Une traque...inattendue ! [Aetheron] TERMINÉ

♦ Malgré les nuages menaçant qui ne présageaient rien de bon, Aetheron s’était levé avec l’inébranlable conviction de ramener un butin considérable pour en impressionner plus d’un. Cela faisait maintenant un peu plus d’un mois qu’il était revenu de l’un de ses voyages, et ne ressentait aucunement l’envie de quitter son domicile une fois de plus pour vagabonder dans sa contrée natale, bien que le désir de reconnaissance se faisait de plus en plus intense. Les années s’additionnant à son âge renforçaient encore et toujours son souhait le plus cher. Mais il n’était pas question de traiter ce sujet aujourd’hui. Cela ne ferait qu’encombrer son esprit de pensées irrationnelles et raviver quelques sombres souvenirs. Et surtout lui faire perdre la notion du temps. Certains sujets, tels que celui-ci, étaient bien capables de l’occuper plusieurs heures, pensant cogiter seulement une trentaine de minutes tout au plus, alors qu’il était question d’une toute autre unité de temps.

Ces derniers jours, Aetheron subissait une recrudescence  de remarques désobligeantes en provenance de sa mère. Étant très réceptif et attentif aux reproches de ses proches auxquels il accordait une attention particulière, cela affectait son moral à un point qu’il n’aurait pas espéré, tentant néanmoins de ne laisser filtrer aucune émotion. Il ne supportait pas de voir l’unique personne ayant toujours été aimable envers lui changer soudainement d’attitude. Tant il était tourmenté, Aetheron avait imaginé plusieurs scénarios pouvant justifier un tel comportement. Peut-être sa mère tentait-elle de le faire réagir, de le pousser à réaliser quelque chose de grandiose, une sorte de motivation afin d’assurer son avenir et de lui forger une renommer, en le rabaissant constamment ? Même s’il désapprouvait du tout au tout cette machination, nôtre archer préférait conserver cette image de sa mère. Ou bien l’âge commençait à lui jouer des tours ? Aetheron, dubitatif et exaspéré par tant de questions sans réponse, décida de s’isoler dans les bois, en aval d’un petit ruisseau, des chemins sinueux le menant vers une montagne peu imposante.

Même si l’atmosphère était humide et peu propice à une balade —du moins, celles qu’il avait l’habitude de faire—, le jeune Ysgramor attrapa son arc et fourra une vingtaine de flèches qu’il avait confectionnées la veille dans son carquois. Ce carquois de cuir, cousu trois décennies auparavant par sa mère, offert pour son père, orné du blason du Rohan, et marqué par quelques paroles du géniteur d’Aetheron. Un élan de nostalgie, de mélancolie et d’amertume s’empara de son esprit, assombrissant ses pensées. Son côté pessimiste semblait avoir pris le dessus. Peut-être que les intempéries avaient un effet néfaste sur son état, assez peu stable ces derniers jours. C’était l’une des principales raisons à son enfermement subit. Il préférait être cloîtré chez lui plutôt que de dévoiler cette face qu’il s’efforçait de cacher. Une homosexualité, des peurs jugées futiles et infondées, une mère peu compréhensive. Le pauvre homme avait l’impression que le destin s’acharnait sur lui.

Il s’attela à claquer la porte, essayant de transmettre ces sentiments désagréables dans un ultime effort. Aetheron voulait s’abandonner parmi les arbres, respirer l’humus mêlé aux pétales de fleurs, l’écorce trempée par la pluie de la veille qui coulait encore sur les feuilles vertes des arbres en pleine santé. Rentrer dans son élément et se laisser transporter par le calme et la béatitude que lui procurait ce lieu. Quelquefois, il reconnaissait les passages dits « secrets » de son paternel qu’Aetheron empruntait avec lui, entre deux rochers aux formes singulières ou un tronc étonnamment creux et suffisamment gigantesque pour permettre à un homme d’y pénétrer. Il passa sa main au niveau de sa ceinture. Sa bourse, sa dague, une clef de fer. Durant un instant, il avait eu peur d’avoir quitté son domicile sans moyen de défense au corps-à-corps. Le  jeune homme d’Underharrow s’était accroupi et passait la main sur une motte de terre fraichement relevée. Quelqu’un ou quelque chose était passé par ici récemment. Une proie sans doute rapide et assez massive, étant donné la profondeur de l’empreinte, ce qui laissait suggérer que ladite chose possédait une force assez surprenante. Aetheron connaissait très bien ses sensations. Et cette petite tremblote qui l’empêchait de maintenir ses mains immobiles le laissait penser qu’une fois face à l’être qui avait laissé ces traces, il serait probablement tétanisé. Mais l’heure n’était pas à la cogitation. Malgré la brume qui s’était installée et qui semblait s’intensifier au fur et à mesure que le soleil montait dans les cieux, Aetheron partit à vive allure, poursuivant les indices laissés par la bête.

