« La faim chasse le loup du bois » feat. Destan

L’Hiver était bien rude. Le froid mordant, il avait gelé plusieurs courts d’eau et ceux qui n’avaient pas mis leurs récoltes à l’abri seraient les premiers à souffrir de cette rude saison. Cela n’était pas un temps à vivre dehors et les itinérants avaient heureusement des caravanes et des tentes suffisamment solides, aux toiles renforcés et imperméables à la rudesse de l’hiver. L’ancien soldat était bien content de pouvoir travailler, il aurait passé un hiver difficile tout seul dans la petite bicoque perdue au fond des bois qu’il avait. Nul légumes ou fruits dans son potager pour le nourrir et des animaux encore moins. Ainsi, il ne se plaignait pas de sa condition.
Il termina de nettoyer les sabots de Girofle et de les couvrir de tissu pour qu’il ne prenne pas froid avant de lui jeter une couverture sur le dos et l’amener vers la charrette à côté de laquelle il avait allumé un feu. Il tourna le dos à sa monture non sans l’avoir caressée et lui avoir attaché à hauteur une sacoche pleine de foin.
La neige crissait sous ses pas, l’ancien capitaine se souvint alors de la première fois qu’il avait vu la neige pour la première fois, lorsqu’ils étaient montés bien loin vers le nord avec ses parents. Cela lui semblait être bien loin derrière lui mais les enfants des itinérants qui jouaient à se battre et se chamailler dans la neige avaient ravivé ses souvenirs.  Parfois il songeait même que ces enfants là auraient pu être les siens. Mais son cœur appartenait à une Etoile et devenir père s’il souhaitait lui conserver son amour n’était pas pour lui.

Et alors que ses rêves de paternité s’envolaient avec les espoirs qu’il avait monté sur de possibles sentiments qu’éprouverait Luthien l’Argentée pour lui, il se dirigea vers la marmite dans laquelle se trouvait son repas. Les itinérants patientaient docilement pour être servi eux aussi. Ce soir, ils auraient la chance de déguster une soupe bien chaude et le doux fumet de la préparation fit gargouiller le ventre de l’ancien soldat. Il ne pensait pas avoir si faim.
Destan se redressa, la soupe chaude et fumante remplissait sa gamelle. Il allait rejoindre un point un peu plus isolé du campement pour remplir son office de garde. Il allait comme à son habitude surveiller les alentours et faire en sorte que la nuit se passe au mieux. Ce n’était pas à lui d’être sur le premier tour de garde mais il préférait tout de même jeter quelques coups d’oeils et rester sur le qui-vive, surtout par cette période de grand froid qui amenait plus aisément les brigands et prédateurs sur les chemins fréquentés par les hommes.

Alors qu’il se dirigeait vers une charrette, à côté de laquelle il avait allumé un feu dans un braséro pour veiller il remarqua un vieil homme qui semblait vouloir s’adresser aux itinérants sans que ces derniers le remarque.
Un vieil homme en haillons appuyé sur un bâton de bois noueux qui interpellait les itinérants d’une voix mal assurée. Comment pouvait-il se trouver dehors par un tel froid ? Et comment les gens du camp pouvaient-ils ne pas le voir ?  Ainsi Destan se présenta à lui, sa gamelle de soupe toujours entre les mains.  Il inclina la tête pour le saluer avant de s’adresser à lui, doucement, le vieillard semblant presque sur le point de partir.


Il lui désigna un rondin de bois pour que ce dernier puisse y prendre place, ainsi qu’un tas de couvertures d’un geste de la main. Le vieil homme devait être gelé par ce temps. L’ancienne Capitaine de la Porte Noire lui tendit son plat de soupe, un sourire avenant sur le visage.


