Visite diplomatique - Galadriel

Aujourd'hui était un jour spécial pour Aragorn, un jour très spécial et qu'il appréciait d'autant plus qu'il goûtait sa chance de pouvoir vivre ce jour après sa tentative de fuite en solitaire étouffée presque dans l’œuf par son tuteur. Aujourd'hui Aragorn s'était levé très tôt, avant même la soleil et il en était à la fois perturbé dans son sommeil et très excité par l'idée de sortir des frontières d'Imladris tout en ayant le droit de le faire.

Aujourd'hui, Aragorn partait pour un long voyage, il se rendait en Lorien, en compagnie d'un messager d'Elrond pour la dame Galadriel dont il avait souvent entendu parler et à qui il avait déjà adressé la parole en de rares occasions. Intimidé par la belle dame Elfe, Aragorn n'était pas encore très à l'aise avec Galadriel, mais il ne fallait pas sous-estimer sa capacité d'adaptation et sa grande loquacité.

Quoi qu'il en soit, pour le moment, il s'apprêtait à partir sur sa propre monture après avoir bien vérifié qu'il avait tout emporté. Il ne se gêna surtout pas pour serrer longuement Elrond contre lui (ou plutôt se blottir tout contre Elrond) avant de se mettre en croupe et de suivre son chaperon tout en promettant d'être bien sage et obéissant. La route fut plutôt longue aux yeux du jeune garçon car ils allaient à une allure modérée et qu'il n'avait guère de patience. Cependant, il ne fit aucune plainte à voix haute, trop effrayé d'entendre l'elfe lui dire qu'ils feraient mieux de faire demi-tour parce qu'il n'était pas encore assez résistant pour un si long voyage.

Afin de s'occuper d'avantage et pour ne pas déconcentrer son accompagnateur qui prenait certainement garde à le faire passer par des chemins plus sur afin de ne pas rencontrer d'orcs ou d'autres créatures peu amicales, Aragorn se mis à observer le paysage fait de monts lointains, de creux et vallées verdoyantes et de tant de choses qu'il était certain de ne jamais tout se rappeler ensuite. La première nuit fut difficile, entre le sol trop dur et les bruits de la nuit auxquels il n'était pas tellement habitué, il ne dormi pas bien, mais la suivante, il était tellement fatigué qu'il n'entendit plus rien et que le sol lui sembla être le meilleur des lits elfique.

Il leur fallut en tout une semaine pour parvenir à leur but final, la forêt de Lothlorien où résidaient Dame Galadriel et le seigneur Celeborn. Ils ne purent accéder au coeur du monde elfique tout de suite cependant, devant suivre un guide à travers les merveilleux bois de la lorien qui avaient un petit quelque chose de féerique aux tout jeunes yeux d'Aragorn pourtant habitué à l'ambiance particulière qui régnait en maître à Foncombe, mais ça n'était pas encore tout à fait la même chose.

Ils dormirent encore une nuit dans les bois avant d'atteindre enfin les maisonnées perchées dans les arbres en début d'après midi. Là commença une longue et lente ascension pour atteindre la plateforme sur laquelle le seigneur et la Dame semblaient avoir l'habitude d'accueillir leurs visiteurs. Une fois arrivé à bon port, Aragorn eut le droit de se faire brièvement recoiffer correctement par son accompagnateur et il grimaça légèrement. Franchement, qu'est-ce que ça pouvait faire s'il avait une mèche du mauvais côté....

L'elfe salua la Dame en se présentant et tendit son message de la part du seigneur Elrond et Aragorn, ne sachant que faire et ne souhaitant pas commettre d'impers si rapidement, préféra rester silencieux et s'incliner devant le seigneur et la dame avant d'observer cette dernière avec curiosité.

Assise devant ma fenêtre, je laisse mon regard dériver sur l’or liquide qui inonde la forêt chaque jour au lever du soleil. Mes doigts caressent le plumage de l’oiseau qui vient de m’apporter la nouvelle de l’arrivée prochaine d’une délégation de mon beau-fils à Caràs Galadhon, sans pourtant me préciser qui viendra me voir. Serait-ce Elladan ou bien Elrohir ? Voilà un moment que je n’ai vu le premier, et si le second passe me rendre visite de manière régulière, j’avoue que lui non plus ne vient pas assez souvent. Il préfère le climat du sud et les longues chevauchées dans les plaines du Rohan en compagnie de ces gens simple qui lui font oublier son rang et le poids des responsabilités qui lui pèsent sur les épaules. Pourtant, Elrohir semble le plus à même de prendre la suite d’Elrond à mon sens, car même s’il a été profondément blessé par le départ de sa mère pour les contrées de Valinor, il a su faire de cette blessure une force. C’est une chose que je lui envierais toujours, je crois, car la simple mention du nom de ma fille me fait entrer dans une colère noire, toujours placée contre ma propre personne, mais que mon interlocuteur n’arrive jamais à comprendre. Cependant, le jour où je prendrais le bateau pour la rejoindre est loin d’être arrivé, il me reste encore de nombreuses choses à accomplir en ce monde avant.

Curieuse, j’enfile un long châle gris sur mes épaules et je laisse mes pieds nus me guider vers le sol. Je descends des plates formes suspendues les unes après les autres pour finalement sentir la fraicheur de l’herbe sous mon pied. Oh, j’aurais pu attendre. Peut-être même aurais-je du. Une journée, ce n’est pas grand-chose. Demain, à cette heure-ci, la délégation sera là. Demain, à cette heure-ci, je serrerais certainement quelqu’un qui m’est cher dans les bras. Ou alors mon cœur se pincera dans cette déception que je cacherais derrière un masque de froideur et de distance durant les premières minutes de l’échange. Oui, j’aurais pu attendre. Ou alors, je peux utiliser ce don qui habite en moi depuis ma plus tendre enfance, et verser de l’eau dans mon miroir. Ainsi, j’aurais le temps de me faire à l’idée, quelle qu’elle soit.