Un quadrupède, une sorte de loup. Sans doute chevauché, car sa faculté à esquiver les buissons et troncs était remarquable. Mais quelle sorte d’être pouvait bien surmonter cette monture ? Aetheron n’avait pas assez voyagé pour pouvoir déterminer quelle race montait telle moyen de déplacement. Mais il savait que ce n’était pas humain. Tout ce qu’il espérait, c’était qu’il ne tombe pas dans une embuscade d’orcs ou toutes autres viles créatures. Il perçut un bruit singulier, qu’un petit animal résidant dans ce bois n’aurait pas pu produire. Une sorte de grognement rauque désagréable qui hérissa ses poils. Aetheron déglutit, une goutte de sueur dégoulinant le long de son front et s’écrasant sur son bras avec lequel il maintenait fermement une flèche. Il était prêt à la décocher dans n’importe quelle direction, espérant juste que son agilité le lui permette tant ses muscles étaient contractés sous l’angoisse.

Soudain, une ombre bondit à sa gauche, se faufilant parmi les racines qui formaient des abris fiables contre les flèches. Mais c’était sans compter sur un homme d’une épatante précision, décuplant ses capacités lorsque la situation le forçait à faire appel à une concentration extrême —situation qu’il haïssait, car elle était bien souvent suivie par une retombée d’adrénaline insupportable. Ainsi, Aetheron anticipa le saut, bien que furtif, de sa bête noire, et lui planta une flèche dans le flanc. Elle se fracassa au sol dans un brouhaha qui provoqua une envolée d’innocents oiseaux. Puis il aperçut cette paire d’yeux rouges, inhumains. Cette peau ridée, flasque, orangée. Cette mâchoire aux crocs acérés et cette odeur de sang. Il trébucha, s’accoudant au sol. Impossible d’effectuer le moindre mouvement. Durant dix bonnes secondes qui lui parurent une éternité, l’archer fixa cette silhouette dont il ne comprenait ni le fond ni la forme. Puis il se releva, et effectua quelques enjambées afin d’atteindre et de pouvoir grimper dans l’arbre le plus proche. Aetheron jeta un vif coup d’œil à la scène qui s’offrait à lui.

Un cadavre de warg ensanglanté, une flaque de liquide rougeâtre se mêlant aux feuilles jusqu’alors immaculées de vert, et un Elfe. Un Elfe ? Où était passé cet être à l’odeur putride et à l’aspect immonde ? Cette chose qui avait éveillé en lui effroi et incapacité à se déplacer. Aetheron perçut ce qu’il interpréta un juron de la part de l’Elfe, jugeant d’après le ton qu’il avait employé. Elle, plutôt, car il avait en face de lui une femme à la chevelure d’un blond platine et d’une longueur étonnante. Il quitta l’arbre où il s’était réfugié en derniers recours —et c’est à ce moment précis qu’il réalisa que la panique pouvait faire faire tout et n’importe quoi, car l’orc aurait très bien pu attendre patiemment qu’il redescende pour l’achever, ou pire encore, aller le chercher parmi les feuillages et lui arracher les tripes— et accourut auprès de l’Elfe. En réalité, il voulait tout simplement récupérer sa flèche. Aetheron s’approcha lentement, les mains en évidence, afin de prouver qu’il ne voulait en aucun cas lui nuire. Il ne pouvait distinguer si de la méfiance, de la haine ou de la pitié se lisait dans les yeux de l’Elfe. Son arc était bandé, elle était prête à tirer. Peut-être pourchassait-elle aussi cet orc ? Il fut étonné par la beauté et le travail de professionnel de son arme. Il la fixa, et leva une main. Il voulut la toucher, mais se ravisa, omettant qu’il n’avait pas à faire à un humain. Et même si Aetheron agissait en tout pacifisme, il avait la gestuelle et le regard d‘un homme coupable. On lui faisait souvent cette remarque. Mais la terre qui enduisait son pantalon et sa chevelure trempée par la sueur elle-même provoquée par l’anxiété prouvaient bien qu’il n’était pas un être perfide, assoiffé de sang, cruel et vicelard. Ignorant si l’Elfe parlait le même langage que lui, il prit l’initiative d’engager une conversation, une main posé sur le torse, et l’autre levé, son arc fixé à son dos.

« Je suis Aetheron Ysgramor, d’un petit village non loin, Underharrow. Je.. Euh. Je suis désolé si vous traquiez cette proie je n’avais, ahem… Aucune envie de la tuer je, j’ai cru qu’elle allait m’attaquer et. Il y avait cet orc qui la chevauchait et j’ai pris peur. Acceptez mes sincères excuses, Elfe ».

♦ A peine Aetheron eut terminé sa phrase qu'il n'accorda pas même un regard à l'Elfe et se pencha afin de saisir la flèche fermement plantée entre deux côtes de l'animal. Il n'avait pas cherché à formulé une phrase empli de bon sens et témoignant sa sympathie. Il ne voulait pas s'attarder dans ce bois à la luminosité variable. Tantôt, quelques rayons filtraient parmi les épais feuillages, et offraient une clarté réconfortante, tantôt un nuage chassait tout espoir de voir à quelques mètres de soi. Et bien que le chasseur d'Underharrow était habitué à côtoyer des lieux dépourvus d'activités humaines, il ne pouvait s'empêcher de sursauter au moindre bruit suspect. La tension qu'avait installé cette rencontre forte en émotion avait laissé Aetheron sur le qui-vive.

