Ils sortirent vite de l'auberge. Après tout, leurs effets étaient vites enlevés, mais égalements vite remis, surtout en silence. La remarque de Selen avait.. et bien, chagriné Eard. Ce n'était pas le mot exact pour ce sentiment de vide émotionnel intense doublé de cette sorte de trahison affective, mais il n'avait pas réellement d'autres mots à metrre dessus. Après tout elle avait raison, il était effectivement complétement et irrémédiablement paumé. A partir de là, il n'avait pas de raison de faire la tête, mais d'un autre côté, l'entendre réaffirmé comme ça n'était pas non plus foncièrement agréable.
Eard récupéra son Vent-Vif à l'écurie, lui flattant l'encolure et s'excusant de l'avoir laissé ainsi par un temps si peu clément. Le sortant de sa stalle, il le présenta à Selen dont il allait avoir l'honneur de recevoir les très nobles fesses pendant un temps. Peut-être prétait-il trop d'émotions huamines à un simple canasson, mais il aurait juré un instant que son cheval lui avait adressé un regard blasé et mécontent. Bah, il n'aurait jamais l'occasion de lui demander confirmation. Il attendit que Selen soit monté en selle derrière lui pour répondre à la question qu'elle lui avait posé.
"Pas la moindre idée. C'est un des avantages d'être complétement paumé."
Sa voix était habituelle, mélange de tristesse et d'humour qui l'avait jusque là si bien servi. Le tout était de ne pas laisser aux gens le temps de réfléchir là dessus, et pour ça il avait une méthode simple : il décocha un coup de talon dans les flancs de Vent-Vif, lui indiquant son envie de partir au triple galop. Malgré le chargement et l'énervement, le cheval s'exécuta, et bien vite Eard et Selen sortait du petit village côtier, renversant les gens au passage et fendant le vent noir comme une lame à travers la chir. Assis sur la selle, Eard souriait enfin franchement. Le vent dans son visage, le bruit éclatant des sabots sur la caillasse, le son bas mais bien réel du monde autours d'eux, tout ça le remplissait d'une sorte de plénitude qui réussissait, pour un temps, à éloigner ses troubles. Il ne vivait pas réellement, mais il avait au moins l'impression d'exister, comme on pourrait le formuler. Il avait besoin du mouvement, il avait besoin de la vitesse. Tant qu'il était actif, tant qu'il arrivait à ne pas rester statique, son esprit se trouverait occupé à contempler d'autres vérités que la tristesse de son existence.
Mais toute chevauchée avait une fin. Parfois c'était car la route ne suivait pas la volonté de continuer présente dans l'homme. Cette fois-ci, le motif était bien plus simple : Vent-Vif commençait à fatiguer, et ils étaient arrivés à un bon endroit. Le sentier qu'ils avaient pris longeaient la côte, grimpant sur les falaises blanches jusqu'à des hauteurs vertigineuses proches d'a-pic terrifiant, au milieu d'une végétation de bruiyère et de fougères dont le charme romantique formait un parfait contrepoint avec la férocité du lieu et des vents. Contemplant d'un regard le paysage, Eard s'adressa à sa passagère.
"Et bien, cela ne semble pas être un endroit plus mauvais qu'un autre pour notre balade."