Durin's sons [Thorin & Dáin]

Le son du fer se croisant rebondissait sur la roche de la montagne. Du haut d’une terrasse extérieure, ces bruits frénétiques étaient tantôt accompagnés d’encouragement, tantôt de moqueries. Dáin avait toujours eu pour habitude d’entrainer son fils en ces lieux, la vision y était plus claire et puis il était sûr de ne pas être dérangé puisque c’était suffisamment isolé. Croisant l’épée de Thorin, son fils, Dáin bloqua son attaque et l’envoya au sol avec une facilité déconcertante. Le seigneur des lieux demeurait un puissant guerrier même s’il avait bien moins le temps de s’entrainer qu’auparavant et que les conflits étaient moins récurrents ces dernières années. Car c’est sur les champs de bataille que l’on acquiert son expérience ; le contexte est plus stimulant que devant son parent et Dáin avait toujours été prudent en entrainant son fils. Le rire narquois du nain ne semblait pas amuser son héritier qui le foudroya du regard. C’était un mauvais perdant certes, mais un bosseur assidu et ce genre de remarque le blessait suffisamment dans son orgueil pour avoir envie  de répliquer jusqu’à épuisement.

« Et bien mon garçon je penserais à nous fournir des épées en bois la prochaine fois ! »

Sur ces provocations, Thorin ramassa sa lourde épée et soupira avant d’attaquer son père de front dans un élan bien trop prévisible pour ne pas être évité. Tournoyant sur lui-même, Dáin esquiva l’attaque et le fit tomber à la renverse en tapant son derrière avec la gouttière de son épée. Trébuchant dans la poussière, Thorin secoua la tête et essuya son visage à l’aide de sa manche pendant que son père s’était retourné pour admirer un peu le paysage, nostalgique. C’était ici qu’il s’était aussi entrainé avec son père, et il avait eu envie de lui dire ce qu’il avait déjà été dit pour lui à ce moment là :

« Cesse de faire comme les trolls Thorin, tu es trop prévisible ! »

Dáin eu à peine le temps de refaire face à son fils que ce dernier s’était déjà relevé et l’attaquait par surprise en sautant sur son dos, agrippant le haut de sa cape. Il l’entendit rire de derrière, sournois et moqueur et lui renvoya la critique avec des mots qu’il avait sans doute entendu plus d’une fois.

« Et toi trop orgueilleux ! »

Des années et des années qu’on lui répétait qu’il était trop sûr de lui, et le voilà qu’il s’était fait minablement piéger à cause de ce trait de caractère. Dáin ne l’avait pas vu venir pour le coup et avait réellement pensé avoir le temps de se retourner pour contrer son attaque ; il l’avait donc clairement sous-estimé. Quoi qu’il en soit Thorin était toujours désarmé, ce qui laissait toujours d’avantage à  Dáin qui se rassurait de cette façon pour avoir raison à la fin et porta ses mains sur les bras de son fils pour le déloger de son dos. Mais il l’en empêcha, obligeant Dáin à vaciller dans le but de le faire tomber. Il en fallait cependant plus au Seigneur des Monts de fer pour mettre un genou à terre et être complètement déséquilibré ; il était suffisamment grand et costaud pour supporter de plus gros poids sur lui. La scène se transforma donc en chamaillerie enfantine où l’un comme l’autre faisait le tout pour le tout afin de faire tomber l’autre avant. Poussant des jurons lorsque Dáin commença à s’impatienter, il tenta de l’agripper en portant son bras au niveau d’une des épaules de son fils pour agripper ses vêtements dans le but de le tirer par l’avant. Ce dernier ne trouva cependant pas mieux pour se défendre que lui tirer les cheveux.
Le spectacle dura quelques longues minutes sous le regard ébahi des gardes mais fut interrompu par une voix féminine hurlant le nom du Seigneur des Monts de Fer. L’écho fut d’une telle ampleur qu’ils cessèrent immédiatement leur activité en ayant reconnu le timbre de Melgiel. Comment les prendre au sérieux en les voyant tous deux jouer comme lorsque Thorin était enfant ? Habituellement ça l’aurait fait rire mais elle n’était visiblement pas d’humeur à plaisanter et comptait bien leur faire comprendre.

« On peut savoir à quoi vous jouez ?! » Lança t-elle les poings sur les hanches.

