▬ Course en Sac [Event]

Is to make a friend

To share a cookie

Loin de se laisser impressionner par l'expression, quoi que peu engageante, du nain, la petite fille semblait au contraire trouver ça drôle. Peut-être qu'elle manquait de discernement. Peut-être qu'elle disposait de plus de courage que d'autres. Peut-être que ce devait être imputé à sa jeunesse. Il serait, en tout cas, sans doute plus juste de dire que tout est question de circonstance. Si elle avait rencontré le nain ailleurs qu'autour d'un plat de cookie, s'il s'était montré moins sympathique dès le départ, si.. bref qui sait, elle aurait peut-être tremblé devant la tête qu'il faisait. Mais pour l'heure, elle avait juste l'impression de tirer un roc par le bras, un roc aussi réticent qu'une mule d'ailleurs et pour ce qu'on sait de ces animaux à grandes oreilles, il faut savoir les appâter avec la bonne carotte. Restait à trouver celle qui fait avancer un nain.

Avec un grand sourire qui trouvait sa origine plus dans la tête du nain qui avait l'air d'avoir mangé un cookie rassi et était aussi fermée qu'une huitre, que dans le fait qu'il lui ai demandé d'arrêter de faire sa mou supliante, elle le tira au travers la foule qui se faisait de plus en plus dense jusqu'à l'amener à la tente des inscriptions qu'elle avait repéré plus tôt et d'où sortaient des gens avec des sacs de toile brune. Dire que son sourire s'était élargi devant l'expression de la femme qui leur faisait face aurait été bien mal la connaître, il était si grand qu'il en paraissait douloureux, faisant pétiller ses grands yeux d'une lueur de bonheur à l'état pur, aussi pur qu'une pierre tout juste extraite des mines.
Il n'était pas encore inscrit que déjà, elle ne tenait plus en place. Tandis que la femme demandait une pièce pour cotiser à l'inscription, elle s'abîma dans la contemplation du sol avant de gratifier le nain d'un petit sourire gêné. Elle n'avait pas pensé à ce fait là en proposant cette activité mais pour sa défense, elle n'avait pas une piécette en poche, pour le peu que sa robe avait de poche.

Rapidement, elle attrapa le sac à patate qui lui était tendu, cherchant par quel bout y entrer quand un cookie apparu devant son nez. Sans les mains, elle le goba directement avec les dents avant de lever le nez pour regarder Dwalin qu'elle gratifia d'un sourire plein de miettes. Elle haussa les épaules et désignant un petit panneau de bois avec des écritures à la craie, répondit.


Elle jeta un oeil morne au panneau qu'elle n'arrivait pas à déchiffrer. Il était des jours où elle se maudissait de ne pas plus écouter les adultes mais elle n'était pas des plus patientes et apprendre à lire est long et fastidieux.


Spéculant sur le contenu du sac de cadeaux, ils avancerent sur la ligne de départ où des paires en rang d'oignon attendaient déjà. Elle fit mine de se concentrer sur son sac, proposant au nain de partir en second, pour ne pas avoir à regarder les autres concurrents. Pour la première fois, cette course en sac ne lui paraissait pas être une si bonne idée que ça. A les voir comme ça, parent et enfant, ses pensées ne pouvaient qu'aller dans un sens et son coeur se serrer sous l'émotion qui le tenaillait.
Avant de commencer à larmoyer, elle sauta dans son sac et se mit en position, jambes fléchies et sac sous les aisselles, un air déterminé s'installant sur son visage.


Lança-t-elle au nain juste avant de s'élancer, progressant par bonds comme un petit lapin.

