No words needed + Elwyn

« Nous avons tout tenté, je vous assure. » s’enquit l’elfe d’un ton qui ne laissa en rien son interlocuteur insensible. Elrond s’était lentement détourné de sa contemplation du ciel étoilé d’Imladris, arrachant son regard à la voûte céleste pour le poser sur son invité venu de Lorien. Il avait fait un long chemin jusqu’ici, accompagnée de son neveu, dans l’espoir de trouver chez le Seigneur d’Imladris ce que ni lui, ni personne d’autre en le merveilleux royaume de la Dame Blanche, n’avait su trouver.

Les pupilles grises du Noldor détaillèrent un instant celui qui lui faisait face, comme mu par ses pensées. Le garçon avait subi un lourd traumatisme suite à la perte de ses parents aux mains des orcs et s’était enfermé dans un mutisme total depuis, en proie à la solitude. Ce type de blessure, pourtant, Elrond ne pouvait les guérir et seul le temps saurait faire les choses. « Je crains guère que ce qui afflige votre neveu surpasse mes propres capacités. » articula enfin le semi-elfe qui vit le regard de son interlocuteur se décomposer lentement. « Cependant… »Une lueur d’espoir se dessina alors chez l’oncle. « Je peux peut-être tenter une autre approche. »

Ces paroles dites, l’elfe millénaire retourna à sa contemplation de la cité un bref instant avant de reprendre. « Amenez le moi à la fontaine, je verrai ce que je peux faire. » Son invité le remercia avec soulagement avant de s’éclipser à la rencontre de son neveu. Elrond resta immobile quelques minutes, afin de porter regard sur la situation qui se présentait à lui. Il savait ô combien ce dont souffrait le jeune Elwyn et ces blessures d’âme pouvaient mettre un temps à guérir. Mais il était peu âgé, les années apporteraient leur baume. Le semi-elfe pouvait malgré tout tenté d’apaiser la douleur et d’établir un contact là où les autres avaient échoué. Du moins, il saurait si sa manœuvre fonctionnerait qu’une fois tenté.

D’ailleurs, il se mut enfin. Ses membres jusque là immobiles s’activèrent et il descendit vers la grande fontaine dont l’eau clair tombait dans un flot constant. Le bruissement cristallin était apaisant et la cité endormie leur offrirait le calme qu’il fallait pour cette rencontre. Prenant place sur le rebord de pierre, Elrond laissa ses doigts effleurer la surface reluisante du bassin. Une lune pleine brillait et les étoiles parsemaient le ciel telle des milliers de lumière. Ici, comme nulle part ailleurs, pouvait-on les admirer aussi étincelantes. Une paix certaine émanait de la belle cité d’Imladris.

Des bruits de pas l’arrachèrent à sa contemplation passive. Lorsqu’il releva les yeux, se fut pour apercevoir la silhouette frêle d’Elwyn s’approcher et son oncle, plus loin, qui l’avait nul doute inciter à se présenter au Seigneur des lieux. Un sourire chaleureux naquit sur les lèvres de l’Eldar qui tendit une main pour l’inviter à venir plus près. « Tu dois être Elwyn… » dit-il alors du bout des lèvres. « Approches… mais saches que tu n’es pas obligé de me parler et je ne t’y forcerai pas non plus. » Elrond désirait mettre ses intentions claires, que l’elfling ne sente pas pousser dans une situation où l’on tenterait absolument de le guérir et de trouver ce qui n’allait pas chez lui.

Lorsque l’enfant fut assez près de lui, le semi-elfe posa genoux au sol pour se mettre à sa hauteur. « On m’a dit ce qui t’étais arrivé. » poursuivit-il doucement. « Et saches que ton silence n’a rien d’anormal… Si certains s’en inquiètent, je crois plutôt que tu as besoin de temps… » Il examina le regard du garçon un moment, comme pour confirmer ce qu’il pensait bien. Le Seigneur d’Imladris désirait cependant ne pas presser son approche et il se redressa, l’invitant à le suivre comme ses pas s’éloignaient en direction des jardins. Une promenade nocturne dans la paisible cité ne pouvait être que bénéfique à eux deux.

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Il pouvait sentir la fébrilité de l’elfling et son cœur lourd, lorsqu’Elwyn s’était approché, craintif, osant tout juste le regarder. Le peredhel pouvait observer dans les mouvements de son corps et de son faciès une profonde fatigue due à son voyage jusqu’ici. Son oncle lui avait d’ailleurs raconté qu’il n’avait pas su trouver repos, étant trop stressé par son environnement. Elrond souhaita que son séjour à Imladris saurait lui apporter une paix certaine et un répit plus que mérité. Si sa dernière expérience hors de la Lorien remontait à la mort de ses parents, nul doute que la route entre les deux cités elfiques avaient du être épuisante pour lui. Heureusement, il était arrivé ici sain et sauf, malgré le chemin parfois périlleux.

