Une fête explosive [PV: Elinà]

Rares… Non, très rares sont les fois où je pousse mes pas jusque Bree, à la lisière du pays des hobbits. En réalité, je ne sais pas réellement pourquoi je ne vais jamais par ici, ou plutôt, si je le sais que trop bien : loin, très loin, de l’autre côté du pays des semi-hommes se trouvent les Havres Gris, où vivent les Teleris, une race d’elfes aux cheveux rouges comme le soleil qui se noie à l’horizon avant que la nuit ne prenne ses quartiers sur le monde. Là-bas, et en ce lieu uniquement, les elfes sont encore capables d’influencer le bois pour que la magie qui vit en chaque être reste même une fois l’arbre coupé. Et, en ce seul endroit, les miens sont capable de fabriquer ces bateaux magiques qui peuvent nous conduire jusqu’aux Terres Immortelles d’où est issue la race des elfes. Valinor. Quelques fois j’ai l’impression que rien que le fait de prononcer ce mot à proximité de moi me donne envie de partir. J’ai besoin… non. Je n’ai pas envie, mais je commence depuis quelques temps à ressentir l’appel de cette aventure sans retour. Parfois, mes rêves me conduisent en cet endroit étrange, à observer des paysages qui me sont totalement inconnus. Cependant, lorsque je m’éveille, je me rappelle de pourquoi je suis ici, de pourquoi je ne suis pas encore partie. Même si je sens dans tout mon être que l’âge d’or des elfes est terminé, ou presque terminé. Bientôt, nombre des nôtres partiront, et la race des elfes deviendra une légende dans le souvenir des hommes. Mais, ce n’est pas grave. Nous existerons toujours, quelque part, dans notre terre natale.

Alors, voilà pourquoi je ne vais que rarement du côté de Bree. Voilà pourquoi j’essaie d’esquiver cet endroit. Mais, une missive m’a conduite là-bas. On demandait un guérisseur expérimenté pour tenter de sauver la vie d’une fillette tombée d’un arbre sur la tête, et plongée dans une sorte de sommeil étrange. J’ai donc été envoyée là, et après quelques jours de soins, j’ai réussi à réveiller la jeune fille et à la soigner. Maintenant, elle est en convalescence, et le maire de Bree m’a conviée à un feu d’artifice des semi-hommes. J’en ai maintes et maintes fois entendu parler, et c’est avec plaisir que j’ai accepté de passer cette soirée dans le pays des hobbits. Je crois que depuis que cette race est née, je n’ai jamais mis les pieds dans leur pays. Alors me voilà, me rapprochant dangereusement des Havres, même s’ils sont encore lointains.

Installée sur l’arrière d’une charrette, je m’allonge, seule au monde, oubliée de tous pour observer le ciel pendant que mon guide s’éloigne pour discuter avec son homologue chez les hobbits. Je laisse durant de longues minutes les paillettes multicolores inonder mes yeux, et telle une enfant j’oublie tout le reste du monde. Enfin, pas exactement tout, car au milieu de la fête, une explosion, puis des cris retentissent à quelques mètres de moi, et je me redresse, surprise.

- Qu’est ce qu’il se passe ?

De l’aide ? On appelle à l’aide ? Je saute du chariot, m’approchant de la source de l’explosion, tombant sur un hobbit qui semble avoir pris l’explosion en pleine tête. Mon regard se pose sur lui et je m’agenouille, l’attrapant par l’épaule, essayant de voir malgré la nuit qui nous entoure s’il est blessé ou pas.

- Calmez vous. Racontez moi ce qu’il s’est passé.

C’est alors qu’à la lueur du feu qui consume le chariot, je remarque une ombre sur le sol, et je relâche celui qui me parle, un peu paniqué, pour m’approcher de l’autre, visiblement blessé. Ma main se porte à ma sacoche de guérisseuse, et je fouille dedans pour sortir un cataplasme qui va me permettre de nettoyer le front sanglant de mon petit patient.

- Trouvez moi une torche… Ou fabriquez en une pour que je voie ce que je fais.

