A fluctibus opes - ft Selen

Le Coquatrix fendait les flots, l’écume léchant la coque de la rapide frégate en faisant claquer leurs langues blanches sur les planche de bois. Le soleil commençait à descendre à l’horizon voilant de rouge le ciel qui s’était fait si bleu quelques heures plus tôt au-dessus des flots.
L’iode emplissait depuis si longtemps les narines de l’équipage que ce dernier n’y faisait plus attention, c’était seulement une fois à terre qu’ils semblaient à ces navigateurs que l’air avaient un goût bien plus âcre. La frégate aux voiles blanches fleuries de lys bleues, décorée par les meilleurs tisserands et teinturiers de l’île de Tolfalas, avançait à vive allure.

Deux navires se dressèrent bientôt à quelques miles de son propre vaisseau. Voilà qui était absolument parfait. Le Tempête était aux prises du Crépusculaire. Quelle tristesse que la goélette n’ait cependant à son bord nulle cargaison intéressante, quelle tristesse que cela ne fût qu’un leurre. Un piège. Oui cela était un piège, toute cette entreprise, cette pauvre goélette qui empruntait une voie maritime peu sûre dans des eaux infestées par des pirates, quel idiot l’y aurait envoyé ?  Le Tempête avait joué son rôle de proie pour le maigre prédateur qu’était le Crépusculaire, il était désormais à Barth et son équipage d’entrer en jeu.  Les scorpions, complexe armes de jets faites de ressorts et bois harnacher sur le pont du Coquatrix furent orienté vers la coque du Crépusculaire alors que la frégate avalait les dernières encablures qui les séparaient. Ces armes étaient redoutables de précision et de puissance, elles avaient fait état de nombreuses fois de leur efficacité. Les premières flèches partirent, visant la coque du navire, certaines moins ajustée se perdirent sur le pont ennemi.  Lorsque Batholomew jugea les salves suffisantes et que le bois du navire ennemi avait suffisamment volé en éclat, il bloqua le gouvernail et fit augmenter la voilure, le vent les poussant dans le dos. Il éperonna avec une charge puissante la poupe du Crépusculaire. Enfonçant la proue renforcée de sa frégate dans le bois de celui des pirates. La tête de coq à queue de serpent mordait encore dans le bois d’un navire et allait pouvoir se délecter d’un nouvel abordage et autres formes de négociations.

Coiffé de son plus beau chapeau, orné de sa plus belle plume et d’un veston richement décoré, un sourire se peint sur son visage et ses yeux bleus pétillèrent de malice. Il héla l’équipage du navire ennemi, la plume de son chapeau flottant dans le vent, un sourire goguenard lui fendait le visage alors qu’il s’avançait sur le pont de son propre bateau, le reste de son équipage s’apprêtant à aborder le Crépusculaire.

Il arbora un air presque attristé avant que son sourire ironique se renforce et s’élargisse.

Il se tourna vers son second Azaan, le désignant d’un geste ample du bras, un air affligé, presque confus s’étant peint sur son visage. Alors qu’en vérité lui et son second étaient déjà prêt à en rire. Azaan était un haradrim rentré à son service il y avait de cela plus d’une décennie et qui avait malheureusement un œil voilé depuis sa naissance ce qui lui avait valu de se faire rejeter et maudire par les siens dès son plus jeune âge, mais son affliction était loin de faire de lui un mauvais marin et il avait compensé cela par une connaissance de la navigation et des mers bien supérieure à bon nombre de marins.


Et alors qu’il continuait de parler de sa voix de stentor, ses hommes avaient sortis les planches d’abordages sur le Tempête et sur le Coquatrix dont les pavillons jumeaux étaient battus par les vents et étaient prêts à prendre en tenaille les pirates. Bartholomew n’envisageait pas spécialement de combattre, après tout, il était là pour réquisitionner les services de Selen, quartier maître à bord de ce navire, soi-disant redoutable combattante mais qui, Barth l’avait appris, depuis de récents événements faisait preuve de facultés étranges. Et profitables pour l’entreprise du capitaine du Coquatrix.  Il espérait que cela puisse se faire par simple négociations et qu’il y aurait nul besoin d’un venir aux mains, mais il connaissait les pirates, leur honneur si on pouvait l’appeler ainsi et leur ténacité. Ainsi, il avait déjà plusieurs tours dans son sac au cas où il n’obtienne pas ce qu’il souhaitait.
Il se tut une fois que chacun de ses hommes fût prêts, la réaction des pirates conditionnerait leur sort, il avait hâte de savoir de quoi serait faites les prochaines minutes.

Le Tempête avait perdu quelques hommes, cela était fâcheux. Leur courage et leur bravoure seraient loués dès ce soir dans des chants et des discussions, Barth ferait en sorte que ce soit le cas, mais pour le moment il y avait bien mieux à faire. Si les hommes du Tempête avaient du vaillamment se battre en remplissant la mission qui leur avaient été confié il aurait espéré un peu plus de réussite. Lorsque la proue du Coquatrix rencontra la coque du Crépusculaire, tout son petit équipage dû bien sentir que leur chasse n’avait été que machination. La surprise était toujours une arrivée fantastique. Le harpon avait fait un trou magnifique dans le bois du navire, c’était là une bonne chose et alors que le Coquatrix s’amarrait au Crépusculaire il vit Selen, ses hommes et quelqu’uns de ceux du Tempête encore en vie apparaître sur le pont du navire ennemi.

Le reste des marins qui avaient été caché dans les cales du Tempète commencèrent à sortirent quant à eux discrètement et se préparer à l’assaut à venir. Voilà qui était bien dommage, il fallait toujours descendre dans les cales des raffiots, c’est ce que Barth faisait toujours et cela n’avait fait qu’accroître sa délicieuse destinée. Mais tous n’étaient pas un saint homme comme lui qui s’en allait s’assurer que chaque bateau visité l’était de fond en comble. Bartholomex n’avait pas connaissance de l’entièreté de la malédiction qui sévissait sur le Crépusculaire mais les rumeurs allaient bon trains, comme les monstres marins qui apparaissaient dans le sillage des pirates et semaient la mort. Mais Aaren aurait été un idiot s’il avait appelé un quelconque Kraken si proche de son bâtiment.
Barth regrettait parfois son défunt père Redmund, au moins lui avait un peu de jugeote et les morts se faisaient moins nombreux. Le bon vieux temps, quand tout était encore si simple et que les abordages se faisaient avec panache.