Ainsi, le semi-elfe accueillit l’enfant avec beaucoup de chaleur et tenta au mieux de le réconforter par sa présence. Il était visiblement encore très perturbé par les évènements qu’il avait vécu. Dans le but de l’aider à se calmer, l’Eldar l’incita à le suivre dans les jardins. Il eut l’intime sentiment que l’elfling cherchait à communiquer avec lui, mais s’en avérait incapable ou ne savait comment le faire. Pourtant, Elrond préféra laisser le silence planer entre eux, ne laissant que les bruits nocturnes perturber cette tranquillité. Un vent frais soufflait et bientôt ils s’engouffrèrent entre les dédales de plantes diverses qui parsemaient ce bel espace de la cité. Les couleurs ne se distinguaient pas toutes aussi bien dans la noirceur, mais certaines fleurs étaient reluisantes, émanant d’un halo subtil. Certes, il ne pouvait prétendre rivaliser avec la flore de la Lorien qui était unique en soi, mais il y avait un charme évident à marcher ici sous les étoiles éclatantes.

Pas un seul nuage ne couvrait la voûte céleste, comme si on les avait chassé en cette nuit paisible, afin d’assurer la pérennité étoilée.  Les pas du peredhel finirent par les guider vers un lieu plus central du jardin, là où les chemins pavés formaient un cercle avec en son centre un aménagement circulaire où se trouvaient des bancs de pierre. Ce fut d’ailleurs là que le Noldor alla se poser, n’ayant toujours pas dit mots depuis qu’il s’était mis à marcher avec Elwyn à ses côtés. Il n’y avait pourtant rien de mal au silence, même lorsqu’on était accompagné. Les mots n’étaient pas toujours nécessaires. Néanmoins, l’elfe millénaire se doutait que l’enfant désirait s’exprimer. Il ne le fit donc pas patienter plus longtemps que nécessaire. Elrond l’invita à s’approcher de lui à nouveau d’un geste de la main, espérant cette fois qu’il serait un peu moins timide à sa présence. « Quelque chose me dit que tu as des questions ou que tu souhaiterais me dire quelque chose, mais que tu n’y parviens pas. » dit-il doucement, brisant enfin ce silence qu’il avait laissé s’installer depuis de longues minutes déjà.

Il était temps de mettre de l’avant ce qu’il croyait pouvoir faire afin d’aider l’elfling à reprendre confiance en lui, de dire à nouveau ce qui lui traversait l’esprit sans être confiné dans ce mutisme absolu qui le coupait de toute communication. « Les millénaires m’ont appris bien des choses que je sais aujourd’hui mettre en pratique pour autrui. » Un sourire chaleureux s’étira au bout de ses lèvres. « Les Hommes qualifieraient cela de don ou de magie, mais je préfère plutôt parler d’ouverture de l’esprit. Je sais comprendre – et par surcroit me faire comprendre – sans  besoin de faire usage de la parole ou des mots. C’est une forme d’empathie et de connexion que je parviens à établir entre les autres et moi. » Il prit une brève pause pour permettre à Elwyn de bien assimiler ce qu’il disait. « Si tu le veux – et seulement si – je pourrai faire en sorte d’établir ce lien avec toi. Alors, tu pourras t’exprimer sans besoin de parler. » Elrond darda son regard d’argent dans celui de l’enfant en attente de sa réponse. Certes, il aurait pu ne pas lui demander et pratiquer son don sur le jeune elfe, car il n’avait point besoin de son consentement pour ce faire, mais cette action aurait été à l’encontre même de ses valeurs et de son approche. Ainsi, il ne le ferait que si Elwyn acceptait. Le semi-elfe n’attendait plus que son approbation.


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L’enfant hésitait. Il manquait d’une confiance en lui et Elrond souhaitait la lui redonner, mais il ne pouvait faire le premier pas pour lui, simplement l’accompagner et l’inciter à avancer plutôt que de reculer. Elwyn s’était installé à ses côtés, ses jambes pendant dans le vide. Il se faisait aller les pieds dans un geste qui trahissait sa nervosité apparente. Le Seigneur elfe lui donna tout le loisir de penser à sa réponse et d’être certain qu’il était prêt à entreprendre le chemin de la guérison. Car on avait beau l’entrainer sur cette route et lui offrir tous les outils nécessaires pour réussir, s’il n’était pas prêt ou s’il rebutait à l’idée, ça ne fonctionnerait pas. Le garçon devait être ouvert et accepter de lui-même cet aide que le semi-elfe lui portait. C’était essentiel à la réussite de sa réhabilitation.