Un pied posé sur la carcasse, il extirpa non sans labeur la flèche. Sa pointe était enduise de sang chaud. Quelques gouttes filèrent à tout allure et atteignirent sa main, continuant leur course effrénée sur son bras. Aetheron lutta pour ne pas réprimer un gémissement de dégoût, sentant d'ores et déjà le regard dépité de l'Elfe sur ses épaules. Il était très probable qu'il ne revoit plus jamais cet être dont l'apparence ne lui avait été que narrée dans des histoires, ne s'étant jamais aventuré au-delà des limites du Rohan. Quand bien même il le savait, il en avait plus qu'assez de souiller les idéaux des fiers hommes de sa province, comme on lui répétait souvent. Aetheron voulait faire bonne impression, prouver que les rumeurs peu glorieuses des humains, propagées un peu partout dans la Terre du Milieu étaient majoritairement fausses. Mais pas non plus instaurer des images machistes dans l'esprit des autres races la peuplant, ou tout autre comportement indigne et révoltant.

Ainsi, Aetheron s'empressa de la ranger parmi les autres flèches de son carquois. Il passa la main sur son visage, désireux d'une seule et unique chose à l'instant même : quitter ce bois et retrouver son domicile, s'installer auprès du feu, quitte à revenir bredouille. L'Elfe le toisait. L'archer n'en pouvait plus de se sentir dévisager de la sorte. Où qu'il aille, le pauvre homme était victime de regards réprobateurs, comme pour dénoncer son manque certain de courage. Peut-être avait-il semblé niais dans ses paroles. Il n'y avait guère prêté attention. Mais les propos tenus par l'Elfe répondirent instantanément à son questionnement.

« Si vous n’êtes pas capable de prononcer deux mots clairement sans bégayer, il serait préférable de vous taire. Quelque soit ce que vous pourrez dire, ça ne changera rien, il est mort et c’est indéniablement de votre faute. »

Ce ton qui se voulait supérieur, cette attitude affligeante. Aetheron eut quelques remords lorsqu'il songea au ton qu'il avait utilisé pour s'exprimer. Peut-être aurait-il été plus sage d'user d'une intonation stricte, arrogante ? Même si cette pensée lui avait effleuré l'esprit quelques minutes auparavant, il n'aurait certainement pas pu agir de la sorte. Et quelquefois, il s'en mordait les doigts. Être agressif était souvent plus conseillé que d'adopter ces réactions d'homme soumis, comme Aetheron le faisait si souvent.

Encore abasourdi par cette réplique violente, il ne savait que répondre. Et, comme si l'Elfe savait que l'homme cherchait une réponse, elle répliqua :

« Ne m'appelez pas Elfe. Quant à vos excuses, je n'en veux pas. »

Soit. Ridicule du début à la fin. Même dans des situations mouvementées, où Aetheron pensait avoir bien agi, tout semblait avoir planifié une machination diabolique afin de lui donner l'allure d'un enfant incapable de réaliser quelque chose de remarquable. Il était conscient que la plupart du temps, une remise en question de sa propre personne était inévitable. Mais il avait beau se retourner les organes cérébraux, il ne parvenait pas à trouver le motif d'un tel échange brutal. Après tout, il avait défendu son territoire ? Les histoires des Elfes n'avaient rien à faire sur les Terres des Hommes. Si elle parlementait d'un ton si sûr et professionnel, comment avait-elle pu raté sa cible ? Aetheron l'avait eu en une flèche, sous angoisse. Tout reproche semblait peu propice à la situation. Mais ne souhaitant en aucun cas envenimer la situation, il se contenta de soupirer le plus silencieusement possible, encaissant les remarques. Il en avait accumulé tout un tas, en passant par des locutions sans queue ni tête. Il aurait même pu toutes les regrouper en un ouvrage et le nommer : "Insultes reçues de toute une vie".

L'Elfe semblait perdue et hésitante. Aetheron l'avait sans doute mise dans une situation délicate. Tant mieux. Pour une fois, il ne ressentait aucun malaise à embarrasser quelqu'un.

« Je suppose que vous n'avez pas vu dans quelle direction l'orc est parti...? »

Quel retournement de situation. Comment Aetheron devait-il réagir ? Était-ce un simple essai pour engager une conversation, ou bien une question sans importance pour récolter les quelques informations qui pourraient aider l'Elfe à retrouver la trace de l'orc et partir précipitamment ensuite ? A bout, l'esprit plein de réflexions aussi différentes les unes que les autres, Aetheron ne put s'empêcher de rétorquer :

« N'est-ce pas préférable que je me taise, Elfe ? Et si vous n'appréciez guère cette appellation générique, auriez-vous l'amabilité de me révéler votre nom ? Ou serait-ce trop demandé de la part d'un homme susceptible de vous aider à mener à bien votre quête ? »

Fier de sa réponse, Aetheron s'adossa à une racine non loin de lui, fixant son interlocutrice d'un regard qui ne se voulait ni provocateur, ni pitoyable. Si l'être qu'il avait en face de lui acceptait de sortir de cette carapace protectrice, responsable de ces paroles vexantes, peut-être qu'il songerait à rester à ses côtés pour retrouver l'orc.