Il laissa un temps de suspend tendit qu’il sortait une miche de pain d’une de ses sacoches. Ce n’était pas là du pain frais mais trempé dans la soupe, il rendrait le repas plus consistant. Il la coupa en deux et en donna un morceau au vieil homme. Et donna les morceaux les plus durs qui étaient restés au fond à Girofle qui s’était montré bien curieux lorsqu’il avait ouvert la saccoche.
L’un des enfants d’un itinérant passa près de l’ancien soldat. C’était Tom, le fils de Elias le maréchal Ferrand. Le Gondorienne le héla gentiment. Il lui tendit une deuxième gamelle en demandant à ce que le garçon aille lui remplir, en échange il lui tendit un sachet contenant des biscuits à l’anis qu’il pourrait partager avec ses frères. Mais il n’était pas certains que le sachet arrive jusqu’à ces derniers.  L’enfant acquiesça vivement avec un grand sourire, engloutissant déjà les premiers biscuits et parti remplir sa mission. Destan ayant alors la possibilité de s’enquérir des souhaits de son invité :


Il avait songé en voyant le vieil homme que ce dernier avait besoin d’un peu d’aide. Peut-être s’était-il égaré ? Ou bien vivait-il non loin et manquait de nourriture ? Peu importe la raison de sa venue en vérité, s’il pouvait faire quelque chose pour lui venir en aide, Destan le ferait.  Et alors que Tom revenait précautionneusement avec la deuxième gamelle de soupe, le Gondorien s'empressa d'ajouter, ayant oublié ses bonnes manières:

L’ancien capitaine de la Porte Noire se laissa dévisager par le vieil homme, ses yeux brillait d’une flamme intense en comparaison de l’âge qu’il semblait arboré. Il ne s’en offusqua pas, il n’avait rien à cacher et son visage avait toujours reflété ce qu’il était. Le vieil homme, recouvert d’une fine pellicule de neige, se confondit en remerciement bien qu’étant devenu plus hésitants lorsque l’ancien soldat lui présenta un siège ou s’asseoir. Le vieil homme révéla qu’il ne souhaitait pas s’imposer mais alors que les arômes de la soupe firent gronder son estomac, tirant un sourire à Destan, le vieillard changea bien vite d’avis et pris place autour du foyer.
Il vit le vieillard déposa son bâton noueux de côté, proche de lui comme s’il ne souhaitait pas l’éloigner trop de lui, il se confondit de nouveau en remerciement. Destan haussa les épaules, cela était bien trop de cérémonie pour une soupe. Le feu semble réchauffer quelque peu le vieil homme qui, plusieurs fois, essaye de faire sécher ses bottes près des flammes. Alors que Destan le détaille subtilement, l’idée que le vieillard aurait déjà dû mourir de froid plus d’une fois lui traversa l’esprit. C’était là un énergumène bien résistant.

Après avoir rompu le pain, l’inconnu commença à boire à de grosses gorgées de soupe par lampées et de l’autre côté du brasero Destan pu voir les joues du vieil homme se coloré grâce au repas. Curieux mais ne souhaitant pas interrompre le repas de son invité, l’ancien soldat hasarda une question avant de se souvenir qu’il ne s’était pas présenté. Le vieil homme lui tendit une de ses mains et Destan la serra avec vigueur alors qu’ils échangeaient leur prénom. Radagast, cela lui disait sûrement quelque chose, le nombres de convois et caravanes auxquels ils avaient pris part
Destan le questionna ensuite sur la raison de sa venue ici. Radagast puisqu’il se nommait ainsi révéla que c’était bien embarrassant à révéler et il apprit à l’ancien soldat qu’il n’avait pas fait assez de provisions pour l’hiver, et qu’à force de partager avec certains de ses amis il était venu à court de nourriture. Voilà un homme que sa bonté perdrait sans doute un jour. Mais au moins Erù l’accepterait avec plaisir lorsque le jour serait venu.