Mon pas lent me guide vers ma clairière, et je passe devant le garde qui la protège avec un sourire et un signe de tête en guise de salutations. Il s’incline légèrement devant moi et reprend son visage impassible. Cet endroit est dangereux pour celui qui ne possède pas mes dons, car n’importe qui peut voir l’avenir dans ce miroir. Cependant, seuls ceux qui ont un esprit avisé peuvent comprendre les images sans être frappé d’une folie lente qui va les ronger de l’intérieur. Je commence par m’arrêter devant la petite source et y plonge mes mains pour me rafraichir. J’attrape ensuite la cruche en argent disposé à côté et je traverse la clairière pour arriver devant le miroir, simple disque d’argent disposé sur un socle de pierre. L’eau versée dans la coupelle, je me penche en avant et je plonge dans les visions, cherchant à attraper celle qui m’intéresse.

Je recule, brutalement, m’arrachant à des images que je ne souhaitais pas voir. Des images d’un futur lointain et possible où le monde serait couvert de flammes et de sang. Je serre les poings le long de ma chemise de nuit beige et je ferme les yeux. J’ai obtenu ma réponse, mais à quel prix ? Je secoue lentement la tête de droite à gauche, renverse l’eau de la coupe et repose la cruche à sa place. Je quitte ensuite les lieux, avec le besoin de m’isoler pour réfléchir à ces visions.

Le lendemain, c’est toujours perturbée que j’attends mes visiteurs. Pas d’Elladan ni d’Elrohir dans la délégation, mais un petit bout de chou qui me tire un sourire. Ses airs de grands quand il s’approche de moi m’attendrissent et me ramènent près de trois mille ans en arrière, lorsque deux bambins avaient la même expression de fierté sur leurs traits en m’apportant des messages de leur père. Mae Govanen, Estel. Un sourire monte à mes lèvres, chassant temporairement les images sombres qui hantent ma tête. Tu as bien grandi depuis la dernière fois que je t’ai vu.

La Dame Galadriel était vraiment très belle et très grande aussi pour lui qui était haut comme trois pommes. Mais ce qui impressionnait le plus Aragorn, c'était son regard, ces grands yeux bleu qui semblaient sans cesse savoir ce qu'il se passait dans sa tête. C'était une chose très gênante que d'avoir l'impression de ne rien pouvoir cacher à quelqu'un, c'était comme se tenir tout nu devant une grande dame sans même pouvoir se cacher de ses mains. Aragorn rougit légèrement à cette pensée et secoua légèrement la tête. Non mais quelle idée de penser à une chose pareille dans de telles circonstances...

Mae Govanen, Estel.

Les yeux d'Aragorn s'agrandirent légèrement et il s'inclina devant la dame de Lorien.

Tu as bien grandi depuis la dernière fois que je t’ai vu.

Encore plus surpris qu'elle se souvienne de l'avoir déjà vu, il se redressa et l'observa un instant avec un air idiot sur le visage.

- Mae Govanen, dame Galadriel. Répondit-il dans un elfique tout aussi parfait qu'un véritable elfe.

Aragorn avait déjà vu la Dame à Imladris, mais jusqu'alors, il avait toujours été trop intimidé pour avoir le courage de réellement lui adresser la parole autrement que pour lui rendre ses salutations car malgré sa timidité, il tenait à rester poli.

- Ca faisait bien longtemps. Continua-t-il en parlant du fait qu'ils se soient vus.

Bien sur, il n'était pas vraiment très à l'aise avec les tournures de ses phrases et c'était d'autant plus flagrant qu'il n'était pas très à l'aise, craignant de dire une grosse bêtise car il  y avait surement des choses qu'il ne fallait pas dire à une grande Dame comme Galadriel.... Il tenta alors un compliment.

- Vous êtes toujours aussi belle.

Oui bon... Ça n'était peut-être bien super bien tourné, mais ne disait-on pas que c'était l'intention qui comptait ? Et puis Aragorn était sincère, il la trouvait très belle, peut-être même trop d'ailleurs et c'était surement en partie à cause de ça qu'elle était si intimidante... Ça et le fait qu'elle semble voir à travers son âme.  Elrond aussi lui donnait cette impression, parfois, mais Galadriel, c'était tout le temps.

- Ada m'a permis de quitter Imladris pour me récompenser de ma bonne conduite. Lança-t-il pour expliquer sa présence sur les terres de Lorien.

Il ne savait pas tellement pourquoi il s'en justifiait. Après tout, elle devait bien se douter que s'il accompagnait un elfe d'Imladris pour venir la voir, c'était qu'Elrond était parfaitement au courant de l'histoire. Peut-être était-ce aussi simplement pour dire quelque chose, parler lui donnait l'impression d'être moins stupide, quitte à sortir des bêtises plus grosses que lui si jamais il ne prenait plus garde à ce qu'il racontait.

Un sourire amusé nait sur mes lèvres alors que l’enfant en face de moi me répond dans un elfique presque parfait. Elrond a bien fait son travail. Ce bambin aura réellement un avenir intéressant. Toujours est-il qu’il finira par devenir un pion d’un destin plus grand que lui. En bien ou en mal ? Cela n’est pas encore écrit. Mon regard se fait lointain et je repense un instant seulement aux visions que j’ai eues hier. A ce monde dévasté, en ruines, gouverné par une ombre sans visage… Pourrait-il l’empêcher ? Non, pas seul. Cela fait longtemps, en effet. Cependant, le temps passe différemment ici. Revenue au présent, je baisse mon regard vers l’enfant, énigmatique. Oui, le temps en Lorien est different. Bien différent de ce qu’il se passe ailleurs. Une fois le parchemin dans les mains, je prends quelques secondes pour le consulter puis laisse le rouleau se refermer entre mes doigts fins et blancs.