Oh par Illuvatar, faites qu’il ne soit pas trop grièvement blessé…

Autour de moi tout le monde était en train de courir dans tous les sens. Des dizaines de petits hobbits minuscules qui s’enfuyaient du lieu de la fête, alors que le feu prenait là où les hobbits avaient fait exploser les feux d’artifice. Je serais certainement partie aussi s’il n’y avait pas eu cette petite silhouette qui sautillait dans tous les sens et qui appelait à l’aide. Alors, je n’ai pas hésité et je me suis dirigée vers lui, lui demandant ce qu’il se passait. En cet instant, autour de moi, il n’y avait plus rien du tout, rien d’autre que mes deux petits patients et la voix du hobbit paniquée qui me débine tout ce qu’il s’est passé dans les moindres détails, sans pourtant me donner réellement ce dont j’ai besoin. En fait, il fallait avouer que son babillage était en train de me donner presque le tournis, car il y avait trop d’informations mélangées les unes avec les autres. C’est pour ça que je lui demandais avant toute chose de se calmer, et de respirer un peu. Mon regard vert plongé dans le sien, je penchais la tête pour lui demander de me raconter l’accident, comme il semblait avoir été aux premières loges. Un sourire rassurant sur les lèvres, je l’écoutais rapidement, avant de soupirer un coup. Ils étaient tout proches, certes, mais ils étaient encore entiers. Du coup, il y avait encore une chance. Plusieurs, même.

- Allons, ne vous en faites pas. Je vais les soigner. Il y a beaucoup de sang, certes, mais je ne pense pas que ce soit très grave. Généralement, c’est plus grave quand il n’y a pas de sang que quand il y en a.

Rassurante. Voilà un des termes qui pouvait généralement me désigner. Enfin, pour le coup, c’était peine perdue, car le hobbit semblait ne pas m’écouter. Mes yeux se levèrent vers le ciel et mon sourire devint légèrement amusé. En fait, comme pour toutes les races, les hobbits ont cette tendance à paniquer lorsqu’ils sont face à une situation de crise. Et, c’était ce genre de situation que j’avais appris à gérer auprès de Maitre Elrond, depuis des centaines d’années déjà. La première leçon avait justement porté sur la panique qu’on pouvait ressentir lorsqu’on est dépassé par les évènements. Il m’avait mise face à un véritable carnage et avait croisé les bras, me demandant ensuite de commencer à soigner ces gens. J’avais vite réalisé qu’à vouloir tout contrôler et tout voir, j’avais perdu tous mes moyens. Et, alors il était entré en action, avec calme et simplicité. Mon regard emplit de larmes l’avait vu recoudre les plaies avec une dextérité qu’à l’époque, je pensais ne jamais atteindre. Mais, près de deux millénaires ont passé depuis, et aujourd’hui, je suis moi aussi capable de ces prouesses.

C’est pour ça qu’en ce moment-là, avec ce hobbit paniqué à mon côté, je décidais d’ignorer tout simplement ce qu’il pouvait dire et cette panique qui émanait de lui. Là, ce n’était pas bon. Il n’y avait rien à faire de bon pour moi en l’écoutant. Mon esprit se tourna tout simplement vers le premier de mes petits patients, et je déchirais le bas de ma robe, faute d’avoir du coton sous la main pour éponger le sang qui coulait de son visage. Je repérais rapidement la plaie à la tempe et en quelques points, je la suturais. Voilà une bonne chose de faire. Je sortis ensuite des herbes de mon sac, cherchant des yeux une source d’eau pour fabriquer un cataplasme. Cependant, il n’y avait rien à proximité, et je réalisais qu’éloigner mon jeune hobbit – qui n’était peut être pas si jeune que ça – serait certainement une bonne idée, même si ce n’était que pour quelques minutes.

- Voulez vous bien aller me trouver de l’eau pour que je puisse les guérir ? C’est urgent si vous voulez qu’ils survivent.

Autant essayer d’attirer un peu son attention, parce que là, j’avais l’impression d’avoir un troisième patient, vu la panique qu’il montrait. Pendant qu’il répondait, je m’approchais de l’autre petite victime pour l’ausculter, mais là encore, il n’y avait pas à s’inquiéter. Les plaies n’étaient que superficielles.