Alors qu’il observait gentiment le vieil homme manger tout en écoutant ses réponses, il le vit émietter le bout de pain dans sa paume et une petite souris sortir de la manche du vieillard pour venir se nourrir. Ainsi voilà qu’apparaissait l’un de ses amis sans doute qui avait fait réduire ses réservées. Il était là un bien curieux personnage. Les moustaches de la petite créature s’agitèrent dans l’air froid, sentant sans doute le monde autour d’elle. Cela fit rire Tom qui était revenu avec la gamelle de soupe un rire cristallin était sorti de ses lèvres. C’était bien là quelque chose aucun d’entre eux ici était habitué. Souvent les rongeurs étaient considérés comme nuisibles puisqu’ils se servaient dans les récoltes. Destan quant à lui avait appris à faire avec. En effet lorsqu’il chassait il se nourrissait d’animaux, pauvres hères qui n’avaient pas demandé à ce qu’on leur ôte la vie , mais tel était le cycle entre proie et prédateur ainsi, pour se faire pardonner lorsqu’il chassait au pied des Montagnes Blanches, il laissait toujours quelques graines pour les rongeurs et les oiseaux qui vivaient autour de la petite bicoque de bois qui l’accueillait parfois.

En tout cas, cela ne choqua pas le vieil homme d’avoir un rongeur entre ses robes et ce dernier continua en demandant poliment s’il lui était possible d’acheter des provisions ou de les troquer contre quelques services, comme les soins aux personnes et aux animaux. Le léger rire qu’il ajouta alors qu’il oubliait qu’il savait également soigner les hommes tira un rire à l’ancien capitaine de la Porte Noire. Radagast devait passer ainsi bien plus de temps avec les animaux qu’avec les hommes, mais cela était-il une mauvaise chose ? Comme un écho à sa propre pensée, le vieil homme, dans un sourire plein de gratitude lui révéla qu’il ne s’attendait pas à autant de bonté de la part d’un homme qu’il ne connaissait pas.
Destan accusa la révélation. Il ne pouvait lui donner tort. Il était des individus en Arda qui se fichaient bien des règles de courtoisie ou de vie, qui ne respectait pas les règles primaires de l’hospitalités. L’ancien soldat retenu un soupir et se contenta de sourire, plantant son regard gris dans celui du vieil homme en annonçant :

« Vous savez, bien que les temps qui s’assombrissent puisse en faire douter, il reste encore du bon en ce monde et s’il n’est pas visible de prime abord, c’est à nous de faire en sorte qu’il reparaisse. » Il en était intimement persuadé. Il prit une gorgée de soupe avant d’ajouter. « Et je n’allais pas vous laisser ainsi transi de froid et de faim alors que j’ai la chance d’avoir au moins un repas par jour, surtout après avoir connu moi aussi des hivers rigoureux où la nourriture se faisait rare, cela serait bien égoïste. ». Il continua, trempant son pain dans le potage pour l’humidifier et remplir son estomac de quelque chose de plus constituant. « Et pour ce qui est des provisions, nous vous donnerons ce dont vous aurez besoin pour le reste de l’hiver. Et nul besoin de nous payer, une histoire pour les enfants, cela serait suffisant. »

Les enfants du campement qui les regardaient de derrière une tente depuis cinq bonnes minutes, emmitouflé dans leurs manteaux d’hiver poussèrent des petits piaillements de joie à l’entente d’un possible conte. Ils devaient être bien curieux de savoir d’où venait leur invité pour se cacher ainsi. Oui, un conte, une légende de l’ancien ou tout autre histoire qu’ils ne connaissaient pas satisferait les petits. Il s’en irait alors chercher un sac de blé pour Radagast, ce dernier pourrait ainsi le moudre pour faire du pain ou le faire bouillir en potée. Cela lui durerait quelques mois. Il devait bien y avoir également un sac de pommes de terre ou autres racines qu’il pourrait lui donner et des herbes séchées. Cela ferait de monotones repas, mais des repas tout de même, Peut-être certains de la caravane râleraient-ils de temps de bonté, auquel cas il paierait de son solde lui-même les provisions données, mais il en doutait fort. Il avait cessé de travailler depuis bien longtemps avec des individus aux convictions trop éloignées des siennes. Il avait foulé depuis assez longtemps Arda pour s’affranchir de gens avec qu’il regretterait de voyager.

Il se leva, joignant le mot à la parole. Il pourrait ainsi revenir avec les quelques provisions qui permettrait au vieil homme de passer l’hiver.

