Mais quel est ce sordide personnage ? | RP FINI

Mais quel est ce sordide personnage ?

ON NE FOUT PAS LE ZOUK DANS MON AUBERGE SI FACILEMENT, PAROLE D'HOBBIT !

Les oiseaux gazouillaient, le soleil caressait de ses doux rayons l’herbe tendre sur les collines, des rires d’enfants éclataient dans l’atmosphère où s’échappaient d’entêtants parfums de lavandes et de lilas. Au milieu de ce décor paradisiaque, qui n’était autre que la Comté lors d’une belle journée de printemps, un Hobbit déambulait avec une brouette remplie de légumes ; potirons, potimarrons, courgettes, choux-fleurs, betteraves, navets et carottes. Archibald Saglebuc, car c’était lui, revenait de chez son ami le fermier ; enfin, « ami » était un bien grand mot. Ils s’échangeaient des paroles courtoises, se demandaient mutuellement comment ils allaient et les années de commerce entre eux avaient permis au chef de l’Heureux Glouton d’avoir quelques réductions. Donc, oui, pour un phénomène grincheux tel qu’Archibald, c’était bien là un ami. Le cuistot revenait chez lui, peu mécontent de ce qu’il ramenait ainsi, sifflotant dans l’air avec une inconscience rare. C’était de ces jours où rien ne semblait prédire qu’une chose étrange pouvait arriver. Rien. Il faisait beau, il s’apprêtait à s’occuper des habituels clients, des Hobbits rondouillards, et à s’endormir le soir au coin du feu, ou sous la voûte étoilée, pipe au bec et livre en mains.

La matinée se terminait, le soleil arrivait à son zénith, puis se mit à descendre vers l’horizon pour laisser place au crépuscule qui, bientôt, se mit à désaturer les couleurs si vivaces en plein jour du paysage. Le restaurant était à son comble. Archibald était dans les cuisines, tout occupé à son érudition favorite ; la confection méticuleuse des plats qu’il concoctait avec tant d’amour et tant d’embrasement. Tous, dans la Comté, connaissait le talent culinaire de notre bon vieux Archie – notez l’ironie de cette forme décrivant notre Hobbit – et l’ensemble de ces jours et de ces soirées où il mettait tout en œuvre pour satisfaire sa clientèle formait la corroboration de sa créativité. Non besoin de codifier son langage, soyons honnêtes ! Manger chez Archie c’était comme faire un premier pas vers le bonheur assuré. L’endroit avait beau être volumineux, comme le désirait le chef du restaurant, jamais il ne désemplissait, jamais il n’était vide et rares étaient les périodes où Archibald et ses trois cuisiniers n’avaient pas un boulot monstre à faire aux cuisines. Cette douce et chaude soirée faisait partie de celles où ils ne cessèrent de s’affairer aux fourneaux comme des fourmis hyperactives. Les trois employés, de biens braves Hobbits pour supporter l’esprit tyrannique de leur patron, faisaient tout pour ne jamais le décevoir car, le connaissant que trop bien, ils savaient à quel point Archie avait en aversion la flemmardise, le manque de compétence et l’absence de jugeote. De bons petits Hobbits, je vous le confirme. Ils travaillaient tous les quatre d’arrache-pied, Archie préparant une crème fleurette, lorsqu’un grand bruit, un mélange de hurlements de surprise, quelques uns de frayeur et le raclement de chaises sur le sol en grand nombre, retentit brusquement. Archie s’élança vers la salle et ce qu’il vit l’effara. Plusieurs clients partaient, en une petite foule, certains râlant, certains de toute évidence apeurés, et au-dessus de ces têtes expressives, le cuistot put voir… Un homme. Furieusement étrange, dans ses drôles d’habits et, surtout, avec ses oreilles en pointe tel un elfe et son maquillage hideux – deux grosses bandes noires sur les joues. Il n’avait pas l’air commode mais Archie ne manquait pas de courage. Il sortit et fonça sur l’étranger.

« De quel droit faites-vous fuir mes clients et les effrayez-vous ? Du balai ! Si je dois vous faire sortir par la fenêtre, je n’hésiterai pas ! » s’exclama-t-il, rouge et grimaçant de colère, ses poings sur les hanches et, de toute évidence, ne se rendant pas compte du ridicule de sa phrase, d’un manque flagrant d’autologique puisque son front n’arrivait pas plus haut que le poitrail de l’intrus.

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MAIS QUEL EST CE SORDIDE PERSONNAGE ?

YOU MAY NEED TOW HANDS TO FIGHT SOMEONE. BUT ONLY ONE TO STAB THEM IN THE BACK.