Mais, que venait-il de s'imaginer ? Lui, dans un bois mystérieux —bien que connu de long, en large et en travers—, accompagné d'une inconnue, traquant une bête sanguinaire sans scrupule ? Aetheron frissonna. Dans quoi voulait-il s'embarquer ? Il jeta un coup d'oeil à cet arc elfique sublime, à l'Elfe qui semblait douée. Un binôme prometteur ; deux archers. Il n'avait plus rien à faire, en dépit de la maltraitance dont il était victime à Underharrow.

Aetheron se redressa, un sourire malicieux aux lèvres —censé induire en erreur l'Elfe, car il n'était pas du tout confiant en réalité. Il mit sa main sur la corde de son arc qui entourait son buste.

« Je n'ai pas pu déterminer avec précision sa direction, mais il ne m'a pas suivi, et ne s'est pas dirigé vers vous. Ce qui nous laisse deux points cardinaux : Nord et Ouest. Et à en juger par les empreintes laissées dans la boue, il semblerait que l'orc ait décidé de partir vers le Nord. »

Nôtre humain poussa quelques ronces qui dévoilèrent des traces de pas précipités, rapprochées. Espérant un comportement plus honorable de la part de l'Elfe, Aetheron poussa le cadavre de warg pour la laisser progresser dans cette masse de végétation. Il avait fini par prendre l'habitude d'orienter les altercations vers une relation positive.

♦ L’elfe s’était finalement résignée à dévoiler son identité. Un nom aux consonances étrangères qui n’interpella néanmoins pas Aetheron. Il était tout simplement fasciné par cet être qui représentait pour lui, en quelque sorte, l’intendant du peuple elfique, puisqu’il s’agissait là de l’unique individu de cette race qui lui avait été donné de rencontrer.

Aux premiers abords, malgré son teint pâle, nôtre humain avait pensé être confronté à l’un de ses congénères. Bien avant d’apercevoir cette paire d’oreilles pointues qui lui révéla sa nature réelle. Et cela n’était pas pour lui déplaire. Aetheron n’était peut-être bon connaisseur des légendes de sa propre contrée, il était incapable de renseigner qui que ce soit à propos des régions frontalières. Ainsi, rentrer en contact avec l’un des habitants —ou plutôt archer— de Mirkwood était pour lui chose extraordinaire. Lui qui n’aurait sans doute jamais franchi les limites du Rohan était conquis par les évènements, et serait très probablement comblé s’il n’avait pas eu à tenir tête à un orc. Bien que sachant que sans cet être infâme, cette situation n’aurait jamais eu lieu.  Et même si son homosexualité poussait son cœur vers les hommes, il admettait que les femmes elfiques possédaient une beauté indéniable —contrairement à leurs hommes qui le répugnaient au plus haut même, et cela même s’il ne connaissait leur physionomie que par croquis.

Aetheron avait discrètement jeté un coup d’œil à l’équipement de Luthien. Il avait distingué une dague à sa ceinture, descend d’un tout autre savoir-faire. Alors que la sienne était prédestinée à déchirer la peau, dépecer et tronçonne, celle de l’elfe était lisse, aiguisée. Son tranchant ne pouvait être remis en question. Aetheron pouvait s’estimer heureux d’échanger avec un elfe serein et calme —du moins en apparence. Auquel cas, il serait peut-être en train de gésir au sol, la gorge ouverte, son sang se mêlant à celui du warg, s’étouffant avec son propre liquide vital.

Cette idée le troubla. Il tenta de maintenir son calme apparent, mais son regard fuyant et sa respiration saccadée trahissaient son tumulte intérieur. Aetheron agrippa son arc d’une poignée sûre, comme si un quelconque danger le menaçait et planait autour de lui et de l’elfe.

Malgré l’attitude déplaisante de Luthien quelques minutes auparavant, elle s’exprimait désormais de façon plus ou moins amicale. L’archer d’Underharrow en était satisfait. Loin de lui l’idée d’entretenir d’étroites relations avec quiconque, même un étranger. Il tenait d’ailleurs à s’excuser de ses réponses virulentes. Tonalité qu’il n’arborait que très rarement, voir jamais. L’elfe ne semblait toutefois pas lui en tenir rigueur. Soit. Tout était arrangé et, à l’opposé de ses précédentes pensées, il n’était plus question de rebrousser chemin. Plutôt endurer le pire que de subir d’autres reproches blessants. Du moins, Aetheron ne s’en sentait pas capable pour l’instant.