Un rire nait dans ma poitrine devant le compliment maladroit, tellement plein d’innocence que me fait l’enfant. Je ne cherche pas à le retenir et je me baisse légèrement pour lui sourire, en me mettant à son niveau. Je te remercie mon enfant. Je me retiens d’ajouter quelques petites taquineries. Pour l’heure, on dirait qu’Estel cherche un endroit où disparaitre. Est-ce donc ma simple présence qui lui fait cela ? Non… Tout de même pas… Je ne suis pas aussi puissante. Ta bonne conduite ? J tends le parchemin que je tiens entre me mains à un elfe, et lui indique rapidement de le porter à Celeborn pour qu’il en prenne lui aussi connaissance. Ce n’est ici rien de très important : une simple proposition à venir passer quelques jours en Imladris avec Arwen et lui, et peut être que les jumeaux nous feront l’honneur de leur présence. Et si tu m’expliquais les raisons de cette bonne conduite, jeune homme ? Je lui tends une main pour qu’il la prenne. J’ai l’intention de le guider dans une petite pièce attenante où j’ai déjà fait préparer un peu de chocolat chaud et des biscuits. Je connais la gourmandise de ce petit garnement : Elrond m’en a déjà fait part à plusieurs reprises. Je sais quoi faire pour lui faire plaisir : tartines avec plusieurs confitures, gâteaux au miel, la recette de la tante de sa tutrice, Elinà, que j’ai fait mander juste pour lui, mais aussi cakes et brioche l’attendent. Pour moi, ce sera un thé à la menthe, sucré avec du miel. Je nous ai préparé une petite collation, j’ai pensé que ce long voyage aurait creusé ton estomac, et il me parait important pour une bonne croissance que tu manges correctement. Et puis, peut être que me voir manger et boire cassera un petit peu ce mythe que je semble représenter pour lui. Je ne suis, après tout, qu’une elfe.

S'il devait en juger par le sourire qu'il reçu en réponse à son retours de bonne manière, Aragorn pouvait aisément se dire qu'il avait bien agit en répondant à la dame de Lorien. Aussi, il enchaîna, craignant moins d'ouvrir la bouche pour répondre avec politesse aux paroles qui lui étaient destinées.

Cela fait longtemps, en effet. Cependant, le temps passe différemment ici.

Oui, il paraissait que le temps semblait filer moins vite dans la magie du lieu qu'était la forêt de la Lorien. Aragorn ne savait pas si c'était vrai ou bien s'il ne s'agissait que de tournures de phrases pour signifier qu'on ne s'y ennuyait pas. Mais venant d'un royaume elfique, plus rien ne l'étonnerait et il était prêt à croire que le temps s'écoulait moins rapidement ici qu'ailleurs... Ce qui l'intriguait le plus en fait dans l'histoire, c'était une chose toute simple... Les elfes, devant vieillir lentement et vivre des siècles entiers, devaient drôlement s'ennuyer ici si le temps passait encore moins vite qu'ailleurs dans le monde...

Tout à ses préoccupations bien peu importantes pour les adultes, Aragorn laissa Galadriel lire le contenu de son parchemin tranquillement sans se mêler de savoir ce qu'il contenait. Après tout, ça n'était pas ses affaires et il aurait été extrêmement impoli de sa part de questionner Galadriel sur une missive qui ne concernait qu'elle. Lui, il n'aurait pas aimé qu'on lise son courrier si jamais il en recevait. Puis, Aragorn étant la pipelette qu'il était, il enchaîna sur la beauté de la dame une fois que celle-ci eut ranger sa missive. Complimenter ses ôtes, voila qui était surement diplomatique... Et puis en plus, ça n'était pas un mensonge... Lorsqu'il l'entendit rire, il fut rassuré, mais en toute franchise, lorsqu'elle se pencha pour se mettre à sa hauteur, il se demanda tout de même s'il n'avait pas dit quelque chose de déplacé.

Je te remercie mon enfant.

Ouf... Sauvé. Mais il était tout de même rouge comme une pivoine et essayait de se faire aussi petit que possible tout en expliquant à la maitresse des lieux qu'il était ici parce qu'il s'était bien conduit à Imladris. C'était sa récompense et il n'en n'était pas peu fier.

Ta bonne conduite ?

Aragorn confirma d'un vif signe de tête alors que la dame confiait le parchemin à un autre elfe que le pauvre bambin n'avait pas encore remarqué jusque là... Quel piètre garde il ferait...

Et si tu m’expliquais les raisons de cette bonne conduite, jeune homme ?

Elle lui tendit la main et c'est tout en confiance qu'il glissa la sienne à l'intérieur pour la suivre de son pas calme et assuré. Pouvait-il réellement lui avouer ce qu'il avait fait dans toute sa stupide version de l'histoire de sa courte vie ? Après tout, il n'avait pas le droit de mentir, c'était extrêmement mal et il se devait d'être un bon garçon pour que le seigneur Elrond ne regrette pas d'être venu le chercher au tout début de sa fugue.

Je nous ai préparé une petite collation, j’ai pensé que ce long voyage aurait creusé ton estomac, et il me parait important pour une bonne croissance que tu manges correctement.

Aragorn ne fit attention d'où il se trouvait qu'à ce moment précis et, en posant les yeux sur la table où était disposées toutes ces merveilles sucrées, son estomac gronda bruyamment comme pour appuyer les suppositions de la belle dame malgré l'accord de son propriétaire... Mais pour quel genre de petit garçon allait-il passer je vous le demande ?! Un estomac sur pattes, voila ce qu'il était... Aragorn était sur que s'il mourrait, il se réincarnerait en hobbit vu son appétit...

- Oh ça a l'air vraiment très bon... S'enthousiasma le petit bonhomme. Mais il ne fallait pas se donner tout ce mal pour moi. Continua-t-il d'un air contrit.

Il était plutôt gêné et ses joues étaient toutes rouges d'embarras mais aussi de plaisir. Quelle chance il avait d'être si bien accueillit ! Pas qu'il se soit attendu à être mal reçu, loin de là, mais il ne pensait pas qu'il aurait le droit à un petit tête à tête avec la dame de Lorien qui devait être certainement très occupée, et encore moins qu'elle prendrait le temps de lui préparer une collation en veillant apparemment à connaitre ses préférences s'il en jugeait par ce que la table contenait.

Il ne fut donc pas bien difficile de le convaincre de s'installer sur le siège devant lequel se trouvait une belle tasse de chocolat chaud dont il s'empressa de prendre une gorgée, se mettant de la crème sous le nez, il en retira une bonne partie avec sa langue tout en reposant sa tasse. Délicieux ! Les elfes étaient vraiment de bons cuisiniers...