Búchanán était enfin arrivé dans une terre semblant plus normale. Il avait rencontré un garçon-ours il y a quelque jour et n'était toujours pas remis de ses émotions. Au moins allait-il trouver le calme et la sérénité dans la Comté. La région était dotée de paysages qui inspiraient grandement le barde dans ses chansons. Combien de fois s'était-il allongé dans l'herbe verte des prairies à contempler le ciel durant des heures sans jamais se lasser. Le vent soufflant doucement qui lui murmurait des chants, ce soleil si radieux qui réchauffait sa peau. Ah, la Comté était vraiment un lieu de prédilection pour le jeune homme.

Il avait souvent entendu parlé d'une auberge dans le coin, réputée pour sa cuisine et son accueil excellent. Il connaissait bien la crainte des Hobbits devant la nouveauté et Búchanán décida que, pour une fois, il ferait tout pour ne pas se faire remarquer. Il envoya Edana se balader dans les environs. Bien que la nuit tombait, il n'avait rien à craindre ici, car personne ne portait d'armes. Il arriva finalement devant l'auberge et, avec un peu d'appréhension, il se décida à entrer. La salle, qui débordait de Hobbits gloussant et se remplissant la pense, devint tout d'un coup silencieux. Tout le monde se retourna sur le barde. Il sentait déjà les regards glacés ou apeurés qu'il connaissait tant et qu'il avait vu bon nombre de gens l'avoir en sa présence. Il savait qu'il n'était pas à sa place et le ressentait énormément. Pourtant, il allait faire des efforts et se mettre à une table bien dans un coin où il ne ferait peur à personne.

Cependant sa course fut interrompue par un hobbit grognon qui le fit bien comprendre qu'il n'était pas le bienvenue. Mais Búchanán en avait assez de ces réactions grotesques et exagérées et décida de ne pas se laisser faire. Surtout que ce Hobbit était deux fois plus petit que lui. Si vos clients ne sont que des couards, ils n'ont qu'à partir. Je viens pour manger et j'ai de quoi payer. En effet, il présenta sa bourse pleine de pièces qu'il avait gagnées dans le village précédent grâce à ses chants. En tout cas, s'il lui ordonnait de quitter les lieux, le barde n'hésitera pas à envoyer un bon coup de luth dans la tête de ce Hobbit. D'ailleurs, il avait la main sur son instrument.

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Ses clients, des couards ? Certes, il ne pouvait pas contre-argumenter cela avec l’intrus, il haussa bêtement les épaules sans essayer même de protester. Il est vrai que la plupart s’était enfui aussitôt l’ayant vu tandis que les autres se contentaient de fixer la scène avec leurs yeux de gorets, bavant presque de peur. Un ou deux, cela dit, continuait de se goinfrer, et Archibald n’aurait su dire desquels l’agaçaient le plus : ceux qui tremblaient de tous leurs bourrelets sur leur chaise ou ces deux affamés qui ingurgitaient bruyamment leur plat sans se soucier de rien d’autre, à grands renforts de bruits de mastications qui vous foutait des haut-le-cœur. Archie soupira profondément sans chercher à cacher son embarras. Il leva les bras sur les côtés, paumes vers le plafond et afficha un air dérouté et franchement moqueur.

« Vous avez de quoi payer, peut-être, mais ce que vous allez me donner sera tout de même moins que tout l’argent qui vient de voler par cette porte et que vous venez de me faire perdre ! Je parle, bien sûr, des clients ! Vous n’allez tout de même pas manger et payer pour les quinze porte-monnaie, je suppose ? »

Un de ses cuisiniers, un peu plus courageux que les autres, arriva, une grosse spatule en main qu’il tenait fébrilement comme si c’était un gourdin ou une hache. Le ridicule de cette arrivée fit lever les yeux au ciel à Archibald qui, d’un ton lourd d’ennui, envoya son cuistot retourné faire cuire quelques patates. L’employé le regarda sans comprendre, bafouilla un « mais… » avant de s’enfuir à toutes jambes vers les cuisines, sous un regard féroce de son patron. Archie ne supportait pas qu’on le contredise – comme tant d’autres choses, de toute façon. Ses yeux pouvaient devenir, tout à coup, plus que convaincants. Il pivota et refit face à l’étranger, qu’il jaugea de haut en bas sans se gêner. Une petite grimace signifia l’importance qu’avait l’intrus dans sa demeure et il eut à nouveau un rire bref. Il n’avait pas d’armes, que pouvait donc craindre Archibald de l’énergumène ? Un luth ? Oh, comptait-il donc l’assommer de chansonnettes de Grandes Gens ? Il aurait bien ri franchement mais il se contint et déclara fermement :