Luthien n’était pas au courant de sa thanatophobie. C’est donc tout naturellement que, lorsqu’elle évoqua le danger toujours rôdant, le jeune homme sentit le sol se dérober sous ses pieds. Et si l’orc lançait un subit assaut, conscient de ses minces chances de survie, dans le simple et unique but de le tuer ? S’il était épaulé par une escouade ? Aetheron ne voulait pas mourir. Ce monde avait tant de nouvelles choses à lui montrer, il ne connaissait même pas la moitié des merveilles de sa province. Et Luthien. Il ne connaissait pas cet elfe, et une certaine réticence l’empêchait de se comporter comme s’il la considérait comme une égale, et ainsi lui démontrer son respect. Mais qu’elle soit blessée, ou pire, morte, le chagrinerait tout de même. Surtout qu’il ne pourrait s’empêcher de porter ce lourd fardeau sur ses épaules. En réalité, il ne savait même pas si les elfes pouvaient périr. Aetheron avait eu vent de leur immortalité, mais ne saisissait pas ce concept. Un jeune homme incrédule…

Perdu dans ses pensées, il faillit ne pas percevoir l’excellente remarque de sa camarade. L’orc était blessé, le pister serait donc chose simple. D’autant plus que les deux archers semblaient doués et complémentaires. Et surtout, côtoyer quelqu’un qui n’omet aucune remarque à tout bout de champ est très agréable, mais malheureusement peu habituel. Seule une atmosphère professionnelle se faisait ressentir. Aetheron s’en contenterait.

Ainsi, il adressa à son tour  un regard à Luthien, et passa devant, suivant la voie qu’il avait suggérée plus tôt, tentant d’apercevoir les gouttelettes de sang disséminées çà et là. Il n’y en avait que très peu, mais suffisamment pour permettre aux deux traqueurs de ne pas s’écarter de la piste principale.

La forêt était silencieuse. Les oiseaux avaient cessé de chanter. Tout semblait figé. Seuls les bruits de pas et de courts d’eau retentissaient et venaient briser le calme majestueux qui régnait. Quelquefois, des empreintes de pas peu distinctes étaient reconnaissables. Mais elles devenaient si rares qu’il était presque impossible de se diriger en se basant uniquement sur elles.

Alors qu’Aetheron s’évertuait à écarter quelques hautes-herbes, une brise fraîche lui caressa le visage, suivie d’une odeur nauséabonde. Il tenta de conserver une allure imperturbable. Un haut de cœur affreux s’empara de son estomac. Il grimaça, puis s’empressa de progresser dans ce ramassis végétal. Comme il l’avait deviné, un cadavre d’animal reposait au sol. Un jeune lièvre —assez volumineux—, le ventre ouvert, quelques marques de morsure sur le corps. Il n’était pas dépecé et on devinait facilement que la chose qui l’avait mangée n’était pas très fûtée. Les orcs mangeaient apparemment réellement tout et n’importe quoi. Mais ce n’est pas ce régime extraordinairement dégoûtant que nota Aetheron.

« L’orc est parvenu à attraper et tuer cet animal qui semble jeune et en pleine santé.  Je suppose qu’il n’est donc pas grièvement blessé, auquel cas il n’aurait pas pu chasser. Depuis combien de temps traquez-vous cet être immonde ? Il paraît plein de ressources pour un orc ». Aetheron marqua une pause, levant les yeux au ciel, profitant des quelques rayons de soleil. « Pensez-vous qu’un regroupement d’orc se situerait non loin ? Il a l’air sûr de son chemin. Il ne dévie de sa trajectoire que pour éviter quelques obstacles volumineux, et revient systématiquement sur le même chemin ». Il espérait réellement que cette hypothèse saugrenue ne soit que le fruit de son imagination. « Peut-être devrions-nous accélérer notre cadence. J’ai bien peur qu’il ne nous échappe… »

Aetheron interrompit sa phrase et fixa sa partenaire. Il se releva dans la plus grande discrétion, scrutant la partie du bois d’où provenait cet étrange cri, mêlé à un bruit de métal s’entrechoquant. Il progressa parmi les troncs d’arbre et les racines qui se faisaient de plus en plus imposants. Il avançait au pas de course, à la fois curieux et effrayé. Son cœur battait la chamade, mais l’excitation lui procurait une sensation qu’il ne ressentait pas habituellement. Il jeta un vif coup d’œil derrière lui, s’assurant que Luthien le suivait toujours. Aetheron lui adressa un sourire chaleureux, puis banda son arc. Une odeur âcre s’empara de ses narines, et il aperçut bientôt une marre de sang autour d’un piège. Ce genre d’outils utilisés par les chasseurs feignants. Quelque chose le laissait penser qu’il ne s’agissait pas d’une bête sauvage quelconque. Il avait très nettement entendu ce piège se refermer, et il était miraculeusement ouvert. Seul l’orc possédait une force adéquate à ce genre de situation.

Aetheron était nerveux. Il pouvait être n’importe où, bien que blessé, prêt à tuer.

« Nous sommes tout proche, Luthien. Il n’ira pas très loin dans cet état. Et je sais que ce n’est pas réellement le moment pour bavarder, mais je tiens à m’excuser si mes paroles vous ont paru arrogantes tout à l’heure ».

Il craignait une réponse cinglante de la part de l’elfe.  

♦ Aetheron jetait de vifs regards dans toutes les direction. Il ne voulait pas laisser passer un quelconque indice. L'incident rencontré une bonne heure auparavant était de sa faute —bien qu'involontaire. Il se sentait dans l'obligation d'aider l'Elfe à remplir sa quête. Mais il ne s'était jamais enfoncé aussi loin dans ce bois. Il n'était pas en mesure de déterminer la faune environnante, ce qui formait une donnée en moins, et donc une frustration supplémentaire.