Durant le court instant de silence qui suivit, l’esprit de l’elfe millénaire s’accorda un temps d’égarement, contemplant la flore qui ornait les jardins environnants. Son regard glissa sur les fleurs au parfum diverse qui emplissait l’atmosphère d’une odeur chatoyante. Comme il aimait ses balades nocturnes qu’il s’accordait à l’occasion, lorsque son esprit avait besoin de s’échapper des obligations quotidiennes. La nuit paisible et les étoiles scintillantes savaient ramener le calme là où la tempête menaçait parfois d’éclater. Lorsqu’il avait besoin d’apaiser les heures les plus lourdes, il lui arrivait aussi d’aller marcher sur le bord de la Bruinen, car le bruit de l’eau savait chasser les inquiétudes qui se traçaient sur son visage.

Après un court instant, Elwyn sembla fin prêt à prendre sa décision et fit savoir à Elrond par le biais d’un geste qu’il désirait entreprendre ce qu’il lui proposait. Il faisait le saut, bien. Le Seigneur d’Imladris se repositionna quelque peu, venant prendre appuie contre le siège, les mains posées contre ses cuisses. Il sembla se concentrer pendant un instant, ses pupilles grises disparaissant derrière ses paupières. Puis, le peredhel fit le lien entre l’enfant et lui, ouvrant son esprit au sien. À partir de maintenant, les mots ne seraient plus nécessaires. Leurs pensées se formuleraient avec clarté et prendraient leur sens sans besoin de la parole. Une fois fait, les yeux d’Elrond s’ouvrirent à  nouveau et un sourire léger orna ses lèvres. « Me comprends-tu ? » Ce n’était pas exactement comme entendre une voix dans sa tête, mais plutôt deux esprits qui comprenaient ce que l’autre lui communiquait. À partir d’ici, Elwyn était libre de laisser s’exprimer son esprit et son interlocuteur saisirait le sens de ce qu’il voudrait bien lui dire.



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Elwyn sembla surpris, au départ, lorsque son esprit saisit le sens de ses mots pour en former une phrase. Le semi-elfe avait effectué la connexion entre leurs esprits qui étaient maintenant libres de communiquer entre eux sans besoin des mots. Elrond sourit chaleureusement face à son étonnement et lui laissa amplement le temps de comprendre ce qu’il venait de survenir. Il vit dans son regard que l’information faisait lentement son chemin et il entreprit même de réfléchir fortement pour tenter de communiquer avec le Seigneur d’Imladris en retour. Dans le visage de l’enfant, il vit passer tous les stades, de la surprise, à l’incertitude, à l’effort et à la… peur. Voilà si longtemps qu’il n’avait pas communiqué avec autrui, alors que visiblement, on avait tenté maintes et maintes fois de lui extirper les mots et que ces tentatives avaient échouées qu’il craignait à nouveau que cela se reproduise, sans doute. Pourtant, il parvint bien à faire comprendre à l’Eldar ce qu’il désirait. « Bien. » lui répondit-il alors, pour confirmer qu’il avait bien réussi ce qu’il essayait de faire.

Le Noldor se redressa un peu, croisant les doigts contre ses cuisses. « Il ne faut pas trop penser. » commença doucement Elrond. « Laisse ton esprit s’exprimer, tu n’as guère besoin de forcer pour le faire parler… Je parviendrai à suivre le cours de tes pensées, comme tu parviens à suivre les miennes. » Son regard sembla s’illuminer, couvrant l’elfling d’une certaine fierté. Le semi-elfe ne s’attendait pas forcément à ce que son esprit communique énormément avec lui, mais qu’il y parvienne et qu’il essaie déjà l’encourageait grandement. Il désirait redorer la confiance de l’enfant, qu’il parvienne à progresser et qu’il en ressorte grandi. Sa guérison ne serrait certes pas complète, mais il aurait fait un pas de plus vers un rétablissement certain. Et c’était l’essentiel. Maintenant, voyons jusqu’où il était prêt à se rendre dans son cheminement.