- C'est très bon. Dit-il dans un grand sourire ravi.

Il était à présent peut-être temps de répondre à la question que la dame elfe lui avait posé tout en l'emmenant dans cette petite pièce plus discrète, plus intime, moins impressionnante que le lieu où la dame semblait avoir l'habitude de recevoir ses visiteurs. Il se sentait plus à l'aise ici, et puis une fois assise, il fallait admettre qu'elle semblait moins impressionnante, même si Aragorn restait tout aussi intimidé, il prenait un peu plus confiance en lui.

- J'ai fait une grosse bêtise... Avoua-t-il piteusement en baissant les yeux un instant. J'ai essayé de partir tout seul... Maman est tellement triste à cause de moi et puis le seigneur Elrond a déjà bien assez à se préoccuper sans que je traîne inutilement dans ses jambes à lui faire d'autres soucis avec mes bêtises...

Sa justification était sans doute un peu décousue et peut-être que la dame ne comprenait pas tout, mais Aragorn ne sembla pas s'en rendre compte et il continua, avec, cette fois-ci, une étincelle d'admiration dans le fond des yeux.

- Mais Ada m'a rattrapé... J'ai cru qu'il se mettrait très en colère et que je prendrais une bonne fessée... Mais en fait non... On a parlé et il m'a dit qu'il me voyait comme un fils... Alors depuis, moi, j'essaie d'être bien sage et obéissant... Et alors il m'a dit que je pouvais venir ici pour vous voir parce que j'avais été très sage et que je méritais une récompense. Avoua-t-il, le rouge lui montant une nouvelle fois aux joues.

Maintenant sa petite explication terminée, Aragorn se permis d’attraper une part de brioche tartinée de confiture de fraise et en croqua un bon morceau avant de s'en régaler.

Ha ça, les enfants et les sucreries … Quelque soient leurs âges, on peut dire qu’ils oublient tout le reste du monde. C’est aussi valable pour deux grands garçons de deux mille huit cent ans, d’ailleurs. Mon regard amusé ne quitte pas l’expression d’Aragorn alors qu’il observe les gâteaux sur la table basse. Oui, celui-là n’échappe pas à la règle : j’ai bien l’impression qu’il vient de tomber sur le trésor de Smaug en personne, et qu’il ne sait pas par quel bout commencer à l’attraper et le ramener chez lui. ça n’a pas que l’air bon. Elinà m’a dit, dans une lettre, que tu adorais les petits gâteaux au miel dont sa tante a inventé la recette et… Je m’avance pour attraper un plateau sur lequel ces petits gâteaux sont déposés. Je me suis dit que tu aimerais gouter la recette originelle. Quant au fait de se donner un peu trop de mal pour lui…Je me donne toujours du mal pour mes invités, Estel. Toujours. Comme ça, ils restent plus longtemps, et il y a plus d’animation dans cette contrée paisible. Oui, parfois je me dis que j’aimerais avoir plus de compagnons pour m’occuper. La Lorien est un endroit paisible, où le temps passe plus lentement que dans le reste du monde, et ses habitants possèdent eux aussi cette même langueur qui les rend tout à fait adorables, mais parfois un peu d’animation, un peu de surprise n’est pas de trop. Enfin, j’exagère sans doute. Certains sont pleins de surprises. Mange-donc. Ils sont faits pour ça.

L’enfant obéit donc, d’une certaine manière, et il se jette sur le chocolat chaud, se mettant de la crème sur le nez, avec un air d’enfant tout ce qu’il y a de plus attiré par toute ces sucreries. Un sourire sur mes lèvres, je m’installe à mon tour devant la table et me sert une grande tasse de thé aux fleurs et aux épices. J’y ajoute du miel et le remue jusqu’à ce que la substance orangée soit totalement dissoute. Là, je laisse la saveur du mélange emplir mes papilles et ferme les yeux un instant, avant de tourner la tête vers Estel qui m’indique qu’il apprécie ce qu’il mange. Tant mieux. Mes cuisiniers auraient été déçus de voir que tu n’aimes pas ce qu’ils ont mis la matinée à te préparer. Et voilà maintenant le moment de me pencher un peu sur cette bonne conduite dont me parlait l’enfant quand il est arrivé. J’attrape un gâteaux aux épices et je croque dedans, la tête penchée sur le côté, écoutant poliment l’enfant m’expliquer de bout en bout son histoire. Je pousse un léger soupir, amusée, en entendant dire qu’il a souhaité partir d’Imladris pour ne plus voir sa mère triste. Pour lui faire plaisir. Mes sourcils se froncent un peu, cependant, et je me mordille la lèvre inférieure, le laissant terminer. Et puis, ensuite, je reprends, avec un sourire. Ma main vient se poser sur la joue de l’enfant puis retombe sur ma jambe. Oh, mon enfant… Partir n’est pas la solution pour soulager ta mère, tu sais. Son chagrin est bien différent de ce que tu peux penser, c’est un chagrin d’adulte. Les enfants se remettent plus facilement que les adultes, quand leur cœurs sont blessés, tu sais. Je soupire à nouveau et secoue la tête. Cependant, si Elrond te considère comme un fils, cela veut dire que je dois te souhaiter la bienvenue dans la famille, je crois. Cela te ferait-il plaisir de faire partie de ma famille ?

Etant encore en pleine croissance, ou tout simplement particulièrement gourmand, Aragorn ne se le fit pas dire deux fois avant de gouter à toutes les douceurs qui lui faisaient de l'oeil. Naturellement, il pris son temps, ne souhaitant pas passer pour un mal élevé à se gaver tel un affamé n'ayant vu un quignon de pain depuis deux semaines. Mais il ne pouvait clairement pas prétendre qu'il ne prenait aucun plaisir à dévorer toutes ces pâtisseries. En plus, elles étaient toutes aussi excellentes les unes que les autres et ça ne l'aidait absolument pas à se montrer raisonnable. Au bout d'un certain temps, il se souvint malgré tout de ses bonnes manières et fini par féliciter Galadriel pour le gout merveilleux de ce qu'elle lui offrait avec un certain plaisir s'il en jugeait par le doux sourire attendri qui éclairait le visage de la dame de Lorien.