Il lui sembla que Radagast l’écoutait avec attention, sans doute paraissait-il bien mièvre et naïf de songer que les gens pouvaient changer le monde dans lequel ils évoluaient, mais il en était certain. Si tous étaient un peu moins égoïste et un peu plus à l’écoute de leur prochain, cela arrangerait bien des choses. Mais il n’était ni Roi, ni Prince, même plus Capitaine, ainsi il se contentait de faire ce qu’il pouvait, à sa petite échelle, si minuscule soit-elle. Ainsi il essayerait de faire au mieux pour ce vieil homme étrange et lui éviter de mourir de faim et de froid cet hiver. Il ne pouvait lui proposer un emploi et Radagast semblait s’être affranchi depuis bien longtemps de ce genre de considération humaine pour survivre mais au moins l’ancien capitaine de la Porte Noire pourrait-il lui fournir quelques victuailles.

Il sembla à Destan que Radagast fût bien étonné par la réponse qu’il lui donna. Une expression de surprise s’était peinte sur son visage, sa bouche s’était entrouverte presque pour dire quelque chose sans qu’aucun son ne sorte de sa bouche. Il pouvait comprendre la surprise du vieil homme, après tout, tant de générosité n’arrivait sans doute que toutes les cent lunes, et encore, et lorsque cela arrivait, le geste était rarement désintéressé. La surprise qui s’était affichée sur le visage de Radagast s’était transformée en sourire et le vieil homme déclara que c’était là une belle leçon, et qu’ils avaient échangé leurs rôles. Cela sembla d’ailleurs le faire rire et tira un sourire à l’ancien soldat, à vrai dire il n’avait plus rien d’un jeune soldat et il n’était pas non un vieux sage, il était simplement un homme à dans la force de l’âge et il espérait bien atteindre les années où il pourrait être véritablement considérée comme un vieux sage par ses pairs. Mais il avait encore bien du temps avant que cela n’arrive.

A la proposition de Destan le vieil homme sembla satisfait et il ajouta ainsi qu’il raconterait une histoire. Et à ces mots les enfants cachés derrière la carriole poussèrent un cri de joie avant de s’approcher au signe de main effectuée par Radagast. Le vieil homme repris la parole proposant une bonne tasse de thé et demandant à Destan s’il disposait d’un contenant et autre ustensile pour le préparer.
L’ancien soldat se leva ; acquiesçant : « Je m’en vais nous trouver cela, ce serait effectivement bien agréable. »
Destan envoya les enfants chercher leur tasse, gobelets et autres contenant ainsi qu’une seconde assiette de soupe pour son invité et lui-même. Il s’en alla également s’entretenir quelques secondes avec Burich, son vieil ami et employeur concernant les sacs de nourritures et il revint quelques instants plus tard avec une marmite remplie de neige et deux gros sacs plein qu’il déposa près du feu de camp.

Radagast sembla réfléchir un instant, songeant sans doute au récit qu’il choisirait de conter aux enfants. Ces derniers étaient d’ailleurs déjà revenus, amener avec eux sièges et couvertures dans lesquelles se blottir ainsi que leurs tasses et les deux gamelles de soupes. Leur invité avait quelque chose de fascinant, si l’ancien soldat avait depuis longtemps quitté les douces années de l’enfance, il n’était pas moins friand des contes et histoires que chaque nomade de passage ou troubadour pouvaient conter.
Radagast se racla la gorge pour attirer l’attention du petit groupe qui s’était formé autour de lui et très vite le silence se fit, on n’entendit plus dans la nuit qui était tombée que le doux crépitement du feu. Il fallu quelque seconde de plus au vieil homme avant que son visage ne s’illumine des lueurs de l’inspiration et il commença à parler.

Pendant ce temps, Destan posa la marmite remplie de neige et d’eau au-dessus du brasero. Cela prendrait un peu de temps avant que l’eau ne vienne à bouillir mais sans doute l’histoire serait suffisamment longue pour le permettre. Le vieil homme avait d’ailleurs déjà commencé. Il parla d’un temps depuis longtemps révolu où il avait été sans doute bien plus jeune qu’il ne l’était et les Montagnes de Brume qui devaient avoir bien changé. Il sembla à Destan que ce n’était pas simplement quelques années en arrière auxquelles il se référaient, mais bien plus longtemps que cela. Leur conteur d’un soir commença ainsi à planter le décor de son aventure, laissant les petits faire connaissance avec les protagonistes de son histoire, une jument à la patte blessée et un homme des bois.