Le regard d’Elrond contempla un instant son environnement. « Tu sembles aimer la nature. Je me trompe ? » Il avait noté comme Elwyn avait semblé apprécié la visite du jardin et la faune qui y fleurissait. Pour l’instant, il préférait le distraire en déviant sur un sujet qui l’intéresserait nul doute, plutôt que d’assaillir son esprit de conversations plus drainante. De toute manière, le semi-elfe ne doutait pas que si l’elfling désirait lui confier quoi que ce soit, il le ferait de lui-même. Il n’y avait donc point besoin de se presser. Le garçon apprécierait sûrement un échange plus léger et simple pour commencer. De toute manière, ce serait beaucoup plus facile pour lui de communiquer des désirs et choses qu’il aimait, sur lequel il était capable de mettre des idées claires, plutôt que sur des sentiments qu’il ne comprenait peut-être même pas lui-même. Chaque chose en son temps…



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De la fierté, oui, il y en avait bien dans le regard de l’elfe millénaire. Mais en ce moment, il y avait bien peu de choses qu’Elwyn aurait pu faire pour le décevoir. Même s’il n’avait pas réussi à laisser son esprit communiqué, Elrond n’aurait pas été déçu. Il comprenait ô combien cela pouvait être difficile parfois, d’autant plus qu’il sentait l’esprit du garçon très actif, ce qui devait rendre l’exercice de faire le vide complexe en soi. Le semi-elfe pouvait ressentir l’excitation de l’elfling de pouvoir enfin communiquer. Voilà trop longtemps sans doute qu’il le souhaitait, mais n’y parvenait pas. Au final, l’idée du Seigneur des lieux semblait fructueuse, car dans le regard de l’enfant s’était allumé une lueur qui n’y était pas auparavant. Lentement, mais sûrement il entreprenait le chemin de la guérison. La route serait longue, nul doute, mais elle commençait enfin et il cessait de tourner en rond après maintes tentatives infructueuses qui avaient dû abîmer grandement son estime.

L’Eldar pouvait même voir les larmes perler dans les yeux d’Elwyn tant ses émotions semblaient être sur le point de le submerger. C’était notamment pour cette raison qu’Elrond dévia le sujet sur un sujet qui le calmerait sans doute. La nature semblait source de paix pour lui, comme pour la majorité des membres de sa race en réalité, mais lui plus que les autres. Cela, le peredhel pouvait l’affirmer sans crainte. Ainsi, il ne fut guère surpris lorsque l’enfant lui confia cette connexion qu’il avait avec la flore. Il la comprenait, elle l’apaisait, une union des plus simples. La nature n’avait rien de capricieuse lorsqu’on savait l’écouter. « Nos semblables ont toujours une proximité plus étroite avec Arda… une compréhension plus naturelle et allant au-delà de ce que les autres races savent développer. Autant pas nos âmes immortelles qui verront plus d’âges s’écouler que tous autres êtres ayant foulés ces terres, que par notre connexion naturelle avec ce qui ne entoure. » ll se tut un moment, contemplant toujours les jardins autour.

Puis, son regard revint vers Elwyn toujours assis à ses côtés. « Je te sens craintif. » ajouta enfin Elrond, après avoir scruté les traits de l’elfling. « N’aies pas peur… tout ce que tu parviendras à faire aujourd’hui sera une réussite. » Paroles rassurantes pour le conforter dans ses inquiétudes. Ce n’était pas un jeu de performance, ce n’était pas une compétition, tout irait à son rythme. Une lueur bienfaisante brilla dans les pupilles du Seigneur d’Imladris. L’enfant devait apprendre à se faire confiance et à ne pas craindre l’échec. La vie était parsemée de défaites avant la victoire. Car il fallait apprendre à tomber pour mieux se relever.




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Ce qui était bien avec ce lien, c’était qu’Elrond parvenait aussi à déchiffre les sentiments que restait Elwyn sans qu’il ne les exprime directement à lui. Ainsi, le semi-elfe parvenait à savoir les états d’âmes généraux du garçon et suivait les vagues émotionnelles qui allaient et venaient au gré de ses pensées. L’enfant se noyait dans une marre de craintes, de honte, de peur de décevoir, mais aussi d’excitation et de nervosité. Somme toute, pourtant, il semblait en retirer plus de sentiments négatifs que positifs. Mais ce n’était pas plus grave, le Seigneur d’Imladris viendrait bien à bout de les lui faire évacuer éventuellement. L’elfling devait simplement apprendre à se laisser aller un peu et à ne pas laisser ce qu’il ressentait le submerger de la sorte. C’était d’ailleurs pour cette raison que l’Eldar avait soulevé le point de la crainte d’Elwyn et qu’il chercha à le rassurer sur le sujet. Il ne devait pas avoir peur de l’échec. Elrond sentit néanmoins cette vague de chagrin envahir l’enfant. Les larmes lui montèrent rapidement aux yeux alors qu’il lui confia ce qui l’effrayait tant. Bien que l’elfling fut secoué par le chagrin, le semi-elfe arbora un sourire chaleureux.