Alors que Bartholomew hélait l'équipage du Crépusculaire il vit Selen sortir de derrière les hommes présents sur le pont pour venir se placer près de Aaren. Il sembla au capitaine du Coquatrix que ce dernier n’était pas ravis de les voir, la mâchoire serrée et bien vite le capitaine du Crépusculaire s’adressa à lui. Il lui annonça qu’il le trouvait bien prétentieux et lui ordonna de retirer ses hommes s’il souhaitait survivre et Aaren pris l’air sadique que Barth lui connaissait si bien. La nature humaine était bien triste lorsque les hommes ne pouvaient plus simplement négocier sans menaces de morts.
Il pouvait reconnaître néanmoins une chose, le pirate ne se laissait pas faire et sa ténacité en émerveillait plus d’un. Aaren pointa son sabre en direction de la goélette et lui demande de lui laisser le Tempète pour réparer son bâtiment maudit alors Bartholomew explosa de rire.

Un rire tonitruant qui poussa du fond de ses entrailles, presqu’à l’en faire pleurer de rire mais très vite un masque de sérieux vint se peindre sur le visage de Barth.


Selen était restée silencieuse derrière Aaren, surveillant tout ce qui était en train de se passer sur les divers ponts et il savait qu’elle l’épiait, alors Bartholomew se décala pour mieux la regarder et lui sourit de toute ses dents avant de reposer son attention sur Aaren.
La tension était palpable et tous savaient que le moment où ils en viendraient aux mains était proche.


Il ouvrit les bras en signe de bonne foi et de propositions honnêtes. Nul doute qu’ils en viendraient aux mains, mais il avait besoin de Selen et de ses nouvelles capacités pour continuer de s’enrichir et Aaren pouvait bien se passer de son second

Bartholomew avait toujours été un homme sûr de lui. Seul les être confiants et certains de leur destinée s’en sortaient dans la vie. Le doute était fait pour les idiots et le Capitaine n’agissait jamais sans être certains de sa réussite et d’avoir effacer toutes les mauvaises surprises. Ainsi lorsqu’Aaren le menaça, il se joua de lui, s’affranchissant de ce que le pirate lui promettait pour avancer ses demandes sur l’échiquier. Il vit Selen froncer les sourcils à l’entente de ses paroles. Il était vrai qu’ils n’étaient pas amis et ne le seraient jamais, sa requête pouvait donc paraître bien étrange. Aaren prit cela avec le sourire et en riant, attrapant toutefois Selen pour la garder près de lui. La proposition du marchand ne sembla pas lui plaire outre mesure, ses actions trahissant l’idée que cela ne l’amusait que peu. Aaren lui répondit en lui apprenant qu’il ignorait que Barth avait un faible pour les blondes et que si Selen n’était pas la plus jolie elle ferait l’affaire pour sûr et qu’il était étonné de le voir harponner son navire pour elle. Les yeux de Bartholomew pétillèrent de malice alors qu’il ajoutait à la suite du pirate, d’une voix suave, doucereuse.



Cela n’amusait en tout cas que peu Selen qui ne sembla pas réagir. Les rumeurs allaient bons trains depuis leur malédiction, l’absence de Selen pendant un temps. Les pirates et les marins parlaient à qui savait écouter et Aaren sans son second n’était pas le même. Le capitaine du Crépusculaire repris la parole, passant son bras sur les épaule de sa quartier maître comme pour signifier à Bartholomew qu’elle lui appartenait. Il répondit aux propos de Barth en lui révélant qu’il était à l’origine, lui et lui seul de ce qui leur arrivait. Et cela semblait l’amuser et il ajouta qu’il refusait sa proposition. Cela était bien dommage, d’autant plus qu’Aaren s’attirait tout le mérite de la malédiction sur lui-même. Ce petit avait un fort besoin de reconnaissance. Sans doute son père ne l’avait-il pas assez valorisé suffisamment lorsqu’il était plus petit.

Bartholomew n’eût pas le temps d’ajouter quoique ce soit qu’Aaren poussa Selen par-dessus bord. Voilà qui était une réaction totalement inattendue mais qui allait être grandement profitable au marchand. Et le combat s’engagea. Marins et pirates croisières le fer, les lames s’entrechoquant, les râles de ceux qui s’effondraient venant s’ajouter aux éclats métalliques. Il envoya deux de ses plus fiers et vigoureux soudards s’en prendre à Aaren. Cela l’occuperait un temps. Il décapita un imbécile d’un croisement de ses deux sabres en grognant, ils allaient lui faire perdre sa proie. Il envoya par-dessus bord l’un des hommes d’Aaren qui avait pris le relai du précédent avant d’aller se saisir des harpons aux crocs acérés dont ils se servaient pour la pèche. Il était temps de chasser de la sirène et les écailles luisantes qui demeuraient en surface des eaux assombries par la nuit ne pouvait passer inaperçues. Tandis que son équipage s’occupait du Crépusculaire, lui s’occupait de sa proie, Azaan le protégeant d’un assaut traître dans le dos. Des années de pèches aux requins et aux baleines lui avaient forgés des bras solides et un œil affûté, il manquait rarement sa proie. La seule chose qui différait été que cette fois-ci,il la voulait en vie. Son tir pouvait être mortel et ce n’était pas ce qu’il souhaitait.

Et le poisson qu’il péchait n’était pas semblable aux autres, plus vifs, plus mortel, plus humain. Il ne pouvait pas s’attendre à des réactions propres aux animaux habituels. Mais cela restait un gros poisson et il avait des harpons. Il lança les premières flèches de fer sur les scintillements et il lui en fallut plusieurs avant de voir l’eau se teinter de rouge et ressentir une tension dans la corde accrochée au harpon, il tira un coup sec pour être sûr d’avoir pêché la bonne proie et lorsqu’une queue de poisson bien plus grande que les espèces présentes dans la zone sortie de l’eau en se débâtant alors seulement à ce moment il siffla entre ses doigts, Azaan repris la barre pour les éloigner du Crépusculaire et les marins qui œuvraient sous ses ordres laissèrent les pirates
Ce qui restait des équipages du Tempête et du Coquatrix se précipitèrent sur leurs ponts, utilisant les planches d’abordages pour s’éloigner du navire pirates et se préparent à quitter la zone de pêche, monta dans les cordages et les huniers pour étendre les voiles et profiter des vents. Alors que le Coquatrix venait déjà de gagner une dizaine de mètre sur le Crépusculaire, Batholomew fit remonter sa trouvaille et la laissa s’échoir sur le pont.
Il se tourna alors vers Aaren et retira son chapeau en signe de remerciements.



Et alors qu’un sourire railleur s’était peint sur son visage, riant, il se tourna vers Selen, où du moins ce qu’il en restait. Le reste de son équipage l’ayant déjà entourée, elle ne pouvait plus rejoindre les siens. Son chapeau toujours dans la main, il s’adressa à elle :

Et il fit signe à ses hommes de l’assommer.