Take your best shot

Go on

Bondissant depuis la ligne de départ, elle allongea ses bonds comme poussée par les encouragements du nain derrière elle, un immense sourire sur les lèvres alors que son visage était assombri par ses sourcils froncés sous la concentration. Son sac solidement verrouillé sous ses aisselles, elle doubla un enfant suivit d'un autre avant de ralentir pour faire prudemment demi-tour sans s'étaler bêtement comme un sac percé et d’accélérer à nouveau pour passer le relais. Dwalin était déjà en position et s'élança à son tour dès qu'elle eut franchi la ligne. Elle sauta aussitôt hors de son sac et bondit sur place en l'encourageant de toute les façons possibles, sautant, criant, tapant dans ses mains, huant les autres concurrents mais le nain savait faire la part des choses et elle manqua presque de se rouler de rire sur le sol en voyant la tête des autres à regarder un nain sautiller dans un sac à patates. S'ils se voyaient, eux. A ses yeux, bien qu'il n'y ait rien de gracieux dans ce spectacle, c'était la chose la plus réjouissante qu'elle avait pu voir depuis longtemps, après le festin du début de soirée bien sûr.
Alors qu'il avait passé le point de retour, doublant les uns et les autres avec une rapidité impressionnante pour son poids -il lui semblait sentir le sol trembler d'où elle était- elle redoubla d'énergie pour l'encourager, hurlant à s'en briser la voix.


Ignorant les regards courroucés des autres qui attendaient avec elle, elle sautillait comme une petite puce excitée dans sa robe en battant des bras. Si sa tante la voyait, elle en aurait sans doute fait une syncope tant c'était peu féminin de sa part d'agir ainsi mais sous le coup de l'excitation, prise sous le feu du concours, elle était tout sauf une petite demoiselle sage et polie, au moins n'avait-elle pas été jusqu'à traiter le nain de tous les noms pour le faire avancer plus vite -même si cela aurait pu être une technique intéressante à tester ultérieurement-.
De toute, le nain avait tout sauf l'air bête à bondir comme ça dans un sac en toile. Peut-être qu'un autre nain à sa place aurait eu l'air idiot mais ce n'était pas son cas. Même à sautiller ainsi, il avait l'air féroce, l'air d'un véritable guerrier et s'il n'en avait tenu qu'à elle, les autres participants auraient fuis le concours devant lui tant il était impressionnant.
Sur les derniers mètres le séparant de l'arrivée, elle se tue complètement, la bouche béant d'admiration, comme hypnotisée. Oui, il allait sans dire que c'était impressionnant à voir, toute cette force, cette concentration et cette maîtrise. Reprenant ses esprits, elle agita les bras sur les côtés comme un oiseau cherchant à s'envoler avant de taper dans ses mains aussi fort qu'elle le pouvait mais malgré tout ses efforts, il ne dépassa pas le dernier homme qui arriva en tête. Mais dans son cœur à elle, il était de loin le premier à cette course et il aurait dû avoir un cadeau pour s'être bien battu. Est-ce que ça existait ce genre de cadeau ? Elle devait en tout cas bien avouer qu'elle était déçue. Ils étaient passés à un cheveux d'être les gagnants de cette course, à un doigt !

Tirant la langue au gagnant qui levait les bras en l'air de joie et semblait pressé de recevoir son prix, elle accueillit le nain avec un petit sourire de consolation, haussant les épaules et reniflant bruyamment.


