Carpe Diem [ft. Dori]

C’est à pas pressés, le capuchon rabattu sur la tête que Raeryan quitta la ville souterraine des nains en direction du bois le plus proche. Le rouge de sa cape contrastant avec le vert de la forêt, elle pouvait être certaine avec ça de ne pas être perdue de vue malgré sa tendance à s’emporter facilement et à se perdre soit dit en passant. Raeryan n’avait pas tant l’habitude de se retrouver dans un milieu aussi hostile, et en plus de ça, s’y enfoncer ne présentait en rien une source de peur pour elle. Ho on lui connaissait que trop bien ce trait de caractère là pour avoir quelques maladresses de temps en temps, et du coup il était évident qu’elle soit correctement suivie pour cette sortie « absolument vitale ». Son objectif : trouver une plante qui ne fleurissait que trois jours, dans un environnement particulier et pendant une période spécifique. En résumé, quelque chose de très précis qui nécessitait bien plus de recherches que de simples herbes médicinales que l’on pouvait cultiver dans les montagnes. Enjambant les premiers obstacles, Raeryan jeta un regard par-dessus son épaule pour observer Dori qui la suivait de près. La soigneuse savait exactement où elle devait aller, analysant les signes distinctifs de la végétation qui pourraient trahir la présence de cette fameuse plante. Par-dessus, par-dessous, la naine se faufilait aussi agilement qu’une enfant entre les branches et les ronces. Elle était contente d’être avec Dori, avoir une âme aussi bienveillante à ses côtés lui donnait beaucoup de motivation et du coup elle progressait dans la forêt sans la moindre hésitation.

Les iris verdoyants de la naine se posèrent sur un ruisseau coulant en contrebas, et, en touchant la mousse déposée en couche épaisse du un arbre, elle se pinça les lèvres, le cœur battant. Elle se rapprochait enfin d’une zone adéquate au développement de la plante et espérait que celle-ci n’avait pas déjà été arrachée, piétinée ou même fanée. A tel point qu’elle en avait oublié Dori qui devait encore la suivre tant bien que mal à travers la forêt.

« Dori !! Par là !! » Cria t-elle a travers les arbres en apercevant sa silhouette.

Enfin elle l’avait trouvé cette satanée plante !! Enfouie sous un amas d’autres herbes parasites qui auraient fini par l’étouffer si elle n’était pas arrivée à temps. Escaladant un rocher pour se retrouver près du ruisseau, d’un revers de main Raeryan la libéra après avoir posé les genoux à terre pour la cueillir en prenant soin de l’extirper avec ses racines sans l’abimer.  C’était très important de faire cette manœuvre car la plante avait beaucoup de bienfaits et était bien trop rare pour qu’elle se permettre de la cueillir comme une pâquerette ou comme de l’orge. Raeryan était contente d’avoir pu mettre la main dessus et en tournant la tête, elle vit Dori arriver en se libérant de l’emprise de quelques ronces trainant dans le coin.

« Désolée je suis partie un peu devant… »

La soigneuse avait autant de gigote qu’une petite fille dans un magasin de jouets, elle avait attendu tellement longtemps avant d’avoir l’autorisation de sortir surtout en ces temps durs et sous tensions. Une chance pour elle que Dori se soit porté volontaire pour lui tenir compagnie même s’ils avaient comme condition de ne pas trop s’éloigner et de rentrer avant la tombée de la nuit puisqu’ils n’étaient que tous les deux. La naine se releva en prenant appui sur un arbre, faisant face au nain avec un large sourire qui creusa ses deux fossettes alors qu’elle lui montrait ladite plante qu’elle était venue chercher. C’est le regard pétillant qu’elle accueillait la plante entre ses mains couvertes de terre et griffées d’égratignures, fière de sa trouvaille. Une plante qui ne fleurissait qu’en cette saison donc, assez rare pour être convoitée par d’autres guérisseurs qui pouvaient potentiellement trainer dans le coin mais ça n’avait désormais plus d’importance puisqu’elle avait trouvé la sienne. Sa fleur de couleur pourpre avait des vertus antivirales et permettait ainsi de guérir de beaucoup de maladies pendant les grandes périodes de froid. Sa distillation était aussi utilisée par sa tante qui raffolait de son parfum en fine gouttelettes déposées derrières les oreilles. Mais cette fois-ci elle n’allait pas pouvoir lui faire ce plaisir car une seule plante allait d’abord lui servir pour faire dix remèdes à utiliser sur l’année.

« C’est celle-là !! »

Dori s’était proposé, Dori avait promis. Aussi rustres et caractériels que puissent être les nains et quelque fois d’une compagnie peu affable, leur parole vaut plus que tout l’or du monde.  C’est ainsi que Dori s’était engagé à accompagner Dame Raeryan lors d’une petite expédition en dehors des Montagnes Bleus. Il lui était tout bonnement inconcevable que soit exposé en plein jour l’une des plus précieuses et inestimables richesse des enfants de Aulë : les naines. Alors quand Raeryan lui proposa avec cette courtoisie qui lui était propre, le genre de courtoisie que l’on ne peut refouler sous peine de se sentir coupable pour l’éternité, il ne lui fallut pas longtemps pour accéder à sa demander.

Le monde extérieur n’était pas méconnu de notre marchand qui empruntait régulièrement les chemins escarpés pour commercer dans les différentes régions. On pouvait dire qu’il en avait vu du monde et du paysage. Tellement de coutumes et d’usages qui semblaient être à des années lumières des siennes mais qu’il respectaient néanmoins. Dori était friand de ce qui sortait de l’originalité et des expériences nouvelles, alors le monde de dehors ne pouvait que l’émerveiller et le stimuler. D’ailleurs, n’avait-il pas fait ramener de la Comté, la meilleure herbe à pipe du nom de Toby ? Quoi qu’il en soit, Dori ne perdit pas de temps. Il se para pour l’occasion : des habits qui permettaient des mouvements lestes mais aussi robustes pour crapahuter dans les bois. D’expérience, le marchand  savait qu’un nain qui se risquait à la surface de la terre désarmé, était un nain condamné. Le danger était omniprésent et encore plus au dehors. Pas question de sortir sans son artillerie de combat. Quel serait l’intérêt de chaperonner Raeryan, s’il n’était même pas capable d’assurer dignement sa sécurité ? Oh Dori ne manquait pas de force ni même d’esprit, c’était un rude guerrier mais munit de ses partenaires de combat, il était imbattable.

Il avait quitté le cocon familial le cœur léger et sans aucune préoccupation pour venir embrumer son esprit. Ori travaillait sur les accordements de son nouvel instrument et Nori l’assistait pour finaliser les dernières retouches esthétiques. Ils n’avaient donc pas besoin de leur patriarche envahissant. Le portrait qu’ils formaient à eux deux lui saisit soudainement le cœur d’un sentiment chaud et bienveillant. On aurait dit que toutes les tensions s’étaient évaporées dans l’atmosphère et qu’il ne restait plus qu’une famille recomposée et soudée loin de toute forme de rancœur susceptible de venir fragiliser leur lien. Dori aimait ces instants fugaces, il les chérissait comme le plus rare des joyaux même si pour cela il devait se contenter de n’être que spectateur. Une approche, une intervention de sa part et le charme se briserait pour faire resurgir la rivalité entre Nori et lui. Il passa alors la porte, le regard lourd de déception à la seule pensée de rappeler prématurément la réalité. La rancune avait déjà détruit deux frères, Ori n’avait pas besoin de subir le même sort.

Comme une rose rouge égarée dans une végétation sauvage, Raeryan était à quelque mètre devant lui, trébuchante et hâtive. Elle s’était déjà attelée à la raison qui l’avait poussé ici : trouver une plante très spéciale. La belle naine ne s’était pas trompée de pioche, en désignant Dori comme accompagnateur car même s’il ne s’y connaissait moins bien que la soigneuse, il avait certaines connaissances botaniques. Le protecteur veillait toujours d’un œil attentif et bienveillant sur sa petite protégée. Petite qui en vérité était plus âgée que lui. Malgré cela, elle demeurait vulnérable avec une expérience du terrain beaucoup moins aiguisée que la sienne. Il la rattrapa enfin, tout en scrutant les ronces qui s’entortillaient autour de ses jambes fortes et de ses bras. Les ballades dans les bois…très peu pour lui et c’est bien parce qu’il partageait de son temps avec une passionnée de la nature, sinon, il y a bien longtemps qu’il aurait déraciné ces entraves végétales qui commençaient à l’échauffer sérieusement. Ronchonnant contre un buisson dans lequel il s’était prit les pieds, il lui envoya un regard plein de représailles, jurant qu’il reviendrait exprès pour lui régler son compte. Les excuses de Raeryan l’extirpèrent de sa vengeance. Son sourire lui fit oublier sa mauvaise humeur tout comme l’euphorie qui s’empara de la jeune naine quand celle-ci lui montra sa découverte. Alors il répondit à son sourire avec un peu plus de douceur, comme un père fier du bonheur de sa fille. Il se fia à la finesse et au doigté de Raeryan pour cueillir avec précaution et délicatesse ce trésor si rare et fragile. Alors que Raeryan arrachait la plante à la terre, Dori entendit un bruit suspect provenant du nord. Les sens en alerte, il jeta des regards inquisiteurs de tout côté. Ils allaient devoir écourter ce moment d’émotion et rentrer rapidement dans le royaume souterrain.

- Dame Raeryan, nous ne devrions pas nous attarder d’avantage, il semblerait que…ATTENTION !!