Les hobbits. Un sourire monte à mes lèvres alors que je secoue lentement la tête de droite à gauche. Ils sont tout petits, comme des enfants, et parfois, j’ai l’impression qu’ils réagissent comme tel : des enfants pour l’éternité, bloqués éternellement dans… "Une cage. Rester derrière des barreaux jusqu'à ce que l'usure et l'âge les acceptent et que toute forme de courage ait disparu irrévocablement." Ce sont des enfants, mais leur cœur est bien plus gros et bien plus emplit de courage que tout le reste du monde. Quelques fois, j’ai envie de dire que les hobbits sont les héros de demain.

Pourtant, quand je le vois paniquer comme ça à mon côté, j’ai envie de l’éloigner pour pouvoir me concentrer sur mes petits patients. Alors, je le pousse à aller me chercher de l’eau, et il part en courant. Pendant ce temps, je soigne totalement le premier hobbit. Il est hors de danger. Il est totalement hors de danger, et l’autre n’a aussi que des blessures superficielles. La seule chose qui m’inquiète maintenant, c’est qu’ils soient inconscients. Je pose donc mes doigts sur la tempe du second hobbit et je ferme les yeux pour laisser mon don envahir mon cœur. Je laisse mon don me guider et je vérifie que tout va bien pour lui. Qu’il n’y a pas de saignement dans la tête, de chose que je ne peux pas voir. Mais, tout va bien. Tout est en ordre. Alors que je me penche sur l’autre hobbit, mais à ce moment là un cri retentit à côté de moi et je me retourne vers le charriot. Zut. Tellement que j’étais concentrée pour soigner les deux hobbits, je n’ai pas remarqué ce qu’il se passait autour de moi. Levant les yeux au ciel, je peste un instant en elfique avant de me saisir du hobbit le plus proche du charriot. Il est temps de partir de là.

Je me concentre sur ce qu’il se passe autour de moi, avant de finalement choisir de m’approcher de la rivière. Je pense que nous pourrons la suivre tout à l’heure pour aller nous mettre à l’abris. Mais, la première chose qui m’intéresse c’est de sauver mes deux patients. Je dépose donc le hobbit à côté de l’eau, puis je reviens en courant vers le charriot qui semble vraiment sur le point de s’effondrer. J’attrape par l’épaule Bilbo qui semble vouloir éteindre le feu, et je l’arrête.

- Allez veiller votre camarade, à côté de la rivière. Nous ne pouvons rien faire, il faudrait plus de monde… Plus de seaux. Je ramène l’autre, et nous pourrons les trainer en sécurité, vers le village. Je suis certaine que vos compatriotes doivent être morts d’inquiétude.

Je me saisis donc du second hobbit et je le porte jusqu’à la rivière, sans vérifier si Bilbo m’a obéit. Par pitié, faites que je n’ai pas de troisième patient… Je ne saurais pas m’y retrouver dans ce déluge de feu. J’ai besoin d’un guide.

Un sceau, deux sceau, mon jeune hobbit courre dans tous les sens, et moi je commence à tourner en rond. Parce que je n’ai réellement pas l’intention de rester là, avec mes patients en danger. Alors, je m’éloigne. Loin de ce feu qui gronde aussi fort qu’une bête féroce, et qui est au moins aussi dangereux qu’un dragon en rut face à une femelle sans défenses. Parce qu’un incendie, ça gonfle, ça roule, ça grogne et si on n’y fait pas attention, si on ne le maitrise pas. Il faut l’apprivoiser, comme un chat sauvage, lui donner des limites.

J’ai donc, il y a quelques minutes, déposé le premier hobbit sur le bord de la rivière, et indiqué à mon inconnu de rester à proximité du second hobbit endormi. Cependant, je ne perds pas de temps et je m’éloigne dans l’autre sens pour aller chercher le second hobbit. Je dois faire un détour, car le feu se répand petit à petit. Et puis, enfin, je tombe sur mon blessé, que j’attrape dans mes bras pour me diriger vers la rivière, après un second détour, pour éviter une nouvelle vague de flammes. Mais, je ne connais pas énormément l’endroit où je me trouve. Les contrées des hobbits ne sont pas un endroit où je m’arrête souvent. Et, je suis perdue. Je suis perdue dans un coin que je ne connais pas avec un hobbit blessé dans les bras. Mon regard recherche un endroit, où s’accrocher, une silhouette qui pourrait m’indiquer dans quel sens porter mes pas. Au bout de quelques secondes, j’aperçois un mouvement sur ma gauche, vers l’amont de la rivière, et je m’y dirige. Là, je retrouve enfin mon petit hobbit, en train de crier sur l’autre qui est sorti de son évanouissement. Un sourire monte à mes lèvres. Bien. Très bien même.