Tant mieux. Mes cuisiniers auraient été déçus de voir que tu n’aimes pas ce qu’ils ont mis la matinée à te préparer.

Aragorn sourit comme il put sans trop dévoiler ce qu'il n'avait encore qu'à moitié mâché et il s'empressa d'avaler avant de répondre à la question de Galadriel qui lui demandait de plus amples explications quant à la raison de sa "récompense". C'était tout à fait logique, on avait beau être elfe, on ne pouvait clairement pas tout savoir. Le petit garçon se mis donc en devoir d'expliquer, dans un discourt malheureusement décousu et plein de trous, ce qu'il avait fait et ce qui en avait résulté entre lui et Elrond. Galadriel semblait touchée par les aveux de l'enfant, à la grande surprise de ce dernier et elle eut un geste auquel il ne s'attendait certainement pas. La main de l'elfe vint se pauser avec légèreté sur la joue rougissante du petit homme dans une douce caresse avant de regagner le genou de sa propriétaire.

Oh, mon enfant… Partir n’est pas la solution pour soulager ta mère, tu sais. Son chagrin est bien différent de ce que tu peux penser, c’est un chagrin d’adulte. Les enfants se remettent plus facilement que les adultes, quand leur cœurs sont blessés, tu sais.

Aragorn sourit légèrement avant de confirmer d'un signe de tête penaud. Oui, c'était à peu près ce qu'Elrond lui avait expliqué le jour de sa presque fugue. Aragorn n'avait pas encore tout saisi et ne comprenait pas réellement la profondeur et la complexité du chagrin de sa mère, mais il avait saisit le principal. Même s'il pensait le contraire, sa mère serait encore plus triste s'il partait loin d'elle, même si elle était trop enfermée dans son chagrin pour se préoccuper de lui d'un point de vue extérieur.

- Oui... Je crois que c'est ce qu'Ada m'a expliqué... Mais je crois aussi que je suis encore trop jeune pour comprendre totalement l'étendue du chagrin de maman.

Peut-être quand il serait plus grand, quand il aurait plus d'expérience et quand il aurait fait sa propre expérience du chagrin et de la vie difficile d'adulte... En attendant, malgré toutes les explications qu'il pourrait réclamer, il ne pensait pas qu'il serait apte à comprendre un tel mélange de sentiments forts et douloureux.

Cependant, si Elrond te considère comme un fils, cela veut dire que je dois te souhaiter la bienvenue dans la famille, je crois. Cela te ferait-il plaisir de faire partie de ma famille ?

Aragorn sortit de sa rêverie pour poser un regard étonné sur Galadriel. Bienvenue dans la famille ?! Comment ça ? Avait-il encore loupé un truc dans les apprentissages que lui avait prodigué Elrond ou bien est-ce que son tuteur n'avait pas encore jugé l'utilité de lui faire apprendre son arbre généalogique ? Alors comme ça, Galadriel était apparenté à Elrond ? Mais à quel degré ? En temps que quoi ? C'était tellement difficile à deviner avec les elfes, car ils avaient beau avoir 3 000 ou 900 ans, ils avaient le même physique, la même jeunesse extérieure... D'ailleurs, il n'était pas sur de connaitre l'âge exact d'Elrond et il savait fort bien qu'il aurait été très impoli de sa part de demander l'âge de Galadriel à la concernée...

- Vous êtes parente avec le seigneur Erlond ?! S'étonna-t-il a voix haute. Je... Peut-être bien que je devrais déjà le savoir, je ne me souviens pas. Rougit-il.

Pour sa défense, il devait apprendre et retenir tellement de choses qu'il ne pensait pas avoir une tête assez grande pour emmagasiner tant de connaissances et parfois, certaines choses - beaucoup de choses - passaient à la trappe et obligeaient le garçonnet à recommencer toute une leçon...

- Vous êtes cousins ? Demanda-t-il à tout hasard.

Il pensait que c'était encore la meilleure hypothèse à avancer... Galadriel était blonde et Elrond brun, il y avait donc peu de chances pour qu'ils soient frères et soeurs et il ne voulait pas prendre le risque de vexer son hôte en lui demandant si elle n'était pas une de ses tantes... Cela aurait supposé qu'il la trouvait vieille et certaines femmes n'appréciaient guère ce genre de sous-entendu.

J’hoche la tête à la réponse de l’enfant au sujet de sa mère. Si je suis loin d’être une experte dans le maniement des émotions humaines, je crois bien qu’après autant d’épreuves, j’aurais moi aussi eu du mal à m’en remettre, et j’aurais eu besoin de temps et de me renfermer sur moi-même. Il est dommage que la demoiselle ne soit pas capable de cacher à son fils cette déprime dans laquelle elle s’enferme, car les enfants n’ont pas besoin de telles épreuves pour grandir, ça non. Je ne suis pas tout à fait certaine qu’elle réalise la détresse d’Estel, perdue qu’elle est dans la sienne. J’espère simplement qu’elle saura ouvrir les yeux avant qu’il ne soit trop tard, car cet enfant a besoin d’une figure maternelle dans sa vie, et je sais sa mère assez forte pour s’en sortir. Je l’espère, du moins. Ne t’en fait pas, mon enfant : tu vas grandir et tu sauras un jour comprendre les émotions de ta mère. J’essaie de me montrer rassurante avec lui, avant de réaliser qu’il appelle Elrond « Ada ».