Le harpon causait des dommages intéressants, proche de la boucherie et réparer la jambe endommagée de Selen avait pris plus de temps que prévu. Heureusement pour Bartholomew, il avait recruté, presque ordonné il fallait l’avouer à un médecin de rejoindre son équipage. Les mers n’étaient pas sûres, avoir un guérisseur à son bord était donc plutôt prudent. Ce dernier nettoya, recousu, pansa, mis des onguents sur la blessure de la pirate et bien que cette dernière puisse la faire souffrir quelques temps, ses jours n’étaient pas en danger.
Bartholomew avait installé la pirate dans son propre lit, pour sa convalescence bien évidemment, l’objectif étant simplement qu’elle recouvre sa santé et ses fonctions motrices le plus rapidement et efficacement possible afin que toute cette entreprise n’ait pas été vaine.
Le marchand distribua ses ordres à son équipage et le Coquatrix mis les voiles vers le grand ouest. Un autre de ses navires les rejoindrait avec des vivres à son bord et des hommes, il était impensable qu’ils se rendent à terre et prennent le risque de voir Selen s’échapper. Une fois chacune des missions distribuées en cours de réalisation et Azaan à la barre, le négociant rejoignit sa cabine et pris place sur un fauteuil en attendant que la pirate daigne se réveiller.
Il patienta quelques temps quand enfin la jeune femme s’éveillant, posant des yeux assassins sur Bartholomew. Une promesse de mort brillait dans ces derniers et cela le fit sourire. Elle se se leva du lit, vêtue de la chemise dont il l’avait habillée. Il n’était pas un monstre au point de laisser une femme nue se balader au milieu de marins dont la plupart des réactions étaient pilotées par leur bas-ventre. Il était agréablement surpris de la voir se relever si vite et en même temps ravi, ses affaires allaient bien vite reprendre. Elle s’approcha de lui, essayant de paraître dangereuse mais Bartholomew ne la craignait pas, il avait plusieurs coups d’avance sur elle. Elle s’amusa à prendre l’un de ses couteaux, observant la lame finement affûtée et ouvragée avant de reporter son attention sur le marchand.
Elle lui annonça qu’Aaren allait le pourchasser. Et cela jusqu’à ce qu’il s’estime vengé. Mais après tout, c’était lui qui avait refusé son marché. Il savait qu’il risquerait de nouveau la confrontation avec les pirates mais il serait près le moment venu. Lui aussi avait des alliés de choix, moins tentaculaires cela était certains, mais le Coquatrix n’irait pas aussi vite que Selen pouvait le penser par le fond. La pirate laissa d’ailleurs un sourire se dessiner sur ses lèvres et elle s’amuse à faire glisser doucereusement le plat de la lame du couteau sur la veste de Bartholomew, la nettoyant au passage. Il la remercia, il prenait grand soin de ses vêtements mais la menace à demi voilée derrière cette action risquait de venir entacher ces mêmes atours si elle venait à l’égorger. Elle reprit la parole en lui rappelant ce qu’il avait fait. Il était plus vieux qu’elle certes, mais pas sénile. Elle le questionna sur la raison de son entreprise et des efforts fournis pour l’avoir. Il sourit, presque tristement, comme si cela avait bien pu le peiner. Mais ce n’était pas le cas.


Il laissa un temps d’arrêt. Si Selen continuait son petit jeu de menaces ridicules, elle sentirait bientôt entre ses côtes la lame que Bartholomew avait sorti de sa manche. Quelques centimètres de plus et qu’elle agisse rapidement au non, il aurait temps de lui percer le cœur. Il se redressa, rangeant la lame qu’il avait sorti alors qu’elle s’avançait dangereusement, quittant la chaise sur laquelle il était assis, agrippant le poignet de la pirate pour lui prendre le couteau qu’elle avait entre les mains.


Il lui sourit de toute ses dents avant de la repousser. Il s’empara d’un rouleau de bois posé sur la table qui trônait fièrement au milieu de sa cabine. Mobilier sur lequel habituellement prenait place sa flotte et leurs destinations mais par mesure de précautions il avait caché tout cela avant de la recevoir, il n’avait nul souhait qu’elle puisse jeter un œil à ses affaires. Il avait ainsi donc tout fait disparaître dans un coffre, fermé à clé. Ainsi donc, il exposa sur la table une vaste carte de l’antique Bélériand et des cités elfiques qui le composait. Il entreprit de lui expliquer les raisons de sa présence sur son navire.


Et cela n’était en aucun cas négociable. Elle pouvait s’y refuser. Il serait alors obligé d’abattre une nouvelle carte.

Selen n’était pas femme à se laisser impressionner et lorsque Bartholomew chercha à récupérer son couteau, plus pour qu’elle ne le salisse pas plutôt qu’elle ne le tue avec, elle se laissa faire sans mots dire. Hélas pour Bartholomew il avait mal choisi l’ordre de ses paroles et à l’entente du prénom de son fils, le regard de la pirate s’était obscurci et elle s’approcha du capitaine du Coquatrix avec détermination, envoyant valser la carte pour mieux le saisir à la gorge et le plaquer contre la bibliothèque aux ouvrages aussi richement enluminé qu’instructifs. Le regard de la pirate était devenu fou, comme si elle avait souhaité le transpercer. Elle était là la véritable Selen, juste devant lui. Elle lui hurla au visage, lui demandant ce qu’il avait fait de son fils. Il sourit doucement, ainsi donc il avait bien choisi ses cartes. Les femmes étaient bien toutes semblables une fois qu’elles avaient enfantées et il était bien ravi de faire partie du camp des hommes. Elles devenaient si hystériques lorsqu’il était question de progéniture. Les deux marins qui s’étaient posté devant porte de la cabine de leur capitaine entrèrent lorsqu’ils entendirent le hurlement que poussa Selen. Les choses se déroulaient encore une fois parfaitement. Prévoir, planifier, organiser, voilà qui permettait la réussite de chacune de ses entreprises et si les pirates avaient été un peu plus malins, sans doute lui auraient-ils échappé, mais ce n’était pas le cas. Et il avait une fois de plus choisit les meilleurs pions et le meilleur angle d’attaque. Le fils de Selen. Au début il n’y avait pas cru, une pirate comme elle devenir mère, voilà qui ne lui allait pas, mais puisque ces informations avaient été vérifiées, il s’en était emparées et avait bien compté s’en servir.