Mis devant les faits, Thorin et Dáin échangèrent des regards surpris alors qu’ils n’avaient pas bougé et qu’ils ne savaient pas non plus comment expliquer une telle scène. La naine soupira suite à ce manque de répartie, levant les yeux au ciel. Quoi qu’il en soit les disputer n’était pas l’objet de sa visite jusque sur les terrasses et les deux nains l’observèrent adresser des signes en direction de l’intérieur de la montagne  en indiquant à quelqu’un de venir dans cette direction. Dans l’embrasure se dessina une silhouette familière qui sépara instantanément le père et le fils en ayant reconnu Thorin, le cousin de Dáin. Melgiel reporta son attention sur son mari qui  s’approchait de son cousin le sourire aux lèvres après avoir rengainé son épée.

« Tu aurais dû être en bas pour l’accueillir Dáin ! »

L’héritier de Dáin s’empressa de ramasser son arme laissée à terre tandis que son père fut coupé dans son élan de joie par les sermons de sa femme. Il avait parfaitement été au courant de sa visite dans les Monts de Fer, mais visiblement il n’avait pas été synchronisé avec celui-ci en ce qui avait concerné son arrivée et Melgiel avait dû le chercher longtemps avant de le trouver ici. Il s’excuserait auprès de sa femme en temps voulu, puisque Thorin était là, le moment n’était pas aux scènes de ménage… Une fois face à Thorin, Dáin retrouva tout son sourire ;

« Je suis content de te voir cousin ! » Fit-il en lui offrant une accolade.

Son fils arriva à sa hauteur, inclinant sa tête pour saluer le Roi d’Erebor dans un silence respectueux.

Ici, dans les monts de Fer, Dáin avait fait perdurer l’image de Thorin comme étant le Roi en droit des nains. C’était donc comme un roi qu’il y était accueilli, en plus d’être de la même famille, Dáin y veillait toujours férocement. Tous les nains des monts de fer faisaient allégeance à Dáin mais puisque Dáin lui-même faisait allégeance à Thorin, tous suivraient sans la moindre opposition. Thorin était grandement apprécié, autant qu’il était respecté, chaque nain ici croisant sa route le saluerait bien bas. A commencer par Melgiel qui s’était surement vue gênée de l’accueillir sans la présence de son mari alors qu’un roi ne peut se contenter d’être conduit. Ainsi le seigneur des monts de fer s’excusa platement auprès de son cousin après lui avoir offert une accolade. Leur attention se focalisa ensuite sur Thorin, troisième du nom, qui venait de les rejoindre, visiblement intimidé par la présence de celui dont il avait hérité le nom. Il faut dire que Thorin admirait bien plus ce dernier que son propre père suite aux récits qu’il lui avait contés dans sa jeunesse. Il esquissa un sourire lorsque Thorin fit remarquer qu’il avait bien grandi. Visiblement fier d’un tel compliment. Dáin l’observa gonfler du torse, alors qu’il souhaitait se montrer fort et humble. Il entoura son fils de son bras et tout en lâchant un petit rire, il approuva les dires de son cousin.

« C’est un vrai roc, comme son père ! »

Le fils de Dáin lança un regard faussement désapprobateur, à force d’être en constante compétition avec son père, il était toujours hors de question pour lui qu’on les compare. Il avait beau être fier d’être son fils, Thorin lui disait toujours qu’il ferait mieux que lui mais à sa manière. Quoi qu’il en soit, au fond il savait qu’il avait raison, alors il ne rouspéta pas, échangeant un regard peu convaincu à sa mère dans le but de le taquiner un peu. Dáin ayant remarqué ce regard s’était attendu à ce que sa femme prenne son parti, mais bien au contraire, il la vit lever les yeux au ciel en écho à ce que pensait Thorin de cette comparaison. Toujours ligués contre lui ces deux là ! Fronçant les sourcils, le seigneur des monts de fer donna un coup de coude à son fils, afin qu’il cesse de le décrédibiliser devant son cousin qu’il n’avait pas vu déjà loin dans ses pensées. Ainsi ils se chamaillèrent encore un peu, se traitant de tous les noms en messes basses avant que Melgiel ne les interpelle de nouveau en se raclant la gorge avant que ça n’aille à nouveau trop loin alors que Thorin s’était légèrement éloigné sans qu’ils ne s’en aperçoivent. Se taisant à nouveau, les deux nains observèrent la Dame des monts de fer leur lancer un regard sévère sur les deux avant de lancer un coup d’œil insistant sur l’héritier de Durin.

