Tu as vraiment le droit d'aller partout ? Feat Elina

S’il y avait une chose qu’Elinà adorait, c’était enseigner. La guérisseuse avait plusieurs fois songé à se poser en Imladris, juste pour le plaisir de pouvoir s’occuper des petits elfes. Mais, elle ne le pouvait pas. L’efle était aussi du genre à voyager. Elle aimait pouvoir partir du jour au lendemain sans se retourner, faire le tour des mêmes villes pour y pratiquer son art, ou bien simplement aller en découvrir d’autres. Oui, elle adorait ça. Vraiment. Monter sur le dos de sa mearas, laisser les kilomètres se dérouler sous le galop régulier de l’animal… Oui, Elinà était faite pour voyager. Mais, aussi pour enseigner. L’elfe sourit à cette pensée. Elle était réellement contradictoire. Enseigner signifiait de rester en place, chose qu’elle ne pourrait jamais faire. Au bout de quelques mois à peine, elle commençait déjà à avoir des fourmis dans les jambes. Vraiment.

Mais, depuis presque un an, Elinà n’avait pas quitté Imladris. C’était assez rare pour être notifié. Elle enseignait l’art de la guérison, l’histoire des elfes et tout un tas d’autres petits choses pratiques. Mais, aujourd’hui, elle allait tenter autre chose. Notre elfe aux fourmis dans les pattes s’était décidée à faire guide touristique. Et oui. La princesse sans royaume avait plus d’une corde à son arc. Elinà avait donc enfilé une longue robe gris clair et mis un châle vert pâle sur ses épaules. Pour une fois, elle n’avait pas pris de petits gâteaux. Non, la jeune elfe qu’elle allait voir n’y aurait pas le droit tout de suite. Elinà avait bien peur qu’elle n’arrive plus à marcher si elle avait le ventre trop plein. Le souci avec les petits gâteaux de l’elfe, c’est que personne, absolument personne n’arrivait à s’arrêter d’en manger avant d’avoir tout fini. Absolument tout.

Quoi qu’il en soit, Elinà se présenta chez la petite Niphredil en temps et en heure. Elle entra dans la maison avec un sourire aux lèvres, précédée par l’oncle de la petite. Quelque part, la demoiselle avait l’impression que l’histoire de la petite était assez similaire à la sienne. Elle n’en dit rien, cependant. Et puis, elle n’avait pas réellement d’informations là-dessus. Elle fronça légèrement les sourcils en voyant les cernes sous les yeux de l’enfant. En voilà une qui ne devait pas beaucoup dormir.

Enchantée fit elle avec un sourire avant de désigner la porte. Si tu es prête, nous allons pouvoir y aller. Il y a beaucoup à voir. Elinà avait, après tout, le droit d’aller partout. Plus jeune, elle avait étudié dans la maison même du Seigneur Elrond. Elle y avait même ses entrées encore aujourd’hui, et elle serait ravie de montrer à l’enfant certains coins particulièrement cachés.

Je m'appelle Elinà d'Ost-In-Edhil, je suis guérisseuse, professeur et quelque part un peu une guerrière. Ton oncle connait ma tante, en Lorien, et c'est elle qui nous as mis en relation. Elinà sourit devant les questions. Elle se doutait bien qu'elle allait en avoir beaucoup de la part de la petite. Quelque part, elle lui faisait penser au petit Estel, le prince au grand destin dont elle était l'une des tutrices. Elle pencha la tête sur le côté. J'ai grandis dans cette cité, sous la tutelle de Maitre Elrond qui a été mon professeur dans l'art de guérir. Ma famille est originaire de la cité détruite d'Ost-In-Edhil. Je suis la dernière descendante en vie du roi Celebrindor, qui est mort à la fin du second âge. Voilà, Elinà recommençait. Elle donnait bien trop d'informations. C'était son côté professeur qui ressortait, une nouvelle fois. Elle leva les yeux au ciel tout en refermant son châle sur les épaules. Elinà était une frileuse invétérée.

Elle n'allait pas, cependant, parler plus de sa famille. L'enfant n'avait pas à savoir qu'Elinà était orpheline ou qu'elle avait grandi avec sa tante avant de finalement venir ici, pour suivre sa propre voie. Elinà n'aimait pas cette idée qu'elle aurait pu choisir autre chose si jamais ses parents avaient été en vie.

