« You can be the hunter, or you can be the hunted » feat. Csiasan

Cette forêt ne serait pas son tombeau. Peu importait combien de fois elle essayait, tous les mécanismes qu'elles mettaient en place pour se dresser en travers de son chemin, Csiasan était résolu à ne pas laisser sa peau boursouflée périr ici. Il était venu en petit groupe depuis le Rohan afin de livrer une draperie et des missives qui n'avaient aucune valeur à ses yeux. Aujourd'hui, sur le retour, il était seul. Mirkwood avait eu tôt fait d'engloutir ses premiers accompagnants, les plus distraits et les plus faibles, sans doute. Si leur mission avait été accomplie, c'était de justesse et peu avant que des araignées géantes ne se mettent à la poursuite des seuls hommes restants. Blessé dans l'échaffouré, voyant sa fin arriver, le géant n'avait pas hésité une seule seconde avant de plonger sa lame taché de sang immonde dans le flanc de celui qui restait encore à ses côtés et venait de le prendre sur sa monture. Le cheval ainsi libéré d'un poid non négligeable avait enfin pu semer les créatures du Mal, qui s'étaient attardées un instant pour récupérer le pauvre homme ainsi trahi.
Csiasan ne regrettait pas son geste.
Il en avait été ainsi toute sa vie. Il n'avait plus foi en l'Homme, lui-même trahi trop de fois par le passé. Il savait à présent, qu'il n'y avait pas de loyauté qui tienne, d'autre que celle qu'on se devait à soi-même. C'était tuer ou mourir. Mangé ou être mangé. Et à propos de manger...

La providence l'avait amené à l'entrée d'une clairière, où il avait passé la nuit particulièrement affaibli. Le lendemain, il s'était traîné de bosquets en bosquets, posant avec minutie des pièges dont il connaissait l'efficacité pour les avoir utilisé plus d'une fois déjà. Les lieux semblaient étonnement paisibles, rassurants après les derniers évènements. Son plan était simple : se reposer, prendre suffisamment de forces afin de pouvoir reprendre la route pour un endroit plus civilisé, ou il pourrait boire, jouer et baiser sa paye dans un établissement peu recommandables pour oublier toutes ces mésaventures.
Pour autant qu'il soit simple, le plan ne se déroula pas comme prévu pour autant. Un phénomène étrange se produisit, puis un autre. Si la forêt ne semblait plus maléfique par ici, elle n'en était pas moins possédée de la plus étrange des façons... la plus ennuyeuse, aussi. Des traces de gibiers, absolument partout, mais aucune prise dans ses pièges ! Qu'à cela ne tienne, il les rendit plus sophistiqués, plus compliqué à défaire, se mit même à utiliser des matériaux plus résistants, ... rien n'y fit. Cela faisait plusieurs jours qu'il tournait en rond, quasiment incapable de faire la moindre prise. Déjà affaibli, Csiasan en perdit pourtant le sommeil, trop occupé à veiller sur ses traquenards, à écouter les bruits de la nature le narguer encore et encore. La cerise sur le gâteau, ce fut son cheval qui disparut purement et simplement de la circulation, alors que son attache était encore solide la veille. Comme si quelqu'un avait entendu ses pensées se tourner vers l'animal aux muscles saillants et sans nul doute juteux...
Il perdait l'esprit, sans doute. Peut-être même était-il sous l'emprise d'une magie ancienne, telle celle qui avait hypnotisé et fait perdre l'esprit à certains gars de son groupe, en territoire elfique. Une sorcière l'avait peut-être sous son sort, se riant de son acharnement pathétique, s'amusant à le voir s'affaiblir un peu plus de jour en jour, et s'énerver d'autant plus.

Assis adossé contre un arbre, il somnolait malgré lui, quelque peu éreinté. Il rêvait par accoups, de visage moqueurs placardés sur le visage de lièvres qui riaient aux éclats à quelques centimètres de sa tête déformée, sans qu'il n'y puisse rien faire. Aussi étrange que familier.... Il se réveilla pour entendre le son d'une voix masculine, qu'il crut d'abord née de son esprit, avant que ses sens ne lui reviennent. Il y avait bien quelqu'un. Quelqu'un qui chantait à présent une litanie étrange, penché près d'un bosquet où Csiasan avait posé un piège inédit quelques temps plus tôt. Réalisant peu à peu ce qu'il était en train de se passer, il s'était relevé de toute sa hauteur, sentant la fureur s'emparer de son coeur et de ses membres....