- Allons, calmez-vous mon ami.

Je pose ma main sur l’épaule du hobbit qui saute dans tous els sens de colère, un rire montant à ma poitrine. Personne n’est mort. Certes, ça aurait pu. Certes ça se serait sûrement passé si je n’avais pas été là. Mais, je suis là. Je suis là et je suis bien contente de l’avoir été. Mes lèvres restent fixées sur un sourire, mais je me tourne néanmoins vers le farceur, déposant l’autre à côté de lui.

- Vous par contre, il faudrait songer à faire attention à quelles bêtises vous faites. J’ai déjà deux elfes à réparer toutes les semaines quand ils vont jouer trop près des orcs, je ne veux pas avoir deux hobbits sur ma liste d’habitués.

Je ne leur jette pas la pierre, cependant. Je n’ai pas l’impression d’avoir mon mot à dire, dans tous les cas. Parce que c’est une chose qui ne me regarde pas, et que les peuples ne doivent pas réellement interférer les uns avec les autres. Je me penche vers mon petit aide de camp, et je lui tends la main droite.

- Avec toute cette histoire, nous ne nous sommes mêmes pas présentés. Je m’appelle Elinà.

Mon nom de famille ? Je n’en ai pas. Enfin, si. Descendante de Celebrimdor, je devrais me présenter sous le nom Celebrimdorillion. Mais, c’est trop long. Et, je ne suis pas réellement du genre à vanter mes origines. Non, vraiment. Etre une simple guérisseuse, c’est parfait.

Cette admiration dans les yeux de mon petit hobbit… C’est décidément une chose à laquelle je ne m’habituerai jamais. Parce que… Si certaines races nous trouvent étranges et rares, pour moi… Je ne suis que moi. Qu’une simple demoiselle dont le cœur aimant a choisi de se tourner vers la guérison. Un rire monte à ma poitrine, cependant. De la chance ? Oui, peut-être ont-ils eu de la chance. Mais, moi aussi j’en ai eu. Parce que je suis, ainsi, devenue amie avec un hobbit. Enfin, peut être que je m’avance un peu… Parce que, l’amitié, ça prend du temps non ? On ne peut pas être amis comme ça. Enfin. Un incendie, ça créée des liens, non ?

- Enchantée, alors, petit Bilbo. Mais, je suis certaine que vous vous en seriez très bien sortit vous tout seul, voyez-vous. Vous avez l’âme courageuse. Cela se voit au premier regard.

Mon sourire se fait distant. Car, si je n’ai jamais oh grand jamais eu le moindre don de vision du futur, quelque chose me dit que ce hobbit, il n’est pas comme les autres. Si j’avais su qu’il descendait de Belladona Took, et donc du Grand-Père Took dont on m’a autrefois parlé, alors peut être que j’aurais compris pourquoi il me semblait différent de ce qu’on m’avait dit des hobbits. Les hobbits, voyez-vous, n’aiment pas les aventures. Ils aiment rester chez eux, bien au chaud. Ils aiment manger toute la journée, et ils prennent eux même la fuite devant le moindre changement, le moindre danger. Loin de moi l’idée de les considérer comme étant des poltrons. Non. Leur courage est différent de celui des autres races. Placé différemment, certainement.

Mais. Le dernier petit hobbit s’éveille à son tour, et je m’agenouille à son côté pour l’observer, plonger mon regard pensif dans le sien et ausculter sa tête. Je termine aussi le pansement de celui-là, qui semble ne pas vouloir rester en place. Qu’ont donc tous les patients à vouloir se lever trop vite, partir en courant et oublier donc que le mont se doit de tourner rond avant de vouloir avancer en carré ?

- Non, c’est parce qu’il s’est levé trop vite. Restez assis, vous.