Finalement, l'enfant s'accouda à la balustrade devant elles lui demanda de voir les quartiers commerçants. C'était un choix intéressant, vraiment. L'elfe fronça les sourcils et prit un air mutin. C'est un choix intéressant. Sa voix ne laissait pas exprimer la moindre émotion. Elinà avait cependant une meilleure idée. Elle lâcha un petit rire et s'appuya à son tour contre la balustrade pour observer la rue. J'avais cependant songé que tu aimerais voir la salle du Conseil Blanc tant qu'il n'y a personne dedans. Ou profiter que le Seigneur Elrond soit occupé à la bibliothèque pour aller chipper des gâteaux avec moi dans les cuisines... Ils en font réellement des excellents. Elinà observa la demoiselle durant quelques secondes de plus avant de se mettre en marche. Elle posa un pied vêtu d'une ballerine noire sur l'escalier qui menait à la rue tout en lâchant d'un ton totalement détendu Mais, si tu préfère aller au marché... Commençons par le marché. C'est toi qui décide.

L’elfe sourit en s’éloignant de l’enfant. Elle savait avoir attiré son attention, c’était forcé. Elle savait bel et bien qu’il était possible qu’elle préfère l’éventualité de gâteaux à toute autre chose. Après tout, c’était ainsi qu’étaient les enfants, non ? Elinà le savait bien, comme elle était elle-même professeur auprès d’un certain nombre d’enfants, ici à Imladris. L’elfe sourit et elle tourna la tête vers l’enfant. Très bien. Viens par là. Elinà désigna les hauteurs de la cité. Là bas, à une dizaine de minutes de marche, on pouvait apercevoir la maison du Seigneur Elrond. C’était la plus grande demeure de la cité, en fait. Elinà sourit à la petite et entreprit de marcher en se réglant sur son pas. La cuisinière d’Elrond est particulièrement douée, tu sais. Elinà baissa ses yeux bleus vers la demoiselle et elle remit une nouvelle fois son châle sur ses épaules. Elle fait des brioches, de la confiture de fraises, des petits gâteaux aux amandes et tout un tas de petites choses à s’en faire éclater la panse. Elinà avait pris l’habitude de cambrioler les cuisines avec les petit Estel, lorsqu’il étudiait sous sa tutelle, avant d’aller se placer sur le balcon de la grande bibliothèque pour étudier tout en mangeant les victuailles. Elinà adorait ces moments où une part d’elle-même retrouvait cette insouciance d’enfant.

Tu ne dors pas beaucoup, fit simplement la guérisseuse en marchant dans les rues pavées. C’était une constatation qui ne demandait pas d’explications. Elle était du genre à remarquer les plus petits détails, après tout. Elle baissa les yeux sur les pavés, pensive. Elle n’allait pas proposer son aide. Ce n’était pas non plus son rôle. Un patient qui ne voulait pas être soigné n’était pas un bon patient. Un patient qui ne demandait pas d’aide faisait tout pour ne pas en recevoir. Elle-même était passée par là. Quand elle avait perdu ses parents dans une attaque d’orcs, elle avait été absolument détruite. L’image de la flèche qui avait transpercé son père la hantait encore deux mille huit cent ans plus tard. Elle n’avait pas voulu d’aide durant un long, très long moment. Mais, elle avait changé, petit à petit. Devenir guérisseuse l’avait apaisée. Se faire des amis l’avait aidée. Tu as des cernes. Peu de gens le remarqueront, tu sais. Mais, sur une elfe, c’est rare. Et il faut de nombreuses nuits sans sommeil pour en arriver à ce stade. Elinà tourna alors sur une autre rue, qui grimpait en serpentant jusqu’à la maison d’Elrond, passant le long de la cascade et leur donnant une vue imprenable sur la vallée en contrebas.