Évidemment que Luthien ne pouvait pas détenir d'informations précises concernant ces lieux, elle n'était pas originaire de ce territoire. Nôtre archer tournait peu à peu au ridicule, tentant en vain de faire bonne impression et de conserver son sérieux, interrogeant sa camarade de quelques questions absurdes. Pour l'instant, il s'était suffisamment bien comporté et n'avait pas subi de désagréables remarques. Mais un tel silence pouvait être synonyme d'insulte bien pire que celles promulguées à l'oral. Peut-être était-il si imbécile que l'Elfe refusait catégoriquement de gâcher de la salive en lui adressant la parole, même si ses actes démontraient en partie le contraire. Aetheron accordait vraiment une trop grande dimension au regard des autres.

Luthien n'avait pas semblé accorder une importance particulière à la dernière question de l'homme. Elle s'était contenté de le fixer, les sourcils arqués, ne semblant pas saisir ses propos. Aetheron avait précisément ressenti une sorte de honte, un mal être soudain. Pourquoi devait-il toujours laisser ses idéaux passer devant lui dans quelconque situation ? Certes, entretenir de bonnes bases avec n'importe qui était un choix très sage, mais il n'avait pas besoin pour autant de dévoiler ses états d'âme à tout bout de champ. Plus la situation avançait dans le temps, plus le jeune humain sentait un poids détestable s'installer sur sa conscience.

Aetheron plissait les yeux, chassant un rayon solitaire qui le malmenait. Voir à travers la brume dans de telles conditions relevait de l'impossible. Alors qu'il était perdu dans ses réflexions, il perçut la voix perçante de l'Elfe s'élever soudainement :

« Non, en effet, ce n'est pas l... ATTENTION ! »

Le pauvre homme se retrouva plaquer au sol par Luthien, la respiration rompue. Une douleur lui lacéra le crâne, brouillant sa vision : sa tête avait heurté une pierre. Instinctivement, il la pressa de sa main droite, incapable d'analyser quoique ce soit avec clairvoyance.  L'Elfe semblait en état d'alerte, tous ses sens réquisitionnés pour passer maître de la situation. Aetheron, encore une fois, se retrouvait en posture pitoyable. Lorsqu'il reprit entièrement le contrôle de tous ses sens, il se releva, aidé de l'Elfe qui lui adressa alors un regard grave, et comprit ce qui venait tout juste de surgir à quelques mètres d'eux, en leur direction : un couteau, désormais fermement planté dans l'arbre situé derrière l'homme d'Underharrow. Si Luthien n'avait pas été d'une telle dextérité, il serait probablement en train d'agonir au sol, une arme blanche enfoncée dans son front, ruisselant de sang. Il chassa ces images malsaines de son esprit déjà atteint par les événements de la journée, et se focalisa sur l'orc lâche les toisant d'un regard provocateur qui se voulait supérieur. Sa blessure était affreuse à voir ; plusieurs plaies béantes laissant une marre de liquide rougeâtre s'échapper. Il allait sûrement mourir si sa jambe n'était pas soignée dans les plus brefs délais, et Aetheron avait très bien compris que sa survie était un enjeu majeur pour la réussite de la mission de sa camarade. Elle maintenait son arc pointé dans la direction de leur ennemi commun. La tension était palpable.

Aetheron n'avait pas encore dégainé le sien —il avait dû le ramasser au sol, l'ayant malencontreusement laissé tomber durant sa chute. Il n'osait pas lâcher la bête du regard, même s'il savait pertinemment que Luthien la fixait également. Serait-il assez fou pour se donner la mort devant leurs yeux ? Peut-être que l'orc, malgré son intelligence limitée, avait assimilé que sa survie était cruciale. Il fallait donc agir avec discernement et ne pas succomber à la pression, choses plus compliquées qu'elles n'y paraissaient pour Aetheron.

L'être immonde se tenait à quelques enjambées des deux archers. Le jeune homme détournait les yeux, ne supportant pas de devoir admirer cette ignominie sur pattes. Il avait beau réfléchir à une tactique efficace, il ne trouvait aucune issue. Et pourtant, la stature de Luthien, sérieuse, prête à tout pour accomplir sa mission, peut-être à la fois effrayée mais confiante, redonna espoir à Aetheron qui avait commencé à envisager un abandon. Il s'efforçait de cogiter plus rapidement, efficacement. Rester inactif plus longtemps mettrait en péril la réussite de cette traque qui devait certainement davantage exténuer l'Elfe depuis sa rencontre avec lui.

Ils avaient la force du nombre, mais il était hors de question de mettre à mort cet orc. Aetheron avait songé à s’éclipser silencieusement pour le rejoindre, dague à la main puis l'immobiliser et le mettre hors d'état de nuire. Mais sa phobie était bien trop présente et l'empêchait de s'approcher du monstre. Soudain, celui-ci saisit sa jambe, et eut un grognement de douleur —un bruit tout à fait ignoble— et chuta, s'écrasant derrière la petite bute sur laquelle il se trouvait. Il était impossible de l'apercevoir, et Aetheron dut donc prendre son courage à deux mains et s'approcher lentement, mais sûrement. On pouvait entendre une respiration lente, parsemée de toux, et de murmures inaudibles. C'était donc tout ? L'orc allait être capturé de cette manière absolument pathétique ? C'était suspect. C'est donc tout naturellement que nôtre humain progressa à pas de velour parmi les fougères, se méfiant de tout autour de lui. Ce n'était pas net du tout.