Déjà les petits s’étaient rapprochés, captivés par les paroles qui s’écoulaient en doux flots de la bouche de Radagast, et quand vint la première péripétie avec la disparition des moutons, le petit groupe qui écoutait leur orateur s’étoffa, les parents étaient venus eux aussi profiter du conte dans un silence attentif. Alors que le suspens était enfin installé, le vieillard fit une pause avant de fouiller dans les poches de sa tunique pour en sortir des épines de pins. Radagast les tendit à l’ancien capitaine qui les accepta avec plaisir en même temps que les consignes, hochant la tête pour signifier qu’il avait bien compris et s’attelant à préparer l’infusion. Il sortit un couteau de sa poche et commença à retirer la partie marronne à la base des aiguilles pour ensuite les couper en plusieurs morceaux avant de placer celle déjà prête dans sa propre tasse vide. Un remède pour combattre les mauvais rhumes, voilà qui ferait plaisir à l’ensemble des caravaniers et il était bien dommage que bon nombre d’entre eux aient parfois si peu de connaissance sur les herbes et autres plantes médicinales. Parfois il regrettait d’avoir si peu compétence dans ce genre de savoirs, il connaissait bien les herbes utilisées par les soldats pour réaliser des cataplasmes ou éviter des saignements mais sa maîtrise s’arrêtait ici.

Avant de se perdre dans ses propres pensées il reposa son attention sur le groupe et leur conteur, en vérité, il était sans doute aussi impatient qu’eux de savoir ce qui avait bien pu arriver aux moutons. Et bien vite, après qu’il eut attisé plusieurs fois le feu et couvert l’eau, celle-ci se mit à bouillir alors il y jeta les épines et attendit que le mélange devienne vert foncé pour le servir aux convives. Un fumet odorant s’élevant du récipient.

L’ancien capitaine de la Porte Noire ne pouvait dire le contraire, Radagast avait un don pour conter les histoires. Il ignorait si cela produisait le même effet chez lui que dans l’assemblée, mais il avait l’impression de percevoir les brouillards qui s’élevaient sur les Monts Brumeux et de voir se déplacer entre eux la jument qui boitait. Il aurait souhaité redevenir cet enfant innocent qu’il avait été autrefois en Dol Amroth et regarder avec les mêmes yeux émerveillés que les petits qui écoutaient avec avidité le vieillard. Mais cela appartenait au passé et s’il espérait ne pas être devenu trop aigri, l’émerveillement avait laissé place à l’étonnement mais il savait que comme lorsqu’il avait encore l’âge de plonger dans le port et chasser les nuages, il ne jugeait pas ceux qui l’entouraient ou ce qu’ils avaient à dire.

Attentifs comme l’étaient les enfants et les parents qui s’étaient approchés. Peut-être les adultes trouveraient-ils étrange ce vieux conteur qui s’engageait à relater sa curieuse épopée et enquête concernant les brebis disparues. Un frisson avait parcouru l’assemblée à la mention des gobelins, des voleurs mais aussi des fantômes et les plus jeunes qui lançaient déjà des regardes inquiètes à leurs aînés, espérant que des bras aimants leur prodigueraient réconfort et sécurité
Destan vida au fur et à mesure que l’histoire avançait sa gamelle de soupe tout en continuant de préparer le thé. Cette dernière réchauffait son corps. Le vieil homme fit une pause, se nourrissant du second potage, les murmurent se faisant, chacun cherchant à deviner l’identité de la chose qui enlevait ces pauvres animaux. Il sentit le regard de Radagast sur lui tandis qu’il préparait l’infusion, et il releva la tête, lâchant un discret sourire au vieillard. Et l’odeur de pin s’éleva entre les auditeurs, des effluves agréables qui semblaient déjà vouloir dégager leurs bronches. Et alors que le silence s’était fait de nouveau pour inciter leur invité à continuer, ce dernier repris pour apprendre à l’assemblée attentive ce qu’il était advenu de la brebis et son petit avant que Radagast ne viennent à se faire enlever à la place des animaux.
Les petits se regardèrent avec étonnement, rirent pour certains lorsque le vieil homme mima la bourrasque de vent qui la souleva pour annoncer ensuite que ce n’était pas une brusque tempête qui l’avait soulevé de terre mais des Aigles. Destan avait eut la chance de parcourir par monts et par vaux la Terre du Milieu, jamais une telle histoire ne lui avait été contée et il était bienheureux de l’entendre ce soir.