Un long silence répondit aux paroles de la guérisseuse. Elle s’attendait à jeter un pavé dans la marre et… après tout, seuls ceux qui veulent être aidés peuvent l’être. La petite fille ne la connaissait pas, et elle n’était pas en confiance. Cela viendrait peut être. Ou peut être pas. Dans les deux cas, Elinà n’était pas de celles qui allait tenter de chercher le diable. Vraiment pas. Elle ne voulait pas que la jeune elfe se sente poussée dans ses retranchements. Ce ne serait pas bon du tout. Elinà laissait la petite décider par elle-même. La porte était ouverte. Quand elle se sentirait prête, elle pourrait parler. Mais, Elinà voulait lui signaler que quelqu’un avait vu ce qu’il se passait. Que quelqu’un pouvait l’écouter. Cela viendrait peut être dans un mois. Peut-être dans une heure. Mais, Elinà avait voulu lui monter qu’elle ne serait pas toute seule dans cette épreuve, quelle qu’elle soit. Il était d’ailleurs étrange que sa famille ne l’ait pas remarqué. Des cauchemars. Elle répéta le mot avec un sourire. Moi aussi j’en fais. Et, elle en ferait sans doute toujours. La jeune femme n’était pas certaine que ce soit simplement une histoire de cauchemar. Pour en arriver là, il fallait plusieurs nuits sans sommeil, et pas seulement des cauchemars. Et par plusieurs, il fallait dire qu’il y en avait un sacré paquet. Elinà était inquiète. Elle avait vu des elfes plus âgés et plus forts être brisés pour moins que cela.

La demoiselle proposa alors d’aller en hauteur après la visite des cuisines, et Elinà eut un sourire. La bibliothèque a une immense terrasse qui donne sur les cascades. Sinon, on peut tenter d’aller observer la cité par la salle du conseil s’il n’y a personne. Je crois que c’est le point le plus haut de la ville. L’elfe commença à grimper dans la rue tortueuse en emmenant la demoiselle avec elle. La rue fut vite remontée, et Elinà posa bientôt la main sur la poignée de la porte de la demeure d’Elrond. Sûre ? On commence par la cuisine ? Elinà… Oh, sur le papier elle avait ses entrées. Elle venait là souvent pour enseigner, ou pour rendre visite à son mentor, ou à Elrohir. Mais… Amener une petite elfe pour piller les cuisines ? C’était peut être un chouilla outrepasser son autorisation d’aller et venir. L’elfe avait cependant juste envie de lui faire oublier un moment ces préoccupations qui la tenaient tellement… sage. Elinà n’avait jamais été sage à son âge. Elle courrait partout et elle sautait dans tous les sens. Elle ne tenait pas sagement la main de son guide.

Elinà et sa jeune visiteuse du jour entrèrent donc dans le grand couloir. Elinà jeta un regard sur le côté et guida Niphredil jusqu’à la cuisine, au bout du couloir. L’odeur de gâteaux emplissait le couloir et même Elinà eut soudainement l’estomac qui se mit à gronder. Pourtant, elle avait largement assez mangé avant de venir. Mais, les cuisinières de la maison d’Elrond avaient toujours eu cette magie en elles. Celles de donner l’impression à n’importe qui que, peu importe ce qu’il avait mangé cinq minutes avant, il restait toujours de la place dans leur estomac pour l’un de ces gâteaux absolument merveilleux et délicieux. Elinà sourit à cette pensée particulièrement véridique. C’était réellement un talent qu’elle aurait aimé partager. On ira dans la salle du conseil après avoir mangé alors. Elrond n’aime pas qu’on mange dans la salle du conseil. Elinà n’avait jamais eu le droit d’en passer le seuil avec un gâteau. Mais, il y a largement la place de manger ici. Ou on peut aller observer la cité depuis le jardin si tu préfères sortir. Elle poussa une nouvelle porte et invita la gamine à entrer dans la cuisine où s’affairaient plusieurs elfes. L’une d’elle salua Elinà d’un geste de la tête. On vient piquer quelques friandises pour cette petite demoiselle.