« Que crois-tu faire, Esmeut ?! »

Il le tenait ! Il tenait la sale petite merde qui.... woh. Il avait déjà tiré son épée, de rage sourde sans doute, mais il eut un petit mouvement de surprise lorsqu'il eut un peu approché le gredin. Il ne croyait pas si bien dire en le traitant de fiente, à voir celle qui semblait vouloir dégouliner du front et des cheveux de ce qui semblait ressembler à un vieillard mal en point. Qu'est-ce que- quoi ? La dernière chose à laquelle il s'attendait était probablement à ça. (Et certainement encore moins à ce que le dit vieillard s'avère encore plus en colère que lui)

Ses sens étaient endormis, au point où il n'avait pas senti la présence de l'intrus près de lui, jusqu'à ce que finalement sa voix lui parviennent quelque part dans son sommeil sans songe et qu'il se réveille. Il n'avait pas réfléchi une seule seconde, porté à la fois par un instinct de survie toujours bien accroché et une colère sourde, et avait tiré son épée du fourreau, avançant déjà sur l'inconnu dont il ne pouvait deviner que le dos. Il aurait pu le tuer ici et maintenant et se régaler de la chair du lapin qu'il avait fait prisonnier, mais il commit une erreur : sa rage était telle qu'il avait préféré l'insulter, attirer son attention à lui avant même d'être à portée d'épée. Et maintenant que son ennemi du moment s'était retourné, il se retrouvait con, pris par surprise. Car l'ennemi n'était nul autre qu'un pauvre vieillard qui semblait déjà proche de retourner à la terre sans son aide. Mais non seulement était il près de manger les pissenlits par la racine, en plus s'avéra -t-il très rapidement avoir perdu l'esprit. C'est ainsi, en tous cas, que Csiasan interpréta ce discours parfaitement incongru qui lui fut soudain balancé, doigt levé et sourcils froncés en signe de mécontentement.
Et donc, oui. Csiasan se retrouva con face à un tel déploiement d'idioties absurdes. A tel point qu'il en baissa son arme, celle-la même qui était prêt à le pourfendre à peine quelques secondes plus tôt. Mal lui en pris peut-être, car sitôt fait, qu'un bâton venait s'écraser sur son crâne déjà bien assez boursouflé. Oh, ce n'était pas grand chose, tout au plus de quoi avoir une bosse supplémentaire, mais tout de même. Papi jouait avec le feu. Et cela ne fit que conforter Csiasan dans le fait qu'il devait être non pas un peu atteint, mais tout bonnement complètement sénile. C'est à la suite de cette attaque et alors que son arme était poussée de côté qu'il sorti finalement de son état de surprise, probablement prolongé par la faiblesse physique qui l'habitait. « C'était l'idée ! » Blesser quelqu'un. Lui, pour être exact.

Réfléchir devant tant d'illogisme était difficile, d'autant plus en y ajoutant le manque de sommeil, de nourriture, et le sang perdu. (Sans compter que se montrer intellectuel n'était pas forcément son point fort de base, mais passons...). Quoi qu'il en soit, il essaya tant bien que mal de faire sens de la situation, des mots lancés, et du personnage devant lui. L'un dans l'autre, il lui semblait parfaitement inoffensif, probablement inconséquent même s'il était manifestement cinglé. Au vu de son allure générale, il devait aussi vivre seul. Et si l'on en croyait les âneries débitées dans les dernières minutes, il semblait que le vieux excentrique serait plus à même de lui être utile s'il jouait dans sa folie, plutôt que de céder à sa tentation première : le menacer, le blesser, voire le tuer. Après un moment de réflexion, donc, le géant se décida sur la marche à suivre.
Mais alors qu'il s'apprêtait à céder à la demande de l'homme en rangeant son arme, voilà qu'on tentait de lui asséner un nouveau coup ! Cela eu pour seul effet de raviver sa colère, et de lui faire esquisser une esquive et un contre dans un mouvement souple, tout aussi naturel que brutal. Il aurait pu enchaîner sur un coup d'estoc qui aurait probablement été mortel, mais il s'arrêta là, une fois le bâton repoussé loin de lui par son contre. « Je tente de survivre, merci bien de vous en inquiéter ! » railla-t-il en réponse à l'interrogation formulée. C'est bien beau de s'occuper du sort des petits lapins, mais qu'en était-il de ses propres congénères, hein ? La réponse n'était pas anodine, les mots et le ton parfaitement choisis (bien que légèrement exaspérés malgré lui) ; le tout, couplé finalement à une remise au fourreau de sa lame. Cela suffirait-il à gagner les faveurs de l'énergumène, ce n'était pas certain, mais il aurait au moins tenté sa chance avant de se laisser aller à simplement le couper en deux sans plus de réflexion. Poussant une expiration destinée à lui faire regagner son calme, il ajouta : « Il n'y a pas de plante comestible ici, sinon des aromates. », comme si cela était la seule raison pour laquelle il avait posé des pièges. Mais il ne mentait pas : pour avoir cherché désespérément de quoi se sustenter dans les parages, il avait tout juste trouvé quelques champignons, qui n'étaient plus de ce monde aujourd'hui. Sans même parler de sa blessure et de son état de fatigue, nul besoin de préciser que c'était bien loin d'être suffisant pour quelqu'un de sa stature.