Mais c'était une bien maigre consolation, ces paroles. Ce qui importait, c'était de participer mais elle ne pouvait s'empêcher d'envier les gagnants, leurs sourires et leur joie, ce tableau d'amour filial. Elle reporta son attention sur son camarade. Lui aussi semblait déçu du dénouement de la course et elle ne pouvait pas le lui reprocher mais elle perdit subitement son sourire quand il la quitta tout à coup, lui annonçant brièvement qu'il revenait. Elle le regarda disparaître dans la foule en s'interrogeant sur ce brusque coup de tête, légèrement inquiète de ne pas le voir revenir comme promis. Peut-être que sautiller de la sorte lui avait donné envie d'aller aux toilettes. Ça aurait expliqué l'expression de son visage alors qu'il s'était éclipsé. Elle fit un pas dans la direction où il était parti, -il ne lui avait pas demandé de l'attendre ici, n'est-ce-pas- et entreprit de se rendre aux toilettes pour le retrouver et accessoirement lui remonter le moral. Cependant, des latrines elle n'en trouva pas et après avoir erré un moment dans le même coin sans pouvoir mettre la main sur lui, elle eut l'idée de le chercher au buffet. Peut-être avait-il eut un creux. Là aussi, il était introuvable. Dépitée, elle traîna les pieds à s'en user les semelles sur plusieurs mètres, reniflant bruyamment. Elle n'allait pas pleurer parce qu'elle avait perdu un nain quand même. Ce n'était pas comme si elle avait perdu un proche ou comme si elle le connaissait depuis toujours et pourtant, pourtant la petite boule était là, dans sa gorge. Essuyant son nez du dos de sa main, elle releva la tête d'un coup. Là ! Elle se mit à courir dans sa direction. Le voilà. Soulagée, elle arriva dans son dos et lui donna un coup de tête dans l'épaule avant de réaliser sa méprise. S'il était chauve, il n'avait rien d'un nain. S'excusant en bafouillant son erreur, elle fit brutalement demi-tour et couru à nouveau au buffet en se traitant d'idiote. Ce n'était pas comme si Dwalin ressemblait à n'importe qui non plus. Comment pouvait elle confondre un nain avec un homme de petite taille juste parce qu'ils sont tout deux chauves ? Secouant la tête en marchant en rond, elle s'assit à une table jonchée de reste et de miettes, la même table où elle avait partagé un plateau de cookies avec lui.
Se levant d'un bond, elle fondit sur le bar où elle retira une grosse pinte avant de ramasser un plateau vide qui traînait. Zieutant le buffet, elle choisit quelques mets qu'elle ajouta dessus autour de la pinte. De la viande rôtie à l'odeur alléchante, des pommes de terre braisées à l'enveloppe dorée, du pain à la mie tendre, du fromage bien odorant, tout ce que le plateau pouvait contenir et qu'elle pouvait porter et ainsi chargée, elle se hâta de retourner là où il l'avait laissé, titubant sous son poids et jurant chaque fois qu'un peu de bière aspergeait le plateau et sa robe avec.
Peut-être était-il revenu et l'attendait-il sagement.. Elle marcha le plus vite possible tout en faisant attention à ne rien renverser mais son enthousiasme fut bien vite douché en constatant qu'il n'était pas là. Elle tourna sur elle-même pour vérifier qu'elle était bien au bon endroit, qu'il ne l'attendait pas juste un peu plus loin. Elle en était pourtant sûre, qu'il serait de retour comme il l'avait dis. Les nains n'avaient-ils pas qu'une parole ? Et elle s'en voulu. Elle s'en voulu d'avoir cherché à le suivre, d'être partie à sa suite, d'avoir quitté son poste. Il n'y avait eu aucune raison particulière à ce qu'elle parte après lui comme ça. Quelle sotte ! S'il était revenu et qu'il ne l'avait pas trouvé, il était sans doute reparti aussi dépité qu'elle l'était et il ne reviendrait sans doute pas voir si elle était revenue. De nouveau, elle ressentit cette pression familière au fond de sa gorge sans y laisser libre cours pour autant. Il n'en était pas question.

Alors elle fit la première chose qui lui passa par l'esprit. Elle avisa le stand de la course en sac et s'en approcha avec un air déterminé, posant son plateau chargé de victuailles sur la table. Sans prêter attention à ses petits muscles endoloris, elle se hissa alors à son côté et se faisant aussi grande que possible, mit ses mains en porte-voix et hurla aussi fort qu'elle pouvait.