Un orc perché en haut de l’arbre sous lequel se tenait Raeryan décida de montrer le bout de sa sale gueule. De justesse, Dori avait eu le temps d’attraper la jeune femme et de la mettre à l’écart. La créature devait s’être fracturer une jambe du haut de sa chute au vu du hurlement strident qu’il poussa.

- Avec ce tapage, il va ameuter tous les orcs des environs…

Dori acheva la créature d’un furieux coup de fléau faisant voyager sa tête qui alla se loger dans ce détestable buisson de tout à l’heure. Glissant son bras sous celui de la jeune femme, il l’aida à se relever, s’assurant qu’elle ne se soit pas blessée. Mais que faisait un orc ici bon sang, alors que le soleil était presque à son zénith ? Tomber sur des ours, des loups ou encore une nuée de corbeaux, certes mais des orcs…en plein jour qui plus est ? Plus rien ne semblait comme avant, des choses qui n’avaient pas lieu d’être se produisaient… À la différence des elfes, les nains n’étaient pas spécialement doués d’empathie, mais ils n’étaient certainement pas aveugles.

Puisqu’un orc n’est jamais ou très rarement seul, divers bruit de feuillages et de branches indiquèrent très clairement qu’une troupe s’approchait dangereusement de l’endroit d’où avait été donné l’alerte. Galère ! Ils s’étaient assez bien enfoncés dans les bois pour que les ennuis les rattrapent s’ils tentaient de s’enfuir tout courant. A quelques enjambés de là, le sol semblait s’incliner en une pente. Elle aurait pu les cacher un instant le temps de réfléchir à une offensive. Sans faire fi de son avis, Dori entraîna la jeune femme avec lui, dégringolant avec elle la pente. Des feuilles volèrent dans leur sillage. Dans la mêlée, des branches et des pierres en avaient profité pour meurtrir son corps à de multiples endroits. Il avait l’impression de s’être prit une rafale de coups de pieds et de poings. Mais la douleur pouvait attendre, certainement pas la vie de Raeryan. Non mais à croire qu’il attirait les problèmes…Il ne pouvait rien prévoir sans qu’il n’arrive malheur. Arrivés tout deux dans une cavité creusée naturellement dans la terre, ils étaient à l’abri, loin de tout regard. A moins qu’il n’arrive une escouade par le sud, ceux du nord ne pouvaient plus les repérer depuis ce renfoncement. Dori en profita pour souffler un moment mais le simple effort de respirer lui incendier les côtes. Jugeant son état sans gravité, sa seule inquiétude alla à Raeryan et à sa précieuse fleur.

- La fleur n’est pas abîmée ? S’enquit-il de demander comme si elle avait plus de valeur que tout autre chose.

Il n’y avait rien de plus merveilleux pour Raeryan d’accomplir ce qu’elle entreprenait. Trouver même une petite fleur lui procurait une réelle sensation de sérénité. Elle se voyait déjà distiller la fleur, en faire des remèdes et puis partager avec es autres guérisseurs cette trouvaille inespérée que certains patient attendaient. C’était d’autant plus agréable de la trouver avec la bonne compagnie de Dori qui faisait preuve de grande patience avec elle et qui avait l’air tout aussi content qu’elle en trouvant enfin ce pour quoi ils étaient venus jusque là. Ceci fait, ils allaient pouvoir rentrer, sur les bons conseils de Dori, la naine acquiesça d’un mouvement de tête accompagné d’un sourire.

Mais  Dori n’eut pas le temps de terminer sa phrase  qu’il attira soudainement l’attention de la naine en s’exclamant. Surprise, Raeryan n’eut pas le temps de réagir qu’elle se retrouva propulsée au sol. Dans la panique, la naine tourna la tête vers cet orc qui avait failli les attaquer et que Dori achevait dans la plus grande hâte avant qu’il ne fasse encore plus de bruit. C’est à ce moment là que Raeryan se félicita d’avoir choisi Dori pour la protéger puisqu’il venait de lui éviter de sacrés ennuis. Elle n’avait jamais douté de lui, mais elle avait plus que jamais ce sentiment de sécurité à ses côtés et elle lui en serait éternellement reconnaissante. Dégageant sa cape pour attraper le bras du nain qu’il lui présenta, elle se releva ensuite et lui adressa un large sourire reconnaissant. Elle demeurait encore trop secouée pour prononcer le moindre mot et de toute manière c’est tout autre chose qui brisa ce court instant de silence. Car les bruissements des végétaux sous le passage d’un groupe non loin provoquèrent une vague de panique chez les deux nains qui eurent instantanément le réflexe de fuir dans la direction opposée. La naine suivait Dori, ainsi qu’il l’avait suivit entre les branches et les obstacles pour s’enfoncer un peu plus dans la forêt. Elle n’avait pas le temps de regarder derrière, elle ne souhaitait pas faire cette erreur là et ralentir Dori qui était certainement à la recherche d’un abri désormais. Les ronces et les branches sur leur passage leur infligèrent quelques écorchures, des hématomes tandis qu’ils dévalèrent une pente à toute allure. Les petits bobos ne seraient rien comparé à ce qu’ils essayaient de fuir.

Puis, Dori trouva un endroit où ils pouvaient se réfugier le temps que la horde d’orcs passe, ils s’enfoncèrent alors dans une cavité dont l’obscurité dissimulait leur présence dans cette forêt.  Haltetante, Raeryan s’adossa contre la pierre humide pour reprendre son souffle et calmer l’adrénaline qui l’avait prise de court mais restait attentive à tout geste provenant de l’extérieur. Après quelques secondes de silence, dans un suspens des plus insupportables, Dori interpella la guérisseuse, lui demandant comment se portait la rare fleur qu’elle venait de s’approprier.  Un sourire nerveux étira les lèvres de la jeune femme tandis qu’elle baissa le regard  vers ses mains pour constater son état. Elle l’avait tenue fermement contre elle, ce bijou de la nature, la protégeant dans un pan de sa cape pour amortir les mouvements frénétiques dus à leur course. Quitte à se faire mal, à en avoir des traces jusque sur le visage, elle l’avait maintenue en bon état. Elle n’aurait pu se permettre de la laisser tomber avec tout ce qu’elle lui permettrait de faire, aux vies qu’elle épargnerait. Raeryan était alors heureuse de la voir intacte et ce n’était pas sans grands étonnements qu’elle le constatait puisqu’elle convoitait aussi cette plante pour sa résistance qu’elle arriverait à transposer dans un remède. Parfois elle se maudissait d’avoir choisi cette voie, qui lui mettait souvent des coups de pression, qui lui faisait prendre des risques et qui souvent la frustrait lorsqu’elle n’arrivait pas à faire ce qu’elle souhaitait. C’était sans compter que Raeryan avait le destin contre elle et qui souvent lui mettait des bâtons dans les roues. Elle espérait maintenant que cela n’aie pas enlevé à Dori l’envie de vouloir l’accompagner si elle le sollicitait à nouveau un de ces jours.

« Elle est intacte… »

Relevant ses yeux verdoyants vers son camarade nain, elle lui offrit un joli sourire, oubliant alors le contexte tendu dans lequel ils étaient.

« Je vous remercie Dori, en rentrant on ira dans une taverne et…. »

Elle aurait voulu terminer sa phrase et lui proposer alors de l’inviter boire une bière histoire de ce remettre correctement de tout ça mais les bruits des feuilles et les grognements rauques d’une troupe d’orc non loin l’obligea à se stopper. L’atmosphère s’alourdit alors à nouveau, Raeryan avait le cœur bondissant dans sa poitrine tandis qu’elle observait les ombres évoluer  sur le mur de la grotte. Ces dessins se mouvant sur la pierre témoignaient là une présence, elle était de passage puisqu’elle disparu aussitôt qu’elle était apparue mais n’en était pas moins une source d’inquiétude pour les deux nains. Raeryan rangea la fleur dans son sac avec la plus grande délicatesse, prête à partir en courant si Dori le lui demandait encore, car si elle avait survécu a la course juste protégée de ses bras, il n’était pas dit que la seconde fois se passe aussi bien. Dans la grotte résonnait les bruits de l’extérieur, les sons de ces créatures immondes certainement en recherche de ce qui avait tué leur camarade. Ça se baladait, ça tournait, ça restait sur place et puis au fur et à mesure qu’ils ne trouvaient plus d’indice de leur passage, ils s’éloignèrent. Et alors, au bout d’un certain temps, le silence se fit à nouveau, un long silence où les deux nains s’interrogeaient jaugeant l’extérieur à la recherche d’un moindre indice dénonçant encore un orc dans les parages qui pourraient les surprendre si par malheur ils sortaient de leur trou trop vite.

Raeryan restait cependant près de Dori, attentive à ses gestes, et se fiait à son expérience de guerrier. Il ne disait rien, probablement comme elle dans l’attente d’un mauvais ou d’un bon signe pour pouvoir bouger et sortir.

« Sont ils partis ? » Chuchota t-elle.

Sa voix était à peine perceptible, juste assez pour que Dori entende et comprenne, sans prendre le risque qu’on l’entende au dehors. La tension qui les animait la rendait de plus en plus impatiente ; tout ce qu’elle désirait dès lors c’était de rentrer sans plus de problèmes et retrouver son petit confort, son laboratoire…Ce genre de chose lui était déjà arrivé plusieurs fois, ça faisait parti des risques mais pour rien au monde elle arriverait à agir avec autant de contrôle dont faisait preuve Dori. Il avait cet avantage de savoir se défendre, de savoir se battre tandis qu’elle frôlait le niveau intermédiaire en matière d’armes : bien assez pour se protéger mais pas assez pour en sortir complètement indemne.

