Pour être franche, je me suis demandé durant quelques mois s’il n’avait pas été jusqu’à cambrioler Gandalf pour obtenir ces feux-là.

Un rire des plus sincères et chaleureux sortit du plus profond de mes entrailles, face à l'humour de cette chère dame de la Lorien. Ne me lassant décidément pas de son humour ainsi que de son talent à jouer le jeu et à rendre encore plus drôle ce qui l'était déjà. Ou pire encore, ce qui est censé être sérieux de base. Un peu de rires après tous ces tourments et inquiétudes ne pouvaient nous faire, tant à l'un qu'à l'autre, le plus grand bien. D'ailleurs, c'est une mine beaucoup plus lumineuse et naturelle qui rayonnait sur ma figure. Me mettant à imaginer Galadriel avec une mine affreuse et une tenue des plus négligée. En quelque sorte, sous l'allure d'une elfe zombifié. Ce qui est totalement improbable, bien sûr. Depuis le temps que nous nous connaissons, je n'ai jamais vu un seul faux plis chez elle. Même en pleine bataille, elle saurait garder toute sa classe et son élégance. Une grâce, qui, en quelque sorte, nous colle à la peau à nous les elfes. En toute modestie.

« — Ne dis pas de bêtises, toi-même ne le supporterais pas. Et puis, je m'en voudrai que tu effrayes tous les jeunes enfants de mon Royaume à cause de tes horribles valises... »

A nouveau, je ricane joyeusement, comme rarement je le fait. L'atmosphère était redevenue bon enfant et j'en savourai pleinement ce plaisir. Sachant que ces petits instants pouvaient s'éteindre si facilement, en un instant. Mes tristes expériences m'avaient au moins appris à savourer plus pleinement l'instant présent, malgré notre interminable existence. Qui nous empêche parfois, quand on est encore insouciant, de profiter pleinement du présent. Je suis heureux de percevoir l'impatience de Galadriel concernant la fête du lendemain. Sachant que, comme toujours, je m'étais effectivement donné beaucoup de mal pour la combler, ainsi que pour combler mon Royaume. N'étant pas du genre à faire les choses à moitiés, peu importait parfois la raison de la fête, je m'y adonne plus que pleinement.

« — Je suis heureux que le dernier t'ait plu, en plus d'avoir su titiller ta curiosité. Hélas, bien que j'en sois navré, je ne tiens pas à te révéler le secret de ma recette de fêtes bien réussies. Au risque de leur faire perdre tout de leur charme. Ou pire encore, que ça n’atterrisse malencontreusement dans l'oreille d'un quelconque concurrent... »

Encore une fois, je la taquinais un peu. Je n'avais rien de spécial à lui cacher, hormis peut-être l'endroit où je me fournissais pour les feux d'artifices. Hormis cela, c'était principalement les prestigieux musiciens de mon Royaume, les principaux éléments de tout ce charme. Dont je suis particulièrement fier d'ailleurs. Et en parlant de concurrent, je pensais principalement à Elrond, qui se débrouillait aussi très bien en matière de festivité. Lentement, je me rapproche de Galadriel avant de traverser lentement et tranquillement la pièce à ses côtés, prenant la direction de ses appartements.

« — J'espère que tu apprécieras tout autant le confort de tes appartements et que celui-ci te fera oublier l'inconfort de ton voyage. Comme toujours, si tu as besoin de quoi que ce soit, tu sais quoi faire... »

Son rire est communicatif. Voilà longtemps que je ne l’avais vu aussi détendu, et je dois avouer que c’est un véritable plaisir de le voir ainsi. Il est bien loin des rides qui lui mangeaient le front quelques minutes auparavant, et de tous ces soucis qui l’empêchaient d’être réellement concentré sur l’instant présent. J’aime savourer le présent, cette minuscule seconde qui fait que nous vivons dans un moment ni futur ni passé, et qui déjà, à l’instant où on réalise qu’il est là, est déjà parti. Oui, c’est le moment le plus agréable de ma longue vie, bien loin de la nostalgie de mes souvenirs et de cette façon que je peux parfois avoir de les ressasser encore et encore. Le temps est simplement venu d’être moi, de redevenir cette enfant taquine que j’étais à l’aube de mon existence, bien avant que les âges ne viennent m’apprendre l’humilité et la sagesse. Oh, tu sais ce qu’on raconte sur moi, mon ami. Je m’interromps, un sourire malicieux sur les lèvres et lève un doigt. Je suis une affreuse sorcière elfe, capable de manipuler l’esprit des gens et de rendre doux comme un agneau le plus féroce des nains. Je mets alors mes mains sur mes hanches. Qui sait ? Peut être ai-je simplement envie de ressembler à une sorcière telle que les humains se la représentent. Un rire monte à ma poitrine, et je le laisse éclater dans la pièce, qu’il emplit de joyeux trilles. Peut-être devrais-je faire peur aux enfants de ton royaume. Peut être… Oui, peut être devrais-je leur apprendre à me craindre. Car après tout, qui sait si tout ceci est vrai ? Ou faux ?