J’appuie sur les épaules du hobbit avant de me tourner vers mon petit bilbo, un sourire sur le visage. Je secoue lentement la tête de droite à gauche en l’observant, droit dans les yeux, mon regard si vert plongé dans le sien. Je soupire un coup cependant et puis…

- Voulez vous que je vous examine ? Vos compagnons vont parfaitement bien. Quelques jours de repos et leurs plaies seront refermées. Il n’y aura pas d’autres séquelles qu’une petite cicatrice. Mais, si vous pensez avoir respiré de la fumée, alors je risque de devoir rester quelques temps dans les parages…

Je voyais bien que mon petit hobbit hésitait. Je voyais bien qu’il avait du mal à décider s’il était suffisamment mal pour que je l’examine, et cela me tira un petit sourire. Parce qu’au fond… Au fond, les hommes sont tous les mêmes. J’avais bien compris qu’il était un peu jaloux de l’attention que j’avais portée à ses deux amis, au fond. Parce que, c’était lui qui m’avait alertée, c’était lui qui les avait sauvés, et au lieu de remarquer sa bravoure et de le mettre en avant, je me préoccupais plus des deux autres, blessés. Cependant, il n’eut pas le temps de terminer de peser le pour et le contre qu’un énorme vacarme arriva à mes oreilles. Cette soirée sortie tout droit des griffes de Sauron en personne ne se finirait-elle donc jamais ? Mes mains se portèrent à mes oreilles, alors que je réprimais un cri de douleur. L’ouie des elfes est plus affinée que celle des hommes ou des hobbits, et la douleur qui me vrilla le tympan alors que le son de ces explosions arrivait à mes oreilles me jeta à genoux. Je restais là, quelques secondes, alors qu’une épaisse fumée blanche emplissait mes poumons. La toux violente qui me secoua me donna envie de m’enfuir en courant. Je n’entendais plus que des sons déformés, comme si j’étais sous de l’eau.

Ma main se posa alors sur l’épaule de Bilbo, et je le poussais dans le sens contraire du vent. Après m’être levée, je réitérais la même opération avec les deux autres, les poussant pour sortir de cette purée de poids. Là, et seulement là, je pris le temps de me laisser tomber sur une caisse posée là, portant mes mains à mes oreilles pour tenter d’entendre à nouveau quelque chose. Je fis claquer mes doigts devant mes oreilles, avant de finalement secouer violemment la tête de droite à gauche. Mon regard finit par se poser sur les trois hobbits, et je décidais de me relever.

- [i]Si nous voulons éviter de nous trouver dans plus d’ennuis, nous devons partir d’ici. Nous éloigner… Trouver un endroit où les fusées restantes ne pourront pas nous atteindre.[/B]

Je me mis en route, revenant vers l’attroupement. Vers la cité. Vers le monde. Vers les autres hobbits. Je me sentais mal. Un bourdonnement dans mes oreilles restait constant. Parce que je n’avais pas l’habitude de me retrouver face à ce genre de sons. Je n’avais pas l’habitude de me retrouver avec des bruits violents. Mes oreilles n’ont jamais été faites pour ça.

Alors que nous nous éloignons de l’endroit de l’incendie, j’ouvre la marche, vérifiant dans mon dos tous els trois pas si les petits hobbits suivent. Je ne dois pas oublier qu’avec leur 1m20 à tout casser, et mes près de deux mètres de haut, nos enjambées sont loin d’être les mêmes. Une fois installée dans un coin sans fumée, je recommence à masser mes oreilles, avant de sourire un coup à la question de Bilbo. Je me laisse tomber en tailleurs sur le sol, et je penche la tête sur le côté.

- Il y avait une demoiselle qui était gravement malade à Bree. Je me suis rendue sur place pour lui apporter un peu de mon savoir et de mes herbes, et comme le maire de la ville savait qu’il y avait un feu d’artifice ce soir, il m’a proposé de venir ici, pour l’observer.

Et, il est vrai que c’était une soirée magnifique, jusqu’à l’explosion. Mon sourire s’élargit, et j’observais le petit hobbit, avant de pencher la tête de l’autre côté, surveillant les deux autres hobbits au passage. Ils ne semblaient montrer aucune séquelle de ce qu’il s’était passé, et c’était tant mieux pour eux. Mis à part leurs égratignures, j’entends bien.