« Je ne vous servirais pas, pas la peine d’insister. Allez-vous en, que mes clients puissent revenir en toute quiétude. »

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Le message était très clair : il n'était pas le bienvenu. Tu m'étonnes que ça se passe comme ça face à des gens bornés dans leurs habitudes et dans leur profonde intolérance. Pourtant, il n'avait pas été désagréable avec personne. Pour une fois ! C'est triste de voir que, malgré ses efforts, personne ne pouvait l'accepter ou tenterait de le connaître. Je me fous totalement de savoir si vous savez ou non garder vos clients. C'est pas mon problème. Non mais, c'était quoi ce patron ? Le client es roi normalement, mais certains ne connaissent pas l'art de l'accueil. Mais ce Hobbit gras du bide insista pour ne pas le servir. Qu'importe, Búchanán n'en avait cure. Il poussa du revers de sa main son interlocuteur, le laissant de côté et se dirigea vers une place vide où un hobbit avait laissé son assiette encore pleine. Il commença à la manger sans demander son reste. Quelle dommage, c'est vraiment une excellente cuisine. Sa voix était emplie d'une ironie distincte.

Bien sûr, le cuisinier tenta de l'en empêcher en lui retirant son assiette. Le barde était hors de lui à cet instant et, il ne sait pourquoi, il retira son poignard et le planta dans la table, faisant fuir les derniers Hobbits qui restaient. Je vous le répète. Je suis là pour manger et je payerai à la fin. Encore une insulte et je te plante. Devant l'air surpris du Hobbit, Búchanán continua de manger ce qu'il y avait dans les assiettes et à boire les pichets de cervoises. Une fois son repas terminé, il se leva brusquement et renversa toute la table. Ce geste ne lui avait pas demandé énormément d'efforts de sa part puisque cette table était adaptée aux dimensions des Hobbits. Puis il regarda le patron et lui lança sa bourse de pièce avant de se diriger vers la sortie.

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Impuissant de par sa petite taille, comparée à celle du Grand-Gens aux oreilles longues, pointues et salement tordues, et aussi parce que celui-ci l'avait quand même menacé d'un bien gros couteau, Archie n'eut pas trop le choix et laissa l'énergumène se goinfrer chez lui. Il le regarda avec un œil désespéré, soupirant à chacune des bouchées de l'étranger, ce qui ne fit qu'exaspérer ce type davantage. Il le titilla de la pointe de son poignard plusieurs fois, le ramenant à une attitude plus discrète. Archie finit par rester en retrait, tournant en rond sur lui-même, se sentant pas vraiment lâche mais plutôt très chagriné de la perte qu'il subissait à l'instant. Il aurait volontiers gémi mais les menaces physiques de son furieux « client » le soumettait au silence.

Il le regarda à nouveau tandis qu'il buvait goulûment à un pichet, puis à un deuxième, sans même prendre la peine de se servir d'un gobelet. Malotrus. Mal éduqué, en plus d'être laid comme un pou. Archie n'avait pas souvent vécu de telles situations mais ne rien faire lui semblait le plus intelligent encore sur le moment. Il se contenta du coup de continuer à le fixer, essayant de ne pas trop montrer sa colère mêlée à sa crainte. Il fit bien car, juste après avoir fini de ripailler, l'homme renversa la table où il se trouvait avec une rage contenue jusqu'ici, avant de se diriger vers la sortie. Il fut cependant très surpris de voir l'étranger lui balancer une bourse rempli de pièces juste avant de s'échapper. En délaçant le cordon de cuir, le Hobbit siffla d'admiration : c'était là du bel argent d'Hommes, clinquant d'or, et un peu plus que ce que lui avait coûté les repas préparés sur toute la matinée ! Etait-ce vraiment là le prix que donnait les Grand-Gens pour un seul repas ? Il s'offrit la délicatesse de ne rien dire sur cette somme qui lui paraissait exorbitante, sourit d'un air malicieux en faisant jouer ses doigts parmi les houblons.

Il suivit ensuite l'étranger sur le pas de sa porte et le regarda s'en aller, remettant son baluchon sur l'épaule et marchant d'un pas rageur. Archie souriait toujours lorsqu'il lui balança d'un ton joyeux :

« Revenez quand vous voulez ! Vous serez toujours le bienvenu ! »

« Vous et votre bel or... » murmura Archie tout bas pour lui-même, ricanant. Il rentra chez lui, mit un écriteau sur sa porte avec « Absent » mis dessus et se permit une petite sieste au soleil, jaune et doré comme les pièces de l'étranger.

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