Elinà se dirigea vers la grande table où étaient déposées plusieurs grosses brioches, des gâteaux au miel et tout un tas d’autres friandises. Installe-toi, je vais chercher de la confiture, fit la guérisseuse en désignant un banc à proximité de toutes ces bonnes choses. Il y avait clairement là de quoi nourrir un régiment. Voir même deux. Elinà attrapa un petit gâteau au passage et croqua dedans en disparaissant dans le garde manger. Elle revint avec deux pots de confitures et un pichet de lait, le biscuit coincé entre les dents. Elle déposa son butin sur la table et attrapa deux verres en hauteur, qu’elle posa entre elle et Niphredil. Alors, par quoi tu veux commencer ?

Elinà eut un sourire amusé en voyant la demoiselle reprendre du poil de la bête, comme on dit. Elle semblait prête à diriger les choses, et elle avait bien plus le caractère d’une enfant. La glace entre la guérisseuse et la jeune fille était en train de se briser. Et, elle savait parfaitement ce que ça voulait dire. Que c’était une bonne chose. La demoiselle savait prendre ses propres décisions et mener sa propre barque, et comme tous les enfants elle pouvait se montrer particulièrement dirigiste. Elinà lâcha un petit rire et leva les yeux au ciel en suivant la demoiselle qui s’enfuyait dans le couloir… Par la mauvaise porte. La cuisine avait une porte donnant directement sur l’extérieur, à l’intérieur du jardin d’Elrond. Pour accéder aux Jardins, il fallait faire tout le tour de la maison, sinon. Et, c’était long. La demeure était, après tout, immense. Elinà suivit cependant la jeune fille et elle sourit en l’entendant demander où étaient les jardins. De l’autre côté de la cuisine. Elinà lâcha un petit rire amusé avant de désigner la gauche du couloir. Mais, on peut aussi y accéder par là. Elle se remit à marcher, les deux verres empilés dans une main, la cruche dans l’autre. Elle n’avait pas d’autre choix que de demander à Niphredil de lui ouvrir la porte quand il le faudrait. Non, il ne fait chaud ici que lorsque l’été arrive. En hiver, nous avons de la neige, comme tout le monde. Tu viens du Nord, non ? Elinà sourit. Je me rappelle qu’il faisait bien plus frais en Lothlorien, grâce à la magie de Galadriel. La sorcière de la forêt d’or était, après tout, réputée pour ses pouvoirs extraordinaires. Et, l’anneau qu’elle portait lui permettait de faire tant de choses… Protéger son royaume, mais aussi y contrôler le climat. C’était une véritable féérie. Les arbres semblaient toujours nimbés d’or. Elinà adorait aller en Lorien. Cependant elle avait fini par espacer ses visites de plus en plus, tant elle était occupée en Imladris et dans le sud des Terres du Milieu. Tu m’ouvre cette porte ? C’était la porte d’une petite officine pleine de plantes en pots dont la baie vitrée donnait directement sur le jardin. Elinà y avait passé des heures et des heures à apprendre le nom de chaque plante possible et imaginable sous la tutelle d’Elrond. Cette pièce était, pour elle, emplie de souvenirs. Certaines des plantes de cette pièce étaient tellement rares que c’était le seul endroit où la guérisseuse les avait trouvées. Elle suivit la petite fille dans la pièce, puis elle lui désigna la baie vitrée au milieu de la jungle. Par là.

Avec un sourire, Elinà observa la petite refermer la porte dans son dos. C’était une excellente initiative, cependant la guérisseuse n’osa pas féliciter la jeune enfant. Celle-ci lui faisait penser à un chat sauvage, et elle avait peur de la faire fuir en parlant trop fort ou trop vite. Quoi qu’il en soit, Elina s’installa rapidement sur un petit banc et elle laissa son regard se perdre dans le vide. La cruche et les verres avaient finis sur la table avec le pot de confiture et à côté les provisions de Niphredil. Elina attrapa un bout de brioche sans même le couper correctement et le porta à ses lèvres avec un sourire enfantin. L’elfe retrouvait son âme d’enfant dans ces petits plaisirs innocents : manger de la brioche, observer ces paysages dont elle ne se lasserait jamais. Elle sourit à cette pensée. Imladris était chez elle, même si elle préférait les routes. Elle n’aimait pas rester en place quand il y avait tant à voir sur les routes, quand le monde changeait à chaque voyage.