D’une tape sur l’épaule, Dáin laissa son fils rejoindre sa mère pour qu’ils les laissent un peu seuls. Thorin avait sans doute beaucoup de choses à lui dire, et le regard nostalgique qu’il lançait sur Erebor n’annonçait pas de discours bien joyeux. Thorin hocha la tête, adressant un dernier regard au cousin de son père avant de disparaitre avec sa mère. Melgiel eu un semblant de regard inquiet mais comprenait tout à fait qu’il veuille qu’on les laisse seuls le temps de discuter un peu. Ceci fait, Dáin rejoignit son cousin, se positionnant à côté de lui pour visualiser le vaste panorama qui se dessinait sous leurs yeux. Erebor dominait au loin, toujours aussi majestueuse malgré qu’elle ait été vidée de toute vie nanienne. D’ici, la vue sur la montagne était imprenable, unique et il arrivait parfois à Dáin de venir la contempler et la surveiller. Il laissa Thorin s’enfermer dans un silence qu’il ne lui connaissait que trop bien. Le voyage l’avait sans doute épuisé et il se doutait bien que revoir les flancs de la montagne était toujours aussi éprouvant pour lui quelques instants de réflexion lui donnerait sans doute un peu plus de repos. Dáin pouvait parfaitement le comprendre malgré qu’il eu été trop jeune au moment des faits. Thorin lui avait maintes fois raconté ce jour funeste où le dragon Smaug les avait délogés de leur foyer ; c’est à travers ces mots qu’il partageait cette même douleur et qu’il demeurait respectueux en mémoire de ceux qui n’avaient pas réussi à en sortir vivants, en mémoire de ceux qui avaient erré.

Malgré cela, regarder la montagne lui remémorait d’autres détails la concernant, notamment ce que lui racontait son père, Náin, sur l’or maudit qu’elle renfermait et qui fut la cause de toute cette souffrance. L’or attire les cracheurs de feu, la chute n’aurait probablement pas pu en être autrement puisque rien n’aurait pu prédire quand Smaug aurait fait irruption dans la montagne. Dáin était inquiet concernant Thorin, il ne savait pas ce qu’il envisageait de faire bien qu’il s’en doutait quelque peu. Il le connaissait suffisamment pour savoir que son seul désir aurait été de reprendre Erebor et que ce souhait était resté scellé durant toutes ces années.  Cependant entre le désirer et le faire, il y avait encore tout un monde, car pour déloger un Dragon, il fallait une tactique sans failles. Jusqu’où irait sa rancune ? Ce n’était encore qu’un détail car Dáin craignait que Thorin ne se noie sous les montagnes d’or et leur malédiction. L’héritier de Durin s’était installé dans les montagnes bleues et y avait bâti un royaume prospère, il n’arrivait pas à envisager comment reprendre Erebor pouvait encore figurer dans ses souhaits. Et lorsque Thorin sembla revenir à l’instant présent il reporta son attention sur son cousin qui se tenait là, debout à ses côtés ainsi qu’il l’avait toujours été. Le seigneur des monts de fer analysa un instant son regard, avant d’étirer un semblant de sourire.

« Je comprends que sa seule vision t’empli de douleur. Mais il y a bien des choses que tu as pu surmonter. Ton royaume dans les montagnes bleues en est la preuve. »

Les Ered Luin étaient au même titre que les monts de fer, un endroit où il y faisait bon vivre. Thorin avait su leur offrir la richesse, l’abondance et Dáin avait toujours été admiratif de cette caractéristique là. Malgré tous les événements qu’il avait connu, Thorin s’était toujours montré aussi solide que la pierre et avait travaillé dur pour que son peuple ne connaisse pas plus de douleur qu’il n’en avait déjà subie. Dáin l’avait vu et observé ; nul nain ne pouvait pas envier sa force et sa détermination. Car celle-ci s’était toujours vue récompensée, et même si les autres familles naines n’avaient plus foi en l’héritier de Durin, Dáin persistait à croire que Thorin serait d’une manière ou d’une autre à l’avenir à la tête du plus grand royaume nain. Dáin était doté d’une certaine perception des choses, c’était certainement le seul moyen qui lui permettait encore d’être raisonnable. Mais concernant Erebor, ses sentiments demeuraient sceptiques et négatifs. Il y a de nombreuses façons de le remettre sur un trône, mais pas avec Erebor. Les mots qu’il lui adressait étaient sincères et se voulaient rassurants pourtant le seigneur des monts de fer savait malgré tout l’effort qu’il mettrait à lui changer la vision des choses, son regard demeurerait décousu sur Erebor jusqu’à la fin. Cela n’empêcha néanmoins pas Dáin d’en rajouter une couche, sur des mots toujours pleins d’espoir ;