La journée commençait fort ! A peine avaient-ils foulé le sol à la surface, qu’ils se faisaient attaquer par la racaille qui traînait dans les alentours. Dori était rôdé depuis le temps, il savait que les siens n’étaient pas les seuls à demeurer dans les montagnes et que la cohabitation tumultueuse avec les autres créatures se terminait généralement dans un bain de sang. Dire que cela les gênait ne serait pas tout à fait vrai, les nains aimaient le danger et de temps à autre ça faisait du bien de pouvoir se défouler sans retenu sur ces crânes de goules ! Dori aussi était friand de baston et ne perdait jamais une occasion de foncer dans une mêlée quand celle-ci se présentait mais il fallait se rendre à l’évidence, en cet instant ils étaient tout deux clairement en sous effectif. Le guerrier n’avait aucune idée du nombre d’orc qu’il y avait et ne pouvait pas se permettre de jouer les intrépides en chargeant tête baissée. D’ailleurs son éternel pessimisme commença à refaire surface quand la sinistre éventualité d’y rester lui traversa l’esprit. Intérieurement il enrageait. Comment avait-il pu participer à autant de guerre si loin de chez lui, de revenir vivant pour à l’occasion mourir bêtement ici, à quelques pas de leur demeure ? Quelle étrange fatalité…Qui allait s’occuper d’Ori s’il n’était plus ? Nori ? Cet imbécile irresponsable sur qui on ne pouvait compter ou seulement quand il s’agissait de commettre des méfaits ? Non, la seule idée de les laisser livrer à eux-mêmes lui hérissait le poil. On ne pouvait pas confier des responsabilités à un être qui prenait tous les soins à entacher sa réputation et son honneur. La seule personne digne sur qui il pouvait compter et qui avait toujours su l’épauler était Dis. Cette brave naine n’était qu’amour, elle en débordait comme un wagon chargé de précieux minerai. A chaque instant qui avait sonné comme un désespoir pour Dori, elle avait été là pour lui redonner confiance et soutien. Elle saurait veiller sur Ori comme elle l’avait fait jadis. Tout n’était pas perdu finalement.

Non tout n’était pas perdu et tout ne se terminerait pas aujourd’hui, il n’en n’était hors de question. Ce n’était pas le moment de broyer du noir, surtout quand une jeune naine effrayée avait placé aveuglement toute sa confiance en celui qu’elle pensait capable de la protéger. Le sang d’aucun nain ne serait versé aujourd’hui, en revanche, il pouvait entendre le sifflement discret du fer de son épée exprimer son appétit vorace. Elle avait faim d’orc et Dori n’allait pas tarder à la satisfaire. Le sourire de Raeryan embauma son cœur d’une douce chaleur. Il fut comme harponné par ce regard confiant et l’expression de reconnaissance qui se dégageait de son visage. Miroir de ses propres failles, il se serait offert à la damnation si cette foi venait à s’éteindre dans ces prunelles d’émeraudes. Il n’avait pas le droit d’échouer et priver le monde de sa radieuse lumière. Des ombres difformes se muèrent contre les parois de la petite cavité, reniflant et grognant comme s’ils sentaient la présence des nains non loin. Dori resta attentif, le souffle court ne bougeant que pour s’assurer que Raeryan allait bien. Son visage était pâle et déjà il pouvait apercevoir des gouttelettes perler sur son visage et se perdre dans sa barbe soignée. Sa vulnérabilité était sa force et dans un geste qui se voulait chaleureux, il saisit sa main dans la sienne et la pressa doucement comme pour rassurer son cœur affolé. Le chahut et l’indiscrétion des orcs colportèrent leurs échanges jusque dans la petite grotte où le son leur parvenait en échos. Dori écouta d’une oreille curieuse ce qu’il se disait et la raison pour laquelle ils traînaient par ici en cette heure si matinale.

- …puisque j’te dis que j’ai senti des nains tout près ! Ce sont eux qui l’ont tué !

- Evidemment idiot, puisque les descendants de Durin vivent ici ! Celui-ci a rempli son rôle, laissez-le ici, il nourrira les corbeaux. On se remet en route bande de chiens galeux, le Maître nous attend à la forteresse, alors pas de traînards dans les rangs où je me fais des lacets avec ses tripes !

Cette voix rugueuse et nasillarde, pas de doute, il s’agissait bien d’orcs. Ils se remirent en marche, d’un pas cadencée et rythmée qui indiquait  tout naturellement qu’il ne s’agissait pas là d’un simple petit groupe d’orc en sortie pour un jogging matinal. Une horde toute entière, durement armé, migrée vers l’Est en direction de…

- …la forteresse ? De quelle forteresse parlait-il ?

S’interrogea t-il à voix haute. Il ne songea pas tout de suite à Dol Guldur, à vrai dire ça ne lui aurait pas vraiment passé à l’esprit puis pour le moment il avait mieux à faire que de se questionner sur les sites de randonnées des orcs. S’il voulait donner une réponse à Raeryan, il allait devoir jouer les éclaireurs. A pas de loup, il s’aventura au dehors ayant, au préalable, intimer l’ordre à la jeune femme de ne pas bouger de là où elle était. Il dégaina son épée, jetant des regards ici et là, accusant chaque cime, chaque croassement de corbeaux, chaque bruit menaçant. Au bout d’un moment, il jugea la situation sous contrôle sans rien à l’horizon qui puisse paraître suspect. D’un mouvement de la main, il invita Raeryan à le rejoindre et tout deux gravirent cette rude montée tapissée de feuilles. Ils tombèrent sur la dépouille de l’orc décapité, que les premiers charognards dévoraient déjà. Il observa longtemps et avec gravité cette créature du crépuscule, une inquiétude grandissante déformant ses traits. Quel sort funeste les attendait ? Qu’est-ce qui se préparait dans l’ombre ? Fallait-il y voir là un signe quelconque ? Il demeura ainsi, oubliant un instant la présence de Raeryan à ses côtés, l’esprit tourmenté par ces questions sans réponses. « Le Maître… ? »

La conversation des orcs n’était pas tombée dans l’oreille de sourds, Raeryan pour sa part avait enregistré les moindres détails a partir du moment où il semblait dévoiler quelques informations qui leur avait été jusque là inconnues. C’est à ce moment là que la naine prit réellement conscience des choses qui s’annonçaient mais manifestement ça dépassait ce qu’ils avaient imaginé. Ils avaient bien mieux à faire que de traquer des nains, mais quoi donc ? Qu’avaient-ils de plus important que de chercher à saigner des nains ? Raeryan n’avait eu que rarement l’occasion d’intercepter des conversations entre orcs et cette fois ci ils avaient clairement de quoi compenser le fait qu’ils aient été attaqués. Raeryan observa Dori, inquiète, s’interrogeait également sur cette fameuse forteresse tout comme il semblait l’être. Qu’il la rassure en lui serrant la main lui avait permis de calmer la panique qui grondait en elle mais avec ces mots, elle avait de quoi être d’autant plus dérangée.

Lorsque Dori se questionna à haute voix à propos de cette forteresse, Raeryan posa sa main sur son épaule afin d’attirer son attention et lui répondit à voix basse.

« Nous allons devoir en parler à Thorin, il semblerait que certains détails nous aient échappés…»

Le silence était revenu, le vent s’engouffrait dans les arbres comme si la forêt reprenait vie après avoir retenu son souffle au passage de ces créatures. Dori tenta une première sortie, indiquant à la naine de ne pas bouger alors qu’elle se voyait coupée dans son élan. Quoi qu’il en soit elle resta tout près de l’embouchure, jetant un œil à l’extérieur afin de l’aider à vérifier que rien ne les attendait. Et lorsque le signal pour elle arriva, la naine fit un pas à l’extérieur, scrutant les alentours. Ils ne perdirent cependant pas de temps à détailler les moindres recoins, par soucis de ne pas perdre d’avantage de temps. Alors la naine recouvrit machinalement sa tête de sa capuche, comme si celle-ci pouvait lui offrir un confort ou même un protection et emboita le pas derrière Dori. Elle le suivait de près, plaçant toujours la totalité de sa confiance en lui. Elle restait la plus discrète possible, comme si chaque brindille qu’elle écrasait en passant pouvait sonner comme un cor à travers la forêt. Elle espérait que cette mésaventure ne rende pas Dori réticent à l’accompagner la prochaine fois qu’elle voudrait retourner dans la forêt, car même si elle avait quasiment systématiquement ce genre de soucis ces temps-ci, ça ne retirait rien en elle cette volonté d’aller chercher ce dont elle avait besoin pour les autres, pour ses remèdes – danger grandissant ou pas. Elle avait beau ne pas faire la maline à cet instant, elle savait que de toute manière elle regretterait amèrement sa vie sur son lit de mort si elle était constamment restée dans son petit confort.

Puis, à mesure qu’ils progressaient dans la forêt, le calme revenait. C’était certes tendu mais ça l’était bien moins que lorsqu’ils avaient fini leur course dans cette grotte et c’est sans plus de crainte qu’elle constatait qu’ils avaient laissé le cadavre de leur collègue profaner la terre de son sang. Dori s’arrêta un instant pour observer l’orc décapité, visiblement pensif. Il était alors clair pour la naine qu’il se répétait les mots qu’ils avaient entendus et du coup elle en venait à présent à s’en poser elle-même alors qu’elle entreprenait de le fouiller. Elle extirpa alors une arme, qu’elle gardait volontairement en plus de la sienne pour finir le trajet puisqu’il semblerait qu’ils soient loin d’être en sécurité même en restant proches du royaume nain. Elle ne trouva sur lui rien d’autre qui aurait pu les mettre sur une piste, soupçonnant ses camarades d’avoir pris cette précaution avant de les poursuivre. Elle se redressa, adressant un regard à Dori en soupirant.