Aetheron grimpa dans un arbre afin d'élargir son champ visuel. Et ce dont il fut spectateur lui hérissa les poils et manqua de le tomber de sa branche, le laissant bouche bée : deux autres orcs se tenaient près à l'assaut, équipés et armés, silencieux, vicieux, narquois... L'homme redescendit rapidement rejoignit Luthien qui ne l'avait pas suivi.

« Cela s'annonce plus compliqué qu'en apparence : deux autres congénères de ce monstre là-bas —il désigna l'orc d'un coup de tête— nous attendent sagement. Il s'agit là d'une machination ennemie. Si nous avions eu la mauvaise idée de nous approcher trop près de lui, ils nous auraient chargé. Je pense qu'on devrait les exterminer avant que notre cible ne récidive avec ses compagnons ».

Aetheron se passa sa main sur son visage, anxieux. C'était bien la première fois qu'il était confronté à de telles circonstances. Et dire que les histoires des Elfes ne le regardaient pas —comme Luthien avait eu l'ingénieuse idée de soulever— et qu'il pourrait très bien être chez lui, blotti sous une peau bien chaude, somnolant sur son lit. L'arbre où il était monté était un bon point stratégique. De là, chacun des archers pourrait tuer un des orcs venus en renfort et récupérer celui qui intéressait Luthien. Cela lui semblait une bonne idée. Il prit néanmoins le soin de demander conseils à l'Elfe avant de réaliser quoique ce soit.

« On pourrait en tuer un chacun, puis récupérer celui qu'on traque depuis une bonne heure. Qu'en pensez-vous ? »

Il ne pouvait s'empêcher de dégainer et rengainer sa dague sous la nervosité.

HRP:

♦ Transi de peur, le visage déformé par la crainte d'être aperçu, Aetheron écouta, pensif, les instructions de l'Elfe. Elle était nettement plus performante que lui dans ce domaine qu'était la traque de ces bêtes sanguinaires ; les combats et les armes, somme toute. Elle avait agrée à ses questionnements. Afin d'accroître leurs chances et améliorer la coordination, les deux archers se placèrent sur deux arbres suffisamment imposants pour qu'ils puissent mutuellement s'apercevoir, et ainsi communiquer par le biais de gestes dans le plus grand silence. Malgré son esprit torturé par la thanatophobie, l'humain parvenait à se mouvoir correctement, en bon chasseur professionnel qu'il était, et malheureusement piètre soldat. Anxieux, il ne pouvait se retenir de lancer des regards tout autour de lui, redoutant d'être pris malhonnêtement par un fourbre orc. L'arc fermement maintenu d'une main et une flèche continuellement positionnée dessus, de sorte à pouvoir la décocher à n'importe quel moment, Aetheron attendait patiemment le signe convenu. Les conditions ne leur étaient pas favorables, comme si la nature leur interdisait d'ôter la vie à ces êtres infames. Malgré l'astre solaire présent dans les cieux, la brume avait décidé de ne pas se dissiper de ci-tôt. Cet amas blanchâtre s'immiscait parmi les feuillages, et les racines ; certes, situé au niveau du sol, ne s'élevant pas au dessus des mollets, mais c'était suffisant pour troubler l'humain. Habitué à la chasse pure et simple de petites bêtes inoffensives, du moins la plupart du temps -il fallait bien que le jeune homme puisse acquérir une expérience sûre et par dessus tout se démontrer digne chasseur-, cette situation lui déplaisait, mais il se sentait obligé de réagir, d'aider Luthien, de lui démontrer ses vertus.

Aetheron en était d'autant plus stressé car il se trouvait dans l'incapacité de scruter les environs et de maintenir un oeil sur sa cible. Il devait se tenir prêt à réagir avec une rapidité et une précision irréprochables. Agir vite était primordial. Ces créatures étaient si viles et si cruelles que tuer l'un des leurs était anodin et s'apparentait à une mort comme une autre. Et plus le dénouement approchait, plus il sentait un sentiment étrange grandir en lui. Un léger tremblement secouait ses membres antérieurs. Ce n'était certainement pas le moment de douter de ses capacités.

Son rythme cardiaque augmentait continuellement. Il lui était impossible de calmer son propre corps. Impuissant, il profita des quelques minutes de répit qui s'offraient à lui afin d'inspecter l'orc qui lui avait été attribué. Il revêtait une armure de fer ; elle ne semblait pas bien résistante, et une flèche pourait aisément la transpercer. Mais pas le tuer sur le coup, et donc lui permettre de nuire davantage. Il repéra néanmoins un infime espace entre son casque et son plastron ; précisément l'endroit qui lui permettrait de l'assassiner à coup sûr. Aetheron adressa un regard grave à Luthien, sourcils froncés. Il fallait prêter attention aux mouvements et être capable de les anticiper. Rater un tir ne serait pas permis. Plus que quelques secondes avant l'impact. L'arc droit, la flèche fixée, il ferma un oeil.