« Nous sommes des nains, un royaume qui disparait ne devrait pas nous freiner à en bâtir un plus grand et plus puissant. »

Thorin n’avait pas besoin de l’entendre de nouveau, à quel point Dáin était optimiste quand à son avenir. Il était fait pour régner, il règnerait sans aucun doute. Ces derniers mots lui faisaient penser à Khazad Dum et des récits qu’il avait entendu du plus grand royaume nain que la Terre du Milieu ait connu. Même si ce n’était pas en Moria, la gloire des nains finirait forcément par renaitre sous le même schéma que cette puissante cité. Dáin y croyait dur comme fer

De quelques mots adressés, emplis de bienveillance, Dáin tentait d’insuffler un peu d’espoir à son cousin. La perte d’Erebor et les nombreux événements ayant suivis n’avaient pas contribué à ce que son cousin soit quelqu’un de très optimiste malgré tout le courage dont il savait faire preuve. Dáin pouvait comprendre la situation délicate de Thorin malgré qu’il n’ait pu vivre tout cela, ou du moins qu’une infime partie. Quoi qu’il en soit, il comptait bien profiter de sa venue jusque là pour lui changer un peu les idées et le dérider. Bâtir une nouvelle Erebor, un nouveau Kazad Dum n’était pas chose infaisable, il en rêvait souvent d’ailleurs ; voir son cousin au sommet de la plus grande cité naine et l’y accompagner pour faire de ce royaume le plus puissant jamais connus, réunis. Il n’avait jamais parlé de ce souhait, ni même à sa femme ou à son fils, gardant secrètement l’espoir qu’un jour cela se réalise – un rêve d’enfant. En attendant, le moment où ce royaume s’érigerait demeurait loin, à ce jour pour Dáin il n’y avait que les Monts de Fer et c’était déjà bien du travail à faire. Thorin qui ne semblait pas remuer le couteau dans la plaie au sujet d’Erebor lui demanda d’ailleurs des nouvelles de son peuple. D’un geste amical, posant la main sur son épaule, Dáin lui offrit un large sourire et lui apporta quelques réponses ;

« Les Monts de Fer sont paisibles malgré ce qu’il se passe en Terre du Milieu ces temps-ci. Les orcs ne passent pas par ici, il n’y a rien qui les intéresse dans cette région, nous sommes plutôt chanceux même si cela dérange parfois nos commerces. »

Le regard de Dáin se reporta une nouvelle fois sur Erebor. Si les Monts de Fer et les alentours n’avaient rien d’intéressant pour les rejetons de Morgoth on ne pouvait pas en dire autant pour la montagne solitaire. Erebor a toujours été un lieu de convoitises, mais désormais que les nains ne l’habitaient plus il y avait bien plus d’inquiétude à se faire. L’ombre avançait, elle progressait par delà les Terres de ce monde et même si on ne l’apercevait pas partout, même les nains des Monts de Fer pouvaient ressentir qu’il se passait quelque chose. Le monde tel qu’ils le connaissaient pourrait très certainement changer, tant qu’il y aurait des irresponsables ici-bas, le pire pouvait toujours arriver. Dáin tourna la tête, adressant un vif sourire à son cousin. Ils se connaissaient bien ; l’un comme l’autre pouvait percevoir les préoccupations qui les avaient gagnés et qui persistait à les ronger jour et nuit. Qu’elles soient semblables ou différentes, l’insouciance de leur jeunesse étant loin, ils ne pouvaient plus se permettre de simplement se sourire en se disant que tout allait bien. Et pourtant Thorin souriait, aussi rares que se ces traits joyeux soient ils, ils étaient bel et bien là. Le Seigneur des Monts de Fer le lui rendit tout aussi naturellement, étirant ses lèvres d’un large sourire fraternel.