« Ne restons pas là… »

Le moment n’était pas choisi pour poser des hypothèses ou même d’y réfléchir, car la route à faire était encore assez longue et il restait probablement quelques orcs dans les parages. Il était même incertain qu’ils n’en recroisent pas puisqu’ils se déplacent généralement à plusieurs.

Les questionnements les plongèrent à nouveau dans le silence, attentif à la nature évoluant autour d’eux qui trahirait rapidement une présence non désirée. C’était dérangeant, oppressant, Raeryan haïssait cette sensation où elle n’a pas le contrôle de ce qu’elle fait et que tout peut arriver. Elle avait souvent parcouru ce coin de la forêt avec ses collègues guérisseurs, les nains y investissaient également beaucoup mais pour la première fois depuis de longues années, Raeryan avait cette impression qu’ils avaient perdu du terrain et les traces d’orcs ici et là la rendait inconnue.

Au bout de quelques minutes de marche, alors que tout semblait s’être calmé, Raeryan égarée dans ses pensées fut ramenée à terre par un bruit suspect provenant de derrière elle. Son cœur se serra alors que les deux trois pas qu’elle faisait étaient mécaniques, priant pour qu’elle soit devenue complètement folle et que ce bruit rauque ne soit là qu’une illusion. La naine tendit la main vers Dori alors qu’il marchait toujours devant elle et ne semblait pas avoir entendu. Elle avait voulu l’interpeller mais un cri assourdissant l’obligea à faire volte-face, ainsi elle vit deux orcs dont l’un arrivait à toute allure sur elle, l’arme brandie en l’air. Ecarquillant les yeux alors qu’il arrivait bien trop rapidement, la naine tituba et planta maladroitement sa lame en plein milieu du front de celui-ci, éclaboussant son visage diaphane de sang. Il ne s’était peut être pas attendu de voir une naine répliquer et avait sous estimé sa défense même si pour cette fois ça avait surtout été un bon réflexe puisqu’elle avait été prise de court. Quoi qu’il en soit il avait été bien trop orgueilleux et ce qui en fut sa perte. La naine planta son regard dans  celui de la créature des ténèbres au moment ou toute vie le quittait, il tomba lourdement à ses pieds et l’obligea à prendre du recul lorsqu’il s’y étala, mort. Elle se doutait d’avoir visé juste mais la panique avait fait qu’elle priait pour que cela suffise. Affolée, la naine se retourna afin de vérifier que Dori avait lui aussi triomphé.

Cela semblait évident. Ils allaient tout deux devoir rendre compte de leur découvertes au suzerain des montagnes bleues. Dori espérait que Thorin puisse les éclairer à ce sujet et peut-être les rassurer même si un regroupement d’orc n’avait rien d’apaisant. Au fond de lui, le marchand savait pertinemment que ça sentait mauvais mais encore fallait-il que ça vaille la peine de s’y intéresser. Avec un peu de chance, les rejetons de Morgoth se rassemblaient pour castagner un peu d’elfe. Ironiquement, ça pourrait presque rendre service aux nains, si tant les orcs ne possédaient pas cet appétit inassouvi d’annihiler tout peuple. En plus d’avoir échapper au pire, ils avaient été témoin de révélations d’une importance capitale. Si les nains n’étaient pas réputés pour leur discrétion, les orcs les battaient à plate couture. Quelle bande d’idiot. Se risquer à dévoiler leur plan à gorge déployée si près du domaine des nains c’était digne de l’intelligence sous développée de ces êtres répugnants. Leur erreur leur portera certainement préjudice.

Figée de terreur, la forêt s’anima de nouveau. Les éléments se réveillèrent et déjà le vent propagea les sinistres rumeurs à travers les bois. Les arbres frémirent et les oiseaux s’affolèrent. Cette renaissance en force n’arrangeait en rien le moral de nos deux nains constamment sur le qui-vive. Dori était inquiet, c’était évident mais cette aventure n’avait en rien altérée à sa volonté de protéger Raeryan ou même de s’aventurer hors des bois. Le monde extérieur, il le connaissait plutôt bien, en tout cas mieux que la plus part des autres nains. Il n’allait pas s’enterrer parce qu’une escouade d’orc en surnombre risquait de lui tomber dessus. Un guerrier devait savoir combiner la force à la stratégie. De plus, si l’on faisait un bilan de la situation, c’était plutôt positif. Raeryan avait trouvé sa fleur curative, ils avaient survécu et avaient avec eux de précieuses informations. Ce n’était pas si mal finalement.

Dori était plongé dans ses songes. C’est à peine s’il avait remarqué ce joli capuchon rouge détrousser le cadavre pestiféré de l’orc. Raeryan ajouta l’arme de l’orc à son arsenal. Sage décision. On n’est jamais trop prudent. De toute évidence, elle ne servirait plus au mort alors autant la recycler à bon escient. Ils leur restaient encore pas mal de route avant de rejoindre leur foyer et le risque d’être à nouveau confronté à ces chiens galeux n’était pas à exclure. La fouille de Raeryan se révéla peu fructueuse et étrangement, Dori éprouva un certain regret à le voir mort. Vivant et soumit à la question, il leur aurait été plus utile. Il le fit rouler avec son pied laissant le cadavre dévaler la pente et s’enfouir sous un tapis de feuille. Tel était la seule sépulture qu’un être de son espèce méritait. Au conseil averti de Raeryan, Dori affirma du menton d’un air entendu et tout deux remontèrent sur leurs propres pas en direction du royaume des nains.

Leur présence dérangeante en ces lieux tumultueux n’apaisait en rien l’atmosphère. Les terres qui étaient les leurs se voyaient piétiner par des créatures abjectes comme si elles pouvaient revendiquer des droits dessus. Le puissant et honorable peuple des nains avait-il à ce point perdu de leur autorité ? Cette seule pensée hérissa le poil de notre nain déjà bien grincheux depuis leur fâcheuse rencontre avec les orcs. Sa garde baissée, il ne se rendit pas compte que Raeryan s’était arrêtée, interpellée par un mouvement et un bruit alarmant. Ses maints efforts pour détourner Dori de ses pensées furent un échec et cette faiblesse irresponsable de la part du gardien engendra le pire. Une cavalcade dans son dos le fit finalement réagir, comprenant que le calme établi depuis tout à l’heure venait d’être rompu par une deuxième vague d’assaillant. Avant même qu’il n’est pu comprendre ce qui se passait, le cœur de Dori loupa un battement quand il vit que Raeryan était en mauvaise posture. Par chance, les réflexes de la jeune femme ne manquaient pas spontanéité. Elle venait de régler le compte au plus intrépide des deux orcs, logeant la pointe de sa lame dans la boîte crânienne du monstre. Cette peur avait entraîné dans le flot furieux de ses veines un sentiment enragé, comme si tout son sang bouillonnait d’un seul coup tel un volcan en fusion. Dans sa colère, il fixa intensément l’orc qui fonçait naïvement vers lui et alors qu’il s’apprêtait à se jeter sur le nain, Dori se décala juste à temps et dégaina son épée. Il porta son coup en tournoyant sur lui-même, sa lame fendant les airs avec appétit. L’orc se vautra à terre à deux reprises. Le tronc de son corps dissocié de sa partie inférieure toucha le sol en premier. Des infusions importantes de sang visqueux et noirâtre souillèrent en abondance le sol terreux. L’orc était salement amoché, mais il survivrait. Sans ses jambes, l’idée de s’enfuir lui était désormais inconcevable et pour Dori, seul la langue et les connaissances de l’orc avaient de l’importance. La créature se traîna au sol tel un serpent, arrachant l’herbe à pleine poignée. Sans scrupule ni même de pitié, Dori écrasa le moignon ensanglanté droit de la créature qui se mit à gémir immédiatement.

- Je me tiendrai tranquille si j’étais toi. Tes bras n’ont pas plus d’intérêt pour moi que tes jambes.

Grogna t-il. Dori rejoignit Raeryan, traînant ce qu’il restait de son otage. Il l’obligea à se tenir immobile en le maintenant sous sa botte. Il s’empressa d’ausculter la jeune femme qui paraissait tétaniser. Comme il s’en voulait d’avoir aussi bêtement baissé sa garde. Il n’osa même pas imaginer ce qui se serait passer si Raeryan avait été blessée ou même pire, tuée, par ce vermisseau. Il l’a prit aussitôt dans ses bras, s’excusant à maintes reprises et remerciant les dieux de l’avoir épargné. Il se maudit intérieurement pour cette faute impardonnable. Cette naine était bien plus pour lui qu’une simple amie ou partenaire. Elle était l’image, l’emblème de la présence féminine qu’il lui avait toujours manqué. Qu’on lui avait arraché... La place qu’elle occupait dans son cœur n’était pas vraiment claire, lui-même ignorait le sens réel de son attachement pour elle. Tout ce qu’il savait, c’est qu’il aurait offert jusqu’à sa vie pour sauver celle de Raeryan et ce sans la moindre hésitation. Le lien qu’ils entretenaient était aussi pur qu’un joyau brut. D’un geste attentionné, il débarbouilla le visage maquillé d’horreur de la naine en lui restituant ainsi toute sa beauté. Le chaste sourire qu’il afficha chercha un instant celui de Raeryan sur ce visage effrayé mais très vite Dori se culpabilisa et ploya le menton, honteux.