Voilà un terme intéressant, et je rebondis dessus pour lui poser une question qui peut paraitre étrange. Elrond est l’époux de ma fille, même si jamais Estel ne la rencontrera. Après les tourments qu’elle a vécu en terre du milieu, elle a choisi de se retirer de cette vie et de partir se cacher dans nos terres natales, en Valinor. J’ai reporté une partie de l’amour que portais à Celebrian vers Elrond, et une autre envers mes trois petits enfants. D’ailleurs, en voyant l’air étonné de l’enfant en face de moi, je réalise que je vais devoir lui expliquer quelques petites choses sur les elfes et la façon qu’ils ont de vivre et de se considérer les uns les autres. Mon regard ne le quitte pas et je hausse un sourcil, le laissant terminer son raisonnement. Tous les elfes sont cousins, à un degré ou à un autre, tu sais. Un sourire sur les lèvres, je le laisse méditer cette phrase quelques secondes. Dans mon cas, Elrond a épousé ma fille, Celebrian, et il est ainsi entré dans ma famille proche. Ses enfants, Elladan, Elrohir et Arwen sont mes petits-enfants. J’ai l’impression de lui avoir donné un coup de massue en lâchant ça. Pour moi, c’est normal, mais je conçois parfaitement que les humains, spécialement les enfants humains, puissent avoir parfois – souvent – du mal à nous situer, nous autres elfes. Du haut de mes sept mille ans, j’ai eu l’occasion d’expérimenter tout ça, et nombreuses ont été les fois où j’ai pu voir cette expression de stupeur quand les gens apprennent et mon âge, et mon statut social, et encore plus quand ils réalisent que je suis une grand-mère parfaitement heureuse et fière de l’être. D’autres questions, jeune homme ? Je croise les bras, amusée, et hausse les sourcils, prête à répondre à tout ce qu’Estel me demandera.

Tous les elfes sont cousins, à un degré ou à un autre, tu sais. Dans mon cas, Elrond a épousé ma fille, Celebrian, et il est ainsi entré dans ma famille proche. Ses enfants, Elladan, Elrohir et Arwen sont mes petits-enfants.

La mâchoire d'Aragorn se décrocha toute seule alors que sa bouche était encore à moitié pleine de gâteau. Heureusement il se rendit vite compte de son impolitesse et il referma la bouche dans un claquement sec avant de se dépêcher de finir sa bouche et de s'exclamer sans retenue.

- Mais vous êtes super vieille en fait !

Il fallait bien qu'il ait des paroles malheureuses, mais peut-être que ses yeux écarquillés et son air impressionné pourraient l'excuser... Il n'avait cependant qu'un bon point pour lui, son étonnement ne lui avait pas fait oublier le vouvoiement qu'il devait adopter. Aragorn étant un petit garçon spontané, mais qui se rendait vite compte de ses âneries, il se mis presque immédiatement à rougir en se rendant compte de ce qu'il venait de sortir sans réfléchir.

- Pardon Marmonna-t-il en baissant la tête, tout rouge de honte.

Mais qu'est-ce qui lui avait pris ?! Il venait de traiter son hôte de vieille... Elle pourrait le prendre très, très mal et elle irait surement le dire à Elrond et lui, il n'aurait plus jamais le droit de sortir d'Imladris après une bêtise plus grosse que la montagne solitaire.

D’autres questions, jeune homme ?

Et bien à vrai dire, la première chose qui lui vint à l'esprit n'était pas franchement une question, mais plutôt une requête qu'il s'empressa d'exprimer encore tout penaud...

- Vous n'allez pas le dire au seigneur Elrond n'est-ce pas ? Sinon, j'aurai certainement plus jamais le droit de quitter les frontières d'Imladris et j'aime bien voyager un peu... Et puis je vous promet que j'ai vraiment pas fait exprès.... Je ferais ce que vous voulez. Tenta t-il en dernier recours.

Il était réellement persuadé que Galadriel allait tout raconter à Elrond et qu'il serait puni de sortie pour le restant de ses jours histoire de se rappeler des bonnes manières. Ca n'était pas qu'il avait peur, mais... Et bien disons qu'il y avait tout de même plus de chances pour qu'Elrond meurt bien après lui...

- Il m'a pourtant longuement appris les bonnes manières...

La tête de l’enfant en face de moi me tire un petit rire amusé et je hausse un sourcil en l’observant longuement. Lui mange, moi j’ai plus tendance à observer. Je crois qu’il est dans ma nature d’observer les gens au lieu de les juger et de les ranger dans des cases. Nombre de personnes se seraient d’ailleurs offusquées de la remarque de l’enfant en face de moi, mais je me contente d’étouffer un rire plus qu’amusé. Je lève même les yeux au ciel et secoue lentement la tête de droite à gauche. N’importe quoi. Je suis dans la fleur de l’âge. Une toute jeune elfe. Enfin, presque. Tout dépend de quel point de vue on se tourne : le mien, et cette jeunesse éternelle qui existe dans ma tête ou bien celui de l’humain pas encore entré dans l’adolescence qui me fait face. C’est sûr qu’entre six-mille ans et huit, les choses sont différentes. Très différentes.

Sa remarque, par contre, me vexe un peu. Ce n’est jamais agréable pour une femme d’entendre ça.

Cependant, je ne dis rien. Les erreurs de jeunesses sont pardonnable. L’enfant aurait été plus âgé, autant dire que ça n’aurait pas été la même chose ! Clairement pas. Il en aurait prit pour son grade avec une petite remarque assassine bien sentie. Non mais ho. Je le laisse d’ailleurs se rendre compte de sa bêtise et sourit alors qu’il s’excuse. Une seconde plus tard, je lui demande s’il a d’autres questions. Après tout, maintenant que le sujet est lancé, il n’est pas réellement question e s’arrêter et je suis à peu près sûre de pouvoir encaisser une ou deux remarques amusantes de plus. Ou, désespérantes, selon le pont de vue d’où l’on se place. Je soupire une fois de plus à cette idée, me demandant bien ce qui allait pouvoir sortir de la bouche d’Estel.