Il était des choses en Terre du Milieu qui étaient bien étranges, qui semblaient presque impossible mais après tout ? Il avait déjà vu des créatures bien étranges lors d’excursions au cœur du Mordor, il avait rencontré des gens aux qualités et facultés bien diverses, alors des aigles géants ? Il ne m’était pas de barrière à ce genre de possibilité et ainsi lorsqu’il eût fini de servir le thé à ceux qui en désirait, tandis une tasse au conteur qui devait avoir bien besoin de se désaltérer et qu’il eût la plume entre les mains, il observa cette dernière avec attention.
Lorsque ce fût chose faîte, la plume fût rendue au Conteur et les yeux se posèrent de nouveau sur lui, attendant qu’il continue de raconter ce qui lui était arrivé. Le petit Tom hasarda d’ailleurs une question :

« Grands Aigles, mais grands comment ? Grands comme ça ? » Il désigna une distance entre lui et deux de ses amis qui avoisinait à peine les deux mètres et il enchaîna en se levant, manquant de faire tomber ses deux compères dans la neige que Destan rattrapa avec vivacité. « Ou grands comme ça ? » Et Tom fit quelques pas dans la neige qui l’emmenèrent d’un bout de la cariole jusqu’à l’extrémité du groupe formé par les auditeurs, cette fois-ci la mesure désignée équivalait à une dizaine de mètres.

Voilà qui était une question pertinente pour des enfants qui ne voyaient que des rapaces bien hauts dans le ciel et qui cherchaient à savoir si le conteur disait bien la vérité. Mais pour qu’un aigle ait pu enlever un homme de la taille du magicien, il ne faisait ni la taille d’une buse ni celle d’un simple vautour, cela était certain.

Destan reposa son regard sur son invité, lui aussi était pressé d’obtenir la réponse à la question posée par Tom et la suite des péripéties du vieil homme. Le premier sentiment qui lui avait soufflé qu’il avait affaire à un interlocuteur surprenant et intéressant s’était renforcé et ce n’était pas là une mauvaise chose. Il était heureux d’avoir pu lui offrir un repas et son aide quant aux provisions qui lui étaient venues à manquer et nul doute qu’au regard de la qualité de son conte, d’autres remerciements de la part des caravaniers viendraient bien vite. Les petits lui demanderaient d’ailleurs, sans aucun doute, de rester et voyager avec eux quelques temps pour profiter un peu plus longtemps des fabuleuses histoires qu’il pourrait leur transmettre.
Ainsi bien que l’hiver fût une saison bien rude qui amena la faim à chasser le loup du bois, ce qui sortit des bosquets cette soirée là les marquerait longtemps, l’ancien soldat en était convaincu.

