Il était heureux que le Prince de Dol Amroth ait accepté de libérer son père de ses obligations, car il était bon et qu'Aslan avait servis avec honneur sa famille, parce qu'il avait protégé la cité avec dévotion. Ainsi Aslan avait été libéré de son devoir et tout trois, ils étaient partis. Ils avaient pris la route qui serpentaient au milieu de ce champ de blé, ils avaient longé la côte, offert à la mer les premiers sourire qui renaissaient de Molly, ils avaient continué ainsi jusqu’à retrouver la Caravane de ces grands-parents qu'ils voyaient toutes les deux saisons, ils étaient remontés jusque dans le Lossanarch, pour redescendre bien loin au Sud, au grès des villages, des villes et des rivières. Ils avaient poussé jusqu'en Harad, lorsque les conflits étaient encore à l'état d'exceptions. Puis ils s'étaient de nouveau séparés, pour se rendre jusqu'à Minas Thirith. Ils continuèrent leur route au-delà des champs de Pelenor, jusqu'au gué de l'Argonath et les Rois du Passé. Ils remontèrent encore jusqu'au Lac Esgaroth et Laketown, amenant avec eux des marchandises que les gens du Nord n'avaient jamais vu, ou qu'ils avaient oublié.
Et alors qu’ils arrivaient sur les rives du lac, la caravane s’ébranlait doucement, secoué par le sol caillouteux sur lequel elle progressait. Destan devant, jouant le rôle d’éclaireur.Cela faisait déjà quatre longues années qu’ils étaient partis de Dol Amroth, quatre années à voyager dans toutes les régions de la Terre du Milieu, quatre années à rencontre des gens bien différents de ceux qu’il avait pu connaître et qui lui avait appris bon nombre de chose. Chacun des moments passés depuis son départ de sa ville natale était riche d’apprentissages et de découvertes, colorés différemment. Parfois ils étaient joyeux, d’autres fois plus mélancolique lorsqu’il songeait à ses amis laissés derrière lui.
Mais il était bien plus heureux que triste. Sa mère avait changé, ses cheveux qui n'avaient plus été blonds en qu'avant avait repris de leurs couleurs, la lassitude qui avait envahi ses traits après tant d’années passé à abandonner sa vie de nomade avait disparu, la douleur d'avoir perdu presqu'à son terme le second enfant qu'elle portait s’était estompée, tout ceci semblait s’être perdu dans le sillage de la caravane. Sa mère, Molly était de nouveau en vie et rien ne lui importait plus que cela.
Durant ces quatre longues années durant lesquels Destan continua de grandir, devenant un adolescent Vif, parfois trop impulsif. Son père l’avait entrainé, jour après jours au maniement de l’épée, il avait fait ses armes avec les autres garçons de la caravane et s’il s’était révélé le meilleur d’entre eux, le plus agile, le plus souple, le plus rapide, il savait qu’en Arda, bien des Hommes étaient meilleurs que lui.
Il avait une fine carrure, les cheveux toujours aussi blonds que les blés et bien que son père l’entraînât souvent au maniement de l'épée, à l'arc également auquel il ne s'avéra pas toujours très bon, il ne s'était étoffé plus que cela. Il s'avéra bon pour le marchandage en dépit de son jeune âge et lors des voyages, sur le dos d'un petit alezan, il jouait le rôle d'éclaireur avec sérieux et implication, comme s'il en avait toujours été ainsi.
Mais il demeurait tout de même un jeune adolescent, alors il lui arrivait de se battre avec ses camardes, de se chamailler avec les jeunes gens des villes qu’ils rencontraient et n’étaient pas toujours aimable et ses qualités de grimpeurs lui avaient servis de nombreuses fois.
Alors qu’il était entrain de visiter la bourgade sur les flots, il entendit de l’elfique. Il s’approcha, silencieux pour s’assurer qu’il avait bien entendu et tomba sur deux elfes habillés aux couleurs de Vertbois. Destan n’était pas timide et il savait que cela était l’unique opportunité pour lui de transmettre la lettre qu’il avait toujours avec lui et qu’il avait mainte fois réécrite. Alors il s’avança vers eux, se râclant la gorge et saluant les deux elfes avec respect avant de s’adresser à eux :
« Excusez-moi Messires. Je vous prie d’excuser l’audace de ma demande, mais il est une Dame qui demeure en ces bois à qui j’aimerai que vous transmettiez cette missive. Elle se nomme Luthien et ses cheveux brille comme l’Argent. »
Les deux elfes parurent amusés, sans doute se moquaient-ils de lui, mais il leur tendait toujours sa lettre cachetée et n’escomptait partir avant que celle-ci fût acceptée. Il ajouta, avec empressement :
« Dîtes lui que je resterai près des rives du lac encore une quinzaine de jour. »
Et il s’inclina respectueusement devant l’elfe et ce dernier lui assura qu’il transmettrait les mots que le jeune adolescent avait couhé sur le papier. Il espérait que sa lettre soit transmise à temps pour qu’il ait la chance de revoir Luthien l’Argentée mais alors qu’il tournait les talons, il ne pu que se rendre compte du rouge qu’il lui était monté aux joues et avait réchauffé ces dernières. Il devait avoir paru bien ridicule aux yeux des elfes. Mais tant que la lettre parvenait à l’Etoilée, comme il l’appelait pour lui, cela lui suffirait.
Il regagna en hâte le convoi, songeait à cette lettre bien idiote sans doute qu’il souhaitait voir transmise et il hésita même à la récupérer.
Sa rencontre avec la Dame remontait il y avait de cela cinq années. Cinq années pendant lesquels il avait grandi, il s’était étoffé, il avait changé. Est-ce qu’elle le reconnaîtrait ? Le petit garçon avait laissé place à un adolescent aux traits fins et à la musculature sèche. Ses muscles s’étaient dessinés au fur et à mesure des entrainement prodigués par Aslan son père et les tâches qu’il remplissait avec joie pour les itinérants. Ses cheveux qui arborait la couleur des blés s’étaient éclaircis un peu plus encore, balayé par les rayons du soleil chaque jour qui passait. Ses épis formaient une couronne dorée autour de son visage d’ange, ses yeux bleus s’étaient depuis taché de gris mais il fixait chaque chose sur cette bonne terre avec attention et bienveillance. Oui, sans doute se souviendrait-elle de lui, il l’espérait.
L’enfant avait grandi mais son cœur était toujours le même. Il se souvenait des mots prononcés par l’Etoilé il y avait de cela déjà cinq années, cinq années pendant lesquelles le souvenir de leur rencontre ne s’était jamais terni.
Elle lui avait soufflé ces quelques mots :
« Quand on quitte sa terre natale, c’est un bout de notre âme que l’on abandonne derrière soit… ». Mais ce morcellement de l’âme, cette partie de lui qu’il avait abandonné, ce n’était pas en quittant Dol Amroth qu’il l’avait laissé derrière lui. C’est quand elle était partie, emportant avec elle son cœur.
Et alors que les premiers émois adolescents se faisaient et qu’il lui arrivait de surprendre des jeunes filles à le regarder parfois lorsque les itinérants faisaient halte en ville, leurs rires et leurs sourires lui semblaient bien pâles comparés au souvenir éclatant de l’Argentée. Parfois, lorsqu’il fermait les yeux, il la voyait devant lui, sa chevelure de nacre bercée par les embruns, sa peau opaline caressée par les rayons du soleil et son regard aussi doux qu’une plume. Chaque fois qu’elle lui revenait ainsi, il chérissait ces images comme tant d’autres auraient chérit des diamants.