Rohan, il y a plusieurs semaines, à la limite avec la forêt de Fangorn
Merwyn était à la chasse. C'était un moment où il pouvait se détendre, penser à ce qui s'était passé ces derniers temps pendant le mois où il était au Rohan. Après être arrivée à la fin de son périple avec Aisling, la jeune peintre, et l'avoir accompagnée jusqu'au premier lieu sûr où il savait qu'elle était en sécurité, le mage était parti, comme toujours, à la recherche de son bâton. Rohan, au bord d'Isengard était un bon endroit pour commencer, savoir ce que Saroumane était en train de faire après tout ce temps passé loin de l'Est où il l'avait abandonné, laissé pour mort. Pallando avait disparu et le mage blanc, chef proclamé des Istari, semblait avoir bien des réponses. Mais il était hors de question pour Merwyn de se présenter à son ancien allié. La méfiance était encore de mise.
Il restait discret donc, restant toujours un peu en dehors des villes comme un rôdeur qui se promènerait sur les plaines du Rohan, n'allant en ville que pour glaner quelques informations, sans se faire avoir par les rumeurs qui jasaient tout autant qu'au Gondor. Au moins, il ne passerait pas des mois inutiles comme auparavant.
Malgré tout, Merwyn n'entendit pas parler de son bâton, ou d'aucun artéfact magique que le mage blanc aurait pu enfermer dans sa tour. Soit Saroumane était très discret quant au fait qu'il ait le bâton du mage bleu, ou alors il ne l'avait pas, et Merwyn se devait de continuer de chercher. Et même s'il était resté bien longtemps aux bords d'Isengard comme un éclaireur, pour tenter de voir ce que faisait l'autre Istari, il n'en apprit rien du tout. C'était peine perdue, et à moins que Merwyn ne vienne se présenter directement à Saorumane, il savait bien qu'il n'aurait aucune réponse. Et bien sûr, croyant que Saroumane s'était détourné de leur mission, Merwyn n'avait aucune envie de venir toquer à sa porte.
C'est pourquoi il envoya un faucon à une vieille amie de Lórien et était bien décidée à aller la voir. Galadriel n'aurait pas toutes les réponses, peut-être que la Dame de la forêt n'en saurait même rien de plus, mais Merwyn savait qu'elle serait de bon conseil comme elle l'avait toujours été. Et vu comme ils avaient travaillé ensemble dans l'ombre des champs de bataille pour protéger son peuple comme celui des Orientaux, il savait bien que l'elfe savait se faire discrète, mais surtout était une personne de confiance.
Ainsi il se dirigea vers la forêt de Fangorn, surtout parce qu'il la connaissait terriblement bien et savait qu'il y trouverait assez de gibier pour lui permettre de tenir une bonne partie de la route et atteindre Lórien. La distance était grande et ce n'était peut-être pas le chemin que la plupart choisiraient, mais Merwyn se sentait bien mieux en forêt que partout ailleurs et sans cheval pour l'encombrer, il savait qu'il arriverait à avancer bien plus vite que la plupart des humains.
C'est ainsi qu'en cette journée merveilleuse, il suivait les traces d'un cerf qu'il avait aperçu deux jours plus tôt. Il l'avait suivi à ses traces et savait qu'il se rapprochait de sa cible. Les traces devenaient plus fraîches, la bête commençait à se fatiguer, et surtout, était revenue aux bords de la forêt alors qu'elle s'y était enfoncée un jour plus tôt.
Le vent semblait aussi être avec lui, soufflant son odeur au loin dans les arbres, l'animal ne pouvant alors pas le sentir arriver. Merwyn avait déjà son arc en main, marchait doucement sans bruit, presque d'une façon surnaturelle (les elfes et les hobbits vous diront que rarement ils n'auront pas entendu le bruit d'un homme arriver, mais Merwyn n'était pas un homme et Oromë lui avait bien apprit à rester silencieux) apercevant à nouveau les bois de la bête à travers les feuillages dans lesquels elle tentait de se camoufler. Elle s'était arrêtée, pour manger tout simplement, un peu de repos dans cette fuite alors qu'elle était persuadée s'être débarassée du chasseur qui la suivait sans relâche.
Grave erreur.
Merwyn prit une flèche, sans bruit, se posa fermement sur le sol et banda son arc, visant le coeur. Inspira. Relâcha la flèche. Expira.
La bête se mit à tressauter dès que le bout de la flèche se logea en elle, perçant alors une de ses artères et la faisant s’exciter. Elle sauta plusieurs fois, puis se mit à courir, suivie alors de Merwyn qui décocha tout de suite une autre flèche, touchant ainsi la cuisse du cerf, le faisant ralentir. La bête trébuche, crie, brise la flèche dans son flanc, puis hurle, haletant.
En quelques foulées, Merwyn la rejoint, s'agenouille doucement à ses côtés, prend sa tête dans ses mains et la caresse doucement, rassurant le cerf dans ses derniers instants, avec tout le respect qu'il a apprit à donner aux animaux. Il sort doucement sa dague, calme le cerf qui halète toujours, qui sent la douleur dans son corps.
« Shhh, là, là. »
Une dernière caresse, et il lui plante le couteau dans le cou, abrégeant ses souffrance. Il entend son dernier souffle, voit la vie s'échapper de ses yeux. Elle arrête de bouger, et Merwyn donne une dernière caresse à sa terre, donnant une prière à Oromë pour la bête qu'il a chassé deux jours durant. Alors il commence son travail : la dépecer, utiliser toute la fourrure de la bête qu'il peut. Il transformera une partie en habits, vendra probablement le reste. Il découpe la viande que lui offre la bête, prenant tout ce qu'il peut, utilisant chaque chose qui peut être utilisé : ses bois, sa chaire, sa peau, ses entrailles.
C'est un travail long et Merwyn le sait, mais ses gestes sont méthodiques. Autant il aime la chasse, autant il ne le fait pas que par pur plaisir, ne se permettant pas de tuer un animal s'il ne peut pas utiliser tout ce qu'il peut lui apporter. Il sait que la bête lui apportera de quoi manger, mais aussi un cadeau pour Galadriel -les bois- et de quoi vendre à la prochaine ville et de quoi s'habiller. Il sait que sa besace pourra tout porter, mais aussi qu'il trouvera à Fangorn les herbes qu'il faut pour conserver la viande durant son voyage.
Absorbé par son travail, Merwyn n'en devient cependant pas moins attentif. Et des bruits de brindilles cassés le font se relever quelque peu de son travail, les mains encore ensanglantées il attrape son arc, prépare une flèche et attend.
Quelqu'un s'approche. Et il espère pour ce quelqu'un qu'il sera assez intelligent pour ne rien tenter contre le chasseur, qui semble toujours plongé sur sa bête. Car sinon, il risque bien de se prendre une flèche en plein thorax.