Il aurait pu embarquer la sœur également mais cela aurait fait une bouche de plus à nourrir. Alors il s’était contenté du petit. Cependant elle s’était bien battue pour garder son neveu auprès d’elle. Mais que pouvait une frêle femme face à une dizaine d’hommes ? S’il avait trouvé le père et qu’il avait été un monstre il aurait pu le faire torturer et tuer, mais il n’était pas ainsi, il avait un cœur. Les menaces continuèrent de pleuvoir alors quelle lui promettait de lui arracher les yeux s’il le touchait. Trop tard. Voilà qu’il allait avoir un point commun de plus avec Azaan, que c’était agréable et cela serait cher payé alors qu’il s’occupait fort bien du petit. Le nourrissant convenablement, le changeant. S’en occupant comme s’il avait été son propre père.
Il se libéra de l’emprise de Selen, en lui balançant son poing dans le ventre avant de lui asséner une sévère gifle dans le visage. La bougresse avait un peu de force mais Bartholomew était toujours plus grand et plus puissant qu’elle. Et très vite on entendit les pleurs d’un enfant s’élever dans la cabine.


Les deux marins qui étaient entrés se saisirent dans le même temps de la pirate tandis que Bartholomew se dirigeait vers un couffin qui avait été cachée derrière des rideaux, prenant le nourrisson qui s’y trouvait avec délicatesse pour le bercer. Un adorable poupon aux yeux couleur du ciel. C’était un bel enfant et nul doute qu’il ferait un fort et vigoureux adulte un peu plus tard.
« Là... Là mon petit. » Et alors qu’il se tournait vers Selen, son enfant dans les bras. Il planta son regard froid et bleuté dans le sien. « Maintenant, tu iras chercher ce que je te demande si tu ne veux pas qu’il aille nourrir ton kraken. » Et il regarde ses hommes et d’une voix ferme leur dit « Emmenez là »

Et Selen pu entendre en étant ainsi éloignée de la cabine Bartholomew se mettre à chantonner une berceuse pour Chandalen. Les deux marins la descendirent en fond de cale pour la jeter dans une cellule aux barreaux solides. Elle demeurerait ici, dans l’obscurité et le silence jusqu’à ce que chacune des missions que lui confirait Bartholomew soient effectuées et l’équipage ne lui adresserait aucune parole ni répondrait à ses cris.

Le coup de poing dans le ventre et la gifle la firent toucher terre, la laissant tousser pour essayer de reprendre son souffle. Bartholomew n’était sans doute pas le meilleur pugiliste mais au moins visait-il juste les fois où il touchait. Et les pleurs du petit résonnèrent dans la cabine. Les marins saisirent Selen qui se mit à hurler en se débattant comme une furie.
La vie était bien injuste. Mais elle l’était avec tout le monde il fallait juste s’en accommoder et si Selen n’arrivait pas à s’y faire, les quelques semaines qu’elle passerait parmi eux l’aiderait à comprendre que personne n’était jamais à l’abri d’un revirement du destin. Les deux gaillards étaient obligé de la trainer tant elle hurlait et se débattait, lui répétant qu’il n’avait aucun droit de lui faire cela. Sans la regarder il déclara doucement, tentant de rendormir le petit :



Après tout, cela était vrai. Si elle tenait vraiment à lui, elle serait demeurée à ses côté pour l’élever et non le laisser à la charge de sa sœur. Elle était une mère indigne et elle venait à se montrer hystérique alors que lui étant entrain de s’occuper de cet enfant qu’elle avait abandonné. Pauvre petit Chandalen. Une mère qui lui préférait l’océan et le sang, voilà qui ne l’aidera pas à se construire un avenir radieux lorsqu’il s’en rendrait compte. Il se mit à chantonner doucement pour le petit tandis que la porte se refermait sur les cris étouffés de la pirate.

Une semaine passa alors qu’ils voguaient, poussé par le vent, s’employant à faire défiler les miles sous la coque du Coquatrix jours et nuit et bien vite ils purent voir les contreforts des Montagnes Bleus et les vertes plaines du Lindon. Ils étaient en train de naviguer au-dessus du Bélériand et des anciennes cités Elfique qu’il souhaitait voir visitée pour en récupérer armes et chef d’œuvres de cet âge d’or révolu. La pirate refusait de plus de s’alimenter alors qu’il disposait d’un cuisinier tout à fait exquis sur la frégate qui faisait en sorte que l’équipage soit toujours nourri correctement et en quantité. Malheureusement si elle ne se sustentait pas, elle risquait de tomber malade ou de ne plus lui être utile et voilà qui était fort désagréables. Toutes ces machinations ourdies pour rien.
Alors qu’il consultait ses cartes ainsi que les anciennes descriptions de la première fortification qu’il souhaitait voire visitée, le petit Chandalen jouait dans son berceau avec des breloques et des clochettes, gazouillant doucement après avoir été nourri. Contrairement à sa mère lui ne rejetait pas son repas. Peut-être le garderait-il si Selen ne lui était plus utile, après tout, un enfant à bord était source de joie et l’honnête commerçant qu’il était ne lui ferait pas subir de bataille.
Azaan vint le chercher, le sortant de sa rêverie et lui signifiant qu’ils étaient près à jeter l’ancre, que les cordages et sacs de jutes nécessaires pour remonter leurs trouvailles étaient également déjà sur le pont. Alors il fit chercher Selen. Il était temps de voir si la pirate était prête à coopérer, si ce n’était pas le cas, alors il se débarrasserait de l’enfant et d’elle avec avant de les donner en pâture aux créatures marines. Il n’était pas un meurtrier mais il fallait bien nourrir les animaux qui vivait sous les flots de temps à autres, il n’allait pas sacrifier l’un de ses hommes pour cela. Il fit descendre quatre de ses hommes pour escorter la pirate sur le pont où tout l’équipage l’attendait. Elle fût jetée au pied de Bartholomew, murmurant faiblement le souhait de voir son fils. Que c’était pitoyable, il n’aurait plus manqué qu’elle le supplie et l’estime qu’il portait à Selen, car il lui en portait un peu, s’effriterait comme du sable balayé par le vent.



Il la regardait, sévère. Il aurait pu, par sympathie, car il était quelqu’un de bon lui donner la possibilité de voir son fils. Mais qu’aurait-il eu en échange ? Elle ne s’alimentait pas, elle refuserait d’aller lui chercher ce qu’il souhaitait, il ne pouvait lui donner l’opportunité de voir son fils. Cela n’était pas correct alors que l’équipage prenait soin d’elle et se montrait des plus hospitaliers. Il reprit la parole, d’une voix suave :


Et il se tut, son visage s’étant peint d’un rictus de douleur mêlée à la tristesse, comme s’il souffrait réellement de ne pouvoir lui offrir ce qu’elle souhaitait. Mais en vérité, cela ne remuait en lui strictement rien. Il n’avait été très empathique et ce n’était certainement pas avec une pirate que cela allait commencer.