Néanmoins, au vu de la fête qui est prévue, je dois avouer que je suis impatiente. Impatiente de voir ce que Thranduil m’a préparé. Impatiente de voir ce qu’il se passera. De goûter ces mets que je sais d’avance qu’ils seront parfaits. Assaisonnés exactement comme je les aime. C’est à se demander si Thranduil ne m’emprunte pas mon cuisinier préféré pour venir aider à préparer le repas à chacune de mes visites chez lui ! Vraiment, je vais finir par me poser des questions. Est-ce moi que tu traites de concurrent ? Allons, tu sais très bien que j’aurais trop peur de mettre le feu à mes mallorns pour y faire tirer des feux d’artifice ! Je ris encore une fois, avant de soupirer un peu. Le temps me semble venu de prendre congé et d’aller me reposer quelques heures. De longues heures, à mon humble avis. J’espère que personne ne viendra me réveiller au beau milieu de la nuit pour une raison ou pour une autre ! Mais, en ces lieux ce serait étonnant. Nous nous levons donc, et mon ami me conduit jusqu’à mes appartements, comme à chaque fois que je viens passer quelques semaines ici. Il me semble que c’est devenu l’une de ces petites traditions qui, si jamais elles venaient à disparaitre, me manqueraient. Je m’accroche parfois un peu trop aux petits rituels, aussi simples ou idiots soient-ils. Oh, si j’ai quoi que ce soit à redire, ce qui m’étonnerais, je viendrais te réveiller au milieu de la nuit en criant devant ta porte pour te punir. Comme toujours. Je ris encore une fois, et une fois arrivée devant les appartements qui me sont destinés, je serre Thranduil contre mon cœur, un sourire sincère sur les lèvres. Merci encore de m’accueillir par ici, mon ami.

Inlassablement, nos rires raisonnent joyeusement dans la pièce avant d'en faire de même dans le couloir menant à ses appartements. Galadriel avait véritablement le don de savoir me faire profiter de l'instant présent. Un bien, qui m'étais nécessaire, auquel cas, je pouvais sombrer beaucoup trop facilement et rapidement dans cette éternelle déprime du passé ou d'un futur totalement incertain. Chaque visite de la Dame de la Lorien à Mirkwood, était comme une bonne semaine de vacances bien méritée. Raison pour laquelle, je ne voulais donc plus rien gâcher et simplement profiter. Je prends donc le temps de l'imaginer en méchante sorcière, effrayant les pauvres enfants de mon Royaume. Tandis qu'au lieu de les protéger, je m'en amuse sournoisement, main sur ma bouche qui cacherait un rire quelque peu diabolique. Il est vrai que quand elle le voulait, Galadriel pouvait faire peur. J'étais bien heureux, dans ces moments de rages et de colère, de ne pas être un orc ni un quelconque autre monstre ou créature lui barrant la route.

Comme je m'en serai douté, la grande elfe entre dans le jeu suite à ma fausse accusation. Evidemment que j'avais parfaitement idée et souvenir qu'elle n'avait que faire de la concurrence ou de la superficialité d'une fête. Une nouvelle vague de bien être m'envahis à ce nouveau fou rire, qui me recharge en énergie positive et en joie de vivre. Ce dont, j'avais cruellement besoin, il faut l'avouer. Je prends le temps de raccompagner Galadriel jusqu'à ses appartements, inspectant très furtivement ces derniers, afin de m'assurer que tout soit en ordre. Même si, je ne doute pas un seul instant des compétences de mes serviteurs. J'aimais juste m'assurer que tout soit parfait, pour mes proches. Puis, une fois de plus, la répartie de Galadriel me fait rire. Cela n'était encore jamais arrivé, qu'elle débarque ainsi que milieu de la nuit, mais je savais que ça devait arriver, elle en serait capable et que je passerai un sale quart d'heure.

« — J'ai plutôt intérêt à me tenir prêt, dans ce cas. »

Je lui offre donc le plus chaleureux et sincère des sourires, avant de prendre mon amie dans mes bras. La serrant dans une tendre accolade, mélangée à de la gratitude. Elle ne devait pas avoir la moindre idée de tout ce qu'elle arrivait à m'apporter et de l'importance rare qu'elle a à mes yeux. Mais tout deux, avions notre pudeur.

« — Tu seras toujours la bienvenue ici. Tu es chez toi. Reposes toi bien, mon amie. »

Main sur le cœur, je la salue une dernière fois comme il se doit. Avec cette grâce et ce respect qui nous caractérise bien, avant de tourner les talons et reprendre également le chemin de mes appartements.