Une brise fraîche s’était glissée entre eux mais la décoction d’épine de pins les réchauffait encore, certains tendant déjà leur tasse pour se resservir tandis que la plume d’un aigle finissait de passer entre les mains des convives. Le jeune Tom prit bien vite la parole, sa curiosité ne pouvant être tue. Il essaye de deviner en montrant ce qu’il pouvait imaginer de l’envergure des oiseaux légendaires dont parlait le vieil homme. Bien vite Radagast lui apporta les réponses à ses questions.  Les plus petits faisaient la taille de la distance la plus grande présentée par Tom et cela tira des murmures admiratifs à l’assemblée et le visage étonné du garçon tira un rire au vieil homme.
Certains doutaient, après tout, tout ceci ne pouvait qu’être une histoire, quelque peu farfelue inventée par un vieux conteur afin de faire rêver les enfants.  D’autres ne parvenaient à imaginer que tant de détails puissent appartenir à de simple mythe, il devait y avoir du vrai. Et quant à Destan, il avait vu un bestiaire si étrange au sein du Mordor qu’il ne pouvait que supposer que tout ceci état bien réel. Rien ne pouvait prouver le contraire et imaginer des rapaces d’une telle envergure avait quelques choses de magique. Rares devaient être ceux qui avaient eu la chance de pouvoir apercevoir ces volatiles.
Les choses devaient être bien différentes à l’aube du premier âge lorsque des aigles comme Thorondor volaient dans le ciel. Il aurait aimé avoir la chance, comme les elfes de vivres tant d’années qu’il aurait pu voir le monde évoluée et avoir la chance de rencontrer de telle créatures. Mais certains de ces gens vivaient depuis tellement longtemps que les jours leur paraissaient secondes et qu’ils n’en profitaient pas. Comme la Dame étoilée chère à son cœur à qui il espérait un jour pouvoir apprendre à apprécier l’éphémère.
Alors qu’il terminait sa phrase, ramenant Destan à la réalité, le vieil homme attrapa une couverture pour s’emmitoufler dans cette dernière, le froid l’ayant sans doute saisi et comme une invitation, les adultes passèrent au plus petits le reste des draps.
La souris que Destan avait aperçu plus tôt remonta se loger sur l’épaule de Radagast, et certains enfin la pointèrent du doigt en chuchotant. Mais très vite, l’histoire reprenant ils se turent pour écouter avec attention. Comment le vieil homme fût relâché au sommet d’une montagne toujours cramponné à l’agneau qu’il espérait soustraire à ses prédateurs avant de voir les silhouettes immenses qui se découpaient dans la nuit. Les oiseaux immenses posé sur la corniche qui le surplombait au nombre de six à lui faire face et derrière le vieil homme ne s’étendait qu’une paroi lisse et le vide. Voilà qui décrivait une délicate situation

Le conteur se coupa net dans son récit, surprenant les oreilles attentives. Radagast leva son doigt avant de désigner l’ensemble des auditeurs autour de lui, d’un mouvement circulaire. Leur demandant ce qu’ils auraient pu faire à sa place. Le regard du vieil homme se posa sur le visage des plus petits et alors que l’ancien Capitaine fixait le conteur avec attention, ce dernier reposa son attention sur lui, comme pour lui signifier que lui non plus ne pouvait se soustraire à la question.
Et alors que déjà les petits échangeaient avec vivacité sur ce qu’ils auraient bien pu faire à la place du vieillard, Destan se surprit à lui-même y songer. Trop de risque de désescalader le sommet où il venait d’arriver, engager un assaut était bien là une chose stupide et inconsidérée face à une création des Valars plus grande qu’un Oliphant. Saluer avec tout le respect dont il aurait été capable les Grands Aigles, voilà ce que l’ancien soldat aurait sans doute fait et déposer sa lame s’il l’avait eu avec lui pour montrer qu’il ne souhaitait nul conflit. Les rapaces étaient sans doute bien plus intelligents que leurs congénères de petite taille.
Bien vite certains commencèrent à annoncer qu’ils auraient fait. Des piaillements rapides qui se mêlaient dans une joueuse cacophonie. « Je leur aurai donné le mouton en priant les Valars qu’ils ne me mangent pas ! » « J’aurai essayé de descendre de la montagne quand même… » « J’aurai ramassé des cailloux au cas où, pour me défendre si jamais ils essayaient de me manger » . Chacun allant bon train sur ce qu’ils auraient fait. « Ils n’auraient pas pu te manger t’es trop moche, comme un gobelin » renchérit un autre à son camarade qui lui asséna un coup de coude dans le ventre avant de faire rire l’assemblée. Ils essayaient bien d’imaginer ce qu’ils auraient fait, mais le plus importants c’était ce que le conteur avait fait et comment il s’en était sorti en vie. Tous se turent d’ailleurs bien vite pour reposer leur attention sur le vieil homme et attendre la suite de l’histoire, avide des péripéties qui étaient arrivées au vieil homme et au petit agneau.