D’ailleurs, je tiens à dire que je ne suis pas déçue. Il souhaite m’extorquer une promesse. La promesse de ne pas répéter quoi que ce soit à Elrond. Pour être totalement franche, je n’en avais pas l’intention. Ce n’est pas le genre de choses qui vont revenir aux oreilles de mon gendre. Parce qu’on a tous le droit à l’erreur, et que je sais gérer ce genre de petits soucis seule. Mais, je ne suis pas contre l’idée de donner une petite leçon au jeune homme pour lui apprendre à faire attention la prochaine fois. Je fais donc mine de réfléchir durant une longue minute, cherchant une idée intéressante. Je pourrais lui faire nettoyer la vaisselle de toute la cité, par exemple. Quelque chose comme cela. Après tout, c’est de mon côté de la famille qu’elladan et Elrohir tiennent leurs idées folles et leur façon de retourner le monde entier juste pour s’amuser. Ce que je veux ? Vraiment ? Je répète ses mots, pensive, avant de hausser un sourcil et de me décider. Ça y est, je sais. Il y a bien cette nouvelle peinture que Celeborn a rapportée de je ne sais où. A moins qu’il ne l’ait peinte lui-même. Elle est tout bonnement affreuse. Je n’arrive pas à me faire, même après trois mille ans passés aux côtés de mon mari au bas mot, à cette idée qu’il puisse aimer l’art le plus laid au monde. C’est un elfe, tout de même. Nous sommes censés posséder raffinement et délicatesse, un art magnifique. Mais non. Il y en a un qui résiste encore et toujours à la raison. Très bien. Dans ce cas, je vais tester ton habileté, très cher enfant. Au deuxième étage de cette maison se trouve le bureau de mon époux, Celeborn. Il y a installé une peinture de fleur affreuse, jaune et bleue. Très criarde. Je déteste cette peinture. Vraiment. Je pense que toi aussi tu la trouvera moche. Je te demande donc de montrer, de la retirer de son cadre et de m’apporter le rouleau. Que je jetterais au feu sans hésiter une seule seconde.

En tout cas, voilà un bon moyen de prouver ses « bonnes manières ». Elles ne sont pas réellement celles dont j’ai besoin, d’ailleurs.

Ce que je veux ? Vraiment ?

Bien qu'il ne bougeait pas d'un cil, attendant nerveusement sa sentance, Aragorn s'imaginait déjà tout un tas de scénario catastrophe dont il serait la cause. Et si Galadriel répétait tout ça à son mari et qu'il déclarait la guerre aux elfes de Foncombe pour venger son honneur ? Ou bien elle pourrait exiger qu'on l'attache à un tronc d'arbre et qu'on l'enduise de confiture avant de laisser les fourmis le dévorer tout cru avec lenteur... Et que se passerait-il si Elrond venait à l'apprendre ? Il serait puni de sortie et pire encore, il devrait certainement reprendre les leçons protocolaires depuis le début avec le prof le plus barbant qui existe à ses yeux. Peut-être même qu'il serait puni d'équitation et de leçon de combat à l'épée et à l'arc... Il voyait déjà sa vie devenir un enfer sans nom où il deviendrait aussi triste et déconnecté de la réalité que l'était sa pauvre maman.

Ensuite, il se demanda avec appréhension ce que Galadriel pourrait bien lui demander de faire pour acheter son silence sur sa petite mégarde linguistique. Allait-elle lui demander de manger des verre de terre ? De grimer au sommet d'un arbre avant de sauter dans le vide ? De manger des brocolis crus ou encore d'aller vivre chez les nains ? Lui demanderait-elle de ramasser toutes les feuilles qui tomberaient au sol ou de compter les brins d'herbe ? Aurait-elle envie qu'il lui récite tout son arbre généalogique par coeur ou bien qu'il aille se dénoncer lui-même à Elrond en réclamant la punissions qu'il méritait ? Bientôt, l'angoisse d'Aragorn pût enfin cesser de le tourmenter comme la dame de Lorien lui annonçait enfin sa sentence.

Très bien. Dans ce cas, je vais tester ton habileté, très cher enfant. Au deuxième étage de cette maison se trouve le bureau de mon époux, Celeborn. Il y a installé une peinture de fleur affreuse, jaune et bleue. Très criarde. Je déteste cette peinture. Vraiment. Je pense que toi aussi tu la trouvera moche. Je te demande donc de montrer, de la retirer de son cadre et de m’apporter le rouleau.

Le petit garçon resta interdit durant deux bonnes minutes, fixant Galadriel sans réussir à en croire ses oreilles. Il avait forcément mal entendu... Elle voulait qu'il fasse une autre bêtise pour qu'elle n'aille pas raconter celle là à Elrond ?! Il avait forcément mal entendu... Ou alors, elle s'attendait à ce qu'il se répande en excuses tout en disant que jamais il n'irait voler quoi que ce soit et qu'il préférait encore qu'elle aille tout raconter à Elrond si cela lui faisait plaisir... Mais elle semblait sérieuse dans ses propos et Aragorn fini par se lever. Deuxième étage elle avait dit...

Sans rien ajouter de plus à ce qu'elle venait de dire, Aragorn sortit de la pièce et se mis en quête d'un escalier qui le conduirait au deuxième étage. Après tout, il avait dit qu'il ferait ce qu'elle voudrait et puisqu'elle voulait qu'il aille récupérer ce tableau... Une fois qu'il eut trouvé le fameux escalier, il y grimpa jusqu'au deuxième et se mis en quête du fameux bureau... Qu'il ne trouva qu'après la troisième tentative d'ouverture de porte. Il était sur que c'était là puisqu'il avait vu le tableau effectivement affreux que Galadriel voulait qu'il lui rapporte.

Aragorn pris une bonne inspiration et entra après avoir vérifié que la voie était libre et il fit aussi vite qu'il pût pour décrocher le tableau, le retirer de son cadre et remettre le cadre en place avant de rouler la toile et de ressortir aussi discrètement qu'il était entré.

- Que fais-tu là ?

Oups...

Rentrant instinctivement sa tête dans ses épaules, Aragorn osa finalement se retourner vers le propriétaire de la voix qui venait de le surprendre alors qu'il avait presque réussit... Là... Il était mort... Il était forcément mort puisqu'il s'agissait de Celeborn et qu'il ne pouvait que remarquer le rouleau qu'il tenait dans sa main...

C'est donc un Aragorn accompagné d'un Celeborn surement trop calme que Galadriel vit revenir. Le petit garçon ne tenait d'ailleurs plus le fameux tableau puisque le seigneur des lieux le lui avait pris pour en connaitre le contenu, mais Aragorn n'avait rien dit, il était même resté parfaitement muet malgré les nombreuses question de l'elfe sur le pourquoi de son acte.

- Excusez moi, je me suis dit que peut-être, puisqu'il ne veut rien me dire lui-même, vous sauriez pourquoi notre invité se trouvait devant mon bureau avec ceci dans les mains ? Demanda Celeborn en direction de sa femme.