- J’étais allongée dans un chariot quand tout a explosé, non loin de vous.

Je regarde autour de moi, un sourire sur les lèvres, et un air de tristesse sur le visage. Même si apporter mon savoir ici m’est quelque chose de réellement agréable, les Terres d’Imladris me manquent. Ce n’est pas très loin de Bree, pas très loin d’ici, et c’est bien pour ça que je me suis rendue ici. Rares sont les voyages que j’effectue depuis quelques années, car… car même si je suis une experte au combat, les orcs n’ont de cesse que d’attaquer les voyageurs isolés. Je refuse que ma mearas se trouve aux prises de ces créatures du malin. Cet animal m’est bien trop précieux pour que je la laisse souffrir.

- Mais, je sors rarement d’imladris depuis quelques années. Les routes sont loin d’être sûres. Vous devriez nous rendre visite, un jour.

Oui, ils ont eu de la chance que je sois là. De la chance dans leur malheur, au fond. La remarque du jeune hobbit me tira un sourire, alors que mon regard vert se pose sur lui, amusée.

- Alors, je ne pourrais que revenir une autre fois pour voir une de vos fêtes dans toute sa splendeur. M’inviterez-vous, Bilbo le hobbit, lorsqu’une telle occasion se présentera ? M’enverrez-vous un carton d’invitation à mon nom ?

Mon sourire toujours fixé sur mes lèvres, j’en reste néanmoins sérieuse. Le monde est ainsi fait que se faire de nouveaux amis est une chose importante, même si ces amis ont parfois une vie bien plus courte que la mienne. Ah, ça, l’immortalité a ses soucis, comme il me semble quasi impossible de me retrouver un jour avec mes amis d’autrefois, tels qu’ils étaient le jour de notre rencontre. Une grande partie sont morts et enterrés depuis des siècles parfois, d’autres sont aujourd’hui devenus si vieux que j’ai bien peur de ne pas réussir à les reconnaitre le jour où je les croiserais à nouveau.

- Et, vous serez toujours le bienvenu en Imladris. Ce n’est après tout pas très loin, à l’est, de l’autre côté de Bree. Si jamais vos pas vous y portent, Bilbo le hobbit, n’hésitez pas à me demander. C’est là que je réside, ces derniers temps.

Un sourire très lointain monte sur mes lèvres, alors que je me rappelle encore une fois la grandeur de cette cité, la majesté dont mes yeux ne réussiront jamais à être rassasiée. Non, vraiment je n’arrive pas à comprendre comment des gens peuvent choisir de partir de cet endroit. Moi, en tout cas, je n’en pars qu’avec le cœur brisé, même si mes pas me renvoient encore et encore à cet endroit comme s’il s’agissait de ma maison. Non, vraiment il st impossible de comprendre pourquoi mon cœur a choisi Imladris, bien plus que la Lorien, qui m’a pourtant vue naitre et grandir, auprès de ma tante et de ce garde d’imladris qui m’a prise sous son aile.

- Oh, parfois, il y faut simplement prendre la décision de vivre une aventure pour commencer à la vivre, vous savez. Il y a tant à voir dans ce monde, tant de choses magnifiques, merveilleuses. Il suffit simplement de mettre un pied devant l’autre et d’avancer pour les découvrir. Vous devriez essayer, dans le futur.

Non, Imladris n’est pas très loin, pas loin du tout. D’un autre côté, il faut juste se décider. Et, quelque chose me disait que Bilbo allait pouvoir vivre des aventures extraordinaires. Je me relève alors, et je souris à nouveau avant de désigner l’autre côté de l’endroit où nous nous trouvons. Car, temps semble venu pour moi de repartir à Bree où je passerais la nuit avant de repartir demain matin vers ma cité.

- Venez, allons rejoindre les autres, mon petit Hobbit.