« Nous avons découvert d’autres sources de minerais, juste là ! Fit-il en pointant du doigt un bâtiment récent où les échos des pioches contre la roche pouvaient parvenir jusqu’à leurs oreilles.  Il y a suffisamment de fer pour toute une armée ! »

Le fer d’ici avait beau être en quantité considérable, on en faisait toujours quelque chose assez rapidement lorsqu’ils ne l’échangeaient pas dans le commerce, ainsi il était nécessaire d’en récolter plus à chaque fois. Les temps durs arrivant, Dáin avait pris la décision d’utiliser ce fer là pour son armée et remettre à neuf tout le matériel afin d’être plus qu’opérationnels le moment venu. Il espérait d’ailleurs que cela arrive le plus tôt possible afin que cette histoire d’orcs se pavanant le jour et se multipliant de trop soit réglée une bonne fois pour toutes. L’armée des nains des Monts de Fer était toujours réputée pour être efficace et redoutable, mais on ne fait pas de bonne guerre sans une bonne hache. Les forges avaient d’ailleurs redoublé d’activités avec l’arrivée massive de fer provenant de cette nouvelle source, ce qui était tout aussi bénéfique pour leurs affaires. En d’autres termes, la vie ici demeurait prospère et abondante en tous points. Il n’y avait dans le cœur des nains que la frustration de l’attente que quelque chose arrive, sous peu. Dáin ne développa pas plus le sujet puisque Thorin étant monarque pouvait aisément deviner ce que tout cela engendrait pour son royaume sans forcément faire référence à la guerre.

Ceci dit, Dáin invita son cousin à le suivre de quelques pas. Car non loin d’eux se tenait une table avec de quoi boire. Des nains étaient venus mettre entre temps leur installer quelques rafraichissements en se doutant qu’ils allaient rester dehors un petit moment. Le seigneur des Monts de Fer servit à son cousin une choppe de bière avant de s’en faire une à son tour. Ils trinquèrent, le bois des chopes s’entrechoquant à la joie de leurs retrouvailles. Après quelques gorgées, Dáin essuya sa bouche d’un revers de manche avant de prendre à son tour, des nouvelles du peuple de Thorin à l’est.

« Qu’en est-il des Ered Luin et de la famille ? Voilà bien longtemps que je ne suis pas venu ! Fili et Kili doivent avoir bien grandi…Il me tarde de tous les retrouver.»

N’ayant que très peu de différence avec son fils, Thorin, Dáin pouvait déjà imaginer qu’ils étaient devenus des nains forts et adultes, avec une belle barbe. Il avait hâte de les revoir, surtout qu’ils seraient bientôt suffisamment âgés pour rendre visite d’eux même à leur grand cousin et puisqu’ils n’étaient jamais venus dans les Monts de Fer, il avait tout aussi hâte de leur permettre de passer un séjour ici et rencontrer son fils, depuis le temps qu’il en parlait…C’est dans ces moments là qu’il regrettait d’avoir autant de distance à parcourir entre chez lui et le reste de sa famille dans les Montagnes bleues.

Il était important en cette période de doute de savoir qu’ils pouvaient compter l’un sur l’autre. Leur relation avait toujours été solide, fraternelle et les nains des Monts de Fer accueillaient toujours Thorin avec une grande joie. S’ils n’avaient que très peu d’alliances avec les autres communautés, la leur était indestructible et à ses yeux valait bien plus que tout l’aide que les autres pourraient lui apporter. Thorin le savait, il lui prouvait toujours sa loyauté et s’efforçait de lui faire garder espoir malgré les événements qui auraient pu avoir raison de lui. Ainsi l’armée qu’il préparait, Thorin avait un droit dessus, Dáin la lui enverrait sans la moindre hésitation s’il le lui demandait. Il était inutile de le préciser, un sourire à sa remarque avec un hochement de la tête suffisait pour qu’il comprenne qu’ils ne tarderaient pas à être prêts si besoin est. Et puisque les temps s’assombrissaient ce nouveau fer était une véritable aubaine.