Selen se redressa au fur et à mesure qu’il s’adressait à elle, allant jusqu’à s’asseoir sur le pont. Elle paraissait épuisée et faible. Il ne l’avait presque pas entendu, lorsqu’elle avait soupiré. Ses hommes oui et ces derniers avaient plus d’une fois ricané face à la reddition de la pirate et cela était fort plaisant. Il était important de l’avouer. Elle lui répêta de nouveau ce qu’il avait cru entendre, feignant d’avoir mal compris, mais elle répéta bien qu’elle irait chercher ce qu’il souhaitait, qu’elle mangerait, à la condition qu’elle passe du temps avec son fils.
Alors Bartholomew se mit à sourire de toute ses dents avant de lâcher un rire, écartant les bras.

« A la bonne heure ! » Et il s’adressa à ses hommes, redevenant plus sérieux. « Relevez-là ».

Et d’un coup de tête il les enjoignit à l’amener dans sa cabine. Un repas, quelques instants avec son fils et elle irait chercher les reliques avant de retrouver sa cellule. Il était de nature agréable mais il ne fallait pas trop en abuser non plus. Il avait une dent contre les pirates, certes, mais sur ce bateau elle n’en était plus une et s’il voulait que sa mission soit une réussite, il devait permettre quelques sacrifices.
Il ouvrit la porte de sa cabine, des mets délicieux avaient été déposé sur la table. Enfin délicieux, pour un navire de l’envergure du Coquatrix cela était bien plus que correct et la moitié des tavernes et auberges ne servaient pas d’aussi beaux poissons ni de fruits aussi sucrés

Il laissa ses marins asseoir la jeune femme et il s’adressa à elle de sa voix doucereuse tendit qu’il approchait le berceau de Chandalen près d’elle.
Il n’était pas un monstre, elle avait des capacités qu’il souhaitait exploiter et elle s’était montrée égoïste. Il n’avait pas eu d’autres choix que d’agir de la sorte. Il croqua dans une pomme avant d’avancer trois feuillets vers Selen, s’étant assis en face d’elle, sur lesquels étaient dessinés une épée, un astrolabe et une broche finement ouvragée.
Et si elle les trouvait tous, cela ferait tourner une fois de plus son commerce. Il était étonnant de voir comment de riche bourgeois Gondoriens sortaient leurs bourses remplies de pièces pour s’offrir des reliques du premier et second âge. Et lui, honnête marchand qu’il était ne pouvait répondre à la demande que par l’offre.

Il ne laissa pas Selen seule pour cette première véritable entrevue avec son enfant et Azaan son quartier-maître se tenait devant la porte également. On n’était jamais trop prudent et peut-être Selen feignait-elle d’être affectée pour le sort de son fils pour mieux s’échapper en l’abandonnant. Il n’était pas aisé de faire confiance aux pirates.
Lorsqu’il estima qu’elle avait assez mangé et qu’elle avait assez vu son fils alors qu’elle ne lui avait encore rien offert en échange, il se releva et s’adressa de nouveau à elle :

« Bien, maintenant que tes souhaits t'ont été accordé, au travail ! » Et la laissant dire au revoir à son enfant, il la poussa ensuite dehors ou l’équipage attendait. « Evidemment, je n’ai que peu de vêtements de rechange ici, tu comprendras donc qu’avant de plonger et de révéler ta malédiction, tu laisseras tes habits ici, sur le pont. »
Effectivement, il l’enjoignait à se déshabiller devant l’équipage du Coquatrix, mais après tout n’était-elle pas un pirate ? Sans peur ni reproche qui ne craignait ni les jugements ni les simples marins ? Ainsi cela ne la gênerait sûrement pas.

« Tu as jusqu’à la tombée de la nuit pour trouver ce que je souhaite, cela te laisse à peu près trois heures. Si tu ne reviens pas avec la moindre de ces reliques, tu sais ce qui t’attend. »

Et alors qu’il continuait de sourire il lui donna un sac en toile de jute et une corde afin qu’elle puisse attacher ses trouvailles ou retrouver son chemin sous l’eau.

Alors que le Capitaine du Coquatrix accédait à la requête de la pirate, celle-ci sembla soulagée. Elle le suivit alors qu’il se dirigeait dans sa cabine et qu’il lui permettait enfin de voir son petit. Quel empressement ! Ainsi donc elle tenait réellement à sa progéniture et Bartholomew aurait presque pu croire que le petit lui avait manqué. Il approcha le petit de sa génitrice puis s’attabla, croquant dans une pomme avec gourmandise, ses bottes posées avec nonchalance sur la table de bois sombre. Le bambin se mit à gazouiller, reconnaissant sa mère. Il était bien là une chose que Barth ne pouvait imiter, sa barbe le trahissait surement. Il aurait pu vomir son repas quand s’en suivit tout un tas de mièvreries : embrassades, câlins et autres. A défaut de régurgiter, il leva les yeux au ciel.
Selen c’était servi à manger et cela était une bonne chose, il pu alors lui rappeler les règles de leur contrat ainsi que ses demandes, il lui montra également les objects qu’il cherchait à obtenir.

Elle ne dit mot, il jugea qu’elle avait compris ce qu’il attendait d’elle et que cela suffirait. Bien évidemment, il n’était pas temps de se complaire dans les embrassades et autres choses ignobles de ce genre
Le petit se mit à pleurer plusieurs fois, et la pirate dû le calmer, retardant un peu plus son affaire. Quelle déchirure, quel désespoir ! Cela en était presque ridicule alors une fois sortit il ferma bien vite la porte et s’empressa de diriger Selen sur le pont.
Evidemment, sa gentillesse avait des limites et il s’empressa d’humilier la pirate dès que tout son équipage l’entoura. Mais après tout, si elle souhaitait posséder des vêtements secs à son retour, ou des vêtements tout court, c’était là un sacrifice dont elle devait s’accommoder.