Il n'y avait rien de plus relatif comme information mais n'importe qui aurait compris qu'il suffisait de suivre le son de sa voix. Elle ne le voyait pas, ne savait pas s'il était proche ou loin d'elle mais elle fit son possible pour se faire entendre de lui, l'appelant encore et encore jusqu'à ce que le petit grattouillement de sa gorge se transforme en brûlure. Il pouvait bien être à ses pieds, elle ne l'aurait sans doute même pas vu tant elle était concentrée à l'appeler ainsi. La dame du stand tenta de la faire descendre de la table en tirant sur sa robe mais elle lui asséna une pichenette entre les deux yeux qui lui cloua le bec, lui tirant la langue au passage.
De son perchoir, elle avait l'impression d'être immense mais pas assez pour tout voir. Était-ce son imagination ou y avait-il beaucoup de nains chauves à l'air renfrogné à cette fête ? Peut-être que si elle montait plus haut, elle aurait plus de chance de le trouver. Vouloir monter plus haut n'était peut-être pas une mauvaise idée. Remontant un pan de sa robe en la tenant entre les dents, elle attrapa à deux mains le poteau du stand. Juste un peu. Juste un peu plus haut. Un tout petit peu plus. Juste assez pour voir plus. C'était ce qu'elle se disait mais finalement, c'était juste une terrible idée qu'elle avait là. En dérapant, son genoux heurtant le poteau d'un coup sec lui fit monter les larmes aux yeux et lâcher sa robe dans laquelle ses pieds se prirent. Elle lutta ainsi quelques secondes à se maintenir par la force des bras à quelques pas du sol avant de verrouiller ses chevilles autour du poteau, son cœur battant la chamade. Ce n'était pas bien haut, quelques pas, mais quand on n'est pas bien grand, c'est déjà beaucoup et il ne suffit pas de grand chose pour faire une mauvaise chute. C'est ce dont témoignaient les quelques cicatrices ornant ses genoux. Alors elle se maintint comme elle le pouvait, en espérant trouver son ami très vite avant de devoir lâcher prise et agrippée à son poteau comme un singe se tient à un cocotier, elle scruta la foule avec persévérance.

You can trust me

I’m here

Il est une chose de grimper mais il en est une autre de redescendre. Bregil le savait pourtant bien mais sa mémoire avait choisi de lui faire défaut ce jour là, sans doute quelque chose à faire avec le sentiment d’absence qu’elle avait ressenti cet instant et le besoin de retrouver quelqu’un. C’est pour ça qu’elle était grimpé ainsi, se donnant en spectacle de façon inappropriée devant tout ces gens. Mais elle s’en moquait, de ce que pensaient les gens. Ils pouvaient la toiser avec mépris qu’elle leur collerait son pied dans le tibia, ils pourraient la considérer avec pitié qu’elle leur sortirait des propos bien sentis sur sa manière de penser de la pitié.
Bregil était une sorte d’experte de l’escalade, toujours à se fourrer n’importe où pour espionner les gens ou simplement les éviter, elle savait comment monter.. mais redescendre. Alors elle s'aménageait une porte de sortie, un moyen aisé de descendre en toute sécurité. Il n’y avait rien de bien difficile à descendre un poteau mais il fallait pouvoir compter sur ses jambes, hors celles-ci avaient décidé de battre l’air dans tous les sens sans vouloir lui obéir. Ses mains lui faisaient mal, sa poitrine était oppressée et quoi qu’elle fasse, ses pieds se prenaient dans sa robe. Elle était dans ce qu’on appelle une mauvaise posture. Mais que craignait-elle ? Ce n’est pas comme si elle allait finir transformée en crêpe si elle lâchait prise mais au mieux, elle risquait de s'abîmer une cheville.
Elle qui était montée là-haut pour retrouver son nain, voilà qu’elle le regrettait. Elle ne regrettait pas d’être montée pour essayer de le trouver, elle regrettait d’avoir une force aussi minable et d’avoir enfilé cette robe. Elle aurait été vêtue d’un pantalon, elle n’aurait sans doute pas eu ce soucis.
Soudain, elle lâcha une main. Totalement contre sa volonté évidemment. Sa paume la faisait terriblement souffrir, sa peau rouge et en feu. Elle l’approcha de son visage et souffla dessus avant de jeter son bras en l’air pour retrouver une prise presque aussitôt et de verrouiller ses chevilles autour du poteau pour se maintenir comme elle le pouvait. Elle n’était pas là pour s'appesantir sur la douleur qui lui vrillait les côtes, lui brûlait les mains et coupait son souffle. Ce n’était trois fois rien, juste une toute petite sensation désagréable. Elle scrutait la foule avec attention, sans prendre garde à ce qu’elle avait sous le nez. Il n’était pourtant pas le plus discret avec son crâne chauve et ses tatouages mais quand on a quelque chose sous le nez, ça pourrait être un cookie que vous ne vous en rendriez même pas compte -sauf peut-être à l’odeur.
Sa voix la surprit, manquant presque de lui faire lâcher prise. Elle baissa les yeux sous elle et avisa le nain qui la regardait du pied de son perchoir. Il avait l’air moins grand de là-haut, pas étonnant qu’elle ne le voyait pas d’aussi haut, il se fondait dans la masse à cause de leur haute taille. Elle regarda son visage avant de fixer son regard sur ses jambes bien campées et ses bras écartés. Qu’est-ce qu’il voulait qu’elle fasse ? Qu’elle lâche prise ? Elle promena son regard autour d’elle, comme si une autre issue était apparue d’elle-même avant de reporter son attention sur le nain. Elle détailla son expression, son crâne chauve qui brillait légèrement, sa barbe qui s’agitait quand il parlait, ses yeux qui étaient rivés sur elle. Il transpirait la force et la confiance, aucun doute qu’il parviendrait à la rattraper. Qu’est-ce qu’elle était pour lui ? Un fétu de paille ? Elle leva le nez vers son poteau, serra les dents et s’agrippa un peu plus. Ni une, ni deux, elle expira le peu d’air contenu dans ses poumons et imprima un coup sec du bassin pour se dégager aussi loin que possible en se lançant dans les bras du nain. Sautant comme un petit écureuil volant, sa robe battant l’air, elle cria au nain.