« Oui, du fer neuf fera une armée redoutable ! »

Dáin n’était pas surpris de savoir que des orcs se baladaient non loin des montagnes bleues, il l’avait déjà mentionné dans une lettre et dans toute la Terre du Milieu on avait constaté ces changements inquiétants et leur nombre qui ne faisait que croitre. En revanche la manière dont avait eu THorin de voir les choses lui arracha un rire franc. Malgré cela, ces nouvelles avaient plongé Dáin dans une vive inquiétude qui protégeait férocement ses frontières de toute créature qui aurait le malheur de s’y aventurer de trop près. Du côté de l’est, on disait que la forêt de Mirkwood s’empoisonnait, chose qui en temps normal aurait réjoui Dáin, puisque ça donnait du travail à ce petit roi elfe qu’il ne portait pas dans son cœur. Mais à long terme, s’il ne faisait pas correctement son travail, ce mal risquait de se rependre jusqu’à eux. Etant donné le peu de considération qu’avait ce lâche pour ce qu’il se passait hors de ses frontières, Dáin avait dû prendre de nombreuses mesures, et sa nouvelle armée était aussi préparée pour ce genre de problème qui n’en finirait certainement pas là. Dáin se questionnait souvent sur la fin de ces événements à savoir quand et surtout où ? Il avait ses petites idées mais n’avait pas souhaité s’avancer, se contentant de se préparer et observer depuis les Monts de Fer. Lorsqu’il lui demanda comment se portait sa famille, c’est son sourire qui revint alors que leurs visages lui revenaient en tête.  Voilà quelques années qu’il n’était pas passé dans les Ered Luin, il envisageait d’y retourner quand tout se serait calmé d’ailleurs, afin de voir de ses propres yeux à quel point il avait raison. Il emmènerait sans doute sa famille avec lui cette fois-ci, sachant que sa cousine et Melgiel s’entendaient à merveille, il avait hâte de pouvoir planifier cela. Dáin se souvenait encore de ses premières rencontres avec les fils de sa cousine, l’énergie de Fili mais aussi Kili avec qui il avait sans doute marqué les esprits ce jour là. Rien que d’y penser, un sourire joyeux lui vint aux lèvres. Il pouvait aisément deviner à quoi pensait Thorin, il n’avait qu’à observer son propre fils pour s’en rendre compte ; il en était hier et parfois il lui donnait du fil à retordre mais cela n’était pas anodin, c’était à eux de les tenir et de faire en sorte que leurs royaumes continuent d’être dirigés par de grands seigneurs. La fatalité finissaient toujours par les rattraper, ainsi qu’il l’avait été pour eux, Dáin étouffa alors un rire.

« Ah ces enfants…Faisons de notre mieux pour leur offrir des royaumes prospères et de quoi miner de nombreux siècles encore ! » Fit il avant de terminer sa choppe et de la reposer lourdement.

Puis, Dáin échangea un sourire franc avec son cousin ; ils avaient toujours été d’accord sur ce point là, comme l’étaient leurs pères et les valeurs naines ainsi qu’elles l’avaient toujours été. Même si les nains avaient connu de sombres périodes, ils persistaient, solides comme le fer quelque soit l’âge, quelque soit leur sort. Les pensées du Seigneur des Monts de Fer se détournèrent de l’avenir et du passé pour se focaliser sur le présent, observant son cousin d’un air curieux. Avec ce qu’il se passait ces temps ci, Thorin n’aurait pas pris le risque de venir jusque là sans avoir une réelle raison. Les orcs courant de plus en plus la Terre du milieu était un fait qui l’occupait bien plus que se laisser quelques vacances loin des siens. Dáin soupçonnait quelque chose de plus important et qui ne pouvait définitivement pas être discuté par envois de corbeaux.  Désormais qu’ils étaient seuls, Dáin pouvait alors lui demander de quoi il en retournait, servant un peu plus de bière à son cousin pour que la discussion soit moins tendue que ce qu’elle en aurait l’air.

« Te voir dans les Monts de Fer me rend toujours aussi heureux Thorin, mais je ne pense pas que tu sois venu par simple envie de visite. Je te connais bien, dis moi donc ce qui t’amène ?»