Le soleil se mêla aux flots, le bleu du ciel était devenu orange, c’était là un spectacle des plus plaisants. Bartholomew accoudé au bastingage attendait que Selen remonte à la surface, si elle remontait un jour. La pirate, ou du moins la créature marine qui s’y apparentait refit surface et les marins la remontée grâce au filet de pêche. L’équipage du Coqutarix n’était pas aussi doux et avenant que son capitaine, ainsi ils la laissèrent retomber sans ménagement sur le pont et plus d’un la fixèrent, d’abord avec défiance sous sa forme marine puis avec avidité lorsqu’elle retrouva ses jambes et avant qu’elle n’eût le temps de se rhabiller.
Elle avait déposé le sac plein des reliques recherchés et Azzan s’empressa de le vérifier pour Bartholomew avant de signifier d’un signe de tête que cela suffisait. La pirate, trempée, déclara bien vite qu’elle voulait rester avec son enfant. Il aurait pu lui signifier qu’il aurait préférait l’astrolabe à la broche et que pour le mauvais choix qu’elle avait fait, mais il n'était pas stupide au point de gâcher les cartes qu'il avait joué et préparé depuis longtemps, alors il déclara, doucereux:

« Comme convenu. Je suis un homme de parole, tu le sais bien, pas un vulgaire pirate. »

Alors il la conduisit de nouveau à son fils. Mais dès demain à l’aube, elle retournerait chercher l’astrolabe et tout ce qu’elle pourrait remonter, il en serait ainsi jusqu’à ce qu’ils atteignent l’antique cité de Gondolin. Peu lui importait que des jours voir des semaines s’écoulent ainsi, lorsqu’il rentrerait au Gondor, son navire chargé de toutes ces trouvailles. Et c’est ce qui se produisit. Bien évidemment les performances de Selen laissèrent parfois à désirer et respectant le contrat établi, il ne lui permit pas de passer du temps avec Chandalen. Il était bien assez miséricordieux comme cela. Un soir alors qu’elle ne remontait avec rien, il la laissa d’ailleurs postée devant la cabine, cernée par plusieurs marins tandis qu’il s’amusait à chatouiller, faire rire et gazouiller le petit de la pirate. Chandalen avait un rire tout à fait à croquer et Bartholomew avait espéré que de derrière la porte elle se mordait les doigts d’avoir été si peu efficace. Il sembla qu’après cette soirée, l’efficacité de la femme fût renouvelée.
Bon nombre d’objets furent ainsi remontés des profondeurs. Des épées, coutelas, sabres par dizaine qui une fois nettoyé se relève aussi tranchants qu’au premier âge. Le travail est Elfes n’était plus à loué. Bartholomew et son équipage se réunirent lors de la dernière remontée de Selen. Ils allaient bientôt revenir à terre, regagner leurs repères ou tout autres tavernes, leur solde devait être payé. Et le Capitaine leur distribua leur solde. Selon les préférences de chacun des larmes courtes ou longues furent distribuer. Chaque marin recevant ainsi une nouvelle lame avec laquelle se battre ou se protéger. Evidemment, honnêtes marins qu’ils étaient, ces armes seraient pour eux des décorations.
Il laissa ensuite ses hommes festoyer. Il était un capitaine juste et équitable, on ne pouvait le lui enlever et après cette soirée son équipage continuerait de le servir loyalement, il le savait. Nul capitaine à part lui choyait ainsi ses hommes. Evidemment ces derniers savaient que ce sabre miséricordieux placé au-dessus de leur tête était à double tranchant et qu’à la moindre erreur il s’abattrait avec fermeté.
Les laissant ainsi profiter de leur nuit, Bartholomew dirigea Selen vers sa cabine. Un repas avait été également servis pour eux. Le petit Chandalen attendait, docile dans son couffin. Alors qu’il s’asseyait à table, il s’adressa à la pirate, un sourire narquois dessiné sur son visage.

« Presque deux semaines sur mon navire sans broncher. Si tu souhaitais rester, il fallait le demander plus tôt. »

Il n’en pensait pas un traître mot et il savait que s’il l’acceptait à son bord elle aurait tôt fait d’assassiner la moitié de ses hommes et lui-même à la première occasion. Il n’avait obtenu ses atouts que grâce à ce fils qu’il avait enlevé et heureusement pour lui elle tenait au petit. Ainsi, laissant peu de temps pour les bavardages inutiles, se servant de quelques victuailles, il continua, toute note d’humour ayant désertée de sa voix, son regard s’étend durcit :

Bons nombres de rumeurs existaient sur le Crépusculaire, on parlait de démons de l’ancien temps, de cavaliers noirs. Il lui fallait éclaircir tout cela car Il était bien plus intéressé par cette malédiction qui touchait ces satanés pirates et risquait de ralentir son commerce que le sort véritable de la pirate et celui de son marmot. Plus vite il serait débarrassé de ces écumeurs des mers et leurs monstres marins, mieux il se porterait.

Contrairement à ce que Selen pouvait bien penser, il estimait que les choses se déroulaient plutôt bien. Evidemment, cela aurait pu être parfait mais il ne fallait pas se leurrer, aucun d’entre eux n’était chasseurs des trésors, pour ce qu’on pouvait d’ailleurs appeler trésor ce qui avait en fait des outils elfiques du quotidien et les milliers d’années qui s’étaient écoulées ne permettaient pas toujours de remonter à la surface ce qui aurait dû se trouver sous la surface. Certes, il était arrivé qu’il y ait des requins, que la pirate ne remonte pas avec ce qu’il avait demandé, mais de quoi allait-il se plaindre ? Il l’avait à sa merci et il était en pleine possession de ses moyens, ses affaires avaient repris. Il ne pouvait donc se plaindre. Et de plus, il n’y avait strictement rien, nulle voile ni bruits douteux qui auraient supposer que le Crépusculaire et son capitaine venait chercher leur quartier maître. Cela lui aurait presque fendu le cœur s’il en avait eu un. Il était donc tout à fait satisfait de son entreprise et se satisfait de la réussite de cette dernière.
Il avait certes cédé et autorisé la pirate à passer la nuit avec sa progéniture plusieurs fois, mais sa gentillesse s’arrêtait là et dès qu’il pouvait énerver la pirate et l’humilier, il ne se privait pas pour le faire. C’était devenu en quelque sorte l’un de son nouveau passetemps préféré. Alors lorsqu’il prenait la parole, il prenait un malin plaisir à l’agacer. Il lâcha une phrase qui à coup sûr énerverait la pirate et qui lui tirerait un sourire satisfait de l’avoir exaspérée. Elle le fusilla d’ailleurs du regard, comme si cela avait bien pu lui faire du mal. Le reste du repas se passa en silence, contrit sans aucun doute, et un doux sourire flottait sur le visage de Bartholomew, trop heureux de jouer avec les nerfs de la jeune femme. Cela avait quelque chose de vivifiants et changer des conversations qu’il pouvait avoir avec ses hommes.
Mais quel tableau attendrissant elle faisait là, à jouer avec les petits doigts de son enfant. S’il avait eu à s’occuper de la moitié des rejetons qu’il avait pu engendrer avec toute la semence déposée dans des demoiselles de passage il n’en aurait jamais eu finis et n’aurait sans doute jamais eu un bateau assez grand pour les faire tenir sur le pont. Ricanant intérieurement, il laissa son visage se peindre d’un masque plus sérieux. Il avait des choses à savoir.
Il finit néanmoins par lui poser la question qui le taraudait depuis quelques. Selen ne lui répondit pas tout de suite, terminant sa bouchée avant de prendre son rejeton dans ses bras qui babillait, réclamant de l’attention le petit serra sa mère contre lui et enfin la pirate daigna répondre, lui révélant qu’elle ignorait avec qui le capitaine du Crépusculaire avait passer ce curieux accord qui les avait tous maudit. Voilà quelque chose qu’il devrait investiguer plus sérieusement. Ainsi donc, à l’écoute de la réponse, Bartholomew pu deviner qu’elle n’avait pas été entièrement d’accord avec le pacte passé. Voilà qui était intéressant, une forme de discorde entre eux. C’était là quelque chose d’important à savoir et à retourner contre eux lorsque le moment serait venu. Aaren avait donc décidé pour tout le monde, il décida d’appuyer sur ces derniers mots.