Le reproche perçait dans sa voix mais elle était surtout soulagée qu’il soit là. Son atterrissage lui coupa le souffle et toute envie de se plaindre davantage alors elle fit ce que l’impulsion lui dicta et s’accrocha à son cou dans une grosse étreinte, un petit hoquet lui montant dans la gorge alors que les larmes avaient déjà investi ses yeux, s’accrochant en perles dans ses cils.

Don’t cry

It’s a party

Il y avait longtemps qu'elle avait ressenti ça. C'était comme prendre un bonbon en bouche et découvrir un panel de saveurs sauf que là, il était question de sentiments. Peur, colère, tristesse.. il y avait longtemps qu'ils avaient été en interaction avec des êtres. C'était.. étrange, nouveau, pas vraiment désagréable mais surtout surprenant. Bregil était une petite fille vive au tempérament bien ancré et qui s'emportait facilement mais elle éprouvait plus souvent un certain ressentiment vis à vis des autres. Ils avaient le don de l'agacer, de l'ennuyer mais ça ne l'impliquait jamais totalement. Elle s'emportait, se moquait, puis c'était tout. Pas la peine de chercher midi à quatorze heure. Alors pourquoi c'était différent ? C'était à cause des cookies, c'est ça ?
Il était différent. Pas le fait d'être un nain, non, bien que faire la taille de son interlocuteur changeait de d'habitude. Il était différent. Il était son ami. Oui voilà, c'était ça. Il y avait les adultes et les enfants, ses camarades de jeu et les autres. Lui, c'était un adulte et un camarade de jeu, puis il aimait les cookies. C'était ça, oui. La différence. Ou était-ce ce dont elle était persuadée ? Ça faisait longtemps qu'elle ne s'était pas fait un ami, longtemps qu'elle s'en était fait un tout court en fait. Une personne sur qui compter, à qui faire confiance, une personne avec qui partager, quelqu'un qui compte vraiment.
Elle avait hésité. Pas longtemps mais elle avait hésité. C'est pas qu'elle ne lui faisait pas confiance, au contraire, sinon elle ne l'aurait pas embarqué dans une course et elle n'aurait pas passé autant de temps à le chercher non plus mais faut avouer que lâcher prise ça donne le vertige. C'était pour dire le courage qu'il faut pour se jeter dans le vide, aussi peu important soit il. Mais y'avait Dwalin. Et pendant un instant, il eut l'air de quelqu'un d'autre. Sauf qu'elle ne voulait pas penser à lui, tout comme elle avait refoulé la boule dans sa gorge à la course. Dans ces moments là, elle n'arrivait plus à respirer. Elle avait mal entre les cotes, comme si on l'avait poignardé, son cœur saignait mais aucun sang ne coulait vraiment. La douleur était presque insupportable par moment, d'autres fois c'était juste une douleur sourde omniprésente. Elle n'oubliait pas.