Son bras s’étira pour venir entourer l’épaule du garçon et l’attirer doucement dans une étreinte paternelle. Il le consola un moment, plongé dans le silence, mais avec ce regard toujours bienveillant posé sur l’enfant. « Tes craintes à mon sujet ne sont point fondées, Elwyn. » finit-il par lui dire doucement. « Tu ne me déçois pas, bien au contraire, tu m’impressionnes, même. » Ses yeux se plissèrent derrière son sourire. Cet enfant s’en faisait pour beaucoup trop de choses auxquelles il ne devait pas accorder autant d’importance. Vivre pour plaire aux autres, il passerait sa vie à avoir l’impression de décevoir les gens. Desserrant son étreinte, ses pupilles se posèrent à nouveau sur le visage de l’elfling. « Pleures si tu en as besoin, mais saches que ce n’est point une faiblesse… On ne pleure pas parce qu’on est faible, tu sais… On pleure parce qu’on a été fort trop longtemps. » On pleurait parce qu’on avait maintenu le flot trop longtemps et qu’il débordait. Parce que chaque être, sans exception, avait ses limites. Même lui.

Elrond le laissa pleurer aussi longtemps qu’il en eut besoin, respectant son silence et le besoin de laisser couler ses larmes. Ses parents lui manquaient, terriblement. Cela, le semi-elfe pouvait bien le comprendre. Mais la vie ne s’arrêtait pas pour autant et il allait les revoir un jour, lorsqu’il serait amené à entreprendre ce voyage sans retour vers Valinor. Pour l’heure, cependant, il fallait faire preuve de patience. « Tu n’es pas obligé de parler aujourd’hui, si ça ne te dit pas… le simple fait de communiquer avec moi aujourd’hui est déjà un très grand pas vers la guérison… et il ne faudrait pas précipiter les choses… » Il n’y avait rien de pire que de vouloir faire trop vite.

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L’étreinte sembla lui faire le plus grand bien. Comme si Elwyn n’y avait pas eu droit depuis la perte de ses parents. Ou comme s’il ne se l’était pas accordé. C’était parfois difficile de trouver à nouveau des bras dans lesquels se laisser aller. Même parfois sa propre famille nous faisait fuir le contact, incapable d’y trouver le réconfort qu’on souhaiterait pourtant tant recevoir. Le semi-elfe avait su poser le geste qui fallait et au bon moment pour craquer la coquille de l’enfant qui se laissa aller à ses larmes au creux de son épaule. Elrond était d’un calme placide. Certes touché par le chagrin de l’elfling, mais confiant qu’il passerait par-dessus ses blessures dans un avenir plus ou moins proche. Il fallait simplement laisser le temps aux cicatrices de se refermer et il fallait se permettre guérir aussi. Certains s’obstinaient dans leur douleur et s’assuraient de laisser leurs plaies à vif. La souffrance était pourtant loin d’être salutaire, mais ceux qui ne connaissaient que cela peinaient à s’en départir. Elwyn ne devait surtout pas s’enfoncer dans ce pattern. Heureusement, le semi-elfe n’avait pas le sentiment que c’était le cas.

Cette marque d’affection sembla redorer un peu la confiance du garçon qui osa maintenant le regarder plus directement avant de s’exprimer de nouveau, cette fois avec un peu plus d’assurance. Ses parents lui manquaient. Nul doute que leur perte avait laissé un trou qu’il ne parvenait pas à remplir depuis. Il y avait de ces vides qui le resteraient toute notre vie, mais avec lesquels on apprendrait à composer. On ne se réinventait pas des parents. On pouvait trouver une nouvelle famille, en fonder une par nous-mêmes, mais on ne pouvait pas remplacer ceux qu’on avait perdu. Simplement attendre dans l’espoir de les revoir un jour, si, comme tous deux, ils étaient nés Eldars. Ce n’était pas un adieu, mais un au revoir. Ils les reverraient, bien qu’il ne semblait pas le réaliser encore. « Tu sais Elwyn… » commença doucement Elrond en posant un regard étoilé sur le garçon. « Mandos a peut-être réclamé tes parents à lui… mais ils connaîtront une nouvelle vie et un nouveau corps à Valinor auprès des Valars… » Il marqua une pause, souriant doucement. « Et le jour où tu rejoindras les Terres Immortelles à ton tour… tu les reverras. » Le Seigneur d’Imladris espéra que l’elfling trouverait un peu de réconfort dans cette éventualité.