- Vous n’auriez jamais dû vivre cela si je m’étais montré digne de la confiance que vous aviez placée en moi. Je comprendrai qu’à l’avenir, vous préfèreriez vous passer de mes services…

Pendant ce temps, l’orc estropié attendait toujours, agonisant et soumit à la botte du nain, témoin d’une scène dont il se serait volontiers passé xD !

Lorsque Raeryan fit volte-face en abandonnant ce qui fut son adversaire un court instant, elle eu de temps de voir Dori dégainer son épée pour frapper l’orc. Celui-ci s’étala lamentablement au sol à son tour, mais c’était sans surprise en réalité puisque Dori est très bon guerrier. Il n’avait cependant pas touché ces points vitaux, très certainement dans le but de le ramener pour lui faire subir un petit interrogatoire. L’adrénaline la paralysait encore, au aguets quand à l’éventualité qu’il y en ai d’autres jusqu’à ce que Dori revienne vers elle pour vérifier que tout allait bien de son côté. Les bras dans lesquels elle se retrouva soudainement furent accueillants et chaleureux, Dori avait eu le bon geste pour évincer instantanément toute trace de panique qui crispait l’expression de Raeryan. Elle l’enlaça également afin de le remercier  et de lui montrer que désormais cet épisode était passé, qu’elle n’en avait quasiment plus aucun ressentiment puisqu’il y avait eu plus de peur que de mal fait. Lorsqu’il mit fin à cette étreinte, d’un geste il retira les tâches de sang qui avaient sali son visage, et la tension s’en trouvait complètement effacée ainsi comme si tout cela n’avait jamais eu lieu. Malgré cela, elle le vit s’emplir de regrets, le menton bas et les yeux fuyants. Dori s’excusait platement pour ce qu’il venait se passer, en écho aux précédentes pensées de Raeryan qui avait également eu peur qu’il ne souhaite plus l’accompagner. La naine était alors rassurée de constater que ce n’était pas le cas et que l’un comme l’autre ils ne désiraient pas que ce genre de conflit naisse. Sans plus attendre de mots de sa part, la naine secoua la tête négativement pour l’épargner de plus de remords inutiles et qui n’auraient jamais de raison d’être de toute manière.

« Rien de tout cela Dori… » Lui répondit-elle doucement

Cherchant à rassurer le nain, Raeryan pressa les mains de ce dernier ainsi qu’il l’avait fait plus tôt pour calmer l’angoisse qu’elle avait pu vivre dans cette grotte. Un large sourire ravivait le visage de la naine, qu’elle lui offrit sans la moindre retenue. Elle se sentait parfaitement en sécurité à ses côtés et avait même pu lui montrer qu’il lui donnait bien assez d’assurance pour oser finalement ficher une lame en plein dans la tête d’un orc.  Lorsqu’elle arriva à accrocher le regard du nain, la guérisseuse étouffa un petit rire. Non, elle ne s’imaginait pas sa vie ici sans bénéficier de sa bienveillance, sans voir cette petite moue qu’il lui affichait bien souvent et sans sa compagnie tout simplement. Leur complicité lui était très précieuse et c’était ainsi avec beaucoup de naturel qu’elle avait pensé à lui pour la chaperonner le temps d’une sortie à l’extérieur. Il n’y avait qu’à voir avec facilité il avait neutralisé cet orc qui gesticulait comme un ver désormais privé de ses jambes alors qu’un seul coup d’épée avait suffit au nain pour en arriver à bout.

La naine accorda un regard à l’orc qui hésitait entre geindre de douleur et tenter de reprendre le contrôle de la situation en essayant d’attraper Dori. Mais le pied de celui-ci le maintenant au sol lui rappelait la position minable dans laquelle il se trouvait qu’il le veuille ou non. Et lorsqu’il saisit qu’il était sujet de l’attention des deux nains il se mit à grogner, poussant probablement d’innombrables jurons à leur égard dans sa langue d’origine.

« Nous allons pouvoir le ramener celui-ci !! Vous avez bien fait !!» Dit à elle à Dori dans un large sourire comme pour le féliciter.

La guérisseuse s’éloigna de Dori sans trop se rapprocher de l’orc afin de vérifier que les mutilations qu’il avait méritées le garderaient tout de même en vie jusqu’à ce qu’ils atteignent les portes du royaume nain. Le constat fut rapide, de ses regards experts elle pouvait prédire qu’il perdait beaucoup de sang et le fait de le trainer n’arrangerait pas les choses à moins de lui apporter quelques soins. Elle était impressionnée par la précision dont avait fait preuve Dori alors que dans l’empressement elle n’avait pas eu d’autre choix que de viser au hasard ; Même si le hasard avait bien fait les choses puisqu’il n’était plus qu’un cadavre de plus au sol.

« Ne me touche pas femelle !! » Cracha l’orc en voyant ce capuchon rouge être trop attentif à son égard.

Raeryan ignora les menaces de la créature et se baissa vers lui, gardant toujours ses distances, puis elle leva les yeux vers Dori en lui adressant un petit signe de la tête qu’il comprendrait certainement. Elle avait besoin qu’il le maintienne pour qu’elle puisse lui appliquer un remède qui ralentirait l’hémorragie et qui leur permettrait de le ramener bien vivant auprès de leur peuple. Raeryan adressa un sourire moqueur à l’orc qui comprit bien vite ce qu’ils étaient sur le point de faire, car l’idée de se retrouver prisonnier des nains ne l’enchantait manifestement pas. Lorsque Dori réussi à le maintenir immobile, la guérisseuse s’approcha doucement de lui. Elle bloqua avec brutalité l’une des jambes de l’orc sur son genou tandis qu’elle s’occupait de ce qu’il lui restait de jambe de l’autre côté. La naine déchira un pan du bas de sa robe, il n’y avait pas besoin de grand-chose mais c’était nécessaire pour permettre au remède d’agir. Elle improvisa ainsi des garrots et utilisa un des remèdes qu’elle gardait toujours dans sa besace au cas où sur la blessure de l’orc. Ce dernier gesticula de plus belle mais sans pouvoir faire le poids face à la force de Dori bien évidemment. Il  sentait probablement les premiers picotements dus aux plantes que contenait le remède. Quoi qu’il en soit il fit rapidement effet et les plaies commencèrent à cicatriser sans pour autant supprimer la souffrance –bien méritée - que cette amputation lui avait provoquée. Ceci fait, la naine se redressa, les poings sur les hanches et remonta le regard vers Dori.

« Avec ça, il devrait tenir !! »

Non belliqueux, Dori n’engageait généralement pas le combat, bien loin de l’idée de vanter ses aptitudes de guerrier à la première occasion. Aussi bon duelliste qu’il était, il préférait amplement la diplomatie au conflit, sauf cas majeur. D’une, ça manquait cruellement de civilité pour le nain qu’il était et de deux, cela risquait de mettre en péril sa tenue et sa coiffure tirées toutes deux à 4 épingles. Il n’oubliait pas pour quoi il s’était engagé aujourd’hui, il en avait accepté toutes les conditions et s’était même préparé à d’éventuels problèmes mais en général, notre dandy préférait abuser de son pouvoir sur ses tendres et délicieux biscuits sucrés qu’il avait plaisir à plonger dans l’eau bouillante d’un thé. A la camomille s’il vous plait. Peut-être se remettrait-il de cette aventure autour d’une tasse de thé en rentrant. Mais avant cela, ils devaient tout deux reprendre la route du royaume et faire part de leur découverte à leur Roi. Thorin devait savoir.

Pour en revenir aux conflits, s’il ne les déclenchait pas en revanche il le terminait. S’il y avait bien un nain dont il ne fallait ni sous estimer la force ni le tempérament, c’était bien Dori. Ses nerfs étaient solides mais trop échauffés, il était comme une bombe à retardement prêt à vous exploser au coin de la figure et dans cette situation là, il était inutile d’essayer de le raisonner. Rien n’aurait pu retenir son bras. Premièrement parce qu’on n’épargne pas un orc mais surtout parce que la vie de Raeryan en dépendait et que l’espace d’un instant, cette vie dont il avait la responsabilité s’était retrouvée irrévocablement menacée. Le danger s’était annoncé et avait désigné la naine de son doigt inquisiteur se permettant ainsi d’envahir sa zone de confort. Comment pouvait-on même se permettre de la détailler d’un mauvais œil ou d’émettre silencieusement une pensée négative à son sujet ? Evidement qu’une excursion à l’extérieur n’avait rien d’une promenade de santé, particulièrement ces derniers temps mais Dori était son protecteur et jamais, jamais le grand œil du danger n’aurait dû l’intimider. C’était lui la cible, lui qu’il fallait viser, lui qu’il fallait abattre et neutraliser et certainement pas sa douce protégée. Il s’était juré de ne plus jamais faillir, de ne plus jamais voir un proche mourir devant ses yeux sans qu’il n’ait pu le sauver. Il le devait, à la mémoire de son père.