« LUTHIEN ! »

Il dévia de sa cible et pointa sa flèche vers l'Elfe. Puis il lâcha la corde de son arc et la flèche fila à toute allure et perça la chair de bras d'un orc. Il s'était furtivement approché approché de sa partenaire. Aussitôt, l'humain inspecta ses arrières et perçut un bruit suspect. Ni une, ni deux, i lse jeta de l'arbre, ratant sa réception, se blessant au niveau de la cheville. Tous ses sens en alerte, il tenta de rejoindre cohin-caha la dernière position connue de Luthien. Sonné par le choc, un mal de crâne l'empêchait de se déplacer avec agilité. Une multitude de ronces entravaient ses jambes et il heurtait les buissons, chutant sans arrêt. La peur au ventre, il respirait avec difficulté, toussant ; une douleur s'empara de sa poitrine. Un bruit sourd résonnait perpetuellement dans sa boîte cranienne. Impossible de se concentrer.
Son regard parcourait les bois à la recherche d'un lieu à l'abri de tout danger quelconque. Il n'osait pas regarder derrière lui, certain qu'un de ces orcs le suivait avec labeur et soif de sang.

« Lu-Luthien » peinait-il à articulier.

Perdu, Aetheron se jeta au pied d'un arbre, le mollet en feu. Il gémissait de désarroi. Il attrapa sa dague, la serrant contre lui. Il retrouvait peu à peu son souffle ; il ferma les paupières et déglutit, puis se redressa. Sa conduite était dictée par la panique. Ce lieu qu'il côtoyait presque quotidiennement et dont il connaissait tous les recoins semblait être un labyrinthe géant aujourd'hui. Nôtre archer avait l'impression que chacun de ces troncs n'était pas à sa place, qu'à chaque minute, un orc allait bondir soudainement et lui déchirer la chair. Il étouffait, sentait le sol se dérober sous ses pieds. Il ne pouvait cependant pas rester là, assis, à ne rien faire ; attendant l'heure tant crainte. Pour lui, c'était irrévocablement la fin. Alors qu'il avait plutôt tendance à ignorer les conséquences désastreuses afin de s'éviter une angoisse inutile, il voyait les choses de façon pessimiste, défaitiste. Jamais il n'aurait pensé se retrouver dans ce genre de situation ; lui, homme ordinaire à la vie simple, chasseur aguerri, ne demandant qu'à prospérer avec les siens. Pourquoi devait-il toujours céder à ses ressentiments, ses sales manies ? Il aurait mieux fait de laisser cette Elfe se débrouiller ; ce n'était pas sa faute si cet stupide orc avait pensé une seule seconde qu'il aurait pu lui ôter la vie ! Aetheron ressentait une sorte de colère étouffée par la peur. Pourquoi avait-il fallu que Luthien croise son chemin ? Il planta sa dague dans le sol d'un geste brusque, jurant à voix basse. Des pas se firent entendre dans son dos. Instinctivement, l'humain se plaqua au sol, récupérant sa lame et roulant afin de se plonger dans l'ombre d'un arbre. Ainsi placé, il se retrouvait dans l'impossibilité d'apercevoir au delà les buissons obstruant sa vue. Et partir à toutes jambes lui serait compliqué, étant donné l'état dans laquel il avait mis l'une d'entre elle. Quel imbécile il faisait..

La seule chose qui lui important au moment présent était de retrouver Luthien. Se balader seule dans un lieu infesté de plusieurs orcs se révélait d'une dangerosité inouïe. D'ailleurs, en parlant de ces bêtes. Aetheron espérait sincèrement que celui qu'ils traquaient ensemble n'avait pas été tué par l'un de ses congénères. Il se sentait incapable de faire quoique ce soit, ainsi démuni. Il se déplaçait, ventre à terre, fixant le ciel, priant pour qu'il détecte l'emplacement de l'orc avant lui. Et soudain, une silhouette étrange et diforme passa devant lui. Sa démarche lente lui indiquait que cette "chose" savait très bien que quelqu'un d'autre était tapi non loin. Aetheron cessa tout mouvement, conscient du risque qu'il encourait. Il se contentait de la fixer, muet. Réagir avant elle était vital. Le jeune homme devait vaincre ses peurs et lui sauter à la gorge, la lui trancher, le tuer ! Malheureusement, cela était bien au dessus de ses forces. Il observait le monstre progresser, une épée émoussée traînant sur le sol, laissant une entaille se former derrière lui. Au moins, le retrouver serait simple.

Lorsqu'il fut parti, Aetheron quitta sa cachette à pas de velours et décida de se reprendre en main. Certes, ce ne serait pas aussi simple de mettre ses souhaits à exécution, mais il préférait tenter quelque chose et échouer que de rater, pitoyable du début à la fin. C'est ainsi que, l'arc à la main, il s'aventura un peu plus loin, espérant tomber nez à nez avec Luthien.

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