Elle tourna la tête vers la demoiselle et lui sourit. Tu m’arrête si je deviens trop « professeur qui se la raconte, d’accord ? Elinà avait, après tout, enseigné la géographie aux petits elfes peu de temps auparavant. Elle avait une certaine déformation professionnelle, même si ce n’était pas son métier de base. Imladris se trouve dans les Monts Brumeux. La Bruinen a creusé son lit dans la montagne et créé la vallée dans laquelle nous sommes. Elinà se tut. Elle sourit. Nous sommes au Nord Ouest des Monts, qui séparent toutes les Terres du Milieu d’une ligne nord/sud. A l’ouest se trouve l’Eriador et à l’ouest le Rhovanion Elinà joua un instant avec une brioche. Il y a plusieurs montagnes, certaines appartenant aux nains, d’autres aux orcs… Même Imladris a été attaqué il fut un temps. Mais, plus aujourd’hui. D’ailleurs, Elinà n’avait que rarement vu de journées aussi chaudes. Habituellement, la vallée était plus fraiche, même en été. Elle fit une grimace et elle attrapa un autre petit morceau de brioche. Que dire de plus sans tomber dans l’énorme laïus décrivant toutes les montagnes ? Pas grand-chose. Tu emménage ici, donc ? Définitivement ? Si c’était le cas, la petite finirait sûrement à un moment ou à un autre par devenir son élève. Elinà aurait tout le temps à ce moment là pour l’assommer de détails. A moins que la guérisseuse ne soit partie pour un de ses longs voyages d’ici là.

Cette gamine était aussi difficile à cerner qu’un orc. Vraiment. Bon, il ne fallait pas le lui dire à voix haute, mais pour le coup, Elinà séchait totalement. Elle ne voyait pas quoi faire ou dire de plus pour réussir à s’en sortir. A se dépatouiller de toute cette histoire. Elle n’arrivait pas à voir au-delà du masque innocent de l’enfant. Pourtant, même s’il n’y en avait que peu, les autres enfants étaient plus facile à cerner. Etait-ce son passé qui la mettait si … Qui la faisait se fermer de cette manière ? C’était tout à fait étrange. A chaque question, elle obtenait une demi réponse et… plus de choses à demander. Mais, Elinà n’osait pas vraiment. Parce qu’elle ne voulait pas que la gamine se ferme totalement face à elle. Cela aurait été… catastrophique.

Elle commençait à comprendre pourquoi son oncle avait fait appel à elle. Ce n’était ni à la guide touristique, ni à la professeur qu’il avait fait appel, mais à la guérisseuse. Elinà avait des choses à comprendre sur cette petite, qui semblait mal dormir et ne parler de rien à personne. Et, elle devait la soigner. Pas son corps qui avait l’air en pleine forme, mais son esprit qui était… disons le clairement, loin de l’innocence qu’une enfant aussi jeune devrait montrer.

La sécurité revenue dans sa forêt ? Si elle parlait de Mirkwood, elle avait de l’espoir. Voilà un siècle ou presque que les elfes tentaient de tenir tête aux Araignées, et ce n’était pas fini. Les elfes ne pouvaient faire que ça. Tenir tête. Les repousser n’était pas forcément possible. Parce qu’elles se reproduisaient trop vite et que Thranduil n’allait pas les débusquer là où il fallait. Il aurait dû aller dans les ruines de Dol Guldur. Mais, pour éviter un massacre, il ne le faisait pas. D’un certain côté il avait raison, les pertes elfes seraient grandes. De l’autre…plus le temps passait, plus il semblait impossible pour les elfes d’en venir à bout. C’est pour ça que tu dors mal ? Parce que ta forêt te manque ? Elinà tentait un coup de poker, là. La gamine pouvait aussi bien lui donner – enfin – une réponse qui la conduirait sur la piste de ce qui clochait chez elle, ou bien elle pouvait se fermer comme une huitre.