La pression que Raeryan exerça sur ses mains ainsi que ses paroles permirent à ses lèvres de retrouver le chemin d’un sourire qui réchauffa à la fois son cœur et chassa ses mauvaises pensées. Il en aurait eu le cœur brisé de perdre la confiance de son amie et se serait certainement perdu lui-même. Notons qu’il n’était pas d’un naturel très positif, alors digérer un tel échec lui aurait été horriblement difficile. Bien sûr, il avait ses frères sur qui compter mais comment assurer leur sécurité s’il ne tenait pas sa promesse faite à la jeune femme ? Heureusement, tout ceci n’était que le fruit de son pessimisme et n’était en rien véridique. L’attitude de Raeryan le lui démontra très nettement et c’est le cœur léger, libéré de toute pression qu’il soupira profondément. Son rire léger incita le sien à le rejoindre un bref instant. Une fois de plus, elle avait su le guider, l’apaiser en cet instant de détresse dévorante qui s’emparait de son esprit. Ses mains n’étaient pas les seuls instruments de guérisons dont elle disposait, ses mots avaient le pouvoir de panser bien des maux eux-aussi.

Leur attention se reporta alors sur l’orc retenu captif sous le pied lourd du nain. Son faciès changea du tout au tout quand ses yeux aussi bleus et acérés qu’une opale de feu bleue écorchèrent le désigné en question.

- S’il refuse de parler, nous l’y forcerons.

Dori l’avait plutôt bien amoché à vrai dire. Il n’avait pas eu le temps de réfléchir, son épée avait fendu l’air et c’était tout. La colère qui l’avait envahit à ce moment ne l’avait pas non plus incité à la clémence. Ces créatures le répugnaient. Pas seulement pour leur aspect physique repoussant mais pour ce qu’elles inspiraient et faisaient naître dans l’âme des gens. Rencontrer un orc, ça vous change l’existence et vous déshumanise. C’est comme si vous étiez marqué par sa propre malveillance. Tel un poison mortel, il s’infiltre en vous éveillant ainsi vos plus mauvais et sombres côtés. Et c’est à cet instant, alors que vous perdez le contrôle de vous-même et que votre conscience s’endort dans une léthargie latente, que le monstre en vous se révèle. Vous en tuez un puis deux et enfin vous y prenez goût. La torture vous excite, vous le dominez. Vous ignorez les limites et vous vous laisser choir dans le déchéance en essayant vainement de soulager votre conscience pour vos actes. Après tout ce se sont que des orcs, des nuisibles tel des rats, non ? Les exterminer c’est rendre service au monde ? C’est venger ceux qui n’ont pu l’être ? Mais vous dans toute cette histoire, où vous positionnez-vous ? Depuis quand le meurtre est devenue une noble cause ? Ils sont l’engeance du mal et pour ceux qui les auront côtoyé, les responsables du chaos occasionné dans leur vie.

A contre cœur, Dori laissa Raeryan dispenser ses soins sur les blessures qu’il avait infligé au rejeton de Morgoth. A l’approche de la guérisseuse, la vipère cracha son venin verbal à son attention. Il n’en fallu point d’avantage pour que Dori le correctionne avec un bon coup de tatane dans la mâchoire. Un craquement se fit entendre. Oups. Même si ça lui coûtait de l’avouer, le nain espérait ne pas lui avoir fracturer la mâchoire auquel cas les soins sur sa personne allait devoir se prolonger. Cette idée le répugnait. Voir les dons de Raeryan « offert » à cet infecte parasite non méritant, c’était un véritable gâchis. Pourtant, le rafistoler un temps soit peu était la seule solution. Dori échangea un regard entendu avec Raeryan. Elle s’était débrouillée avec ce qu’elle avait eu à disposition et c’était largement suffisant. Inutile de s’inquiéter davantage pour son sort. Sans doute la souffrance qu’il subissait devait lui servir de leçon et lui faire regretter son geste stupide en osant s’attaquer à un nain de Durin. Soit, son existence était scellée et il en avait lui-même décidé ainsi. Dori bâillonna l’orc prenant garde de ne pas se faire mordre et attrapa ce qu’il restait de lui pour le caler sur son épaule. Quand celui-ci se montrait quelque peu turbulent, un coup sur ses blessures lui remettait les idées en place.

- En route, on a un colis à livrer.

Avoua t-il sur un ton cynique. Restant méfiant, les sens en alerte, ils continuèrent tout deux leur chemin à travers les bois, réduisant à chaque foulée la distance qui les éloignait de leur royaume souterrain. Dori avait hâte de revenir. Il avait besoin de ses frères, besoin de lire la tendresse dans le regard d’Ori et de se prendre une remarque désobligeante par Nori, simplement pour savourer le plaisir d’être rentrer et d’avoir retrouvé son quotidien. Ils étaient parti la matinée mais pour Dori cela lui parut être une éternité, comme un voyage aux confins de la Terre du Milieu.

Quittant la forêt à mesure de leurs pas, Raeryan suivait Dori de près, l’aidant à maintenir l’orc tranquille le temps d’arriver au royaume nain des Ered Luin. Il se débattait encore, puisant dans les faibles ressources de force qu’il lui restait encore. Ces bestioles là sont coriaces, la naine peinait à le maintenir complètement immobile et avait dû s’y reprendre à plusieurs reprises pour le garder complètement sous son emprise. Il avait gesticulé et juré à l’encontre des nains durant tout le trajet mais ces deux derniers semblaient avoir souhaité l’ignorer afin de se concentrer sur le chemin du retour. Ainsi le silence les avaient regagné jusque là, dans le souci de ne pas trainer d’avantage. Ils avaient eu beaucoup de chance alors il ne fallait pas non plus trop tenter les ténèbres en prolongeant leur séjour dans la forêt. Raeryan suivait ainsi la cadence imposée par Dori, le pas pressé, le regard fixé sur l’horizon dans l’attente de revoir les montagnes se dessiner au travers des arbres. Elle ne pensait même plus à regarder de temps à autres par-dessus son épaule pour vérifier qu’une mauvaise surprise ne leur tomberait pas encore dessus, après tout ils s’étaient suffisamment éloignés pour que la tension redescende.

Avant qu’ils n’entrent, la naine stoppa la marche, obligeant ainsi Dori à faire de même en l’interpellant.  Puisqu’elle n’aurait probablement pas l’occasion de le faire après être rentré, elle souhaitait profiter de l’avoir encore ici.

« Je vous remercie de m’avoir accompagnée et de m’avoir protégée. » Fit-elle dans un sourire

Leur sortie en dehors des portes des nains avait été fructueuse, puisque Raeryan avait sa précieuse plante tout comme ils rapportaient de quoi donner des nouvelles des orcs. Mais simplement le fait d’avoir accepté de venir avec elle l’amenait tout naturellement à le remercier en accompagnant ces quelques mots avec un large sourire qu’elle estompa en baissant la tête, l’inclinant poliment. Elle le remercierait d’avantage un peu plus tard, en l’invitant à souper très certainement ; pour le moment ce serait suffisant. Ceci dit, elle reprit la cadence de la marche qu’ils avaient avant qu’elle ne l’interrompe, à quelques pas seulement de leur destination.

Puis, en passant les portes du royaume, ils furent rapidement assaillis par des nains chargés de la sécurité.  Ces derniers s’en prirent à l’orc pour le saisir de sorte qu’il soit inoffensif dès lors qu’il était entré ici. Ce genre de chose n’arrivait jamais ; du moins pas assez fréquemment en plein jour pour que cela ne provoque pas un mouvement de foule et les positionne directement dans une situation délicate. Les nains ignoraient encore la raison de sa présence ici mais les conditions étaient bien réunies pour que l’on pense qu’ils aient complètement perdu la tête. Alors, les nains accordèrent de lourds regards interrogateurs aux deux autres responsables de cette intrusion. Raeryan observa les nains qui les entouraient et se rapprocha instinctivement de Dori en cherchant un peu plus de sécurité. Sur le coup, et puisque l’attention était désormais braquée sur eux, la guérisseuse avait craint les représailles. En particulier à cause de sa folle aventure quelques jours auparavant alors qu’elle s’était aventurée seule en dehors du royaume, et comme si cela n’avait pas suffit voilà qu’elle rapportait un orc. Elle avait conscience que ses sorties à l’extérieur soient quelque peu sous tension ces derniers temps, mais elle avait tout fait dans les règles cette fois-ci et avait choisi un très bon protecteur quoi qu’il se dise.

« Qu’est ce que cela signifie ?! » Fit l’un d’entre eux qui s’était avancé pour leur demander des comptes.

La question avait été inévitable mais la sévérité du nain gênait soudainement Raeryan envers Dori. En effet, elle ne souhaitait pas leur laisser moyen d’imaginer quoi que ce soit alors qu’il l’avait vaillamment défendue et protégée au péril de sa propre vie. Il avait agi comme un véritable ange gardien et s’en voudrait de le voir jugé aussi sèchement. Ainsi, la naine éleva la voix, avant que toute faute inexistante ne lui soit rejetée.

« Nous avons été surpris par des orcs, Dori nous as défendus et en se cachant nous avons pu entendre leurs conversations... »

Dans le silence qu’elle avait soudainement imposé, la naine dirigea alors son regard vers Dori, lui adressant un bref sourire comme si elle avait attendu l’approbation de ses dires avant de continuer ;

« Ce dont ils ont parlé pourrait grandement vous intéresser, et cet orc pourra le confirmer… »

Les regards des nains se firent d’avantage curieux, effaçant là toute trace d’une colère latente envers les deux nains qui revenaient au royaume. Ils comprirent donc bien vite l’intérêt qu’ils avaient eu d’en ramener un en vie alors qu’elle avait su résumer la situation en quelques mots seulement. Et puisqu’ils étaient en un seul morceau l’un comme l’autre, ils ne virent probablement plus l’utilité de leur adresser ces regards noirs.