Il avait senti la rage qu’il portait pour les créatures de l’ombre qui lui avaient enlevé ses parents. Un sentiment d’animosité qui n’était pas rare chez ses semblables. Et il revivait sans cesse ce moment traumatisant dès qu’il fermait les yeux. Une fatigue légitime le gagnait alors depuis, comme il ne trouvait point le repos. « Il faudra apprendre à calmer ton esprit et concentrer tes pensées sur des souvenirs ou des éléments plus positifs ou qui parviennent à te calmer. » Son regard se posa autour. « Comme la nature, par exemple.» Faire usage de son empathie pour la flore pouvait nul doute être bénéfique dans son chemin vers la guérison…


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Perdre ses parents à un si jeune âge était un bien cruel destin. Mais les orphelins de la guerre étaient nombreux dans l’histoire. Elwyn était loin d’être le premier et encore loin d’être le dernier, aussi cruelle cette réalité puisse être. L’espoir subsistait néanmoins et comme Elrond l’avait expliqué au garçon, ses parents étaient peut-être morts, mais il les reverrait, c’était une certitude. Quand, cela le semi-elfe ne pouvait l’affirmer, mais dans la vie de ses semblables, des centaines d’années pouvaient s’écouler en un battement de cils. Le jour viendrait où les trois seraient réunis et les temps écoulés depuis ne paraîtrait que comme des poussières. Pour apaiser sa rage et sa peine, il ne fallait cependant pas se sentir coupable de leur malheur, ni de les avoir abandonnés. Ses parents avaient tout donné pour que leur enfant vive. Le semi-elfe pouvait sentir toute la rage dans le cœur de l’enfant, justifiée, mais loin d’être saine pour son âme et sa guérison. Cette colère, Elrond l’avait vu consumer le cœur de ses fils et il espérait pouvoir faire en sorte qu’elle ne fasse point son nid dans celui d’Elwyn. « Tu ne les as pas abandonnés… ils t’ont sauvé la vie, henig. » murmura l’esprit du Seigneur d’Imladris à celui de l’elfling. « La vie n’est pas toujours juste, j’en concède, et il y a de ces évènements qui sont hors de notre contrôle, quoi que l’on fasse. » Le semi-elfe ne comptait pas lui mentir et lui faire croire que la vie était rose, bien au contraire. Il y avait parfois plus de zones d’ombres que de lumières. « En revanche, tu es pleinement maître de comment ces évènements – heureux ou non – te définirons par la suite. Tu peux les laisser te consumer ou tu peux les utiliser pour te rendre plus fort. » L’un était un chemin beaucoup plus destructeur que l’autre, pour soi et pour ceux autour de nous.

Elrond finit par se redresser sur ses pieds et invita une nouvelle fois Elwyn à le suivre. « Mandos ne recueille que les âmes qui trépassent. Et personne n’est jamais véritablement prêt à perdre un être cher, il n’y a pas de bon moment, ce n’est jamais le bon moment. » L’enfant semblait honteux de la rage qu’il avait ressenti et démontré face au Seigneur d’Imladris, mais il ne devait pas en avoir honte. Non, il devait plutôt apprendre à la contrôler et à la canaliser, ne pas se laisser submerger par elle, ne pas la laisser prendre le contrôle et le dessus son esprit. Le semi-elfe l’entraina encore dans les jardins avec une idée en tête pour lui apprendre comment trouver la paix dans son âme. Ainsi, il marcha un moment jusqu’à arriver près d’une zone verdoyante donnant sur un plateau surplombant la Bruinen. La rivière coulait doucement, scintillant sous la lueur argenté du croissant de lune. Elrond l’invita à s’asseoir avec lui sur l’herbe fraîche, près de la flore florissante et abondante. « Durant leur jeunesse, les elflings apprennent l’art de la méditation, du calme de l’esprit, une pratique qui remplacera le besoin de sommeil lorsque pleinement maîtrisé. » Dormir ne serait plus une nécessité, car les elfes possédaient ce savoir de repos du corps et de l’esprit. « Si tu veux, je peux t’apprendre les bases et tu pourras en faire usage lorsque tu n’arrives pas à te reposer. Dans cet apprentissage, la nature serait son alliée.