Elle aurait voulu rester comme ça plus longtemps mais elle se retrouvait sur ses pieds. Et les larmes arrêtaient pas de couler, ces larmes si longtemps contenues. Elle avait eu peur mais pas de tomber. Elle avait mal mais pas comme on le voyait. Elle était triste mais il n'y était pour rien. Les larmes coulaient, coulaient, coulaient, brouillant son champ de vision. Elle reniflait bruyamment pour éviter de laisser la morve couler sur son menton. Les gens regardaient ce qui n'allait pas chez elle, elle ne voulait pas pleurer mais elle n'arrivait pas à s'arrêter. Elle savait que ça mettait mal à l'aise mais les vannes étaient ouvertes. Elle se mit à hoqueter, les épaules secouées, cachant son visage dans ses mains pour essayer de retenir ses larmes. Traîtresses. Elle essuya son nez de sa manche, laissant une trace douteuse tout le long, hochant la tête pour essayer de faire comprendre au nain que tout allait bien, qu'elle ne lui en voulait pas, puis un objet apparu dans son champ de vision. Elle essaya de faire le point dessus, essuya ses yeux et le prit du bout de ses doigts gluants, frôlant ceux du nain au passage. Et elle arrêta de pleurer d'un coup.
Elle n'était pas du genre à arrêter de pleurer sur un caprice dès qu'on lui faisait un cadeau. Elle était surprise, littéralement soufflée. Tenant précautionneusement le lance-pierre du bout de doigts, elle le retourna dans tous les sens, la bouche formant un o parfait pour aller avec ses yeux écarquillés, digne d'un merlan. Elle l'empoigna et leva la tête. Avec ses yeux rouge qui lui piquaient encore, son nez qui coulait et sa tenue dépenaillée après toutes ces aventures, elle avait une tête bizarre. S'y ajouta alors une grimace qui était en fait un sourire, complétant l'étrange tableau.
Sans prévenir elle attaqua le nain. Il aimait peut-être pas ça mais elle se jeta violemment à son cou et colla un énorme bisou légèrement humide sur sa joue avant de la lâcher tout aussi vite. Une attaque furtive. Bredouillant un remerciement, elle courut sans prévenir, mais pas bien loin, juste à côté. Le lance-pierre serré dans sa main, elle revint une minute plus tard avec son plateau, contente qu'il n'ait pas bougé de sa place pendant qu'elle escaladait le poteau.
Le portant à deux mains sans lâcher son présent, sa petite tête dépassant à peine des victuailles qu'elle avait amassé avec peine, elle retourna auprès de son nain en priant pour ne pas se prendre les pieds dans sa robe. Les joues rouges, non pas d'avoir pleuré, ni d'avoir couru, elle lui sourit plus franchement.


Oui, il n'était pas le seul à faire des cadeaux de consolation. Même si ce n'était pas grand chose, elle avait fait de son mieux, se souvenant de ses paroles avant la course. Elle lui avait même pris une pinte de bière, au tiers vide depuis le temps qu'elle gaspillait la bière en marchant avec son plateau.. mais une pinte de bière quand même. Fière d'elle, elle le gratifia d'un immense sourire malicieux et ajouta.


Sous-entendait elle qu'il n'était pas capable de manger comme un.. nain ? Un appétit d'elfe peut-être. Une lueur taquine dans les yeux elle lui tourna le dos pour leur chercher un coin tranquille, chantonnant dans sa tête. Son chagrin était passé, essuyé par un nain un peu maladroit pour s'exprimer. Dwalin son ami.

Let's eat !