L’orc donnait du fil à retordre à Dori. Turbulent, il s’agitait de tout côtés, rongeait à la fois par la haine et la douleur que cette situation occasionnait. Le nain savait pertinemment que s’il en avait l’opportunité, l’orc lui aurait fait payer cet affront de la pire des façons possible. Il connaissait ses créatures et savait de quoi ils étaient capables. Ça se lisait dans son regard vitreux. Un profond sentiment de malveillance, primitif et mauvais dansait avec insolence dans ses prunelles reptiliennes. L’horreur tordait son visage donnant un aperçu de la rage qui habitait la créature. A combien s’élevait l'atrocité des actes qu’il avait accompli dans son existence ? Combien de visage arborait aujourd’hui l’expression qu’il empruntait à cet instant ? Bien des victimes du fléau des orcs dérivaient en perdition dans le chaos et la désolation sans espoir de rédemption. Le détenu se mit à gindre, à pester sous son bâillon, méprisant la naine qui le dominait aisément en vu de sa position. Cet imbécile n’arrangeait en rien sa situation puisqu’à chaque fois qu’il gesticulait, il mettait en péril les fébriles pansements que Raeryan s’était évertuée à maintenir sur ses plaies béantes et vraiment moches. Les bruitages incessants de l’orc agonisant les accompagnèrent tout au long du chemin qui leur restait à parcourir pour retrouver leur domaine. Impossible pour le duo d’entretenir la moindre discussion calme, le tapage de l’orc rendait cette idée impossible. Pourtant, il y a bien des choses que Dori aurait aimé témoigner à Raeryan. Des choses pour lesquelles il n’avait pas toujours les mots et que le sentiment de peur avait éveillé en lui. Les mots que l'on n'a pas dits sont les fleurs du silence. Cette escapade périlleuse lui avait fait prendre conscience de l’importance que représentait la guérisseuse à ses yeux. Oh, elle occupait une place privilégiée dans son cœur, comme il accordait à peu de personne mais là, aujourd’hui, cette certitude étincelait d’évidence. Même s’il ne laissait rien paraître, cette sortie l’avait beaucoup remué autant physiquement qu’intérieurement. Tout ce dont il aspirait désormais, c’était de retrouver son calme et sa sérénité autour d’une tasse revigorante de thé en compagnie de sa protégée. Ils l’avaient plus que mérité.

- Chez nous…

Dori reconnaissait les pierres familiales qui constituaient la façade de leur demeure. Il sentit comme un courant d’air bienfaiteur circuler en lui à cet instant. Ils étaient enfin rentrés et certainement pas les mains vides. Le plus dur restait à venir car espérer passer la garde en cette étrange compagnie risquait de corser les choses. Alors qu’ils s’apprêtaient à emboîter le pas vers les portes, Raeryan les stoppa aussitôt dans leur élan. Instinctivement, Dori accusa les alentours d’un éventuel et nouveau danger mais il n’en fut point le cas. Ca aurait été surprenant. En vérité, il s’agissait simplement de Raeryan et de sa soudaine volonté à témoigner affectueusement sa gratitude à son fidèle défenseur. Il y avait tellement de reconnaissance sincère dans ces quelques mots que Dori en fut aussitôt saisi. Il n’y avait là aucune raison de le remercier, il avait agit comme l’aurait fait n’importe quel guerrier de valeur avec des principes. C’était son devoir et il l’avait rempli comme le digne nain qu’il était. Qui plus est, ces instants privilégiés en compagnie de Raeryan étaient toujours de purs moments de bonheur où leur complicité se retrouvait. Il lui adressa un chaleureux sourire. Ne comprenait-elle donc pas que le plus heureux des deux en cet instant était Dori ? La confiance inébranlable qu’elle lui accordait avait plus de valeur que n’importe quel trésor et il en était l’heureux détenteur. C’était plus qu’il n’espérait. Alors qu’elle ployait dignement son visage en signe de profond remerciement, Dori se permit d’égarer sa main sur son menton afin de le lui relever doucement. Sa barbe était douce et soyeuse, presque plus que la sienne, ce qui le fit sourire quelque part au fond de lui mais cette pensée n’avait pas sa place en cet instant. Il noua de nouveau son regard plein de sagesse dans celui si candide de son interlocutrice prolongeant encore un moment cette entretient silencieux.

- Ce fut un honneur Madame. Si l’occasion de vous venir en aide se présentait une nouvelle à fois, je n’hésiterai pas un seul instant à vous porter assistance. Appelez moi et j’accourrai.

Ce n’était pas à elle de ployer le visage mais à lui. Il détendit quelque peu cette atmosphère si sérieuse avec un peu d’humour.

- Sauf si c’est l’heure du thé…

Sur cette petite note légère, ils s’avancèrent tout deux au niveau des portes du royaume et les traversèrent, l’orc toujours posté sur son épaule et qui semblait s’être enfin fatigué de lui-même. Il était temps car l’épaule de Dori commençait à sérieusement à s’échauffer sous le poids et les mouvements du monstre estropié. Il ignorait ce qui lui rentrait ainsi dans la chair, mais c’était douloureux. Sans doute un morceau de métal de l’armure fendue de l’orc. Aucune idée. Ce détail ne fut pas le seul à énerver notre noble nain qui se retrouva, avec Raeryan, rapidement encerclé par la garde royale. Presque naturellement, il se plaça devant elle, imposant. Ils eurent la brillante idée de s’emparer de la créature, soulageant ainsi Dori de ce poids mort mais il n’empêche que leur attitude demeurait irritante. Il ne pouvait pas directement leur en vouloir, après tout leur réaction était plus que justifiée, cependant il comptait bien s’expliquer. Des regards curieux s’amassèrent autour d’eux afin de s’arracher la moindre information sur ce qui se tramait. Comme des abeilles ouvrières qui transportent le pollen, les commérages fusaient déjà. L’un des gardes porta sur Raeryan un regard lourd en reproche, comme s’il s’attendait presque à la voir mêlée à se genre de conflit. Comme attendu, ils passèrent tout deux sous la question. L’agressivité dans le timbre du garde s’écrasa tel la foudre sur nos deux aventuriers mais Raeryan ne comptait visiblement pas se laisser dévorer toute crue, défendant vaillamment sa position. Dori ne pu qu’affirmer les dires de la jeune femme intrépide qui ne manquait pas de cran devant les forces armées. Son attitude assurée le fit sourire.

- Alors, vous comptez attendre que les trompettes du jugement dernier vous résonnent dans les oreilles ou vous nous faites entrer ? Je désire une audience avec Thorin, ce que nous avons à lui faire part est d’une importance capitale et je ne pense pas que cet orc ait toute l’éternité devant lui. Deux choix s’offrent à vous, faites le bon.

Dori s’était affirmé sur un ton plutôt sec et rugueux. Sa patience avait des limites et bien qu’ils ne faisaient que leur travail, cette plaidoirie ne leur faisait perdre que du temps. Un temps précieux et compté pour l’orc blessé. Le nain demeura silencieux un instant, réfléchissant un instant sur ce qu’il devait faire puis finalement soupira.

- Très bien, suivez-moi je vais voir ce que je peux faire. Vous là ! Il désigna deux de ses camarades Avec nous et emmenez ce rat geignard !

Dori se retourna vers Raeryan. Tout s’arrangeait finalement mais le plus inquiétant restait à venir. Qu’allait leur apprendre ou du moins daigner leur avouer l’orc ? Dori craignait le pire comme toujours et ce dont il avait été témoin n’avait rien de très rassurant à première vue. Son attention se porta alors sur la fleure, cette merveilleuse petit miraculée pour laquelle nos deux nains avaient risqué le pire pour s’en emparer. Blottie dans le refuge chaleureux des mains de Raeryan, la plante ne craignait absolument rien. Sa beauté n’avait d’égale que ses incommensurables vertus curatives mais aux yeux de Dori, la fleur qui valait encore plus la peine qu’on se sacrifie pour elle, c’était Raeryan. Plus rare et délicate en ce monde, il n’en n’existait point. Elle était unique, la première d’une espèce en voix d’apparition qu’il devait par tous les moyens préserver de la cruauté et la laideur du monde. Comme un papillon à l’imprudence fatale et perdu parmi les lions. Prenant une longue inspiration, il invita Raeryan à le suivre. C’est ainsi que notre petite troupe singulièrement hétérogène défila dans tout le royaume souterrain non sans attirer bien des regards sur eux. Des gardes, Raeryan la guérisseur, Dori le marchand et…un orc ? Les gémissements de se dernier alarmèrent les moins habitués des nains qui se réfugièrent dans leur demeure. Après avoir traverser bien des couloirs et gravit de nombreux escalier sinueux, ils arrivèrent enfin devant les imposantes portes qui gardaient la salle du trône. On leur demanda de patienter un instant pendant qu’ils allaient en informer le souverain. Une minute défila, puis deux et enfin cinq. Dori pivota, hésitant, en direction de Raeryan. Il savait que ce n’était pas vraiment le moment mais…maintenant qu’ils étaient seuls à patienter, il profita de l’occasion pour se lancer.

- Raeryan…J’avais espérer vo…

- C’est bon, le roi va vous recevoir.