Ainsi, me voilà invitée chez les hobbits pour la prochaine fête. Mon cœur s’emplit de joie à cette idée, alors qu’un sourire enfantin nait sur mes lèvres. Oh, que j’ai hâte de le voir, ce feu d’artifice, que j’ai hâte de la goûter, cette nourriture des hobbits dont on m’a tant parlé. Oui, rares sont les fois où je me retrouve à considérer la nourriture comme aussi importante que ce que ce que la considèrent les hobbit. Oh, ce sera amusant. Ce sera drôle, et j’ai hâte de me rendre là-bas et de voir toutes ces coutumes dont j’ai si souvent entendu parler sans jamais, malgré mes deux mille huit cent ans, de côtoyer de mes propres yeux.

Alors, j’attendrais votre message, mon ami. Faites-le envoyer à Imladris, la cité d’Elrond, c’est là que je réside le plus souvent. Rares sont les voyages qui m’envoient au loin, depuis quelques siècles… Les routes sont trop dangereuses pour une guérisseuse itinérante, après tout.

Oh, si je le souhaitais, je pourrais prendre des gardes du corps. Ma famille est de noble lignée, descendante d’un roi depuis longtemps oublié par les hommes, mais dont la fin tragique orne encore le passé de notre race. Celebrimdor, mon ancêtre. Alors, je possède un héritage plus que conséquent, plusieurs maisons dans diverses villes elfique et humaines, mais aussi de l’or à ne pas savoir quoi en faire. Alors, oui, je pourrais continuer à voyager, mais quelque part, mon cœur s’est lassé de voir le monde et son malheur. J’ai mal à chaque fois que je vois quelqu’un blessé à cause de la bêtise naturelle du reste du monde, et les maladies qui viennent et reviennent sur les terres du milieu ne sont que des choses étranges et meurtrières. Quelque part, je reste persuadée que mon cœur est trop tendre pour ce monde, mais je ne peux me résoudre à partir au loin. Alors, je me contente de rester là et d’attendre que le moment soit venu pour moi de trouver enfin la voie qui me permettra d’être totalement heureuse.

Peut être même que vous me l’apporterez vous-même, mon petit hobbit, n’est ce pas ? Voilà qui serait une aventure intéressante. Et, peut être que vous n’arriverez pas à repartir d’Imladris. C’est une cité tellement magnifique que mon cœur saigne à chaque fois que je dois m’en éloigner. Ce pays est très beau, même si je ne l’ai que peu vu, mais… A mes yeux rien n’a jamais égalé la splendeur d’Imladris, du moins depuis la destruction de la cité de mon ancêtre, Celebrimdor…

Quelle est donc cette nostalgie dans laquelle je me complais soudainement ? Rares sont les fois où je me retrouve à parler ainsi, avec cette sorte de quiétude étrange qui vit dans mon cœur, cette sorte de recul sur les évènements. Mais, ce n’est pas un drame non plus. Ce n’est pas une chose totalement irrécupérable, comme je continue de sourire. Sourire est ce qu’il y a de plus intéressant dans ce monde, non ?

Un rafraichissement sera parfait. J’aime beaucoup les oranges, mais je n’en mange que rarement.

Je tends une main pour attraper le hobbit par l’épaule afin de l’empêcher de tomber. Mon regard redevient alors rieur, et je secoue lentement la tête de droite à gauche.

Et si vous regardiez devant vous, maitre hobbit ? Je vous promet que je ne disparaitrais pas. En plus, il sera plus facile pour vous de vous retrouver dans la pénombre et de me conduire jusqu’à votre demeure ainsi, non ?

Moqueuse, moi ? Oui, je le suis, parfois. Le plus souvent avec mon cher ami Elladan, et son frère Elrohir. Rares sont les fois où je me retrouve capable de m’impliquer autant dans une nouvelle rencontre. Oui, quelque part, ce hobbit est spécial, et il ne faut pas être devin pour le savoir. Il suffit d’être là et de l’observer, pour voir qu’il aura un destin.

Spoiler:

Il est étrange pour moi de voir une telle admiration dans les yeux du hobbit. Vraiment étrange, en réalité, car je ne suis pas réellement capable d’accepter ce genre de chose. Je n’ai pas l’habitude qu’on me regarde ainsi. L’admiration… Non, décidément ce n’est pas pour moi. Cependant, je n’ai là pas d’autre choix que de le laisser, faire, car je sais parfaitement qu’il serait compliqué de lui faire changer d’avis. J’espère sincèrement que par la suite, nos rapports seront plus fiables, plus stables, plus intimes. Détendus, aussi ? Oh, certainement. Mon sourire sur mes lèvres, je soupire, et je parle. J’en dis trop, peut-être. Parfois, je sais être une bavarde invétérée, incapable de tenir ma langue plus de cinq petites minutes. D’ordinaire, ce mauvais côté de ma personnalité n’apparait que rarement, lorsque je suis avec les jumeaux. Elrohir plus qu’Elladan, je dois l’avouer.