Il était bien étrange ce vieillard apparu en cette froide nuit pour leur conter son histoire. Les petits qui écoutaient avec avidité, participaient  au conte dans des babillements joyeux réchauffaient les cœurs ici-bas. Destan était ravi que l’étranger qui n’en n’était désormais plus un ce soit joint à eux.
L’ancien Capitaine du Gondor se feignit d’un sourir lorsque Radagast expliqua que pour approcher quelqu’un qu’il ne considérait pas comme un ennemi et que ce dernier en faisait de même, il fallait se présenter. C’était là une réponse amusante à côtés des autres formulées par l’assembler mais tout à fait respectable. Après tout, il était plus aisé de converser avec un être pour connaître ses attentions en lui offrant son nom plutôt qu’en le caillassant pour espérer ensuite obtenir des réponses.
Beaucoup d’Hommes étaient promptes à ce genre de comportement et c’était sans doute pour cela qu’il y avait toujours des échauffourées, même dans les villes les plus paisibles. C’était une belle leçon que Radagast offrait là, il était à espérer que l’auditoire l’accueil avec sagesse et s’en souvienne.
Aussitôt la voix du vieil homme e se mua, elle devint puissante alors que les aigles apparaissaient dans l’esprit du conteur. Il leur était presque donné de les voir &ussi tant il s’exprimait avec ferveurs. Et ainsi se présenta Radagast, enfin tel était son premier nom mais il en vint tant d’autres qu’ils étaient difficiles de tous les attraper. Il ne semblait ainsi plus d’être un simple vieil homme avec tous ces titres, qui était-il alors ? Un gardien ? Un sage ou un ermite ? Un sorcier ?  Le Gondorien fixa un peu plus intensément ce vagabond qu’il avait invité autour du feu. Quel curieux personnage et que de mystères autour de lui qui ne trouverait sans aucun doute nulle réponse car il disparaitrait comme il était apparu. Mais cela était-il réellement important de savoir ce qu’il était vraiment ?
L’histoire continuait son cours alors que Destan s’interrogeait. Certains haussèrent des sourcils de stupeurs, d’autres avaient la bouche béante. Les aigles parlaient, répondaient même et Radagast le confirma. Et aussi vif que le vent, ce que l’on aurait pu penser impossible vu les années peintes sur le visage du vieil homme, il s’était approché d’un des pans d’une caravane toute proche pour mimer habillement de ses doigts, jouant avec l’ombre et la lumière prodiguée par le feu, un oiseau qui battait des ailes. Il donnait vie à la créature, s’exprimant pour elle et tous étaient captivés. Et ainsi s’exprima Gwaihir le seigneur du vent qui répondait à Radagast, racontant la famine qui saisissait ses frères, la stupeur du voyageur et la réponse à la disette : les hommes. Aussitôt Radagast les fit apparaître sur la toile et la conversation repris. Puis elle s’éteignit bien vite, le visage du vieux conteur s’étant peint à la fois d’exaspération, d’embêtement et de questionnement et de nouveau il s’adressait à l’assemblée, leur demandant leur avis sur les paroles de l’aigle. Ainsi il était question d’hommes, des poissons et une famine.

Un des adultes du convoi leva une main hasardeuse, ne voulant pas paraître idiot aux yeux des autres : « Un barrage ou la pêche ? S’il n’y a plus de poisson c’est qu’ils ont été retirés de là où ils auraient dû être. » Beaucoup hochèrent la tête, en accord avec cette théorie et l’un d’entre eux ajouta : « Ou alors l’eau a été souillée par une bête morte et les poissons sont morts aussi. »

Il était vrai que c’était là des théories tout à fait plausibles et Destan songeait aux mêmes choses. Du moins c’était la des événements qui étaient déjà arrivés et arriveraient de nouveau et que les Hommes avaient causés. Après si d’autres forces étaient en actions pour avoir provoqués la famine des aigles, la disparition des moutons, le Gondorien n’était pas certain d’avoir la réponse.