Too Fear

Maudite soit cette forêt. Maudit soit les elfes. Les bouffeurs de salade t'ont toujours quelque peu agacé avec leurs canopées toujours trop touffu ainsi que de leur besoin de lever le menton pour montrer qu'ils te sont supérieur en tout point. Sérieusement. Il t'est déjà arrivé de passer des oreilles pointus sous le fil de ta lame et il s'est révélé qu'ils sont identiques que les nains et les hommes ; des corps raides et complètement refroidis. Saloperie d'immortel. Oui. Tu es vulgaire aujourd'hui et tu te trouves soft pour le moment. Mais ce n'est pas de ta faute. Si seulement il n'y avait pas ce chemin labyrinthique et toutes ces toiles d'araignées agaçantes. Mais il y a tout ça et c'est franchement énervant. Tu ne vois rien. Tu n'es pas une fichue nyctalope. C'est bien dommage. C'est tellement ardue de trouver son chemin dans ces bois. Tu comprends beaucoup pourquoi les gens l'ont renommée "Forêt Noire" ; on n'y voit goutte. C'est d'ailleurs très contraignant pour avancer sans te retourner et suivre ce maudit chemin que tu ne dois absolument pas perdre des yeux. La fatigue est là et elle n'est pas seule. La faim pointe le bout de son nez. Tu grognes. Tu ne t'arrêteras à aucun moment. Un travail on t'a donné. Un travail tu termineras avec succès. Dusses-tu ne pas dormir pendant des jours - ce que tu as déjà fait.

Un bruit. Un chuintement. Il est léger ; tu l'as tout de même entendu. Tes pieds cessent d'avancer et tu écoutes l'environnement. Mais il y a gros problème avec Mirkwood depuis quelques temps. Il n'y a pas ne serait-ce qu'une saloperie de bruit. Rien du tout. Nada. Nicht. Nothing. Et c'en est vraiment énervant. Pas rassurant. C'est pas que tu es une trouillarde - le premier qui l'assure se retrouvera à l'état de cadavre. Ce lieu est juste trop lugubre et angoissant pour tes nerfs. Ils ont donc jamais pensé à tailler leur haie afin qu'on puisse voir le bleu du ciel ? Penses-tu. Bah quoi ? C'est vrai. Il serait peut-être temps qu'ils songent à aérer leur verdure avant que quelqu'un étouffe ici.

Tu reprends ta marche et la fait plus prudente. Tu n'as pas peur. C'est juste que tu sais pas du tout sur quoi tu vas tomber durant cette traversée et tu n'aimes pas ça du tout. On n'est jamais trop prudent dans des lieux comme ça. Et ce n'est qu'au bout de cinquante-cinq - tu as bel et bien compté - que le bruit revient en plus proche et en plus inquiétant. Tu n'as plus de doute. Il y a bien quelqu'un ou quelque chose qui te suit et qui semble vouloir tester ta patience ainsi que ta vigilance. Tu sors aussi discrètement que possible ta dague. Tu méprises les mauvaises surprises et très bien t'en prend. Tu n'as qu'à lever la tête pour distinguer une araignée deux fois plus grosse que le plus gros cheval du coin.

- Et moi qui pensait déjà avoir une tête à faire peur.

Okay. C'est de l'auto dérision totalement ratée. Tu l'avoues. Tu diras juste pour ta défense que c'est pour te détendre. Non ! Tu n'as pas peur. Tu n'as jamais eu peur. Tu réfutes totalement cette affirmation. C'est juste que tu n'as jamais été à l'aise avec ces espèces de choses à huit pattes à la posture menaçante. Tu trouves les orcs mignon à côté. Cette fois, c'est ton épée que tu sors avec une autorité que tu te connais si bien quand un danger se profile devant toi sans crier gare. Tu vois les mandibules de l'ignoble bestiole s'agiter en un cliquetis étrange. Tente-t-elle d'établir une transmission ? tu n'y comprends goutte et préfère la voir morte. Tu fonces alors dans le tas en criant comme une sauvage en furie. Au diable le plan d'attaque ou de méfiance. Tu n'as pas l'envie ni le temps d'étoffer un plan. Cette chose qui fonce également vers toi est bien trop imposante à tes yeux.



Tu te réveilles en sursaut et cherche une éventuelle araignée moche à souhait et menaçante partout autour de toi. Rien du tout. Il n'y a que ta jument qui broute tranquillement l'herbe comme si elle s'en fichait totalement de ta frayeur du moment. Tu pousses un long soupir tout en passant ta main sur ton visage. C'est quand même effrayant de faire une obsession sur un truc dérisoire alors que ces araignées ne t'ont jamais dérangée sur le moment. Et pourquoi la forêt de Mirkwood ? Une force invisible te mettrais en garde ? Un coup d’œil sur ta couche de fortune et tu comprends que tu t'es débattu durant la nuit. Ta couverture en chiffon et la selle de ton cheval rejeté sur le côté.

Tu te lèves et remercies les dieux que personne ne soit rendu compte de ta phobie somme toute ridicule. Personne ne le sait et personne ne le saura jamais. Tu es même persuadée qu'aucun de ceux qui vivent aujourd'hui ne s'en souvient. C'est bien un truc trop dérisoire pour la mémoire. Tu regarde fixement la canopée qui se profile devant toi. Barrière menaçante. Tu décides finalement de la contourner et remercie intérieurement ton mauvais songe. Tu viens de distinguer une toile d'araignée. C'est pas demain la veille que la Mort viendra t'enlacer de ses bras froids et rachitiques. Tu réserves ça pour tes victimes.

Ce n'est pas encore ton heure de mourir.