Même si Thorin affirmait que sa visite n’était que par courtoisie, Dain avait du mal à le croire, il l’observa d’un air suspicieux, tout en étant comique. En des temps de crise aussi importants, sa visite ne pouvait se faire que sur une simple envie de s’éloigner des siens. Dain ne le connaissait que trop bien, et d’ailleurs le reste de ses dires confirma son hypothèse lorsqu’il demanda de garder un œil sur la Montagne Solitaire après avoir justement mentionné les troupes d’orcs se multipliant. Bien sur qu’il avait remarqué, ils s’approchaient trop près de ses terres, non sans que cela soit innocent au vu du butin qu’était Erebor. Dain dévia son regard sur la concernée, la neige brillait au soleil comme les pierres précieuses de Lasgalen.

Le ton redevint dès lors plus sérieux entre eux même avec la joie d’avoir partagé les nouvelles de leurs familles respectives, en tant que dirigeants, certains sujets ne pouvaient pas être éloignés plus longtemps. Il en allait du bien commun de leur race et de leurs fils, des générations à suivre. Tout reposait sur leurs épaules. Dain en oublia même sa bière, il la posa sur la table et le rassura d’abord sur la surveillance de son héritage qui avait droit à bien des attentions.

« Nous veillons régulièrement sur Erebor. Nous devons déjà subir ces orcs pillant la Moria, je ne supporterais pas de voir ton royaume profané comme l’est Khazad Dum. Un dragon est déjà bien suffisant… »

Dain posa ses yeux sur les flancs d’Erebor au loin, pensif et faisant le tri dans ses récents souvenirs la concernant. Bien sûr qu’il veillait sur cette belle montagne, elle avait longtemps fait la fierté d’un peuple nain uni, que ce soit par nostalgie ou par entêtement, il était hors de question pour lui de la laisser définitivement à l’abandon et ce même si Thorin n’avait pas eu comme projet de la reconquérir. Puisqu’ils étaient qu’à quelques kilomètres, il était tout à fait naturel pour lui d’y veiller. Dain se retourna vers Thorin, son éternel sourire avait été effacé d’un revers de main tandis qu’il lui montrait un air bien plus préoccupé concernant Erebor.

« Nous menons régulièrement des expéditions, il nous est arrivé dernièrement d’attraper des orcs dans les ruines de Dale. »

La poignée qui avait été attrapé n’avait hélas pas pu être interrogée. Par réflexe les nains les avaient exécutés et alors, Dain n’avait aucune idée de leurs objectifs concernant Erebor. Avec un peu de réflexion, sans doute son emplacement, ses richesses mais il n’en fit rien afin de ne rien perturber. Tout ce que Dain souhaitait c’était mettre son cousin en garde contre certaines menaces. Par ailleurs, les orcs n’étaient pas les seuls à mettre Dain sur le qui-vive concernant ce royaume. Il suffisait de remonter la grande rivière pour tomber sur ces pédants elfes dont il avait également surpris des regards indiscrets. Thranduil avait toutes les raisons du monde de vouloir Erebor mais n’agissait pas, du moins pas encore, car le dragon l’effrayait au point de laisser des vies errer. Ce n’était certainement pas lui qui allait déloger Smaug des cavernes d’or. Dain se montra donc conseiller concernant cette possible reprise du Pic solitaire, afin que son cousin ait toutes les informations nécessaires à ce que cette montagne ne devienne pas leur tombeau.

« Si tu veux reprendre Erebor, il te faut une armée car les elfes de Mirkwood viendront assurément. »

Au souvenir de la première entrevue du Seigneur des Monts de Fer et du Roi des elfes et de toutes les autres aussi houleuses, il était quasi certain que cette vermine à oreilles pointues montrerait son minois. Ce dernier ne souhaitait pas revoir les nains régner sur cette partie de la Terre du Milieu, parce qu’ils ont annihilé leur puissance dans le coin. L’arrogance des elfes et surtout de Thranduil n’était pas à prouver, il trouverait une excuse qui ferait que son geste soit légitime alors que ses intentions envers les nains seraient forcément mauvaises. Pour ce point là, Dain tenait à se tenir aux côtés de son roi, à lui montrer une fois de plus son soutien avec ces soldats armés jusqu’aux dents pour faire face : son armée, qu’il lui mettrait à son entière disposition sans la moindre hésitation. Alors les paroles de Thorin concernant Erebor avaient pris tout leur sens, son cousin planifiait sa reconquête et il était venu jusque là pour s’assurer que son cousin l’aiderait même s’il ne l’avait pas demandé indirectement.

« Nos haches sont tiennes, nous serons prêts. » Fit il en posant sa main sur l’épaule de Thorin, une promesse.