And now

On lui avait fait un cadeau. Depuis combien de temps n'avait-elle pas eu de cadeau ? Elle ne s'en souvenait pas. Son oncle et sa tante n'avaient pas les ressources nécessaires à ce genre de folies et ce n'était pas le matérialisme qui les étouffait, alors elle se contentait d'un fruit le plus souvent, non pas que cela l'ait dérangée. Un fruit, ce n'est pas donné et cela représente tellement, elle ne s'en était pas vraiment rendue compte en grandissant dans un verger, beaucoup de choses avaient changé.
Ses parents non plus n'avaient pas beaucoup de moyen. Entretenir un verger coûte beaucoup et prend du temps mais son père avait toujours quelque chose pour elle, que ce soit en rentrant d'une ville ou pour fêter le jour de sa naissance. C'est comme ça qu'elle avait eu un chien mais il avait disparu avec l'incendie, envolé. Elle en avait déduit qu'il avait fuit. Un jour son père lui avait fait un petit cheval en bois, qu'elle emmenait partout avec elle comme son trésor, elle avait alors décidé de l'enterrer quelque part dans les bois après avoir entendu une histoire de pirate. Elle ne se souvenait pas exactement où elle l'avait caché mais avec un petit effort de mémoire, elle saurait le retrouver. Ce n'était pas le seul cadeau qu'il lui ait fait mais le seul qui ait survécu.
Un lance-pierre, elle en avait toujours voulu un. Elle avait longtemps supplié son père pour avoir le droit d'en avoir un mais elle était encore trop jeune. Des souvenirs remontèrent à la surface devant ce présent. Il lui avait fait un cadeau inestimable. Son cœur se serrant en même temps que sa main se refermait sur l'objet, elle gratifia le nain d'un sourire. Un beau sourire. Il voulait dire plusieurs choses à lui seul, mêlant la gratitude, la joie sincère, l'importance accordée à son geste, la nostalgie.. le genre de sourire qui parle, un sourire d'une rare richesse, juste pour ce nain. Elle n'en avait pas donné de tel depuis longtemps, c'était un sourire spécial et elle en avait fait cadeau.

Alors qu'elle se dirigeait vers la foule pour leur chercher un coin pour manger, Dwalin la déchargea de son fardeau. Elle apprécia le geste. Il n'était pas comme tout le monde, derrière son apparence revêche il avait un cœur gros comme sa tête. Ça changeait des gens qui se cachaient derrière des sourires mielleux et des mots doux. C'était une personne de confiance, avec un bon visage qui ne mentait pas. Elle sourit toute seule et lui emboîta le pas, mettant son cadeau à l'abri entre ses couches de vêtements. C'est que la petite fille ne voulait pas qu'on le lui vole, elle en aurait sans doute pleuré.
Il y avait foule maintenant, à croire que les gens aimaient se coller les uns aux autres. Elle avait presque besoin de donner des coups de coude pour avancer, les gens ne lui prêtant pas trop d'attention. Se faufilant comme elle pouvait, elle jetait des regards derrière elle de temps à autre pour être sûre qu'il la suivait. Pendant un court instant, l'idée de grimper sur quelque chose pour mieux y voir lui effleura l'esprit avant qu'elle ne la chasse violemment en souvenir des événements bien trop récents. Elle se retourna une énième fois pour être sûr qu'il était toujours là -sait-on jamais s'il avait décidé de fuir avec la nourriture- et qu'il ne peinait pas trop à la suivre et s'arrêta pour qu'il la rejoigne.


Elle ne savait pas ce que c'était mais elle en avait entendu parler. Le fait qu'il y ait du feu ne l'enchantait pas trop mais les gens en disaient grand bien. C'était beau, magique.. cela devait couronner les festivités comme un grand final. Elle arriva près d'une énorme masse en pierre et mit du temps à comprendre qu'elle l'avait mené au troll. Elle fit un tour sur elle-même pour chercher un lieu où s'asseoir mais c'était à croire que le monde c'était donné le mot alors lançant un petit regard désespéré au nain, elle lui désigna le troll d'un mouvement du menton.


Plusieurs personnes étaient déjà installées sur le troll de pierre, bavardant avec animation. Ce n'était pas une table, ce n'était pas très plat ou confortable mais juché là, ils auraient peut-être une bonne vue sur le spectacle nocturne. Au moins, ce n'était pas extrêmement haut.