henig : mon enfant

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Il était bien de voir qu’Elwyn possédait des aspirations pour le futur. Ces idées reflétaient qu’il n’avait pas complètement abandonné, qu’il se voyait dans le futur et que donc son esprit perdurait les dommages qu’il avait subis. Certes, il avait encore un très long chemin à faire avant d’aspirer à être un guérisseur, mais nul doute que son affinité avec la flore lui serait d’une utilité certaine dans ce domaine, s’il prévoyait bien s’y engager. Une très longue vie d’étude et d’enseignement l’attendait par devant, mais si le travail ne l’effrayait point, il découvrirait une discipline merveilleuse. Complexe, pleine d’embûches et parfois parsemé de déceptions, mais qui ne pouvait décrire le sentiment que pouvait procréer l’action de sauver la vie d’autrui. On ne se sentait plus aussi impuissant. Néanmoins, Elrond prévoyait lui enseigner une autre discipline d’abord, car son esprit avait besoin de trouver du repos avant de pouvoir aider qui que ce soit d’autres. Calmer son âme, recouvrer la paix, voilà des étapes importantes à un cheminement futur. Ainsi, le Seigneur d’Imladris avait mené l’enfant plus loin, en un autre lieu, où l’on pouvait entendre le ruissellement de la Bruinen plus bas, où le vent s’engouffrait depuis la falaise pour balayer leur chevelure et où l’arôme des fleurs se mélangeait à celui de l’eau.

Le semi-elfe fut satisfait de constater l’enthousiasme du garçon. « Oui, cela devrait calmer les cauchemars ou, tout du moins, tu apprendras à les chasser. » Il avait déjà une bonne ouverture d’esprit, ce qui faciliterait le processus d’apprentissage. Elrond afficha un sourire discret en prenant place sur le sol, invitant Elwyn a en faire de même. « Tout d’abord, pour méditer, il te faudra prendre une position confortable que tu pourras maintenir longtemps. Il te faudra être assis, afin d’avoir conscience de ton corps. » L’Eldar prit une position en fleur de lotus, les jambes croisés et les genoux au sol, plus bas que ses hanches. Puis, il posa ses mains sur ses cuisses. Il laissa l’elfling prendre position, trouver comment il était le plus confortable. Ils allaient tout d’abord travailler la posture, puis après, on verrait pour entreprendre la méditation. « Fermes d’abord les yeux… » commença Elrond. « Prends conscience de ton corps, de sa position… allonges ton dos, laisses retomber tes épaules… Prends conscience des tensions qui peuvent être présentes dans tes membres… Essaies de t’en départir… de décontracter tes muscles. » L’esprit d’Elrond guidait celui de l’enfant dans ce processus de simplement prendre conscience de son corps, de ses maux, de ses tensions et de les défaire, consciemment, alors que juste avant, on ignorait leur existence, car on n’y portait point attention.

Ce n’était là que le première étapes d’un processus bien plus complexe.

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Le début de la méditation se déroulait plutôt bien. Elrond avait initié l’ambiance avec un environnement calme et placide, susceptible de calmer l’esprit en ébullition du garçon. Les sens au aguets, malgré qu’il eut les paupières closent, le Seigneur d’Imladris pouvait sentir l’enfant se replacer et prendre conscience un peu plus de son corps. Il y avait des tensions invisibles, de celles qu’on ne réalisait pas l’existence avant de véritablement y porter attention, tel qu’Elwyn le faisait à l’instant. Le semi-elfe tentait d’occuper les pensés de l’elfling sur lui-même afin d’empêcher les cauchemars de revenir à l’assaut. C’était une façon de discipliner l’esprit que de lui offrir une tâche présente sur laquelle se concentrer volontairement afin d’éviter qu’il ne s’évade ailleurs. Plus tard, l’Eldar montrerait au petit comment accepter le défiler de pensées qui pouvaient aller et venir sans pour autant être extirper de son état méditatif. C’était une étape plus coriace, cependant, et il y avait bien du chemin à faire avant de s’y rendre. Tout d’abord d’être capable de vivre l’instant présent et éventuellement de faire en sorte que ce qui constituait son traumatisme ne soit plus un handicap dans son bien être personnel. D’ailleurs, lorsqu’Elrond sentit l’esprit de l’enfant s’agiter, il eut à peine le temps d’entrouvrir les yeux qu’Elwyn se jeta contre lui en pleurant, appelant son père.