- Celebrimdor, oui. C’est un nom que vous connaissez peut être, car il est important pour ce monde. Il a, autrefois, été l’apprenti d’un certain Annatar et a appris de celui-ci l’art de forger les anneaux de pouvoir. Il en a créé trois : l’un appartient à Dame Galadriel, l’autre au Seigneur Elrond, et le troisième est actuellement au doigt du Mage Gris, en attendant de trouver celui à qui il est destiné, il me semble. Quant à Annatar, cela signifie « le bienfaiteur » mais, vous le connaissez sous un autre nom, bien moins bienveillant : Sauron. Celebrimdor s’est fait duper par celui-ci, puis tuer dans des souffrances que je n’ose imaginer. C’était mon arrière-grand-père, et je suis aujourd’hui la dernière de sa lignée.

Oh, combien ma tante maternelle, dernière personne de mon entourage à être encore en vie, me rappelle que cette vie étrange que je mène, moitié sur les routes, moitié à Imladris en tant que guérisseuse… Tout à fait impossible à ses yeux que je reste oisive, incapable d’accepter cet héritage qui coule dans mes veines. Pourtant, c’est le cas, comme si je n’arrivais pas à considérer que je puisse être importante. Comme si je ne pouvais pas réellement être cette demoiselle de noble naissance, incapable de voir ce qu’elle vaut. Non, je préfère me retrouver là, sur les routes, où je suis simple demoiselle guérisseuse.

Un sourire sur les lèvres, j’avoue ensuite au hobbit que je ne sais pas quel goût les oranges ont, enfin… Si je l’ai su, je ne m’en rappelle plus, car ce fruit est rare en Imladris, et il l’est encore plus dans le Rohan où je passe pas mal de mon temps. Son air déçu me tire un sourire, mais je ne dis rien, me contentant de l’empêcher de tomber sur le sol.

- Et qu’est ce qui change de d’habitude ? Moi peut être ? Je ne vais pas disparaitre, voyons !

Je ris un peu avant de secouer la tête :

- De l’orange sera très bien. Je ne sais même plus quel goût cela peut avoir. Vous m’apprendrez, comme ça.

Par contre, sa question sur la guérison me demande quelques secondes de réflexion. Il y a déjà plus de deux mille cinq cent ans que j’ai choisi de vouer ma vie à cet art, et je ne me rappelle plus réellement comment c’est venu. Au fond, peut être que c’est un tout ? Ou peut-être… Peut-être est-ce dû à ces souvenirs si flou que lorsque le monde est aussi calme que ce soir, lorsque l’orage n’est qu’un lointain souvenir, je ne peux me rappeler réellement de l’ordre des évènements. Peut-être est-ce plus simple. Je ne le sais pas, et au fond je ne suis pas tout à fait certaine de vouloir le savoir.

- Peut être que la guérison était tout simplement mon destin ? Je ne sais pas… J’ai toujours eu le don qui coulait entre mes veines, et le Seigneur Elrond l’a remarqué, je crois. Ou peut être est-ce moi qui suis allée le voir ? Je ne m’en rappelle plus, tout cela est si lointain… j’ai plus de deux mille huit cent ans, vous savez, mon petit hobbit. Les jours et les années se mélangent dans mon esprit lorsque je tente de les appeler à ma mémoire. Certaines choses restent si précises que j’ai l’impression de les avoir vécues hier, d’autres… D’autres sont auréolée d’une brume telle qu’il me semble que ce ne sont que des rêves, aussi éphémères qu’irréelles.

Voilà que je me la joue poétesse, maintenant. Je penche la tête vers le hobbit, un sourire sur les lèvres alors que je grimpe dans le sentier à la suite du hobbit.

- Pourquoi cette question, mon petit ami ?