Elinà avait finit par poser une question à la demoiselle. Une question étrange et particulièrement privée. Elle aurait compris si celle-ci n’avait pas envie de répondre. Il lui aurait fallu le dire, tout simplement. Elinà n’aurait pas insisté. Pas son genre. Elle avait l’habitude de laisser les gens venir à elle. Mais pour le coup, elle ne voyait pas ce qu’elle pouvait faire pour débloquer la situation. Vraiment pas. Elle attendit donc que la demoiselle se décide à parler. Et finalement, elle l’eut, sa réponse. Et ce n’était pas vraiment celle qu’elle avait espéré. Pas du tout même. Elle se mordit la lèvre inférieure et secoua la tête. Sept ans, s’exclama-t-elle en fronçant les sourcils. Mais il n’y avait donc personne pour s’occuper de cette petite, de là où elle venait ? Sept ans de cauchemars, à son âge ?  Elinà avait envie d’étrangler des gens en cet instant. Oh, ils avaient de la chance de ne pas être face à elle, tous ceux et celles qui avaient côtoyé Niphredil durant tout ce temps. Elinà leur aurait hurlé dessus. Elle ne s’emportait que rarement. Mais alors quand c’était parti, il valait mieux aller se cacher. Elrohir avait tendance à quitter la ville lorsqu’elle était en colère après lui. C’était dire si sa colère était monstrueuse.

Elinà inspira lentement, puis elle laissa l’air ressortir de ses poumons tout aussi lentement. Elle inspira une nouvelle fois, puis elle regarda l’enfant une nouvelle fois. Elle s’était calmée – temporairement du moins – et elle avait d’autres questions. Cela peut devenir dangereux pour toi si tu n’arrives pas à dormir. Ton corps a besoin de repos pour fonctionner. Je n’aime pas être alarmiste mais… Tu risques de t’étioler avant l’âge. Le ton de la demoiselle était triste, comme si elle souffrait pour l’enfant. Quelque part, c’était le cas : elle était une bonne guérisseuse parce qu’elle avait une certaine empathie. Et là, son empathie lui hurlait qu’elle devait absolument faire quelque chose. Si tu ne souhaites pas en parler à ton oncle et ta tante, je ne dirais rien. Cependant, je te donnerais tout de même un mélange d’herbes pour t’aider à dormir. Ce sera à toi de décider si tu le prends ou pas. Je ne t'imposerais rien.

Elinà était tout simplement outrée par ce que vivait Niphredil. Elle avait réellement envie d’aller secouer son oncle et sa tante. Les enfants étaient précieux. Les enfants, chez les elfes, étaient rares. Elinà le savait mieux que personne. Elle n’avait vu que peu de grossesses chez les elfes. Elle n’en avait suivit qu’encore moins, en tant que guérisseuse. Chaque enfant devait être un trésor. Chéri. Choyé. Comment pouvait-on ne pas se rendre compte que l’enfant qu’on élevait était incapable de dormir ? Elinà pinça les lèvres et elle fronça les sourcils. Elle n’allait pas dire à l’enfant devant elle ce qu’elle pensait réellement. Parce que ça n’aurait pas été joli-joli. Vraiment pas. Pas très poli, non plus. Elle allait éviter de le dire à son oncle, aussi. Parce qu’elle ne voulait pas qu’il lui interdise de voir la petite. Elinà avait l’impression que cette histoire allait de mal en pis, vraiment. Elle hocha la tête à la remarque de l’enfant. Ce n’est pas une solution, dit-elle simplement en réponse au fait qu’elle ne voulait pas que sa famille s’inquiète pour elle. La famille est faite pour ça. Pour partager les joies, les peines, pour aider à surmonter des difficultés qui seraient impossible à surmonter seul. Parler de tes cauchemars à quelqu’un en qui tu as confiance te permettra de les exorciser. Elinà avait eu du mal à s’ouvrir lorsqu’elle était enfant. Finalement, elle n’avait pas vraiment eu besoin de le faire. Elle n’avait pas eu besoin de le dire. Sa tante l’avait prise entre quatre yeux, elle lui avait dit que, si Elinà ne voulait pas parler, alors elle n’insisterais pas. Mais qu’il fallait qu’elle arrête de se renfermer. Elle avait donné un paquet de fusains et des feuilles à sa nièce et lui avait dit de dessiner ce dont elle rêvait. Elinà avait mis quelques jours à s’y résoudre. Et puis, elle avait ensuite dessiné chaque cauchemar avant de brûler la feuille. Parce qu’à l’époque, Elinà ne parlait simplement pas. Pas du tout. Elle ne disait pas un mot. A personne. Elle se contentait d’observer les gens jusqu’à ce qu’ils la laissent tranquille.