Il avait pris un temps doucereux pour terminer sa diatribe. Oh la malédiction de la pirate qui allait la transformer en monstre marin à jamais, cela n’était pas passé inaperçu, pas plus que sa condition bien étrange d’être aquatique. Certes cela n’était pas visible de prime abord mais tous les marins avaient pu remarquer les curieuses écailles qui recouvraient par endroit la peau de la pirate. Et Bartholomew ne les aurait pas empêchés de se rincer l’œil, il n’était pas ainsi, lui avait simplement observé, jour après jour le grossissement de ces appendices Combien de plongeons restait-il à Selen avant qu’elle ne rejoigne les eaux profondes ? Cela l’empêchait-elle te dormir ? il savait qu’lle mangeait très peu, mais suffisamment pour répondre à ses demandes, peut-être était-ce dû à la lente transformation qui lui faisait rejeter la nourriture humaine.
Voilà un questionnement des plus intéressant et il tenterait bien d’obtenir quelques réponses, quand bien même l’amabilité de la pirate et son silence lui feraient perdre quelques temps, il aurait accès au fin mot de l’histoire.
Le petit contrairement à sa mère était bien plus agréable, il mangeait avec appétit, rigolait, babillait, souriait et quoiqu’on ait pu reprocher à Bartholomew, au moins il s’occupait correctement du petit. A croire qu’il aurait presque été fait pour être père. Mais il avait renoncé depuis bien des années à cette voie là. A moins que…
La pirate continua par une semi-question, annonçant à Bartholomew que cette malédiction lui était profitable. Il ficha son regard azur, froid dans celui de la jeune femme. Nulle trace d’amusement sur son visage et un éclat d’agacement, presque de colère passa dans ses yeux.
« En profiter ? » Bartholomew aurait manqué de s’étouffer avec son breuvage s’il ne l’avait déjà pas avalé. « Bien évidemment, je profite amplement de la parte de certains de mes partenaires de commerces dont les navires ont disparu, détruit par un Kraken. Bien évidemment je profite de la pagaille, sottises et pauvreté que vous avez semées en vous en prenant à la moitié des villes et villages de la région dans lesquels les pauvres gens n’ont même plus de quoi se nourrir ni payer pour le faire. Bien évidemment je profite du fait que les gens se méfiaient désormais de tout ce qui vient de la mer. » Les pirates étaient des monstres d’égoïsme, heureusement il n’était pas comme eux.

Il vit Selen froncer les sourcils. Il espérait que c’est parce qu’elle se rendait compte qu’elle avait affaire à quelqu’un d’observateur et d’attentifs, contrairement à la moitié des gens de ce monde obnubilé par leur propre nombril. Alors oui, depuis qu’il avait vu la première fois Selen, passer à cpoté du fait qu’elle n’avait pas changé. Autrefois elle avait eu les cheveux bruns et la peau hâlée, depuis elle était blanchâtre, ses cheveux tiraient vers le blanc et comme il l’avait dit, à demi-mot, bientôt elle quitterait la terre pour ne plus revenir. Elle rejoindrait les murènes et autres poissons des profondeurs.
Il était malheureux que des gens comme Selen ne voit pas la bonté qui émanait de lui, honnête marchand, certes orgueilleux mais saint homme dès que cela lui était rendu possible.
Alors certes, ce n’était pas là son trait de caractères le plus dominant mais il lui arrivait d’aider son prochain. Mais il était vrai que ce n’était pas tant la mort et la misère qui avait touché le Gondor qui l’avait affligé, c’était plutôt la perte des recettes de son commerces et la méfiance engendrées par les actes des pirates qui lui avait empêché de diffuser ses cargaisons et marchandises par voies maritimes et fluviales pendant quelques semaines.
Mais de là à le penser jaloux ? Cela lui tira un rire. Un rire qui s’éteignit seulement lorsqu’il sécha les larmes qui lui était montée aux yeux. Jaloux. Mais de qui ? Il était bien plus riche que la moitié des gens du Gondor, bien plus libre que l’autre moitié, il n’avait rien à envier à personne et il n’aspirait qu’à une chose, poursuivre sa propre destinée.

« Moi jaloux ? Certainement pas. Troquer ma liberté contre un pacte dont les tenants et aboutissants ne me seraient inconnue et me priverait de faire ce que bon me semble. Certes il se pourrait que je sois bien plus malheureux pour mes propres navires que pour des gens qui me sont inconnu. Et quant à t’user à mon propre profit, c’est évident, sinon je me serai déjà débarrassé de toi. »

Alors oui certes, il n’était sans doute pas l’homme le plus chevaleresque du Gondor, mais cela l’avait bien embêté toutes ces affaires causées par les pirates et ils espéraient bien les faire payer. Mais pour l’instant il n’avait pas encore toutes les cartes en mains pour les affaiblir et les user jusqu’à la moelle. Mais ce jour viendrait, il en était certain et alors qu’elle devenait menaçante, cela ne l’atteignit pas.
Un prix à payer pour user de la magie, certes, mais lui ne l’utilisait pas. Ce n’est pas lui qui pllongeait, ce n’est pas lui qui utilisait des monstres marins pour se défendre et vu ce qu’il faisait le reste du temps, celui qui avait passé le pacte avec les pirates ne semblait pas très regardant. Et si elle lui annonça qu’elle n’avait pas été transformée pour satisfaire Aaren mais pour un destin plus précieux cela ne semblait pas sauter aux yeux.
D’ailleurs Bartholomew la regarda avec attention, avant de croquer dans le reste de sa pomme, un sourire aussi ironique que celui de Selen s’étirant sur son visage.