Surprit par l’intervention du soldat, Dori renonça à en dire plus et se contenta de sourire en soupirant. Sa phrase défila alors silencieusement dans son esprit.
« J’avais espéré vous inviter à partager une tasse de thé en ma compagnie afin de me racheter auprès de vous mais il semblerait que ce nigaud ait mal choisi son moment pour revenir ! »

Il ne fallut pas plus d’attente pour Dori et Raeryan avant d’être invités à entrer et avoir droit à une audience avec le Roi. Sans doute qu’à l’annonce de la présence d’un orc captif au sein du royaume nain avait suffit à Thorin pour mettre de côté ce qu’il faisait et aller voir de quoi il en retournait là où il était demandé. C’était du moins bien assez rapide pour que Dori n’ait pas le temps de finir sa phrase, alors qu’interpellée, la naine s’était retournée vers lui. Le soupir du nain arracha un sourire à la naine. Désolée, elle posa sa main sur son bras pour le rassurer. Ils auraient bien tout le temps de discuter après cela, elle y veillerait.
Raeryan emboita alors le pas derrière Dori, suivant la marche et attendirent là où on les convia a patienter. Puis, lorsque la silhouette familière du roi fit son apparition, Raeryan baissa la tête, saluant ce dernier avec le plus grand respect. Il ne leur adressa pas la parole, sans grande surprise puisque là n’était pas l’objet de leur visite. En relevant le menton, Raeryan analysa le regard de Thorin, y distillant dans cette froideur, toute la haine qu’il éprouvait à l’égard des orcs. Dori et Raeryan furent invités à s’asseoir, leur faisant part par ce geste de la volonté du roi quant à leur présence ici. Après tout, ils étaient ceux qui l’avaient ramené. Sans attendre, la naine prit sa place aux côtés de Dori et observa ce dernier dans un réflexe. Quelques secondes en trop suffirent cependant à ce qu’elle croise son regard, troublant aussitôt Raeryan qui étira un sourire et détourna les yeux en ne s’étant pas attendue à ce qu’il fasse de même. Le temps d’un silence, elle s’était demandé, ce qu’il avait bien pu vouloir lui dire juste avant qu’ils n’entrent et qu’il ne soit interrompu. Elle était toutefois heureuse, en se remémorant soudainement les paroles qu’il avait prononcées à l’extérieur en lui proposant son assistance pour les prochaines fois où elle aurait besoin de se rendre en dehors du royaume pour cueillir des plantes médicinales.

« Gundabad ? »

La voix de Thorin transperça le calme, Raeryan observa la scène en ayant arrêté de jouer machinalement avec un pan de sa cape. Les regards des nains s’étaient assombris, Gundabad était depuis longtemps abandonnée mais ne ressassait dans leurs cœurs que de mauvaises choses. Mais il y avait désormais cette éventualité d’un rassemblement d’orcs, au vu de leurs nombreuses allées et venues et de ce que la conversation entre les orcs dans la forêt avait laissé supposer. A priori, pour Thorin, cela semblait être aussi clair que du cristal, et il ne fallut pas plus longtemps pour que les pensées de la guérisseuse se tournent vers leur futur départ pour Erebor. Une telle nouvelle pourrait compliquer leur tâche, du moins en sachant que les orcs ne se baladaient pas sans but ces derniers temps. Raeryan se pinça les lèvres, demeurant muette de tout commentaire tandis que l’orc répliqua en crachant aux pieds du Roi. La naine fronça les sourcils, envahie de dégout d’un tel geste envers Thorin. Un des nains de sa garde le récompensé d’un coup dans la tête, qui l’obligea à s’écraser en lui arrachant un gémissement rauque. Il s’était vendu, à travers cet acte de mépris tout comme par son manque de réponse verbale, approuvant le questionnement de Thorin malgré lui. Et puisqu’il s’était retrouvé coincé, forcément, il en vint aux menaces, trouvant là son seul moyen de tenir tête au roi des nains ;

« Qu’est ce que tu penses pouvoir faire nain ?! Tu n’as rien, tu n’as plus rien ! »

La créature s’emporta sur ces mots dans un rire moqueur et désagréable, résonnant contre les murs de pierre mais bien vite écourté par le même garde qui lui infligea à nouveau un coup sur la tête. Il avait glacé le sang de la naine, ses mains se crispant sur ses genoux alors qu’elle l’aurait volontiers battu pour ce qu’il venait de dire. Elle était toutefois perturbée par ce premier fait, se demandant si cela avait été évident pour tout le monde ou s’il y avait l’espoir que cela soit encore qu’une mauvaise blague. Raeryan se pencha aussitôt vers Dori, dans le but de lui murmurer quelques mots  et lui demander son avis;

« Gundabad ? Est-ce à cela que vous aviez songé ? »

L’inquiétude ternissait ses yeux clairs, le départ des nains allait s’annoncer bien plus préoccupant que prévu pour elle. Autant pour la préparation que le temps de savoir le moment où elle serait couronnée de succès. Un dragon était déjà bien assez suffisant pour qu’en plus de cela s’ajoute des orcs de plus en plus présents sur la Terre du Milieu.

Durant un bref instant, fugace, cette forme de courage qu’il avait jusqu’alors admiré de loin, s’était enfin présentée à lui. Il ne s’était jamais senti aussi disposé que maintenant à s’ouvrir à la jeune femme à ses côtés qui n’avait eu de cesse de faire naître des sentiments jusque là, inconnus, chez le noble guerrier. C’est vrai, toute son existence, il ne l’avait consacré qu’à ses jeunes frères leur offrant toute l’exclusivité de sa personnalité et de ses sentiments. D’aussi loin qu’il s’en souvienne, il ne se rappel pas une seule fois s’être accordé un seul instant à lui ni même de s’être livré à des émotions nouvelles. Rien n’aurait pu le détourner de son seul objectif, rien sinon Elle peut-être… ? Oh, il ne s’agissait pas là de sortir le grand jeu, non, mais simplement passer un agréable moment en sa compagnie sans qu’il ne faille s’attendre à une attaque d’orc. Ils avaient eu leur lot d’aventure rocambolesque pour la journée, Dori s’était imaginé la terminer sur une note plus paisible. La fatalité en décida autrement. Néanmoins, il eut suffit de cet attouchement plus léger qu’une plume sur son épaule, pour que le marchand retrouve le sourire et l’espoir.

A dire vrai, pour le moment, seul l’intérêt des nains importait et ce qu’ils pourraient tirer de cet orc captif. A commencer par espérer qu’il daigne dire la vérité et non inventer un pur tissu de mensonge, dans le seul but de perturber la quiétude des habitants des Montagnes Bleues. Les lourdes et imposantes portes s’ouvrirent laissant ainsi le cortège pénétrer dans la pièce. Dori avait grande hâte de s’expliquer et de justifier ainsi à son roi la présence indésirable de cette abomination dans leur demeure. Dans sa bienveillance, Thorin quémanda deux sièges pour celle qui avait guérit tant de maux et celui qui serait bientôt son compagnon de route. Avec cette habitude qui ne le lâchait pas, Dori s’espousseta un instant avant de prendre place, adressant à son roi un mouvement de tête qui assurait qu’ils allaient tout deux pour le mieux. A part quelques frayeurs, ils pouvaient s’estimer chanceux que ce soit l’orc qui soit tombé entre leurs griffes plutôt que nos deux aventuriers dans celle des rejetons de Morgoth. Qui sait quel sort ils leur auraient réservé ? Il y a parfois des états pires que la mort…A cette sombre pensée, il ne put s’empêcher de détourner son regard, tout à coup cerné de tristesse, vers Raeryan. Quel être assez fou pourrait envisager de lui prodiguer le moindre mal ? Cette seule idée faisait saigner le cœur du marchand. Cette manœuvre d’attention prit au piège la belle naine quand celle-ci décida de joindre son regard à celui de Dori. Comme surprise en flagrant délit d’une bêtise enfantine, le médecin se détourna aussitôt. Dori aurait pu apercevoir ce léger trouble dans les yeux de Rae s’il ne s’était pas volontairement aveuglé lui-même à sa douce contemplation. Quitte à se brûler les yeux, autant que ce soit en fixant cet astre insaisissable. Se faire du mal, c’est tout ce qu’il pouvait récolter s’il continuer à caresser l’espoir qu’un jour, elle puisse ne serait-ce qu’une seconde, réellement le remarquer.

Gundabad ? L’ancienne place forte du roi sorcier d’Angmar ? Mais bien sûr, tout devenait logique. En plus de demeurer un point stratégique pour l’ennemi, cette forteresse était et demeure toujours l’ancienne armurerie des orcs, là où ils forgeaient leurs armes de guerre au temps jadis. Ainsi donc ils préparaient bien une rébellion sinon dans quel intérêt s’évertueraient-ils à se rendre là-bas, contournant toutes les autres régions scrupuleusement surveillées ? Dori saisit un instant son menton, caressant d’un air songeur sa barbe nacrée. Cela n’annonçait rien de bon. Combien d’orcs s’étaient déjà aventurés là-bas et combien d’autre pourraient encore s’y rendre si les nains ne réagissaient pas ? Que le captif le confirme ou non, son air renfrogné et son arrogance en disait long sur la piste que Thorin avait flairé. Mais alors qu’est-ce que c’était que cette fameuse « Forteresse » dont avait parlé le leader de l’escouade ? Quand Raeryan sollicita son attention, Dori pivota légèrement, toujours à demi plongé dans ses songes tout en remuant le menton en guise de réponse.

- Non…Mais j’aimerai en apprendre plus sur cette « Forteresse ».

Dori s’adressa à l’orc d’un ton étrangement posé, presque courtois.

- Ton compagnon a mentionné une « Forteresse » dans laquelle « le Maître » vous attendrait ? Qu’as-tu à dire ?