Sa tante avait pris soin de la guérisseuse. Elle avait l’impression que l’oncle et la tante de Niphredil étaient débordés par ce qu’il se passait. Ils ne comprenaient pas. Vraiment pas. Elinà avait presque envie de leur reprendre la demoiselle et de la faire vivre chez elle jusqu’à ce qu’elle aille mieux. Mais, elle ne pouvait pas. Parce que ce n’était pas comme ça que ça fonctionnait. Ce n’était pas possible. Vraiment pas. Et, c’était dommage. Parce qu’Elinà aurait pris soin d’elle. Vraiment. Elle aurait fait attention à la demoiselle. Encore et encore. Jusqu’à l’étouffer d’amour pour qu’elle oublie ses soucis et ses cauchemars. Mais, il fallait être réaliste : Elinà ne pouvait pas s’occuper à temps plein d’une enfant. Elle allait et venait dans la cité à son gré, elle passait parfois plusieurs jours d’affilée sans prendre le temps de dormi auprès d’un patient, et puis elle partait souvent en voyage, pour trouver des plantes ou bien pour voir si les humains avaient besoin d’aide. Elle ne pouvait pas s’occuper de la petite.

Elle lui sourit et elle croqua dans une brioche, pensive. Elle ne pouvait pas prendre la petite avec elle, et surtout, elle ne voulait pas la brusquer. Elle ne voulait pas lui poser des questions. Pas alors que la petite n’avait pas encore confiance en elle. Elle en avait assez dit. Assez fait. Cependant, Elinà fronça les sourcils. Une idée folle lui passait par la tête. Que dirais-tu de venir passer quelques jours chez moi ? Pour que je puisse veiller sur toi comme si tu étais ma nièce ? Tu pourras me parler de tes cauchemars ou me réveiller en plein milieu de la nuit sans avoir peur de me déranger. C’est mon métier de m’inquiéter pour les autres.

Cette petite avait l’air profondément têtue. C’était étrange, pour Elinà. Quelque part, elle avait l’impression de se voir elle-même. A une lointaine époque, elle avait fait pareil et il lui avait fallut de nombreux siècles pour se rendre compte de son erreur. Elinà avait du mal à comprendre. Vraiment. Mais, le mystère l’intriguait. Et, elle pouvait bien reporter quelques voyages pour s’occuper de la petite, non ? Celle-ci avait besoin d’elle, bien plus que de voir la seule personne au courant de son secret s’évaporer dans la nature. Elinà le savait bien, quand on trouvait quelqu’un qui vous offrait spontanément son aide, il fallait du temps pour l’accepter totalement. Du temps pour comprendre qu’on pouvait vraiment se confier. La guérisseuse était encore une parfaite inconnue pour l’enfant en face d’elle.

Alors, elle le proposa. Elle invita la petite Niphredil à venir vivre chez elle quelques jours. Pour voir. Pour être là. Parce qu’après tout, c’était son métier. Sa passion. L’empathie qu’elle partageait avec ses patients la rendait tellement meilleure guérisseuse ! quelque part, elle devait être un peu masochiste, à apprécier de s’inquiéter autant pour les gens. Elinà pouvait devenir une véritable boule de nerfs, parfois. Elle pouvait réellement se mettre à tourner en rond. Mais elle aimait ça. Ce n’était pas normal, pas du tout. Elle devait avoir un brin de folie ou quelque chose du genre. Evidemment. Je ne t’aurais pas prise chez moi sans leur permission, répondit-elle avec un sourire. La petite lui rendit les brioche et la confiture avant de s’éloigner. Elinà hocha simplement la tête avant de se lever et de lisser sa robe. Elle avait quelques recherches à faire, désormais. Est-ce que ces rêves pouvaient être la source d’un mauvais sort ? Les orcs avaient-ils ce genre de pouvoir ? Non… Mais alors… qui ? L’elfe se dirigea vers le temple du savoir d’Imladris : la grande bibliothèque.