Le guérisseur attrapa l’elfling sans broncher, ses bras venant se fermer autour de ses épaules pour le serrer doucement. Il frotta le dos de l’enfant avec délicatesse et affection, le laissant verser ses larmes un moment avant de prendre à nouveau la parole. «Laaa, il est normal que certains souvenirs refassent surface, mais il ne faut pas les laisser te submerger… » résonnèrent les mots d’Elrond à l’esprit du cadet. Il lui faudrait apprendre à naviguer la vague et non à s’y laisser engloutir. Les doigts du semi-elfe glissèrent sur le front d’Elwyn avant de s’immobiliser, certains sur son front et d’autres davantage dans sa chevelure d’ébène. Le porteur de Vilya se permit une initiative un peu plus invasive, mais dont le garçon n’aurait conscience. Il ferma doucement les yeux, renforçant le lien déjà établit. Ce qu’il s’apprêtait à faire, il ne l’appliquait habituellement pas, car toucher aux souvenirs d’autrui pouvait être parcimonieux et un manque de délicatesse dommageable. Dans ce cas-ci, les mémoires concernant la mort de ses parents étaient tellement omniprésentes qu’il n’aurait pas de difficulté à les cibler. Ce qu’Elrond fit fut fort simple. Il chassa momentanément le souvenir pour faire en sorte qu’il ne soit plus le focus de son esprit, qu’il ne revienne pas aussi facilement à la charge, mais qu’il reste tapis derrière un linceul brumeux. Elwyn devrait penser de façon volontaire aux évènements et se forcer à se remémorer pour que les images soient claires. Le semi-elfe n’effaçait rien, il rendait simplement le traumatisme moins accessible. L’effet serait temporaire et se dissiperait graduellement avec le temps, mais cela lui permettrait sans doute d’acquérir un peu de repos et de force pour parvenir à faire l’exercice par lui-même.

Le regard d’Elrond réapparut lorsqu’il ouvrit les yeux et les plongea dans ceux de l’enfant. « Là… reprenons. » Et il l’invita à reprendre place dans sa pause de méditation. La suite devrait être un peu plus simple maintenant.


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Les pleurs avaient continués un moment, l’enfant bercé par les bras du Seigneur d’Imladris après qu’il eut chassé doucement les souvenirs dans un recoin de sa mémoire. Un voile avait recouvert la douleur, un linceul de soulagement pour un instant de paix intérieure. Il souhaitait seulement que cette trêve lui permettrait de reprendre des forces, de se reconstruire des fondations qui tiendraient pour le reste du chemin qu’il avait à faire et que, d’ici le moment où la barrière qu’il avait créée ne serait plus, que son esprit serait assez fort pour contrôler la vague de souvenir qui tenterait de refaire surface. Néanmoins, son initiative eut  l’effet escompté. Et les larmes furent chassées, lentement, mais sûrement et Elwyn sembla reprendre le contrôle de lui-même. Le voir ainsi lui fit chaud au cœur, un sentiment d’avoir une petite victoire qui s’installait par devant, pour tous les deux. Lorsque l’enfant se redressa enfin, séchant ses larmes, l’esprit allégé, il reprit position assise tel que lui demanda le semi-elfe.

Le calme reprit son droit dans l’âme de l’elfling et Elrond put sentir qu’il était apaisé, qu’il parvint à se détendre et se concentrer davantage sur son environnement. Avec le souvenir chassé, il faisait des progrès déjà surprenant. Elwyn était assez concentré pour sentir les racines d’un jeune arbre aspiré la sève et l’eau du sol. L’Eldar eut un fin sourire, les paupières fermées, lui aussi de retour dans sa pause méditative. « Tu démontres une amélioration étonnante… » . On pouvait y lire une certaine fierté dans cette pensée transmise au garçon. Oui, une fierté de le voir progresser un poids en moins sur les épaules. Et c’était aussi signe qu’il ne s’accrochait pas désespérément à son souvenir, autrement, il serait revenu à la charge. Alors, il savait le laisser aller lorsqu’il en avait l’opportunité.

Voyant néanmoins que l’esprit de l’enfant s’apaisait, il se dit que c’était le bon moment pour Elwyn d’aller prendre du repos pendant qu’il le pouvait. Ainsi, après l’avoir laissé méditer durant quelques minutes en silence, suffisamment pour déjà instauré une tranquillité certaine dans son corps, Elrond fit résonner ses mots une fois de plus. « Tu as bien appris ce soir… et je crois qu’il ne faudrait pas pousser d’avantage… la méditation est un art qui s’apprend par l’expérience… » Les paupières de semi-elfe se rouvrirent pour pauser ses pupilles d’argent dans celui de l’elfling. « Prend de ce calme et de cette énergie pour te reposer et trouver le sommeil… ». L’Eldar se redressa doucement, prêt à raccompagner l’enfant jusqu’à sa chambre où il pourrait dormir pour le reste de la nuit.

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