Il laissa quelques secondes sa question en suspens. Elle semblait tout ignorer de leur pacte, leur attaque à Osgiliath avait été un cuisant échec, ils n’avaient strictement rien trouvé là-bas, arrêté à temps par les soldats du Gondor et du Rohan. Il sourit doucement, répondant à celui ironique que la pirate avait esquissé. Ils ignoraient tout deux tout de la malédiction qui touchait la jeune femme et ce qui était le plus affligeant pour elle, c’est qu’elle risquait de perdre ce à quoi elle tenait pour une chimère. Voilà qui était quelque chose de bien cocasse. Ainsi il continua, goguenard :

« Après tout, vous n’avez été qu’une diversion au passage de ces orcs sur les terres du Rohan. Et qui dit que cette chose qui vous a transformé se moque bien de ce qu’il peut advenir de vous ? Et quand bien même il agirait, ne t’en fais pas pour mes ressources. Contrairement à vous, je ne suis pas idiot, je n’escompte pas me retrouver seul à batailler contre une nation.»

Oh il avait entendu les rumeurs, ses oreilles étaient attentives à ce genre de choses, d’une Orbe aux pouvoirs étranges et des mouvements des orcs. Il aurait menti s’il avait dit que l’orbe qui avait semée la discorde ne l’avait pas lui aussi intéressé, mais contrairement aux pirates ils avaient fait jouer ses connaissances et relation pour obtenir plus d’informations et il avait appris que ce que cherchait les pirates était un Palentir. Mais celui-ci ne s’était jamais trouvé à Osgiliath, du moins plus depuis la lutte fratricide qui avait eu lieu au début du troisième Âge. Il se garda bien de partager tout cela avec Selen. Préférant finir le fruit qu’il avait entre les mains avant d’engloutir deux pâtisseries ramenées d’Umbar à son précédent voyage.

Le petit ne semblait guère perturbé par la vie à bord du navire ou la conversation menée autour de lui. L’ambiance était tendue, différente de ce qu’il aurait pu avoir comme conversation avec d’autres gens que Selen. Il avait été chercher le petit bien une semaine avant l’embuscade qui lui avait fait récupérer la pirate. Il avait à cette occasion eu la chance de rencontrer sa jumelle. Malheureusement pour cette dernière, l’aptitude au combat était bien moindre et il n’avait pas été compliqué de s’emparer du petit. S’il pouvait être considéré comme un monstre par plus d’un, on ne pouvait lui reprocher d’avoir maltraité le petit. Il s’en était fort bien occupé et pour cela Selen aurait pu montrer un peu plus de reconnaissance

Elle éludait certaines des pistes qu’il avait déposées, comme sa transformation ou cette chose avec laquelle ils avaient passé ce pacte. Certes cela leur avait procurés de nettes avantages et la flotte dans le sillage du Crépusculaire s’était agrandi, certains des négociants que Bartholomew croisait en mer avaient amarrée leurs bateaux au port de crainte de se faire piller et couler.
Non pas que Bartholomew n’ait pas craint qu’un tel sort puisse lui arriver, mais tel était la destinée qu’il s’état choisi et il ne comptait pas y renoncer. Cela faisait bientôt plus de cinquante années qu’il respirait l’iode, sillonnait la terre comme la mer et s’il n’avait pas encore eu la chance de découvrir les moindres recoins de la terre du milieu, ce n’était pas de vulgaires paroles qui allait l’empêcher d’accomplir ce qu’il avait prévu. Elle n’imaginait pas à quel point la fierté et l’orgueil l’empêchait de renoncer ou de tourner le dos à son Destin. Il avait encore tant à prouver et à construire. Elle lui annonça que contrairement à eux, ce n’était pas une nation qu’il défiait, mais une chose avec de grands pouvoirs. Il haussa les épaules. Il ne s’était toujours pas fait visiter par une quelconque entité maléfique ainsi donc, il a avait encore le temps. Ainsi, malicieux il ne fit que lui répondre :


Il savait bien que Selen ne se souciait guère de ce que le capitaine du Coquatrix pouvait devenir, sans doute espérait-elle qu’il perde la vie rapidement pour avoir usé d’elle à ses fins, s’être mis Aaren à dos, enfin plus qu’il ne l’était. Il avait du mal à croire cependant que ce dernier ait essayé de la chercher réellement, il n’avait pas fait mine de se cacher et son bâtiment était reconnaissable lorsqu’il s’avançaient sur les flots.
Elle lui demanda de le laisser s’en aller, de la laisser partir avec son enfant, le menaçant presque en annonçant l’arrivée imminente d’Aaren. Il fit mine de réfléchir, lissant sa barbe alors qu’il songeait à la demande de la pirate :

« Si je te garde à bord, Aaren n’osera pas venir m’attaquer, de crainte de perdre son quartier-maître ne meurt, je pourrai ainsi te garder indéfiniment » Il sourit doucement, ne pensant pas un seul des mots énoncés « Mais ne t’en fais pas, je compte bien de laisser t’en aller, des pirates sur son bâtiment ne font pas bon ménage avec les affaires, donc je te laisse volontiers retourner t’amuser avec ton équipage. Après tout, il faut que tu en profites encore un peu avant de rejoindre les murènes. A moins que tu ne désires plus que de t’occuper de ton fils, et la piraterie ce n’est pas une vie pour un enfant. Tu le sais, au fond de toi tu es déjà en train de changer, et je ne parle pas de ta transformation en poisson. »

Il avait dit ces derniers mots d’un ton doux. Il s’était lui-même senti changer lorsqu’il avait posé ses yeux sur ce petit être qu’il avait un jour déposé dans un monastère. Mais il avait vite réfréné ce changement, il ne s’était jamais attaché à aucun des rejetons qu’il avait pu produire, que cela ait pu être bien ses enfants légitime ou non, il n’avait pas le temps de s’occuper de cela et surtout, cela n’était pas dans sa nature. Il était fait pour diriger des hommes, par pour changer les langes d’enfants.
Il se redressa pour aller ouvrir la porte de sa cabine, invitant deux de ses hommes à entrer pour qu’il redescende dans la cale la pirate, avec son fils, qu’elle passa sa dernière nuit avec le reste de l’équipage.

« Comme je suis un homme sympathique, je te prêterai une chaloupe et deux rames. Ne me remercie pas, je prendrai soin de te déposer proche d’une plage, je ne suis pas ignoble. En attendant, passe une agréable nuit sur mon bâtiment !»

Et il laissa la porte se refermer sur la pirate et son fils tandis qu’il accueillait Azaan pour partager le reste de son dîner et discuter de leurs prochaines affaires. Les cartes, astrolabes, boussoles et autres objets de navigation repêchés par Selen lui permettrait d’aller encore bien plus loin qu’il ne l’avait été, bien plus loin vers l’Est, aux frontières du monde connu.