Rouge de confusion, Aragorn fit une grimace de dépit avant de baisser les yeux en direction du sol. Dire qu'il avait presque réussit... Mais il avait fallut qu'il joue de malchance et que Celeborn revienne précisément à ce moment là vers son bureau.

Taquine, j’observe le jeune garçon devant moi et hausse un sourcil. Bah alors ? On se dégonfle ? Clairement, il ne devait pas penser à ce genre de punition. C’était, il faut l’avouer, totalement inédit. Mis à part mes chers petits fils, je n’ai jamais utilisé personne pour ce genre de basse tâche. La plupart du temps, j’attends qu’Elladan ou Elrohir soit là, et je leur suggère une ou deux bêtises à faire, comme cette fois où Elladan a détruit une pièce entière avec les explosifs « empruntés » à Gandalf. Un sourire sur mes lèvres, j’attends donc. Est-ce qu’il va choisir la bêtise ou bien faire preuve de ce qu’on appelle la « grandeur d’âme ». Mais, pour la part, j’avoue que je suis curieuse. Je préfèrerais qu’il choisisse d’aller effectuer ma mission. Cela prouverait… Comme le disent les humains, cela prouverai qu’il en a dans le pantalon.

Et puis, le voilà qui s’éloigne. Et moi… Moi j’attends, mon énigmatique sourire fixé sur mes traits. Je prends mon temps pour manger quelques petits gâteaux et finir ma tasse de thé. Je commence à me dire qu’il y a un souci lorsque Celeborn arrive avec le petit Estel. Un sourire nait sur mes lèvres, et je manque d’éclater de rire devant le visage déconfit de l’enfant. A moi de trouver une excuse pour nous éviter une double punition. Je tends les bras vers Aragorn pour qu’il vienne vers moi et laisse mon époux parler. Bon, il a enclenché le mode « pas content ». Parce que je le lui ai demandé. Mon époux reste silencieux quelques secondes et ses yeux papillonnent. Je me suis dis que tu n’étais pas contre un peu de mystère. On s’ennuie ici. Où est passé le temps où nous nous faisions des blagues et où nous parcourions le monde ensemble. Pour être tout à fait franche, Celeborn, je trouve que tu t’encroute. Tu as besoin de partir en quête et, c’est la quête la plus simple que j’ai trouvée en aussi peu de temps. Pardon ? Tu as besoin de t’éloigner d’ici, de taper dans quelques orcs, de voir le monde. Tu deviens vieux. Et Aigris. Voyage ! Retrouve ta jeunesse ! Je me lève et viens lui prendre la peinture des mains. Je la glisse dans mon dos avant de plonger mon regard si bleu dans le sien. Je fais quelques mouvements du poignet pour faire comprendre à Aragorn qu’il faut qu’il récupère la peinture et pousse un soupir amusé. Qu’est ce que tu en dis ? Confions cette peinture à ce petit être et laisse lui quelques jours d’avance, histoire qu’il ait le temps de le cacher et de te laisser quelques indices ?

Parce que je le lui ai demandé.

Aragorn ne savait pas tellement quelle était la réputation de la Dame de Lorien, mais une chose était sûre, elle ne manquait pas de culot. Elle répondait tout simplement la vérité lorsqu'il lui demandait pour quelle raison il avait trouvé ce petit garçon dans son bureau avec ce qui semblait être sa "plus belle" oeuvre d'art dans les mains. Lui, il n'aurait certainement pas osé avouer une bêtise si vite... Alors là surement pas.

Je me suis dis que tu n’étais pas contre un peu de mystère. On s’ennuie ici. Où est passé le temps où nous nous faisions des blagues et où nous parcourions le monde ensemble. Pour être tout à fait franche, Celeborn, je trouve que tu t’encroute. Tu as besoin de partir en quête et, c’est la quête la plus simple que j’ai trouvée en aussi peu de temps.

Pardon ?

Tu as besoin de t’éloigner d’ici, de taper dans quelques orcs, de voir le monde. Tu deviens vieux. Et Aigris. Voyage ! Retrouve ta jeunesse !

Essayant de se faire aussi petit que possible, Aragorn ne prêtait pas grande attention à la conversation qui avait lieu entre les deux adultes qui, a son âge, avaient passé le temps des farces depuis longtemps. Mais ça, il se garda bien de le dire à voix haute histoire de ne pas se prendre une belle fessée.

Perdu dans ses tentatives de se faire oublier au mieux qu'il le pouvait, Aragorn ne vit pas les signes de la dame qui l'enjoignait à récupérer la peinture qu'elle avait reprise à son époux (sans qu'Aragorn n'y prenne garde d'ailleurs.) Cependant il revint à la réalité lorsqu'il entendit la dernière réplique de Galadriel.

Qu’est ce que tu en dis ? Confions cette peinture à ce petit être et laisse lui quelques jours d’avance, histoire qu’il ait le temps de le cacher et de te laisser quelques indices ?

Quoi ?! Est-ce qu'il avait mal compris où est-ce qu'elle proposait à son mari de le chasser comme un vulgaire gibier ?! Non mais il n'était pas d'accord du tout et cette fois-ci il ne se priva pas de le faire savoir.

- Mais j'suis pas un gibier qu'on doit chasser...

Bon d'accord, le ton avait été bien plus plaintif qu'exigeant, mais au moins il avait osé donner son avis tout en restant le plus poli possible.

- Je ne vais quand même pas partir en chasse de cet enfant pour récupérer une peinture qu'il ne souhaite même pas te reprendre des mains... Il tremble déjà comme une feuille un jour d'automne venteux...

- Je ne suis pas couârd !

Mais un regard du maître des lieux suffit à clouer le bec du petit homme encore haut comme trois pommes.

- Alatäriellë... Rendez moi ma toile... Certes vous ne l'appréciez pas, mais cela n'est pas une raison pour me priver ma vue plus que ravie de voir ce tableau en face de mon bureau... Il tendit la main vers la dame. La meilleure solution pour ne pas voir mes peintures, c'est encore de ne pas venir dans mon bureau.